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La lettre d’Anton

lundi 6 mai 2013 à 19:46

Il était une fois un enfant appelé Anton. Anton vivait dans une famille très pauvre. Le dimanche, la famille se partageait un artichaut et, le reste de la semaine, se contentait de faire infuser les feuilles de l’artichaut du dimanche, ajoutant parfois quelques pissenlits qu’Anton arrachait sur le chemin de l’école.

Le père d’Anton travaillait à l’usine de nettoyage des pièces de monnaie. À la fin de chaque année, son patron le félicitait et lui octroyait une petite prime. Cette prime était intégralement dépensée à l’achat d’un cadeau de Noël pour Anton et d’un repas pour toute la famille.

Cette année, lorsque le directeur de l’usine demanda à le voir, le père d’Anton se demanda s’il achèterait un livre illustré ou des crayons de couleur. Il emballerait le cadeau dans un papier argenté et le glisserait, la nuit, devant la cheminée. Il grignoterait un morceau d’artichaut qu’Anton aurait placé à l’intention des rennes du père Noël puis il irait se coucher, imaginant la joie pétillant dans les yeux de son fils.

Mais le directeur n’avait pas l’air très souriant. Il mâchonnait nerveusement un gros cigare qui sentait mauvais.
— Les nouvelles ne sont pas bonnes, dit-il au père d’Anton. La crise nous fait perdre des intérêts sur les capitaux des placements dérivés. Nous devons améliorer la rentabilité globale. C’est pourquoi, nous enverrons désormais les pièces de monnaies en Chine, où l’usage de gants et de masques n’est pas obligatoire pour manipuler l’acide chlorydrique. Nous devons malheureusement nous défaire temporairement de nos nettoyeurs, jusqu’à ce que le coût du kérosène dépasse celui des masques et des gants.

Le père d’Anton ne sut que répondre. Pour le repas de Noël ce soir là, ils se contentèrent du traditionnel artichaut. Tout la nuit, le papa d’Anton se retourna en tentant d’oublier le regard déçu qu’afficherait son fils le lendemain en ne découvrant aucun cadeau. Puis, pris d’un inspiration subite, il se leva, pris un crayon, une feuille de papier neuve et croqua l’artichaut. Il alla se coucher, rasséréné.

Le lendemain, Anton se précipita hors de sa chambre mais ne trouva, au pieds de la cheminée, qu’une feuille de papier sur laquelle était écrit :

« Cher Anton,

Tu le sais, j’ai tendance à ne faire qu’un seul cadeau par an aux enfants qui ont été sages.

Mais, cette année, tu as été particulièrement sage. Plutôt que de te faire un seul cadeau, j’ai décidé de t’en offrir pour le restant de ta vie.

À chaque fois que tu seras heureux, à chaque fois que ta maman t’embrassera, que ton papa te caressera les cheveux, ce sera un cadeau que je te fais.

Mais à chaque fois que tu te sentiras malheureux, réfléchis. Au fond de toi tu te rendras compte que tu n’as peut-être pas été assez sage.

Sois sage et je te comblerai de bonheur,

Père Noël »

Anton tendit la lettre à son papa :
— Le père Noël m’a écrit. C’est vraiment lui papa ? C’est une véritable lettre du Père Noël ?
— De qui veux-tu que ce soit d’autre ? fit le papa d’Anton.
Tout en souriant, il passa sa main dans les cheveux de son fils. Anton sut alors au fond de lui que la lettre était vraie. Comme pour confirmer son intuition, Maman l’embrassa et lui souhaita un joyeux Noël. Ses yeux pétillèrent de joie.

Mais la crise touchait durement toute la ville. Les intérêts s’effondraient, les bulles explosaient, les actions s’arrêtaient et les options disparaissaient. Toutes les familles se retrouvèrent en difficulté.

Anton se trouvait à l’âge où, dans les cours de récréation, on se met à exercer son sens critique. Untel a surpris ses parents déposant les cadeaux. Un autre se demande comment le père Noël peut passer dans autant de cheminée en une seule soirée. Un troisième calcule la taille du traîneau nécessaire pour transporter assez de cadeaux. Mais Anton parait à tous ces arguments en exhibant sa lettre.

Mis au courant par leurs enfants, les parents trouvèrent que c’était une très bonne idée pour faire des économies en temps de crise ou, comme le gouvernement l’appelait, en période d’austérité. Et comme le papier et le crayon commençaient eux-mêmes à manquer, les parents se contentèrent de répéter un message transmis par le Père Noël en personne qui était venu cette nuit mais n’avait pas voulu réveiller les enfants.

Les parents vieillirent, les enfants grandirent et devinrent, à leur tour, des parents. À chaque veillée de Noël, on expliquait aux plus jeunes comment le père Noël récompensait les enfants sages. Et lorsqu’un enfant plus éveillé que les autres demandait si le père Noël existait, on lui racontait l’histoire d’Anton qui avait reçu une véritable lettre. La copie de cette lettre pouvait être trouvée dans n’importe quelle maison du pays. D’ailleurs, on l’apprenait par cœur à l’école, au grand dam de l’imprimeur qui avait fait fortune en éditant pour la première fois cette lettre.

Dans les universités, des thèses de doctorat furent écrites pour savoir pourquoi Anton avait été choisi plutôt qu’un autre. D’autres affirmaient que si on traduisait la lettre en langage esquimau, qu’on mélangeait les lettres et qu’on lisait ensuite les lettres placées uniquement en position correspondant à un chiffre premier, on obtenait l’adresse du Père Noël. La faculté d’Aéronautique Du Traîneau fit son apparition et forma des générations de chercheurs scientifiques.

Un jour, un étudiant affirma haut et fort qu’il ne pensait pas que le père Noël existait. D’ailleurs, disait-il, nous n’avons plus la moindre preuve de son existence. Dans les temps anciens, il apportait des cadeaux tangibles. Mais ce sont certainement des racontars. Comment aurait-il pu livrer autant de cadeau en une seule nuit ?

Il lui fut rétorqué que s’il ne croyait pas au père Noël, il n’avait aucune raison d’être sage, qu’il serait donc malheureux. Que le fait qu’il lui arrive des évènements heureux était la preuve de l’existence du père Noël. Que cela revenait à traiter ses parents de menteurs pour lui avoir fait croire à quelque chose qui n’existait pas. Que lui, simple étudiant, osait traiter toute la faculté d’Aéronautique Du Traîneau de menteurs ?

Mais que bon, ça le regardait. Que si il voulait, il pouvait ne pas croire et ne pas être sage. On n’allait pas le tuer, on n’est pas chez les platerristes. Mais qu’il était hors de question de le voir au souper de Noël familial ni à la soirée de Noël avec ses amis.

Comme notre étudiant aimait ses parents, sa famille, ses amis et la faculté d’Aéronautique Du Traîneau, il répliqua que peut-être le père Noël ne voulait-il pas être vu justement pour tester ceux qui étaient vraiment sages.

On considéra que c’était une très bonne explication. Et tout le monde applaudit en se disant que, au moins, les enfants étaient sages, que chacun avait des moments de bonheur et que le Père Noël devait être content d’eux.

 

Photo par Robert Orr

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Égalité pour tous !

mardi 23 avril 2013 à 20:03

Le 23 avril, Bernard et Jean-Pierre se sautaient dans les bras. Aujourd’hui, avec un petit groupe d’une centaine de personnes, ils manifestent devant l’Élysée en réclamant une solution. Des panneaux “Égalité” et “Pour tous” sont brandis.
— Nous ne pouvions y croire, murmure Jean-Pierre avec un brin de nostalgie. À l’époque j’étais réellement amoureux.

Les deux amants ont donc immédiatement accompli les formalités nécessaires et, en juin 2013, ils comptaient parmi les premiers couples homosexuels mariés en France. Dans la foulée, ils achètent un appartement en banlieue parisienne.

Mais, dès septembre, le couple bat de l’aile.
— Je ne connaissais pas Berrnard sous ce jour. Il est devenu colérique.

À part, Bernard nous confie :
— Cette salope de Jean-Pierre est sorti avec Sabrina, ma meilleure amie, un soir où j’étais en voyage d’affaire. Il avait bien caché ses penchants hétéros.

La situation devenant tendue, le couple décide de divorcer. Mais à la première audience, surprise : la loi n’autorise le divorce qu’entre un homme et une femme. Si le vote du 23 avril a rendu le mariage accessible aux couples de même sexe, il n’en est pas de même pour le divorce.

Refusant chacun d’abandonner l’appartement qu’ils ont acheté ensemble, Bernard et Jean-Pierre sont donc forcé de cohabiter. Ce que Jean-Pierre considère comme très éprouvant.
— Comme je travaille essentiellement à domicile, cela me force de vivre 24h sur 24 avec une pédale comme Bernard. Sans compter que ma relation avec Sabrina en souffre énormément.

Leurs amis ont bien essayé de trouver un arrangement.
— Je veux bien revendre mes parts de l’appartement, nous dit Bernard, mais j’exige la garde de Kiki, mon hamster.
— Hors de question que je laisse mon hamster à une tantouze, tempête Jean-Pierre.
— C’est mon hamster, espèce de vieux pervers !

Les deux époux ont donc lancé le Divorce Pour Tous, un collectif qui a pour but de réclamer l’égalité devant le divorce. Kiki en est rapidement devenu l’icône, ainsi que nous confie une militante qui brandit un panneau à son effigie :
— Si je suis ici c’est parce que je trouve injuste qu’une pauvre bête comme Kiki souffre à cause de la bêtise des hommes. À cause d’une loi mal conçue, ce hamster est obligé de vivre dans une situation conflictuelle permanente, tiraillé entre ses deux papas. C’est affreux. Le parlement doit agir pour mettre fin à cette situation ! Pour sauver Kiki, nous réclamons le divorce pour tous.

Et la centaine de militants de reprendre avec elle :
— Pour sauver Kiki, le divorce pour tous !

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Récit de voyage

jeudi 18 avril 2013 à 18:34

Il fait chaud. Dans un nuage de poussière nauséabonde, le vieux bus bringuebalant s’arrête devant nous. D’un revers de la main, j’essuie la goutte de sueur qui perle au dessus de mes lunettes de soleil. Une foule criarde s’engouffre dans l’antique tacot en fer blanc, me pressant, me collant et me dévisageant avec amusement.

Je jette un coup d’œil inquiet à mon téléphone : montez dans le bus 42 et insérez 200 chtongs dans le récepteur à côté du chauffeur. Attention, le symbole suivant indique que le paiement se fait au débarquement et non à l’embarquement.

Relevant la tête, je constate que le chauffeur m’invective. Sa bouche édentée mâche une matière brunâtre tandis que, d’un geste insistant, il m’indique alternativement le fond du bus et un symbole illuminé au dessus de sa tête. Le symbole de paiement à la sortie. Derrière moi, la foule s’impatiente. Je murmure une excuse en patois local, si je dois en croire ce que mon téléphone m’a inculqué dans les semaines précédent le départ, et je m’élance vers le fond de l’engin où j’ai à peine le temps d’empoigner ce qui fut une poignée de cuir avant que le démarrage ne me projette sur mes compagnons de voyage.

Durée de trajet estimée : 18 minutes, toujours selon mon téléphone. De toutes façons, il me préviendra quelques minutes avant mon arrêt de destination, au cas où je m’assoupirais.

Je n’ai jamais été très aventurier dans l’âme. Mais la technologie m’a permis de découvrir le monde en chair et en os. Depuis trois ans, j’investis annuellement deux ou trois bitcoins dans un grand voyage de découverte. Et je n’ai jamais eu à le regretter. Sauf la première fois lorsque, dans une étape, j’ai découvert un cafard dans mes draps de lit. Ma note de 0 sur cet hôtel a fait comprendre à Wikitravel que si j’étais assez souple sur le confort, j’avais néanmoins une certaine exigence de propreté.

Mais le système d’apprentissage a fonctionné à merveille : je n’ai plus que des hôtels honorables tout en restant relativement typiques et dans ma limite de budget.

Cette année, j’ai fait entièrement confiance. J’ai simplement déclaré que je voulais visiter le Zizikistan Oriental, j’ai donné mes dates approximatives et mon budget. Wikitravel a fait le reste, en minimisant les escales et allant jusqu’à réserver le taxi et le payer à l’avance pour m’amener de mon domicile à l’aéroport. À chaque étape, je n’ai qu’à suivre mon téléphone. J’ai des rappels pour tous les événements importants, il me signale les bus, les arrêts. Il m’avertis lorsque je dois presser le pas car je me suis trop éloigné et affiche un QR code pour franchir les portes d’embarquement à l’aéroport. Même les places dans l’avion sont choisies selon mes goûts.

Dans les semaines qui précèdent, je peux m’entraîner à prononcer les phrases usuelles dont je vais avoir besoin : bonjour, au revoir, merci, pardon. Et laissez-moi vous dire que le Zizikistanais, ce n’est pas une sinécure.

Bzzzz ! Mon téléphone vibre. C’est ici que je descends du bus. Je dépose deux pièces de 100 chtongs dans le réceptacle et murmure un remerciement au conducteur. Derrière moi, le bus redémarre dans un vrombissement de vieux gazoil brûlé. Après quelques dizaines de mètres sur les cailloux brûlants, j’arrive à un antique panneau délavé, placé en des temps antédiluviens par un office de tourisme bien intentionné mais manifestement fâché avec l’anglais.

Ce qui ne m’incommode pas le moins du monde, mon téléphone me fournissant toutes les informations utiles ou simplement intéressantes. Dans le cas présent, il me signale de suivre les symboles jaunâtres placés sur des piquets de bois. Nul besoin de rester rivé sur mon téléphone : il m’avertira si je m’éloigne de plus de cent mètres de mon itinéraire, me laissant le choix de marquer cet écart comme volontaire ou non.

Le planning initialement proposé par Wikitravel tenait compte de mes préférences : monuments historiques, ballades dans la nature et un jour ou deux sur une plage pour terminer. Comme les plages du Zizikistan Oriental sont particulièrement célèbres, j’ai ajusté le voyage pour y passer 3 jours. Tant pis pour la visite du village aborigène. Mais aujourd’hui, j’ai enfilé mes chaussures pour une randonnée de 10 km à travers la forêt tropicale. Une ballade jusqu’à un petit temple perdu dans les brumes de la jungle marquée, par Wikitravel, comme à ne pas manquer car elle permet une immersion dans la faune et la flore locale.

Encore un panneau jaune ! Décidémment, cette randonnée est bien balisée. Je m’arrête un instant pour prendre des photos d’une splendide libellule. J’enregistre également une séquence son des bruits de jungle. C’est magique ! Tout cela est génère automatiquement un diaporama avec la carte de mes déplacements, mes notes personnelles, les sons, vidéos, photos. Ce diaporama est partagé en temps réel avec mes amis proches et ma famille car, oui, même dans la jungle Zizikistanaise il y a du 3G.

Chaque soir, j’édite mon “carnet de voyage” en supprimant les photos marquées comme inutiles ou ratées par mes amis. Je décide également de rendre public certaines notes, surtout les appréciations, et les images les plus jolies. Le tout agrémente WikiTravel et sera certainement utile aux voyageurs suivants.

Alors qu’ils avaient une avance certaine avec Latitude et Maps, l’hégémonie de l’omniprésent Google est pour une fois remise en question. Qui plus est par la fondation Wikimedia !

D’ailleurs, j’ai toujours répugné à confier mon budget à Google. L’un des points forts de Wikitravel est justement la gestion totale du budget. Les hôtels et les vols sont bien entendu réservés à l’avance mais Wikitravel va jusqu’à prévoir le prix du bus local, me suggérer la quantité de monnaie locale à retirer, me conseiller le petit restaurant typique pas cher sans aucun intérêt publicitaire autre que s’adapter à mes goûts et mes désirs de découverte.

Le 1% du prix total versé automatiquement comme “donation” à la fondation Wikimedia n’est donc que justice. Surtout depuis qu’elle s’occupe également d’OpenStreetMap, qui est une pierre angulaire de WikiTravel. D’ailleurs, on peut configurer ce pourcentage et choisir un prix libre. Un business model assez intéressant et qui a donné une bouffé d’oxygène à la fondation dont le produit phare reste Wikipédia.

La jungle bruisse de mille bruits. C’est merveilleux. Moi qui n’ai jamais été un débrouillard, moi qui n’ai jamais réussi à organiser correctement une semaine dans un camping de la Costa Brava et dont le sens de l’orientation est inexistant, je découvre enfin le monde. Je ne sais même pas dans quelle ville je vais loger ce soir ni comment je vais m’y rendre. Je me laisse guider et je savoure chaque instant.

Tiens, le sentier se divise et un piquet esseulé m’indique que, un jour, un symbole jaune a du guider des touristes comme moi, perdu à 5 km de la lisière de la forêt.

Je sort mon téléphone de ma poche. L’écran est noir. J’appuie sur la touche plusieurs fois mais sans succès. Un oiseau tropical pousse un cri strident. Je sursaute, pose un regard inquiet autour de moi avant de replonger sur mon téléphone.

Hier soir, après avoir trié les photos de la journée vautré dans mon lit, j’ai eu la flemme d’aller le mettre à charger sur la seule prise de la chambre. Je m’étais dit que, étant donné sa vitesse de charge, je ferai ça durant le petit déjeuner.

Je crois que j’ai oublié. Ma batterie est morte. Les feuilles bruissent autour de moi. Un nouveau cri de l’oiseau me fait frisonner l’échine…

 

Photo par moi-même (tout arrive)

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The Disruptive Free Price

jeudi 28 mars 2013 à 16:41

During most of my life, I thought that there was only two ways to give money to someone. Firstly, in exchange of something you want/need but not available without paying. It is called “buying”. The other occasion is giving money for nothing, because you want to help someone in a bad situation and want to feel good about it. It is called “charity”.

If I forget about gifts, which are a rare exception happening only within my close social circle, every transaction is either a purchase or a charity donation. Nothing else.

The implications are huge. It means that something has one and only one fixed price, fixed by the market and identical for everybody. That price is perceived as the real value. People will pay an expensive ticket for a violin concerto but will not pay attention if the same artist plays in the metro. It is free, thus worthless. In our society, price and value are synonym.

In that world, when you plan to earn money, you only have two solutions: pledge for charity or give something that customers cannot get for free. On the internet, where nearly everything can be found freely, this translated into two business models: a paywall (your readers being your customers) or advertising (your readers being the product you sell to your customers). The paywall proved to be ineffective (because people can get what they want for free anyway) and the advertisements proved to be very lucrative for the intermediaries (like Google) but not for the content providers. It also has the result of making the content providers caring more about advertiser’s interests (their customers) and to think about their followers (their product) only in terms of volume.

When I joined Flattr, in 2010, I thought it was only a way for people to give me charity. My bet was to invest 24€ in a year in order to earn more. I told myself that I would quit Flattr if made less than the, at the time mandatory, 2€/month.

I’ve earned more but, most importantly, learned much much more.

I discovered that transactions are not only of the “buying because you have no choice” or “charity” kind. It could be something hybrid, something I call the “free price”.

I thought that what I wrote on my blog had no value. My writing would be valued only if published in a book. But I discovered that it nevertheless had value for some. A different one for each reader. Not fixed by the invisible hand of the market but by their personal history. Flattr allowed people to pay for each of my blog post according to the value they saw in it. It is not charity, it is not giving. It is “paying freely”.

In a sense, it is a lot more fair. A poor reader will be able to give me 0.10€ while a richer reader can give me 1, 10 or even 50€. The content producer dilemma was “publish something for free and make it worthless in order to reach a wide audience” or “keep it confidential to earn money and monetize the content”. Now, with the “free price”, you can have both. Making stuff for free while keeping an high value.

As Amanda Palmer said, this is not new. It always existed for street artists, for waiter’s tips. But I was confusing it with charity and may not be alone in that case. It is clearly not charity. You pay for something, for a product. It is a free price.

This has the groundbreaking effect of putting into question the traditional equation price = value. Because there’s not one fixed price but as many prices as customers.

While I’m very excited about this, I also realise that this is the main weakness of Flattr: it is too disruptive.

Flattr will only work for people already convinced that this third transaction model is possible. It will only work for the people that are already seeing value in stuff that have no price. People that are ready to go through the hassle of creating an account, sending money, etc.

But what if we could transform Flattr into an educational tool? Teaching people the joy of paying for stuff without a fixed price? After all, it’s exactly the effect it had on me.

What about a Flattr paywall as a Trojan horse? A Flattr paywall is something I already explored in my story “The Publisher’s Dilemma”. To access a list of content, a Flattr account would be required and any content you access would be automatically Flattered. Psychologically, content producers will then learn to make content for a “free price” without being required to publish completely for free (which is, thanks to the industry lobbying, something artists are afraid of).

On the other hand, many consumers who never bothered to pay for something may think “Hey, I can access many content on many websites for only 2€/month. Let’s create an account.” Once their account is credited, they may Flattr other content. After all it doesn’t cost them more money. And, like I did myself, find themselves increasing their monthly Flattr.

Flattr is an awesome tool for people who believe in a “free price”. But it could go one step further and become an advocacy tool for the “free price”. Something which is shaking one of the deepest foundation of our society, the infamous price tyranny.

 

Picture by FrostWire.

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Chérie, il n’y a plus de papier !

mardi 26 mars 2013 à 16:21

Ah non ! Pas encore ! Décidément, ça ne rate jamais. Je suis là, comme un pignouf, le pantalon sur les chevilles, et j’observe avec désarroi le maigre rouleau en carton où sont encore collés quelques reliefs de papier déchiré. Dans la main, je tiens la seule et unique feuille qui restait.

Soupir.

En m’étirant au maximum, je dois bien pouvoir atteindre l’armoire de la réserve en gardant mes fesses vissées sur la lunette. Humf ! Encore un petit effort. Gni ! J’attrape l’emballage plastique et… Victoire !

Je me saisis de mon précieux trophée, le dernier rouleau du paquet. Le dernier ? Machinalement, je fixe le code barre et murmure « Vide ». Dans mes lunettes, une légère notification me confirme que le fait a bien été enregistré.

C’est HouseSupply, une startup canadienne, qui a lancé cela. Plutôt que d’écrire une liste de courses, il suffit de s’inscrire et de scanner l’emballage des produits vides. De leur côtés, ils tiennent à jour l’état de votre stock pour ce produit et s’occupent de faire en sorte que vous ne soyez jamais à cours.

Bien sûr, cela fonctionne surtout pour les biens non-périssables que l’on souhaite avoir en permanence sous la main. Les produits ménagers, les conserves, les boissons gazeuses et, bien entendu, le papier toilette. Ils s’arrangent pour faire le minimum de livraisons possibles et tiennent compte de votre rythme de consommation.

Personnellement, j’adore. Lorsque je me rends au supermarché, c’est dorénavant uniquement pour acheter des produits frais. Du coup, je peux y aller à pieds avec un sac à dos plutôt qu’en voiture. Il est bien entendu qu’il ne faut pas oublier de scanner les étiquettes des pots vides. J’ai intégré le réflexe. Pour les autres, j’ai entendu dire que des poubelles intelligentes avec lecteurs RFID devraient bientôt s’en charger.

Un service similaire existe pour les produits périssables, avec rappel automatique lorsque la date de péremption approche. Mais j’avoue ne pas avoir franchi le pas. C’est mon côté un peu frileux mais la nourriture, c’est sacré. Je l’achète dans mon bon vieux super traditionnel.

Tout en tirant la chasse, je tente de camoufler les mauvaises odeurs avec la bonbonne décorée de champs de lavande et de petits oiseaux.

Pf…rr Pf…rr

Décidément, c’est le jour ! La bonbonne est vide. Sans réfléchir, je la tourne histoire de fixer le code barre en murmurant « Vide ». La notification qui s’affiche dans mes lunettes se marque en orange. Bizarre.

— Chérie ?

Une voix lointaine me répond du salon :
— Quoi ?
— Tu as changé de marque pour le Pschit-Pschit Sent-Bon lavande ?
— Oui. HouseSupply m’a fait savoir que plus de 70% de nos amis Facebook sont passés de Pschit-Pschit Sent-Bon à Ouragan Senteur et sont très satisfaits du changement pour un coût inférieur. J’ai accepté l’offre de changer.
— Ah, dis-je peu convaincu. Mais t’es sûr que c’était pas une promotion déguisée ?
— Non, j’ai demandé à Laure. Elle m’a confirmé que c’est tout aussi bon et que ça coûte moins cher. D’ailleurs, globalement, sur HouseSupply il y a une migration très nette vers Ouragan Senteur avec un fort taux de satisfaction. J’ai fait une recherche sur HouseSupply Trends et la migration inverse est elle quasi inexistante.
— Bon, dans ce cas, va pour Ouragan Senteur.

J’ai pas mal d’amis qui sont formellement opposés à HouseSupply. Ils parlent d’une invasion dans nos vies privées. De mon côté, je ne trouve pas cela pire que les cartes de fidélité. Et si quelqu’un tient absolument à mesurer ma consommation de papier toilette, grand bien lui fasse ! Est-ce qu’ils prennent en compte qu’un rouleau sur deux est tout simplement dégommé par le chat ? D’ailleurs, à choisir, je sacrifierais toutes mes données de consommation de PQ et de Pschit-Pshit Sent-Bon passées, présentes et à venir pour que le système puisse me prévenir que le rouleau est vide avant que je pose mes fesses sur la cuvette.

Genre un gros avertissement rouge qui clignote dans les lunettes : « Attention ! Vous allez vous asseoir sur la toilette mais le rouleau actuel ne comporte plus que six feuillets or votre consommation habituelle est de vingt-trois feuillets. »

Tout en me marrant silencieusement à cette idée, je jette le flacon vide de Pshit-Pshit Sent-Bon dans la poubelle appropriée et prend un nouveau dans la réserve. Tiens, il s’agit du dernier ! Une livraison ne devrait donc pas tarder…

 

Photo par Jane Waterbury

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