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Comment j’ai appris à ne plus m’en faire et à aimer le Web

samedi 1 juin 2013 à 18:39

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Quand j’ai commencé à produire du contenu pour le Web, en tant que vidéaste amateur, les licences Creative Commons attirèrent mon attention. Excellente idée, me dis-je. Mais pas pour mes vidéos. Ce n’est pas que j’avais peur qu’elles soient exploitées commercialement, c’est juste que quelqu’un pourrait peut-être les utiliser d’une « mauvaise manière ». Un concept assez flou que je ne comprenais pas vraiment moi-même mais qui avait trait à des pédophiles ou des nazis. Très effrayant.

Puis, j’ai créé ce blog. Le contenu était publié principalement sous la licence CC By , ce qui est un grand pas vers l’ouverture. Mais certains billets, que je trouvais « importants », avait la clause de non-modification. Parce que je ne voulais pas qu’ils puissent être modifiés. Ces textes représentaient mon « expression artistique », je souhaitais garder le contrôle sur mes créations.

Je mesurais mon succès au nombre de commentaires. Quand les commentaires ont commencé à diminuer, remplacés par les réseaux sociaux, je portai mon attention sur le nombre de visiteurs uniques par jour. Je pouvais passer des heures à regarder mes statistiques, à explorer les sites qui pointaient vers mon blog.

Réalisant que ma peur de voir mes textes modifiés était bien trop abstraite, qu’elle limitait le potentiel de mes textes au lieu de les protéger, j’ai décidé de tout passer sous la licence CC By. Mais je demandais à chaque fois que c’était possible qu’un lien soit fait vers mon blog afin d’attirer des visiteurs, de les voir apparaître dans mes statistiques. J’écrivais très peu en dehors de mon blog afin que mes créations soient centralisées.

Comme un papillon de nuit sur une ampoule électrique, les blogueurs sont irrésistiblement attirés par les statistiques ou les mesures complètement fumeuses de leur succès: Google Analytics, Page Rank, Klout, nombre de followers sur Twitter, Ebuzzing. C’est addictif, cela prend du temps et c’est complètement inutile. J’ai décidé d’arrêter.

J’ai commencé par poster du contenu à des endroits où je n’avais pas le contrôle complet, comme Medium, ou à contribuer à d’autres sites, comme Framasoft. Il y a peu, j’ai retiré tous les plugins, tous les boutons de partage à l’exception de Flattr. Oui, tous, y compris les statistiques Piwik et Google Analytics. Je ne sais pas combien de personnes me lisent, combien de like j’ai sur Facebook. J’ai supprimé mon compte Klout. Pour être libre soi-même, il faut commencer par libérer ce que l’on crée.

Il m’a fallu plus de dix ans pour surmonter ma peur irrationnelle du web. Aujourd’hui, j’ai l’impression de découvrir un nouveau monde, comme un nouveau-né. Je ne suis plus un petit créateur amateur tentant d’être admiré par la masse des non-créateurs. Je suis un simple contributeur envoyant ma goutte de création dans un immense océan de chaos créatif où, au fond, chacun est un petit peu créateur. Un univers merveilleux mais où le premier pas, comme un saut en parachute, est terriblement effrayant.

Si vous aimez quelque chose, copiez-le, modifiez-le, partagez-le. Un texte ne vit que lorsqu’il est lu. Toute création a besoin d’un public. Créer, c’est perdre le contrôle.

Merci de lire. Merci de prendre soin des créations, merci de les partager !

 

Photo par Epoxides. This post is also available in English

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Mises en demeure, un racket légal

vendredi 31 mai 2013 à 14:23

L’agence de création web Linkeo a posté, le 20 mars, une annonce de recrutement dans les forums du site Linuxfr.

Cette annonce a généré une réaction dans laquelle Mackwic, le commentateur, s’inquiète de travailler pour une boîte web dont le site web lui semble atroce. Il liste les reproches techniques faits au site, imagine le type de boîte que cela doit être (cela respire le vécu) et conclu « Rassurez-moi ! ». Il n’a pas reçu de réponse.

Je n’ai pas moi-même analysé le site web ni vérifié si les conditions de travail chez Linkeo sont telles que Mackwic les imagine. Mais force est de constater qu’il semble avoir visé dans le mille car Linuxfr a reçu une mise en demeure lui demandant de supprimer le commentaire et exigeant un paiement.

Si vous postez sur Internet, vous risquez un jour d’être confronté à ce procédé, fondamentalement malhonnête (d’un point de vue moral, je ne suis pas juriste). Tout est fait pour vous faire peur, pour vous convaincre que vous êtes dans votre tort et que la seule solution est de payer immédiatement une somme tout en vous pliant aux injonctions. En Belgique, la SABAM procède de la même manière vis-à-vis des indépendants en envoyant d’effrayants rappels (et faisant l’amalgame entre « musique » et « musique du répertoire de la SABAM » mais c’est une autre histoire, d’ailleurs j’ai jeté cette lettre).

Ne payez jamais une facture inattendue ou sous le coup de l’émotion.

Toute lettre inattendue vous enjoignant de payer quelque chose doit vous mettre la puce à l’oreille. N’importe qui peut vous envoyer une lettre exigeant un paiement pour une raison quelconque. C’est un véritable business. Seul l’état peut exiger un paiement en condamnation d’une faute de votre part. Seul un fournisseur avec qui vous avez un contrat peut vous envoyer une facture.

Dans tous les cas, dans le doute, demandez des avis extérieurs. Laissez passer un jour ou deux pour y réfléchir.

Plus c’est effrayant, plus c’est suspect

Si la partie d’en face souhaite réellement résoudre un problème, elle va commencer par vous contacter informellement. Son avocat lui coûte cher et une solution à l’amiable est préférable. Ainsi, lorsque j’ai posté ce billet humoristique, j’avais sans le savoir utilisé le nom d’une société existante. J’ai reçu un coup de fil très sympathique du propriétaire de la société. Il m’a dit que mon billet était très drôle mais que ses clients arrivaient maintenant sur ma page en tapant son nom dans Google. C’était sympa, c’était honnête. J’ai accepté de changer et j’ai proposé de moi-même de faire un lien vers son site. Il a conclu : Continuez à poster des trucs amusants !

Si vous recevez une mise en demeure sans le moindre avertissement préalable, il y a de grandes chances que la partie adverse sache qu’elle n’a pas de pouvoir de négociation et qu’elle essaie donc la peur et la réaction émotive. Elle cherche à créer un problème plutôt qu’à le résoudre. Appelez-les. Ils font généralement moins les fiers au téléphone.

Portez l’affaire sur la place publique

Si vous avez l’impression que vous n’avez rien fait de mal, n’hésitez pas à rendre l’affaire publique. Par sécurité et par respect, supprimez les noms des personnes impliquées. Publiez et demandez l’avis de la communauté. Soyez entièrement factuel. Mais ne restez pas seul.

Demandez autour de vous si quelqu’un connaît un avocat ou un juriste professionnel qui pourrait vous aiguiller. Vous avez aussi des droits.

Mais ne perdez pas de vue qu’il est possible que vous soyez dans votre tort. Si c’est le cas, réparez l’erreur mais ne payez pas.

Ils ne veulent pas non plus aller en justice

Souvenez-vous que même une grosse société à autre chose à faire que d’aller en justice. Cela dure longtemps, cela coûte cher et cela peut même se retourner contre eux.

Le but de l’avocat, dans le cas de la lettre de Linkeo, est tout simplement de se faire un peu d’argent en jouant sur la peur. C’est du racket pur et simple. Il n’y a rien à perdre et si jamais le pigeon est assez con pour payer, c’est 1500€ qui rentre directement (peut-être même pas déclarés et considérés comme « arrangement à l’amiable »).

C’est une menace grave pour la liberté d’expression

Si Linuxfr a bien joué la partie en se conformant aux injonctions tout rendant le tout public, force est de constater que le fait de se conformer est très dérangeant pour la liberté d’expression.

Le principe des mises en demeure par une partie privée m’inquiète. Il s’agit de rouler des mécaniques, d’avoir l’air fort et effrayant. Dans bien des cas, cela fonctionne. Ici, un commentaire comportant une critique technique factuelle est censuré simplement parce qu’un avocat menace.

L’atteinte à la liberté d’expression me semble manifeste et crée un très dangereux précédent.

La seule différence entre une mise en demeure et une douille ou un rat mort dans votre courrier ? On ne peut pas porter plainte pour une mise en demeure. On devrait.

 

Avertissement: Je ne suis pas juriste. Je n’ai aucune connaissance légale. J’ai simplement eu plusieurs fois affaire, directement ou indirectement, à ce genre de menaces.

Photo par Zak Zavada

 

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Pourquoi vous devez utiliser AdBlock

mardi 28 mai 2013 à 13:57

et ne jamais accepter de payer pour une version sans pub

J’observe de plus en plus de sites à vocation commerciale qui se plaignent des bloqueurs de pub. Le discours est culpabilisant. En gras clignote la liste des emplois menacés par votre malveillance. Méchant, vous utilisez un logiciel sur votre ordinateur personnel qui n’affecte que vous ce qui vous rend responsable de la pauvreté et de la faim dans le monde.

Quoi que vous puissiez lire, vous avez le droit moral d’utiliser un bloqueur de pub. Pire, infâme que je suis, j’estime avoir une obligation morale vis-à-vis de mon cerveau et de ma bande passante d’utiliser AdBlock.

La publicité vendeuse

J’ai déjà parlé du coût réel de la publicité. Celle-ci cherche à envahir votre subconscient. Moralement, je trouve cela inacceptable. C’est pourquoi je bloque autant que possible ces tentatives.

Avec la publicité, les clients des producteurs de contenu sont les publicitaires et non plus les lecteurs. En tant que lecteurs, vous n’avez donc aucune obligation morale de voir votre cerveau vendu au plus offrant.

Vous avez donc le droit moral inaliénable de visiter un site avec un bloqueur de pub tout comme vous avez le droit de détourner le regard d’un panneau publicitaire dans la rue ou d’aller faire pipi pendant la pause pub à la télévision. Le contenu a été rendu public par le site web, à vous de choisir la manière dont vous voulez le consommer.

Si vous estimez que le site mérite votre argent, faites lui un don directement, que ce soit via Flattr, en bitcoins ou ce que vous voulez. En acceptant les pubs sous prétexte de soutenir le site, c’est moins de 1% de votre argent qui ira finalement au site en question. En réalité, vous soutenez principalement les régies publicitaires.

La publicité envahissante

À côté de la publicité vendeuse, une nouvelle forme de publicité a fait son apparition dont le but n’est pas de vendre un produit mais bien d’ennuyer le lecteur. Particulièrement visible dans les jeux gratuits sur téléphone mais également présent sur beaucoup de sites web.

Le produit ? Une version du site sans pub. Ce qu’offre justement AdBlock. Le propriétaire essaiera donc de vous convaincre qu’il est immoral de faire gratuitement ce qu’il vous propose de manière payante.

En acceptant de payer, vous encouragez les sites à vous ennuyer. Au plus ils vous ennuient, au plus vous paierez ! Il s’agit donc d’un anti-business, une forme de racket pur et simple.

À ce stade, vous n’avez pas de leçon de morale à recevoir de l’auteur.

Le sempiternel argument moral

De manière générale, méfiez-vous comme de la peste de tout business qui tente de vous convaincre qu’obtenir gratuitement ce qu’il vend est immoral.

L’argument de la moralité fait partie intégrante du processus de deuil d’une industrie sur le déclin, c’est un grand classique. Mais vous n’avez pas à vous laisser prendre pour autant.

Les producteurs de contenu choisissent, en connaissance de cause, de publier un contenu sur le Web, le rendant public et disponible. Ils veulent ensuite vous faire croire que, moralement, vous devez obligatoirement consommer le produit annexe (la publicité). Avez-vous signé un contrat pour cela ? Non, vous êtes donc libre de télécharger ce que vous voulez et de bloquer ce que vous voulez. Le fait que vous souhaitiez surfer sur le Web en mode texte, avec Javascript désactivé, avec Ghostery ou Adblock ne regarde que vous.

La fin d’un business

Oui, certaines entreprises vont faire faillite. Oui, des sites vont disparaître. Oui, des travailleurs vont devoir se reconvertir. Ou innover. Mais ce n’est pas votre problème. Vous êtes libre de consulter le contenu mis à votre disposition de la manière qui vous convient le mieux. Personne ne peut y trouver à redire.

En contrepartie, si vous aimez du contenu, n’hésitez pas à sortir quelques centimes de votre porte-monnaie, que ce soit via Flattr, Bitcoin, Patreon ou même le traditionnel Paypal. Mais vous n’êtes pas obligé. Et vous payez ce que vous voulez. Personne ne vous jugera.

Si votre propre business dépend de la pub, posez-vous la question : est-il facile de vous donner de l’argent ? Vous avez essayé et les chiffres sont faibles ? Mais apportez-vous une réelle plus-value à vos lecteurs ? Ou travaillez-vous pour les annonceurs ? Vos lecteurs sont-ils passionnés par votre travail ou simplement présent en nombre par habitude et par immobilisme ? Est-il vraiment impossible d’imaginer qu’un bloqueur de pub soit un jour installé par défaut sur la majorité des navigateurs ?

Tenter de culpabiliser vos lecteurs est-il vraiment la meilleure manière de les intéresser à votre projet ? Est-ce une vision souhaitable sur le long terme ?

 

Photo par Yuichirock

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Become a Patron of Arts and Letters

lundi 27 mai 2013 à 14:21

With Internet, artists are facing the challenge that people don’t need to buy material supports to enjoy their work. I believe that it is a very good thing as it allows to sell any piece of work for a Free Price while enjoying the freedom of the web. Thus, the next technical challenge is to make it as easy as possible to pay a free price for anything you like. I’ve already told you in length about Flattr, which allows you to “like with money” anything on the Internet.

But what if you really like an artist, a blogger, a filmmaker? What if you want to encourage a creator to do more or to keep going? Here’s come Patreon.

The principle of Patreon is very simple: for every piece of work by a given creator, you pledge a given amount. The more she/he releases, the more you spend (but you can fix a monthly limit). And, as for Kickstarter, you can have some extra with your pledge. Just see my page for an example.

The idea is so simple that, unlike Flattr, I don’t see how I will be able to make awfully long blog posts about the subject for months.

Of course, Patreon is not perfect. A given creator cannot have multiple projects (what if you are a blogger and a video maker? Or what if you have two blogs?). A credit card is required (Bitcoin support would be awesome). I will probably find more flaw but the idea is really nice and complementary with Flattr.

I don’t really hope to attract patrons but, being curious, I had to give it a try. If you like the idea too, don’t hesitate to test and become my patron.

 

Picture by Martin Beek

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Les articles partenaires ou la prostitution du page rank

vendredi 24 mai 2013 à 11:42

L’avantage d’être un blogueur influent, outre le jet privé, les plages paradisiaques et les groupies qui se pâment à chaque fois que je sors acheter du chocolat, ce sont les ponts d’or que nous offrent les publicitaires.

Il ne se passe généralement pas une semaine sans qu’arrive dans ma boîte une « proposition de partenariat ». Il y a l’indémodable « proposition d’échange de liens » qui me fait à chaque fois vérifier mon calendrier pour voir si je ne suis pas revenu en 1997. Il y a eu les bannières personnalisées à coller un peu partout, les propositions de commissions ou de billets complètement sponsorisés pour parler d’un produit. Souvent, c’est sans rémunération : en échange du produit en question, je dois en parler. Ou alors on me propose de « faire la promotion de mon site ». Ou on essaie de faire du buzz (j’ai une fois reçu par la poste un rouleau de PQ. Comme j’ai du faire une heure de file au guichet pour arriver à retirer ce mystérieux colis, j’ai moyennement apprécié l’humour).

Cependant, tous avaient pour point commun de me demander de vous convaincre vous, mes sympathiques et adorés lecteurs, d’acheter une quelconque merde dont je ne connais rien.

Depuis quelques mois, les propositions sont un peu différentes : il s’agit cette fois d’insérer, dans un billet, un simple lien vers un site partenaire. On se fout des lecteurs, la seule chose qui intéresse le client c’est de bénéficier de mon page rank. Le nombre de propositions que je reçois prouve que les SEO ne sont pas rancuniers.

Les offres varient, chez moi, de 70€ à 150€ le billet. Certains me fournissent des billets déjà écrits, d’autres exigent que le billet soit accepté par le client et, enfin, certains se contentent de me donner une phrase qui doit être un lien vers le site du client. Autre exigence : pour paraître légitime aux yeux de Google, le billet doit comporter un ou deux autres liens, si possible internes, ou vers des sites reconnus.

Ce genre d’offres m’a placé devant un cas de conscience. Contrairement à d’autres pubs, cela n’est pas du tout intrusif pour mes lecteurs et cela me laisse entière liberté pour mes billets. De plus, le challenge littéraire de placer un mot précis dans un de mes billets m’amuse au plus haut point. Il me suffirait, par soucis de transparence, d’annoncer « Ce billet est sponsorisé à hauteur de 100€ par la société Machin ».

Mais, à ce niveau, les offres sont unanimes : il ne faut pas que ce soit trop clair. Certaines interdisent purement et simplement d’informer le lecteur. D’autres acceptent une sibylline mention « Article partenaire ». Les blogueurs que j’ai interrogé estiment que c’est suffisamment clair pour le lecteur. Mais une mention plus explicite risquerait d’attirer l’attention de Google qui interdit la vente de liens sous peine de diminution du Pagerank. Les SEO, qui ne sont pas à une contradiction près, prétendent que Google le tolère et que ça fait partie du business. Mais qu’il faut se cacher quand même.

Faire 100€ en s’amusant ou accepter le diktat de Google sur la définition d’un « site de qualité » ? Devenir vendeur de jus de page rank en échange d’une perte de transparence ? Pour le moment, je reste dubitatif.

Au moins, si vous voyez une mention « article partenaire » sur un blog, vous saurez désormais ce que ça veut dire. Ou même si vous n’en voyez pas, certaines agences exigeant de ne pas informer les lecteurs…

 

Photo “Fuck the System” par ACB

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