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Lire rapidement sur le web

lundi 28 octobre 2013 à 19:06
reading

Internet met à notre disposition une quantité illimitée de contenus et d’idées. Mais encore faut-il pouvoir les consulter et les exploiter. Beaucoup de lecteurs m’écrivent en me disant apprécier mes textes sans avoir le temps de me lire. Dommage ! Aussi, je me propose de partager avec vous ma méthode. Je suis bien conscient que chaque individu est différent mais peut-être cela vous donnera-t-il des idées afin d’améliorer votre consommation de contenu.

Concentrez-vous sur la lecture

Personnellement, je ne regarde que très peu de vidéos et je n’écoute jamais de podcasts. Une vidéo force le public à suivre le rythme du narrateur. Beaucoup d’énergie est consacrée à construire des effets de narration, à introduire une tension dramatique pour, au final, très peu d’idées. De plus, une vidéo ne permet pas facilement de s’approprier certains passages, d’y faire des références explicites, de relire un paragraphe important.

Si une vidéo contient des idées vraiment intéressantes, elles se retrouveront forcément dans un texte écrit. Je laisse donc tomber la majorité des vidéos. Ceci dit, les podcasts peuvent avoir une grande utilité pour, par exemple, les trajets en voiture, les personnes souffrant de troubles visuels voire, tout simplement, pour les moments où nous souhaitons reposer nos yeux.

La collecte de contenu

Sur les réseaux sociaux ou au gré de nos pérégrinations sur le web, nous sommes confrontés à des articles, des textes voire des histoires qui « semblent intéressantes ». Mais, très souvent, nous n’avons ni le temps ni l’envie de nous arrêter pour se concentrer et lire. J’appelle cette étape « la collecte ». Je n’essaie jamais de lire, je ne passe pas plus de quelques secondes sur un article. À la place, je sauve l’article dans ma liste de lecture.

Séparer la collecte de la lecture permet de bien se concentrer sur ce qu’on souhaite réellement lire tout en évitant de passer du temps sur un article peu intéressant mais qui avait pour unique mérite d’être sous notre souris au bon moment.

Pour réaliser cela j’utilise le service Pocket. Grâce à une extension, je peux ajouter une page en un clic à ma liste de lecture, que ce soit depuis mon navigateur ou mon smartphone. Notons que si Pocket est propriétaire et centralisé, il existe un équivalent libre et installable sur votre serveur appelé Poche, que je vous invite à essayer.

En passant par un service intermédiaire, appelé IFTTT, il est possible de mettre automatiquement tous les articles d’un flux RSS dans votre liste de lecture Pocket. Si, par exemple, vous souhaitez que chacun de mes articles en français soit dans votre liste de lecture, il suffit d’utiliser cette recette. Il est également possible de s’envoyer des articles à lire par email. Pratique pour, par exemple, ne pas installer l’extension Pocket sur votre ordinateur de travail.

L’instant lecture

Grâce à l’application Pocket, ma liste de lecture est automatiquement téléchargée sur mon smartphone. Cela me permet de ménager des instants lecture. Afin de ne pas être dérangé, je peux même mettre mon téléphone en mode avion et continuer ma lecture. Un autre avantage de l’application Pocket est que je peux interrompre ma lecture quand je veux. Au lancement suivant, l’application se met par défaut à l’endroit précis que j’étais en train de lire.

Quand je suis dans un instant lecture, que ce soit dans la salle d’attente de médecin, dans un train, le soir dans mon lit ou debout dans la file du supermarché, je choisis au hasard parmi ma liste de lecture, selon l’intérêt des titres et mes envies. S’il ne s’agit pas d’une fiction, je lis rapidement le premier paragraphe puis je descends jusqu’au dernier et j’essaie de me faire une idée du contenu global de l’article.

À ce moment, plusieurs solutions s’offrent à moi. Soit l’article n’est finalement pas très intéressant ou est dépassé (par exemple si je l’ai ajouté dans ma liste plusieurs semaines auparavant), auquel cas je marque l’article comme lu. Soit lire l’introduction et la conclusion m’a donné une idée assez fidèle du contenu sans éprouver le besoin pressant de lire tous les détails : je marque comme lu. Enfin, l’article semble être vraiment digne d’intérêt : je commence à le lire. Un dernier cas de figure se présente lorsque l’introduction et la conclusion ne révèle aucune information sur le contenu. Dans ce cas, je considère que l’article est mal structuré et qu’il n’a donc presqu’aucune chance d’être réellement intéressant. Il s’agira très certainement de blabla. Dans le doute, je préfère économiser mon temps précieux.

Durant la lecture

Après ce premier filtre qui, avec l’habitude, peut se faire en quelques secondes, j’ai déjà éliminé une foule d’articles. Il me reste donc les articles qui semblent a priori intéressant et les fictions. Pour ceux là, je commence à lire, sur mon smartphone, de manière très linéaire. Cela fonctionne encore mieux sur une tablette.

Je m’autorise sans scrupule de sauter des paragraphes quand le texte me semble redondant ou lorsque je souhaite accélérer. Avec mon doigt, j’imprime une vitesse au défilement du texte et, sauf pour les textes particulièrement savoureux, je me force à ne pas ralentir avant d’avoir fini l’article. Cette vitesse peut, bien entendu, varier avec les articles. Au début, commencez avec une vitesse confortable mais, surtout, ne vous arrêtez pas ! Si vous avez l’impression de rêvasser et de rater des parties du texte, c’est que vous allez trop lentement. Accélérez !

Dans le pire des cas, vous pourrez toujours procéder à une seconde lecture. Mais en vous forçant à tenir le rythme durant la première lecture, vous saisirez l’essence du texte. Pour l’immense majorité des textes, une seconde lecture n’est en fait pas nécessaire. Lorsque c’est le cas ou lorsque le texte est tellement marquant que je veux le relire ou l’utiliser, je le marque comme favori dans Pocket. Et puis je le marque comme lu. Je peux ainsi le retrouver facilement sans qu’il envahisse ma liste de lecture.

Ceci dit, il arrive très souvent qu’un texte s’avère peu intéressant après quelques paragraphes. Je l’abandonne alors sans scrupule et le marque comme lu. Je fais de même avec les textes que j’ai déjà commencé plusieurs fois sans être parvenu à les terminer. C’est que le texte ne me convient vraiment pas.

Lectures plus conséquentes

Pour les textes plus conséquents, généralement les livres, je tente alors de me procurer une version au format Epub. À ce sujet, je recommande le site Team Alexandriz. Il existe une myriade d’applications permettant de lire les epubs sur votre smartphone ou tablette. Citons Aldiko, qui est très simple, et FBReader, qui est très complet et libre. Mais chaque lecteur a son logiciel fétiche !

Le problème de l’epub sur smartphone c’est que l’écran est très lumineux, souvent petit et que la lecture consomme beaucoup de batterie. Pour cela, je recommande très chaudement, si c’est possible, l’achat d’une liseuse électronique.

Pour le choix d’une liseuse électronique, un critère est primordial : il doit pouvoir lire vos propres epubs et ne pas imposer un catalogue précis. Pour le reste, tout est une question de goût. Mon choix s’est porté sur le Kobo Glo et j’en suis extrêmement satisfait. Il a néanmoins un défaut particulièrement irritant : si vous l’achetez via la FNAC, le Kobo remplace la couverture des livres par un logo FNAC lorsqu’il est en veille. Une petite manipulation permet d’éviter ce désagrément mais elle est à refaire à chaque redémarrage ou branchement de l’appareil. Rien que pour cette raison, j’ai décidé de boycotter définitivement les produits FNAC.

Notons que, pour mon plus grand bonheur, Pocket a annoncé une intégration future avec certains Kobo dont le Glo. Cette intégration n’a pas encore été déployée. Je le répète : le seul critère déterminant dans l’achat d’une liseuse est le support de vos fichiers Epub personnels. Tout le reste relève de vos goûts.

Update du 15 novembre 2013 : Vous pouvez télécharger la version 3.0 du firmware Kobo qui contient l’intégration avec Pocket et qui résout tous les problèmes que j’avais. Notons aussi que depuis cette mise à jour, je n’ai plus jamais vu réapparaître le logo FNAC. Je suis donc particulièrement heureux. L’intégration avec Pocket est encore meilleure que ce que j’imaginais !

Après la lecture

Une fois un texte marqué comme lu, il me semble logique de vouloir remercier l’auteur. Je me rends alors sur la page à la recherche d’un bouton Flattr. Pour les livres, j’ai récemment décidé d’envoyer une lettre aux auteurs encore en vie.

Je réfléchis également à l’opportunité de partager le texte, que ce soit publiquement, avec un cercle restreint voire à une personne précise. Certains de mes amis utilisant Pocket, je peux même ajouter du contenu directement dans leur liste de lecture. Si un texte est intéressant, il me semble important de le faire connaître autour de moi.

Une fois cette étape achevée, il ne reste plus qu’à… GOTO Collecte !

À vous !

Grâce à mon smartphone, Pocket et le processus que je viens de vous décrire, j’ai pu augmenter la quantité d’articles lus tout en y passant moins de temps et en y prenant du plaisir. J’ai appris à aimer les textes de fiction découverts au hasard d’un site web. Les temps morts du quotidien ne sont plus des instants perdus : je les ai transformés en une opportunité de lire, de découvrir des nouvelles choses. Comme vous avez pu le constater, nul besoin d’être un expert de la lecture rapide pour mettre en place cette stratégie. Si vous vous imposez une certaine rigueur au début, notamment dans la vitesse constante de défilement et dans le fait de ne jamais retourner en arrière durant une première lecture, vous constaterez que ce type de lecture deviendra un réflexe tout en apportant une nette amélioration de votre vitesse et de votre compréhension des textes.

Si, à cela, vous ajoutez un livre électronique que vous emporterez partout, vous vous découvrirez soudainement du temps pour lire ce que vous n’avez jamais réussi à caser dans votre emploi du temps, depuis l’epub de SF sous licence libre au grands classiques téléchargés sur le projet Gutenberg.

À vous de tester, bonne lecture !

 

Photo par Mo Riza. Relecture par Pit. Précision : je n’ai aucun intérêt envers Pocket, Poche ou Kobo.

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Printeurs 10

vendredi 25 octobre 2013 à 17:57
couloir de bunker
Ceci est le billet 10 sur 10 dans la série Printeurs

G12 mastique bruyamment en me regardant d’un air à la fois étonné et admiratif. Il a toujours été garde, du moins je le crois. Le concept d’ascension sociale le dépasse.
— Alors comme ça tu vas voir le grand patron ? Le contremaître en personne ?

Je ne réponds rien, je regarde humblement le bout de mes orteils. G12 me balance un coup de matraque dans l’estomac.
— Réponds quand on te cause, espèce d’enfoiré ! Ta mère t’a pas appris la politesse ? J’oubliais… Vous ne connaissez même pas votre mère vous les sous-merdes.

Fier d’avoir exprimé sa supériorité, il éructe un rire forcé. Je me suis légèrement plié sous l’impact mais, à part cela, je n’ai pas bougé un sourcil. C’est la première fois qu’un garde se sent obligé d’expliciter sa supériorité, de faire étalage d’une différence impalpable. Intérieurement, je souris à l’argument de G12. Malgré le rire et l’assurance forcée, il suinte la peur, l’inquiétude. Je les ai dépassés, je suis à l’étage supérieur.

Deux gardes dans un uniforme que je ne connais pas s’approchent de nous. Ils sont propres et se tiennent droits comme des planches. À leur vue, G12 s’est immédiatement mis au garde à vous. L’un deux lui adresse la parole d’une voix douce mais ferme. Les mots sont précis, assurés. Sa tête arrive à peine à hauteur du nez de G12 mais son regard est transperçant.
— C’est 689 ?
— Oui policier ! répond G12 d’une voix trop forte pour être naturelle.
— C’est bon G12. Nous nous chargeons de lui. Tu peux retourner à ton travail.

G12 ne se le fait pas dire deux fois. Je n’aurais jamais cru qu’il puisse avoir peur, qu’il respecte une quelconque autorité. Le policier se retourne vers moi et me fait un geste de la main :
— Viens, suis-nous !

Je reste un instant interdit. Sa voix ne comportait pas la moindre note d’agressivité. Ils n’ont même pas de matraques !
— Et bien ? Tu es sourd ? Tu veux vraiment qu’on se salisse les gants pour te traîner ?

Voilà un vocabulaire que je comprends déjà mieux. Sans relever la tête, fixant obstinément le plancher, je les suis à travers des couloirs que je ne connais pas. Nous franchissons une porte. La pièce est plus lumineuse que tout ce que j’ai jamais vu. De grandes lampes m’éclairent sous plusieurs angles et déchirent mes paupières. Il n’y a plus d’ombres, plus d’endroit ou se cacher. L’obscurité, mon royaume, a disparu ! Le sol est propre, dépourvu d’insectes ou de déchets. Un homme sans uniforme est assis derrière un bureau. F1 se tient à ses côtés.
— C’est l’ouvrier dont vous m’avez parlé ?
— Oui contremaître ! 689. Un excellent élément.

Le contremaître soupire.
— C’est pourtant contraire à tout le règlement de travail.
— J’en suis bien conscient, contremaître. Mais les ouvriers se reproduisent beaucoup. Nous avons de l’excédent. Par contre, nous avons de moins en moins d’arrivage de gardes. Sans compter que vous nous avez annoncé une augmentation de l’exigence de rendement. Tout cela entretient une possibilité de soulèvement. En élevant 689 à titre d’exemple, nous encourageons les autres ouvriers à se calquer sur son comportement et nous entretenons une forme d’espoir.
— Si j’ai bien compris, il a déjà été récompensé ! Il est devenu barreur !
— Barreur n’est qu’un titre de chef d’équipe. Il ne donne droit à aucun avantage si ce n’est d’imposer son propre rythme à la chaîne de production.

Derrière son bureau, l’homme semble hésiter. Levant la tête, il me scrute comme si je venais d’entrer dans la pièce. Semblant prendre une décision, il se dresse en appuyant ses deux mains sur le meuble.
— 689, est-ce que tu me comprends ?

J’hésite un instant sur la manière de répondre avant de choisir le traditionnel « chef ». Il a toujours eu un effet apaisant sur les gardiens, même les plus brutaux. D’une voix faible, je murmure :
— Oui chef.
— Nous allons te donner une chance. Une chance unique dans l’histoire de notre usine. Mais cette chance est très fragile. À la moindre incartade, au moindre doute de notre part, tu redeviendras ouvrier. Et je n’ose imaginer ce que les autres travailleurs te feront subir si cela doit arriver. Suis-je clair ?
— Oui chef.
— Nous allons te nommer gardien. Tu seras désormais G89. F1 va te donner ton uniforme et ta matraque. La consigne est simple : les gardes reçoivent les impératifs de rendement et font en sorte que les ouvriers les respectent. Si le rendement n’est pas atteint, votre équipe n’a pas de ravitaillement. Alors, démerde-toi pour tenir la cadence !
— Oui chef.
— Autre chose : les types comme ceux qui vous ont accompagnés ici sont des policiers. Leur parole est sacrée. Si un policier t’ordonne de t’écraser la tête jusqu’à ce que mort s’ensuive, tu t’exécutes et tu ne poses pas de question. Tu leur lèches les bottes et tu leur présentes ton cul dès qu’ils le désirent. Compris ?
— Oui chef.

Amusant. Ainsi les gardiens ont leur propres gardes. Mais pourquoi F1, chef des gardiens, parle-t-il directement avec le contremaître et pas avec les policiers ? Tout cela est nouveau et plus complexe que je ne le pensais. Je n’ai pas le temps d’y réfléchir que les deux policiers me font sortir. F1 m’accompagne et les renvoie d’un geste de la main. Brusquement, il me plaque contre un mur du couloir.
— Écoute moi bien, 689. Que les choses soient claires. Tu restes une raclure, un moins que rien. Je t’ai fait cette fleur parce que j’ai pensé que tu valais un peu mieux que les autres merdes, que tu faisais un réel effort. Mais si le rendement n’augmente pas, tu vas regretter de ne pas être resté un simple ouvrier.

Il me lâche avant de me jeter une salopette et une paire de chaussures. J’ai senti les tressaillements de sa voix. La peur. Mon super-pouvoir est à l’œuvre !
— Enfile ça, G89. Et suis moi !

Nous arrivons dans une petite pièce. Plusieurs gardiens sont affalés sur des chaises. Ils mangent, ils boivent ou regardent des écrans. D’un geste, F1 impose le silence.
— Voilà G89. Il est à présent gardien comme vous. Je compte sur vous pour en faire un exemple auprès des ouvriers.

G17 s’approche de moi et me met amicalement la main sur l’épaule. Son sourire semble sincère.
— Bienvenue dans l’équipe !

G19 me regarde, renfrogné. Il lance un crachat qui atterrit devant mes pieds. Peut-être espère-t-il que je le prenne comme une marque de mépris ? Mais après tant d’années à me cracher au visage, mon super-pouvoir le force à reculer, à ne plus me toucher. Il a peur.

Nous sommes interrompus par des cris en provenance du couloir. G12 traîne le vieux sur le sol.
— Espèce de cafard dégénéré ! Tu n’en as pas marre de faire perdre le rythme à toute l’équipe avec ta merde philosophique ? Tu vas payer pour cet arrêt.

Sur le sol, 612 pleure, hurle, se recroqueville. Il supplie, appelle à la clémence et la bonté. G12 a dégainé sa matraque mais, d’un geste, F1 l’arrête. Il me tend une matraque. Pour la première fois de ma vie, je touche le manche de cet objet quasi-mystique, ce symbole de pouvoir dans notre univers. Un outil qui m’a déjà exploré tout le corps, tant à l’extérieur qu’à l’intérieur, par tous les orifices possibles. Mais que, jusqu’à présent, je n’avais jamais tenu en main. Une onde de puissance me parcourt. Je ressent une décharge électrique. F1 me regarde et me désigne un local isolé.
— À toi de jouer maintenant. Montre-nous ce dont tu es capable !

Sans un regard, la matraque dans une main, l’autre traînant le vieillard gémissant, je m’enferme dans le local. L’humidité suinte sur le murs. 612 me fait un clin d’œil.
— Bien joué, me souffle-t-il. Tu sais, nous sommes bien conscient du sacrifice que tu t’es imposé pour nous. Nous te soutenons tous dans ton projet.
— Mon projet ?
— Oui, la reconquête de notre liberté à tous. C’est extraordinaire, nous espérons tous !

Ma matraque s’est abattue. Du sang à giclé et s’écoule entre les aspérités du béton. Je tape.
— Oui, continue, souffle 612 entre deux cris de douleurs. Tu ne peux pas faire semblant. Tu dois aller jusqu’au bout. N’aie pas peur de me faire mal, je sais pourquoi tu le fais. Tu es noble. Je te comprends !

Je ne réfléchis plus. Ma matraque s’élève et s’abaisse. Je donne des coups de pieds, je hurle, je crache. J’ai perdu le compte du temps qui passe. Pauvre con 612 ! Tu ne comprendras décidément jamais rien !

 

Photo par Jesse Wagstaff.

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Printeurs 9

vendredi 18 octobre 2013 à 14:57
sofa
Ceci est le billet 9 sur 9 dans la série Printeurs

Une légère sonnerie se fait entendre. Nullement surpris, Georges se dirige vers la porte de l’ascenseur à l’instant où celle-ci s’ouvre sur un personnage en costume élégant. Il n’est plus tout jeune mais fait partie de ces personnes dont on perçoit instantanément qu’elle sont bien conservées, moins par le sport et une vie saine que grâce à l’argent et la richesse. Lorsque l’on peut se payer un cuisinier, des repas bios, des massages, des petites retouches chirurgicales de temps en temps et un traitement de régénération de l’ADN, le passage du temps doit paraître moins inquiétant.
— Bonjour Georges, fait l’individu. Je te croyais seul !
— Bonjour Warren, ne t’inquiète pas. Il s’agit de deux jeunes chercheurs très prometteurs qui ont toute ma confiance. D’ailleurs, nous t’attendions, je venais de servir un quatrième verre de Whisky. Nellio, Eva, je vous présente Warren, administrateur du conglomérat de la zone industrielle.

Sans hésiter, il tend au visiteur le verre qu’il vient de sortir de notre… printeur, à défaut d’autre mot pour décrire notre invention. Je reste un instant suffoqué par son audace et son naturel. Ce verre de whisky est historique et Georges le sert au premier visiteur venu. Constatant mon air ahuri, il m’adresse un clin d’œil complice.

Je m’approche d’Eva.
— Georges est dingue ! Ce mec aurait pu surprendre notre expérience !
Elle me regarde, d’un air légèrement hautain :
— Bien sûr que non, il n’aurait pas laissé la porte de l’ascenseur s’ouvrir !
— Mais elle est automatique, non ?
— Georges possède un neurex autrement plus perfectionné que nos gadgets. Le sien est calibré sur certains ordres précis, par exemple l’invitation à entrer. Une image de la personne est projetée dans ses lentilles. S’il a la moindre réaction de rejet ou d’hésitation, la porte se bloque et il faut l’ouvrir manuellement.
— Bref, c’est la version moderne de l’œil de bœuf.
— Si tu veux.
— Mais… Comment es-tu au courant de tout cela ?

Sans me répondre, elle me fait signe d’observer le nouveau venu porter le verre offert à ses lèvres. Une grimace déforme soudain ses traits. Mon cœur s’arrête de battre ! Et si notre printeur n’était tout simplement pas au point ? Dieu sait quel liquide Georges avait offert à son invité !
— Du Glenlivet ! Bon dieu Georges, tu n’as donc aucun goût ? C’est juste bon à allumer le barbecue. Tu veux me tuer ?
— J’oubliais que monsieur est un fin connaisseur, goguenarde Georges en reposant le verre. Mais je suppose que tu n’es pas venu ici pour critiquer mes goûts.

D’un air légèrement interrogatif, Warren nous jette un regard. Georges le rassure :
— Ne t’inquiète pas, ils ont toute ma confiance.
— C’est au sujet de ta fondation pour les conditions de travail des ouvriers. C’est très joli tout ça mais ça induit des coûts qui vont se répercuter sur les ventes.
— Il faut bien que les ouvriers aient des avantages sur les télé-passifs ! J’essaie de t’aider Warren. Si tu ne cèdes pas progressivement, tu risques de voir apparaître des syndicats !

Eva semble passionnée et ne perd pas une miette de la conversation. Quand à moi, j’avoue y trouver un profond ennui. Je m’éloigne au milieu du bourdonnement des voix et m’installe dans un canapé de cuir blanc. Ce que j’avais pris pour un coussin se déplie soudain et vient se frotter contre moi. Un chat ! Il ronronne, se frotte le museau contre mon bras.
— Salut minou !

D’autorité, il plante ses griffes dans mes cuisses et se met à les pétrir avec ardeur. La douleur est légère, je rigole doucement. Il pousse un bref miaulement avant de se lover entre mes deux jambes. Je suis prisonnier !

Georges s’approche de moi.
— Je vois que vous avez fait connaissance tous les deux ! Félicitations Nellio, le Roi Arthur est très exigeant quand à la qualité de ses coussins royaux. Tu es l’un des rares élus !

Je souris.
— Où est Warren ?
— Il est sorti, cela fait un moment que nous discutions et nous ne t’avons pas entendu.
— Désolé, je crois que je n’ai pas vu le temps passer.
— C’est que le Roi Arthur a utilisé sur toi sa terrible emprise spatio-temporelle ! Ses victimes sont dans un espace temps à écoulement différé. Redoutable !
— Au fait Georges, sans vouloir être indiscret, tu me sembles bien occupé. Après notre recherche, des sociétés, j’apprends que tu présides également une fondation pour les conditions de travail dans les usines. As-tu encore le temps de tourner des films ?

Georges a l’air sincèrement surpris :
— Pourquoi faire ?
— Et bien, c’est ton métier, non ?

Il éclate de rire !
— Oh, dit-il, je croyais que tout le monde était au courant. J’ai tourné quelques segments clés dans mon jeune temps afin de construire mon book. Le reste est entièrement réalisé en simulation 3D par les techniciens. Je donne mon accord pour l’utilisation de mon image et je touche des royalties. De temps en temps, je dois tourner un nouveau segment qui n’est pas réalisable à partir de ceux existants. Cela ne prend guère plus d’une journée.

Je reste interdit.
— Mais… Les prix d’interprétation que tu as obtenus ?
— C’est la partie ennuyeuse de mon travail. Lorsque les producteurs ont décidé d’acheter un prix parce que cela fait partie de leur plan marketing, je dois me farcir la cérémonie. Pas moyen d’y échapper, c’est une des clauses de mes contrats. Mais bon, je suppose que ça fait partie du job, je n’ai pas à me plaindre.

Eva nous regarde fixement. Ses lèvres s’entrouvrent un moment, comme si elle était sur le point de dire quelque chose. Puis, prenant une décision, elle s’approche de moi et, sans mot dire, se saisit du Roi Arthur.

S’emparer d’un chat qui dort et qui n’a pas envie de bouger n’est pas une mince affaire. Surtout si ce chat s’appelle Roi Arthur et n’a visiblement jamais connu d’autorité supérieure que celle de son bol de croquettes. Parvenir à maintenir ce chat dans le scanner multi-modal durant un temps suffisant devrait relever de l’exploit impossible. Pourtant, le visage complètement impassible, la peau à peine entamée par les coups de griffes, c’est ce qu’Eva est en train de réaliser sous nos yeux ébahis. L’espace désormais constellé de poils au creux de mes cuisses n’a pas le temps de refroidir que, déjà, Eva relâche le souverain Pendragon qui, offusqué, s’en va soigner sa dignité blessée en son île d’Avalon, sous le canapé. Ni Georges ni moi n’avons élevé la moindre protestation. Eva pianote sur le clavier.

Je retiens mon souffle. Georges est paralysé, il n’ose intervenir. Eva enfonce une dernière touche et l’aquarium se met à bouillonner. De manière étonnante, le bouillonnement me semble moins intense que pour le verre de whisky. Peut-être est-ce l’habitude ? Ou le fait que l’air soit probablement saturé de poussières et de particules de chat ? Je ne peux dire combien de temps nous sommes restés immobiles, figés jusqu’à ce que, brusquement, le liquide se stabilise. Pas le moindre remous, le moindre clapotis. Une immobilité immédiate, surnaturelle. Je me rappelle alors que notre liquide est en fait composé de milliards de nano-robots. Eva est paralysée, elle fixe le contenu de l’aquarium.

Dans le silence religieux qui s’est emparé de la pièce, les coups de langues du Roi Arthur qui se lèche vigoureusement derrière les oreilles résonnent comme des coups de tonnerre.

 

Photo par Carole & Aldo.

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Nous sommes tous d’extrême droite…

mercredi 16 octobre 2013 à 15:08
nazi_love

Que ce soit en Grèce, en France ou dans mon propre pays, je ne peux que m’inquiéter à chaque fois que j’entends parler de « lutter contre l’extrême droite », de « peste brune » ou des actions « antifafs ».

Comme si le monde était entièrement polarisé entre les « mauvais », l’extrême droite, et les « gentils ». Comme si il fallait stigmatiser une partie de la population avant de la détruire. Faudra-t-il bientôt un passeport certifiant que nous ne sommes pas d’extrême-droite ? N’est-ce pas appliquer exactement les méthodes tant décriées ?

Au fond, ne sommes nous pas tous un peu d’extrême droite ? Des milliers de personnes votent extrême droite et sont, pourtant, des gens plein de qualités voire de gentillesse. Nous avons tous connu cette personne sympathique, cet oncle rigolo qui, à un moment ou un autre, dira « Les étrangers, il faut tous les foutre dehors ». On peut se braquer, on peut refuser de discuter avec lui. Il n’empêche qu’on le trouvait sympa avant d’entendre son opinion politique.

Car l’extrême droite, après tout, ce n’est qu’une simple erreur de jugement. La simpliste pensée, savamment orchestrée par des campagnes de communication, que les étrangers sont la source de tous nos maux, que nous en débarrasser serait une solution. Prendre conscience que cette pensée est fausse est un exercice de logique relativement complexe. Aussi, est-il humain et compréhensible que beaucoup fassent cette erreur. Doit-on pour autant les rejeter ? Ou, au contraire, essayer de les écouter pour pointer les failles du raisonnement ? Que celui qui ne s’est jamais trompé me jette la première pierre !

Les étrangers prennent notre boulot

C’est la crise et beaucoup d’entre nous sont au chômage. La quantité de postes à pourvoir à temps plein est limitée. Il parait donc très logique que choisir arbitrairement de supprimer une partie de la population créera des emplois pour les autres. Les étrangers représentent une catégorie facile à identifier. Cela entraîne l’axiome : « Je n’ai rien contre les étrangers mais nous, les purs, devons avoir priorité pour obtenir un travail. »

Facile, simple et, honnêtement, avouez que c’est très tentant de se laisser aller à ce genre de raisonnement lorsqu’on craint pour sa propre situation.

Évidemment, comme tout raisonnement simpliste, on oublie de dire que les étrangers sont également des consommateurs. Que s’ils partent, une grande partie du travail disparaîtra avec eux. Qu’une grande partie de nos « purs compatriotes » travaillent également à l’étranger.

Les étrangers nous agressent

Je ne connais pas les chiffres mais je veux bien admettre que, proportionnellement, il y a plus de délinquants et de voyous parmi les immigrés que parmi les « purs nationaux ».

N’est-il pas tentant de vouloir réduire le nombre de voyous ? Avouez, cela semble tellement facile !

Ici, nous sommes en plein dans la confusion traditionnelle entre la corrélation et la cause. Vu qu’il y a plus de voyous parmi les immigrés, on arrive inconsciemment à la conclusion qu’être immigré fait de vous un voyou.

Or, tous les indicateurs le montrent : la réelle cause de la délinquance, c’est la paupérisation d’une partie de la société. Les « purs nationaux » défavorisés sont tout autant susceptibles de devenir des délinquants que les émigrés. Il est également parfaitement logique de constater qu’une grande partie d’immigrés, ces gens qui ont quitté leur pays parce qu’il n’arrivaient pas à s’en sortir et qui arrivent les mains vides sont pauvres. Et donc plus susceptibles de tomber dans la délinquance.

La délinquance est un produit de la pauvreté et expulser les étrangers ne résoudra pas le problème de la pauvreté. Mais c’est plus facile de le croire et d’en être convaincu.

L’argument moral

Les deux arguments ci-dessus sont les fers de lance de l’extrême droite. Comme vous avez pu le constater, il est très facile de se tromper, surtout dans une situation de crise où vous craignez pour votre propre bien-être !

Si vous me lisez, il y a de grande chance que vous ayez une éducation assez poussée et que vous ne soyez jamais tombé dans le panneau. Mais doit-on nécessairement rejeter les personnes qui font ces deux erreurs ? Qui pensent, sincèrement, que leurs problèmes pourront être résolu en expulsant les étrangers ou, au moins, en donnant la priorité aux « purs » ? Pourriez-vous jurer que vous n’auriez jamais tenu ces raisonnements si vous n’aviez pas reçu votre éducation ou vécu vos expériences ? N’avez-vous pas tout simplement dompté cette peur de l’autre qui existe en chacun de nous ?

Ils votent extrême-droite mais ce sont des humains, comme nous, pour la plupart gentils et aimants. Comme je l’ai déjà entendu : « J’aimerais qu’on puisse accueillir les étrangers mais y’a un moment ou c’est chacun pour soi. C’est dommage, c’est pas que je les aime pas, c’est juste la survie. »

Face à ce genre de réaction, le seul argument qu’ils entendent, surtout de la bouche des politiciens ou des intellectuels : « Mais c’est du racisme ! » ou « C’est de l’extrême droite ! ». Comme si l’invocation suffisait à stopper toute discussion.

Ce à quoi ils répondent : « Oui, et alors ? Je préfère survivre en étant raciste que crever de faim. » Peut-on réellement leur donner tort ? N’est-ce pas une réaction profondément humaine ?

Les étrangers de l’humanité

Oui, il y a des gros cons. Des gens dangereux. Mais, surprise, ils ne sont pas tous d’extrême droite. Et derrière les bulletins de vote extrémistes se cachent souvent des hommes et des femmes qui vous inviteraient volontiers à partager leur repas, qui pourraient garder vos enfants ou venir nourrir votre chat pendant les vacances.

Ils n’ont tout simplement pas eu la chance de recevoir une éducation comme la vôtre. Ou sont incapables de l’utiliser. Ils ont vécu dans leur univers et ne se sont jamais posé la question cruciale, le talon d’Achille de l’extrême droite : comment détermine-t-on la « pureté » ? Qui est étranger et qui est un national ? Pouvez-vous tracer une frontière précise ?

Discutez avec eux. Demandez leur les critères précis pour déterminer ceux qui sont « nationaux ». Cela va prendre du temps. Pour chacune de leurs idées, il faudra trouver des cas limites, les exceptions. Et, finalement, ils devront se rendre à l’évidence : soit la frontière est « tout ce qui n’est pas comme moi », un cri de solitude et de désespoir, soit elle est juste assez large pour englober l’humanité entière.

On ne lutte pas contre l’extrême droite en la diabolisant, en rejetant toute personne qui vote ou professe ses idées. Pour la plupart, ils sont déjà terriblement seuls. On la réduit à néant en écoutant, en éduquant et en humanisant. L’humanité, tu peux apprendre à l’aimer car nous ne voulons pas que tu la quittes. Reste avec nous ! L’humanité t’aime, même si tu as voté extrême droite !

 

Photo par Thzami Gamour.

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La bonne discrimination

mardi 15 octobre 2013 à 13:13
sauna

Je suis né au bon endroit, dans la bonne partie de la population avec les bons attributs. Pour moi, la discrimination restait un concept abstrait, un phénomène que je ne risquais pas vraiment de connaître. Jusqu’au jour où…

Nous étions quatre amis qui avions décidé de passer ensemble la soirée aux thermes. Je suis friand de saunas et cela devait être une bonne soirée.

Lorsque nous sommes arrivés, nous avons chacun payé notre entrée. J’étais le dernier de notre petite file mais, lorsque ce fut mon tour, la personne chargée de l’accueil m’a regardé et m’a dit : « Vous, vous n’avez droit qu’à vingt minutes ! »

Étonné, j’ai regardé les trois autres à qui rien n’avait été précisé. De derrière son comptoir, l’homme m’a tendu une feuille : « Je suis désolé mais c’est le règlement. Je n’y peux rien ! ». Et, effectivement, de notre petit groupe, j’étais le seul concerné par une clause d’exclusion écrite en toutes lettres sur le papier.

Nous nous sommes entretenus, à quatre, pour décider de la démarche à suivre. Je n’ai pas voulu gâcher leur soirée. J’ai dit que cela n’était pas grave, que je les attendrai à la cafétéria à l’extérieur. Ajoutant, avec un clin d’œil: « Pour peu qu’on veuille bien de moi là bas ! » Rires !

Mais ce n’était pas vrai. Je me suis senti exclu. J’avais tant envie de profiter, de me détendre, de passer une soirée avec mes amis. Pourtant, ce n’était pas de ma faute. J’étais né comme ça. Je ne pouvais rien y changer !

Plus tard, lorsque nous nous sommes retrouvés, nous avons discuté de cette péripétie. De manière amusante, mes amis n’étaient pas réellement choqués. Nous aurions du mieux nous renseigner avant. Nous aurions du lire le règlement. C’était de notre faute. Uniquement de notre faute.

Car il est logique de discriminer des gens comme moi. Si c’est appliqué chez nous, dans notre pays, dans notre ville, c’est que c’est une « bonne discrimination », non ?

Il parait qu’il y a des personnes qui ne peuvent souffrir la promiscuité avec les gens comme moi. Peut-être est-ce une bonne chose de m’exclure afin de leur laisser de l’espace. Mais leur intolérance est-elle donc plus acceptable que ce que je suis et que je n’ai pas choisi d’être ?

Il parait également que certaines personnes comme moi se montrent particulièrement désagréables voire même agressives. Il s’agit donc de préserver une forme de paix. Mais, personnellement, je n’ai jamais été agressif. Si je suis d’accord pour expulser les fauteurs de troubles, pourquoi généraliser ? Et quid de ceux qui ne sont pas tout à fait comme moi mais en partie seulement ? Ceux qui ne rentrent pas dans une case précise ? Ceux qui sont entre deux catégories ? Ils existent pourtant !

Oh et puis, ce n’est qu’une anecdote, un détail ! Qui suis-je pour me plaindre moi qui n’avais jusque là jamais connu la discrimination ? Beaucoup connaissent bien pire, certains le vivent au quotidien.

C’est vrai. Il n’empêche que je ne peux m’empêcher, dans un pays qui prône l’égalité et la liberté, de me sentir discriminé à cause d’une simple caractéristique physique de naissance que je n’ai pas choisie et que je ne peux changer. Il faut reconnaître que, dans mon cas, cette caractéristique est plus souvent un avantage qu’un inconvénient. La discrimination se fait principalement dans l’autre sens. Mais, ce soir-là, j’ai réalisé qu’elle n’était jamais acceptable, qu’elles que soient les intentions. Il n’y a pas de « bonne discrimination », uniquement une discrimination arbitraire, particulièrement inique lorsqu’elle se base sur des attributs physiques impossibles à changer.

Je ne peux sortir de mon esprit l’idée qu’on ne lutte pas contre certains débordements ou contre l’intolérance en acceptant des discriminations, fussent-elles minimes.

Contrairement à beaucoup de billets de ce blog, cette histoire est entièrement véridique. Alors que je me rendais aux thermes de ma ville en compagnie de trois amies, j’ai appris que ce soir particulier de la semaine était réservé aux femmes à partir de 20h.

J’étais, vous l’avez compris, le seul homme de notre petit groupe. Un fait qui, jusqu’à l’entrée des thermes, ne m’avait pas particulièrement frappé.

 

Photo par Serg C.

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