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Se rencontrer prochainement à Mons ou à Paris

lundi 25 mars 2024 à 01:00

Se rencontrer prochainement à Mons ou à Paris

En bref : je serai à Trolls & Légendes le samedi 30 mars et au Festival du livre de Paris le samedi 13 avril. Avant une soirée ouverte à tou·te·s le même jour à la librairie « À Livr’Ouvert ».

Ces derniers temps, j’ai l’énorme chance de recevoir pas mal de mails de votre part, dont beaucoup pour me remercier ou m’encourager. Lorsque le message ne le demande pas, je n’y réponds pas. À la fois par besoin de gérer mon temps, mais aussi, en toute honnêteté, parce que c’est un peu absurde de surcharger le réseau avec des « Merci pour votre merci ». Mais que les choses soient claires : je lis (et relis parfois plusieurs fois) chacun de vos messages. Ils m’encouragent et me font chaud au cœur. Que soient ici mille fois remerciés ceux qui prennent le temps de me contacter ! Et je lis tous les liens que vous me recommandez, je suis très intéressé par vos propres écrits.

Mais ce qui est vraiment chouette, c’est de se rencontrer en chair et en os lorsque l’occasion s’y prête. Et, justement, c’est le cas !

Trolls & Légendes, Mons, samedi 30 mars

Le samedi 30 mars, je serai au festival Trolls & Légendes à Mons. Rendez-vous sur le stand des éditions PVH.

Je ne serai présent que le samedi. Je le précise, car, l’année passée, certains ont demandé après moi le dimanche. Et ça me fait mal au cœur de se rater. Cette année, je prends mes boules quies. Parce qu’une journée complète à se taper des reprises d’Iron Maiden au biniou dans un hangar qui résonne, ça laisse des séquelles.

Paris, samedi 13 avril

Le samedi 13 avril à Paris sera pour moi une grosse journée. Tout d’abord, le matin, je vais souhaiter un joyeux anniversaire à ma maman (rappelez-le-moi si j’oublie !).

Ensuite, je serai au Festival du livre de Paris de 13h30 à 15h sur le stand « Livre Suisse » (B21).

Si vous êtes dans le coin, venez faire un coucou parce que quand je vois la liste des auteurs présents, j’ai vraiment l’impression d’être le petit belge bouseux qui débarque de sa cambrousse. En plus, je serai sur un stand suisse (parce qu’y’a des blagues, c’est plus rigolo quand c’est un Belge. Si ! Si on est suisse…).

À 15h, je m’éclipse pour me rendre dans le 11e arrondissement, en compagnie de Gee (mais si, celui de Grisebouille et de Superflu Riteurnz himself!), à la librairie « À Livr’Ouvert » tenue par Bookynette, la présidente de l’April (rien que ça).

Au menu, une rencontre en toute décontraction avec deux auteurs profondément geeks et libristes ainsi qu’une présentation de la philosophie de l’édition libre et de la maison d’édition PVH par son fondateur, Lionel Jeannerat qui, cerise sur le gâteau, offre un apéro typiquement suisse ! À ne pas manquer si vous êtes sur Paname ce jour-là, ça va vraiment être très cool !

Les rencontres, comme mes écrits, sont libres

Je le précise parce qu’on me l’a déjà demandé : l’achat de livres est entièrement facultatif (sauf quand mon éditeur surveille, bien entendu). Vous êtes les bienvenus pour discuter et échanger sans aucune obligation d’achat. Oui, vous avez le droit d’apprécier mon blog et de ne pas être intéressé par des romans de SF (ou de préférer les pirater sur libgen).

D’ailleurs, entre nous, ça me fait très plaisir de rencontrer des lecteurs de mon blog. Il y a des moments où, sur un stand de dédicace, on se sent parfois seul. Sauf si, bien sûr, on s’appelle Henri Lœvenbruck et qu’on a en permanence trois cents lecteurs qui font la queue en hurlant votre prénom. Ce n’est heureusement pas mon cas, n’hésitez pas à venir faire un coucou, à me conseiller vos lectures ou vos BDs préférées.

Cette année, je fais l’impasse sur les Imaginales et ne serai finalement pas à Ouest Hurlant, mon prochain roman n’étant disponible qu’en octobre. Il est très différent de Printeurs et je pense qu’il va vous plaire. Je suis impatient de vous le partager. Si vous êtes libraire ou organisateur d’une conf ou d’un festival, n’hésitez pas à me contacter ou à contacter mon éditeur. Ce sera un plaisir de voyager en francophonie pour vous le présenter.

Au plaisir de vous rencontrer !

Ingénieur et écrivain, j’explore l’impact des technologies sur l’humain, tant par écrit que dans mes conférences.

Recevez directement par mail mes écrits en français et en anglais. Votre adresse ne sera jamais partagée. Vous pouvez également utiliser mon flux RSS francophone ou le flux RSS complet.

Pour me soutenir, achetez mes livres (si possible chez votre libraire) ! Je viens justement de publier un recueil de nouvelles qui devrait vous faire rire et réfléchir. Je fais également partie du coffret libre et éthique « SF en VF ».

La nouvelle informatique

jeudi 21 mars 2024 à 01:00

La nouvelle informatique

Je suis un geek addict. L’informatique est ma passion, ma drogue.

J’aime la sensation de poser mes doigts sur un clavier. J’aime configurer, mettre à jour, découvrir des nouveautés, investiguer les problèmes, trouver des solutions.

Comme beaucoup de passionnés d’informatique, j’aime l’outil plus que le résultat.

Parfois, je tente de me convaincre que mon seul objectif est d’être plus productif ou plus ergonomique. Si je dois accomplir une tâche répétitive et barbante de deux heures, je vais à la place passer deux jours à créer un programme qui le fera pour moi. Avec l’impression d’avoir gagné du temps. Lorsqu’une mise à jour d’un logiciel que j’utilise est annoncée, je suis intéressé, voire, parfois, excité par l’attrait de la nouveauté.

L’immense majorité de l’humanité n’est pas dans mon cas. Mais l’infrastructure informatique mondiale est conçue par des gens comme moi. Des gens qui aiment chipoter et qui, consciemment ou non, forcent leurs utilisateurs à devenir comme eux.

Ce chipotage auquel je prenais naturellement du plaisir nous est désormais imposé uniformément. Nous devons tout le temps mettre à jour notre ordinateur, nous habituer aux changements d’interface, regarder les notifications du système lui-même nous annonçant des mises à jour. Les systèmes informatiques, y compris votre montre connectée et votre téléphone, ont été conçus par des geeks comme moi qui aiment la nouveauté, qui aiment améliorer sans cesse. Ces geeks sont désormais noyautés par des designers qui justifient leur salaire en changeant constamment les interactions, en annonçant en fanfare un nouveau logo. Voire en créant le débat sur l’introduction ou le retrait d’une nouvelle fonctionnalité.

Toutes ces actions ne sont pas anodines. Elles servent à mettre les plateformes elle-même au centre de l’attention. Les modifications des algorithmes Facebook ou le changement de l’icône d’Instagram sont désormais des faits de société qui font la une des plus grands médias. Ce ne sont pas des outils, contrairement à ce qu’ils prétendent. Ce sont des superorganismes qui cherchent à monopoliser l’attention et le pouvoir. Les dénoncer ne fait que les renforcer. La seule lutte valable c’est la seule action qu’ils redoutent : l’indifférence.

C’est exactement l’effet qu’à eu sur moi la suppression de mes comptes. La plupart des plateformes me sont devenues indifférentes. Je ne suis plus un critique acerbe de Facebook, de Twitter ou de LinkedIn : je n’y suis plus, ces plateformes n’ont plus rien à voir avec moi.

En tant que développeur logiciel, cette expérience m’a également ouvert les yeux sur la direction globale prise par l’industrie : le non-respect de l’utilisateur. Non seulement ses données sont exploitées, mais le logiciel est souvent intrusif. Les changements permanents empêchent l’utilisateur d’apprendre, de se former, d’acquérir des réflexes. Il est devenu impossible de maitriser l’outil parce que l’outil change constamment, il échappe au contrôle de l’utilisateur. La migration vers ce qu’on appelle "le cloud" ne fait qu’accentuer de manière dramatique cette tendance. L’outil est mis à jour sans aucun contrôle de l’utilisateur. Les données sont arbitrairement confisquées, que ce soit temporairement ("problème technique"), de manière permanente ("compte supprimé pour un non-respect non précisé de clauses de toute façon illisibles") ou lors d’une extorsion ("l’espace des comptes gratuits est désormais réduit, upgradez vers notre offre professionnelle pour récupérer les fonctionnalités auxquelles vous êtes désormais habitué").

Dans l’école primaire de mes enfants, des initiations à l’informatique enseignent… à créer des présentations PowerPoint. En Belgique, les sites officiels du gouvernement qui ont besoin de situer précisément votre adresse utilisent… Google Maps. Ma commune annonce le don de matériel informatique aux associations en précisant qu’elle fournira également une licence Windows récente. D’une manière générale, il est communément admis que chaque citoyen "normal" dispose d’un compte Google, compte connecté à un appareil contrôlé soit par Apple, soit par Google. Un appareil auquel nous devons en permanence donner le droit de contrôler notre temps et notre emploi du temps.

Si j’ai abandonné Whatsapp, de plus en plus de mes contacts sont sur Signal. Et Signal n’échappe pas à la "malédiction de la messagerie", à savoir que tout message reçu mérite une réponse immédiate. La propriétaire de la maison que je louais s’est emportée de ne pas recevoir de réponse à ses messages Signal parce que j’ai eu le malheur de couper mon téléphone durant 24h pour cause de maladie. À l’opposé, consultant mon téléphone en voyage pour vérifier l’heure d’un train, il m’est arrivé de recevoir des messages stressants, mais absolument non urgents, me décentrant complètement du moment présent. Ou d’être informé qu’une mise à jour devait absolument avoir lieu juste au moment où je souhaitais trouver en urgence un numéro de téléphone.

Le fil conducteur de toutes ces interactions est que nous n’avons plus aucun contrôle sur ces couches technologiques. Nous n’en sommes plus des utilisateurs, nous en sommes les ressources exploitées, les victimes. Et nous inculquons à nos enfants à faire de même. Nous nous transmettons une pression sociale permanente les uns aux autres. Avoir le dernier modèle avec les dernières fonctionnalités, la dernière app, le dernier mot dans la discussion. Nous acceptons la grossièreté ultime qu’est une notification intrusive. Ces notifications qui interrompent nos conversations, nos pensées, nos moments, nos méditations, notre travail et que nous infligeons aux autres, n’acceptant plus la moindre latence avant d’obtenir une réponse.

Ces interruptions permanentes nous empêchent de penser et de réaliser que nous ne contrôlons plus rien, que notre travail lui-même n’est plus qu’une série de microtâches reliées de plus en plus faiblement. Nous perdons toute perspective et c’est bien là l’objectif le plus abject des plateformes monopolistiques. Comme l’explique Danièle Linhart dans « La comédie humaine du travail », cette perte de relation entre les tâches est, dans le monde professionnel, une volonté managériale explicite, une taylorisation du travail intellectuel : l’employé est un rouage qui doit agir sans penser de manière à être facilement remplaçable et à ne pas remettre en question les décisions hiérarchiques.

Depuis que j’ai décidé de me consacrer à l’écriture, je réalise combien mon temps de vie est compté. Lorsque je souhaite écrire, les outils informatiques deviennent des adversaires. Ils alimentent mes démons en tentant de me distraire de la tâche que je me suis fixée. Mais ils se permettent également de l’interrompre techniquement. Une plateforme sur laquelle se trouve une ressource dont j’ai besoin me dit soudain que mon mot de passe n’est plus valable. Après quelques minutes à vérifier, je contacte le support qui me répond prestement qu’un problème rend certains comptes indisponibles, que ce sera réglé dans quelques heures. Sans aucune malveillance, mes outils viennent de me couper dans mon élan, de me faire perdre au mieux une heure, au pire une journée.

Depuis trois ans, beaucoup de mes écrits sont désormais réalisés à la machine à écrire mécanique. Parfois, les tiges se coincent ou le mécanisme d’enroulement du ruban se grippe. Pourtant, j’arrive à chaque fois à résoudre le problème en quelques secondes sans perdre ma concentration, sans perdre le fil de mes idées. Mes mains agissent sur un problème mécanique sans interférer avec mon cerveau.

Sur mon ordinateur, j’accomplis l’essentiel de mes tâches en ligne de commande. Mes écrits, qu’ils soient originaux ou retranscrits depuis un tapuscrit, sont réalisés dans Vim, un éditeur dont les commandes de base sont plus âgées que moi. Il m’a fallu quelques semaines d’apprentissage conscient, mais, depuis, Vim est une extension de mes doigts. Je ne réfléchis plus : j’écris.

Le design des interfaces modernes a permis aux utilisateurs de se passer de quelques heures d’apprentissage. Mais ces heures donnaient en réalité une réelle compréhension, offraient un réel pouvoir, participaient à l’élaboration d’un modèle mental de l’outil. Elles sont désormais diluées en changements aléatoires arbitraires tout au long de la carrière de l’utilisateur. Il n’y a plus de modèle mental, juste des gestes à apprendre par cœur, nous transformant en la version informatique de Charlie Chaplin dans « Les temps modernes ».

Je ne sais pas quelle sera la prochaine plateforme web à la mode. Je n’ai aucune idée du framework que tous les développeurs aduleront l’année prochaine. Mais j’ai la certitude que, dans trente ans, je pourrai toujours taper sur mes machines à écrire mécaniques, utiliser Vim et faire tourner des scripts Bash ou Python pour générer mon blog et des PDFs à envoyer aux éditeurs.

Ce faisant, je suis passé du côté obscur de la force geek. Je suis redevenu l’utilisateur novice que les nouveautés en informatique n’intéressent pas. Les mises à jour m’ennuient, car je me demande le temps qu’elles vont me faire perdre. Je n’ai pas besoin de nouveaux logiciels, mes besoins sont comblés.

L’informatique technique m’est devenue inintéressante. Elle m’ennuie. J’ai l’impression d’avoir lu mille fois les annonces marketing annonçant le nouveau système à la mode. Le problème de base de l’informatique peut pourtant désormais être considéré comme résolu : nous savons comment nous envoyer des textes, des images et du son.

La solution est tellement bien connue que toute l’industrie qui nous entoure consiste essentiellement à complexifier cette solution pour que ce ne soit pas trop facile et que les acteurs économiques puissent nous soutirer des rentes sur nos échanges de bits.

Une nouvelle question se pose, passionnante : comment nous envoyer du texte, des images et du son de la manière la plus simple, la plus efficace, la plus indépendante, la plus pérenne et la plus libre possible ?

Une question qui n’est plus technologique, cet aspect étant résolu, mais sociologique, morale, éducationnelle, collaborative, éthique, voire écologique. Une question qui remet en cause certains fondements économiques de notre société. Une question qui s’inscrit dans la durée.

Après soixante années d’explosion technologique, l’informatique est arrivée à un plateau. Nous n’avons plus besoin d’innovation, mais de stabilisation. De démocratisation. D’une nouvelle informatique.

L’informatique est et reste ma passion. La nouvelle informatique.

La nouvelle informatique est une science humaine, une exploration en profondeur de l’humanité et de sa psyché. La nouvelle informatique est un projet d’ingénierie visant à construire une plateforme libre et libératrice dont la durée de vie se compterait en décennies, en siècles. La nouvelle informatique est un projet d’émancipation, d’éducation, de collaboration, d’échange.

La nouvelle informatique est également une lutte. Une lutte pour la création d’un nouveau type de superorganisme qui n’aurait pas pour objectif la maximisation de l’exploitation des ressources.

Une lutte pour la survie de l’humanité.

Ingénieur et écrivain, j’explore l’impact des technologies sur l’humain, tant par écrit que dans mes conférences.

Recevez directement par mail mes écrits en français et en anglais. Votre adresse ne sera jamais partagée. Vous pouvez également utiliser mon flux RSS francophone ou le flux RSS complet.

Pour me soutenir, achetez mes livres (si possible chez votre libraire) ! Je viens justement de publier un recueil de nouvelles qui devrait vous faire rire et réfléchir. Je fais également partie du coffret libre et éthique « SF en VF ».

A Society That Lost Focus

lundi 18 mars 2024 à 01:00

A Society That Lost Focus

Our Mind, the Bottleneck

In the early 90s, after tweaking my MS-DOS computer, I was able to play games. One of those game was called "Battle Chess". A Chess game were pieces were really fighting against each other. It was fun. I was, and still am, a mediocre chess player. I was mate in less than 10 or 15 turns at the easiest level.

For the sake of the experiment, I turned the difficulty to the harder level and started playing. Something strange happened: I was still losing but it took a lot more turns. I was able to protect my game, even to manage a few draws.

Was it a bug in the game?

Even as a young teenager, I quickly understood the reason. With the setting set to "hard", the game would try a lot harder to find a good move. On my 386 processor, without the mathematical coprocessor, this would take time. Several seconds or even one minute by turn. During that time, I was thinking, anticipating.

With the easiest setting, computer moves would happen immediately. I knew I had all the time I want but I was compelled to move fast. I could not take the time while the other side was immediately reacting to my moves.

The world we are living in is that same chess game on the easiest setting. Everything happens immediately, all the time. White-collar work can now be summarised as trying to reply as fast as possible to every single email until calling it a day and starting again in the morning, a process which essentially prevents any deep thinking, as pointed by Cal Newport in his book "A world without email".

As we don’t have the time to think anymore, we masquerade our lack of ideas with behavioural tricks. We replaced documents with PowerPoints because it allowed lack of structure and emptiness to look professional (just copy paste the data of the last PowerPoint you received in a text file and see by yourself how pitiful it is. PowerPoint communications at NASA were even diagnosed by Edward R. Tufte, author of the "The cognitive style of PowerPoint", as one of the causes that led to Space Shuttle Columbia’s disaster).

The root problem is that, for the first time in human history, our brain is the bottleneck. For all history, transmitting information was slow. Brains were fasts. After sending a letter, we had days or months to think before receiving an answer. Erasmus wrote his famous "Éloge de la folie" in several days while travelling in Europe. He would never have done it in a couple of hours in a plane while the small screen in the backseat would show him advertisements.

In 2012, the French writer Thierry Crouzet had one of the first recorded "online burnout". Being connected all the time with interesting strangers and interesting ideas to which he wanted to reply quickly was too much for his brain. One night, he had a strong panic attack and decided to spend six months without the Internet, an experience he told in his book "J’ai débranché".

The Oversold Internet

The instant feedback of permanent connectivity is clearly a bad thing. But the worse had yet to come. After the 2000s bubble popped and told us that Internet was not "magic money", the question became "how do we monetise the Internet?" A few idealistic geeks replied, "You don’t monetise it, it’s a non-commercial world." But geeks, as everyone, wanted or needed to be paid.

To earn money, they handled the reins of the whole new world they were creating to marketers. That’s it: hackers sold the Internet in exchange of a salary. Until 2000, marketers played along with the idea of selling the work hackers were doing. With one small problem: they oversold it completely, diving in the geek fantasy that, soon, everybody would be on that Internet buying stuff online.

In the 2000s, nobody but geeks wanted to spend their life behind a huge radiating screen. Marketers suddenly waked up to that reality with the dot-com bubble. If not everybody wanted to be on the Internet and nobody would buy anything on the Internet, there were two potential solutions: either monetising the fact that some people were already spending lots of time of the Internet or convincing more people to come on the Internet.

Surviving companies such as Google decided for the easiest one: monetising what people were already giving to the Internet: their time and attention. Advertising was, of course, already part of the web (mostly through the infamous "popups") but Google innovated by inventing a whole new way of exploiting attention: trying to learn as much as possible about users to show them the advertising they are more likely to click on. The whole story is told in great details in the book "Surveillance Capitalism", by Soshanna Zuboff.

Whether this "personalised advertisement" really work better than traditional one is up to debate. For Tim Hang, author of "Subtime Attention Crisis" and for Cory Doctorow, author of "How to destroy surveillance capitalism", the real impact on sales is negligible but as marketers think it works, they invest massive money in it, making the whole technology a very lucrative bubble.

But the real impact is undisputed : as long as someone buys it, it is really lucrative to sell the attention and all the information you could from consumers. As a consequence, the practice has been generalised and nearly every website, every app on the Internet is trying to get both. And they are very scientific about the process.

We forgot how not to spy and steal attention

It is now considered as "normal practice" to try to get the attention and the data of your users, even if it doesn’t make sense from a business perspective.

Banking apps send notifications to show you their new shiny logo, good old e-commerce website ask their customers for the number of children they have or their income bracket. Even non-commercial personal blogs or some websites dedicated to privacy contain analytics software to track their users. Not tracking your users is harder than not! Every single vendor from which you shop, even a brick-and-mortar one, will bury you with their mailings.

One could assume that buying a new mattress is something you do only every decade and that the prospective market for mattress vendors is those who didn’t buy a mattress in the last five years. So why did anybody think that, right after buying a mattress, I would be interested in receiving news about mattresses every single week of my life?

The two consequences of all this are that our privacy is invaded as much as it is technologically possible and that our attention is scientifically captured as much as it is technologically possible. And, in both aspects, technology is "improving" as all the smartest minds in the world are hired to do just that.

While working at Google, Tristan Harris realised how much what they were building was in order to get the focus and the attention of people. He left Google to create the "Center for Humane Technology" that tries to raise attention about the fact that… our attention is captured by monopolist technologies.

The irony is palpable: Tristan Harris had a very good intuition but can’t imagine doing anything else than either "raising attention" through social networks or building technologies that would notify you that you should be focused. Let’s build yet another layer of complexity above everything else and raise attention so this layer is adopted widely enough to become the foundation of the next complexity paradigm.

Worshipping Shallow Ideas

Being distracted all the time prevent us from having any ideas and understanding. We need a catchy slogan. Instead of reading a three-page report, we prefer a 60 slides PowerPoint, containing mostly stock pictures and out-of-context charts.

We have valorised the heroic image of the CEO that comes in a meeting and tell engineers, "I have ten minutes left before my next meeting. Tell me everything in five and I’ll take a billion dollar decisions."

In retrospect, it is obvious that taking good decisions in that context is nothing more than rolling a dice. Funnily enough, it has been proved multiple times than every high-profile CEO is not better than a random decision algorithm. But, unlike algorithms, CEOs usually have charisma and assurance. They may take a very wrong decision but they can convince everybody that it’s the right one. Which is exactly the definition of a salesman job.

In "Deep Work", Cal Newport tries to promote the opposite stance, the art of taking the time to think, to ponder. In "The Ideas Industry", Daniel Drezner observes that long, subtle and complex ideas are more and more replaced by simplistic slogans, the epitome being the famous TED conferences. In 18 minutes, people are sold an idea and, if the speaker is a good salesman, feel like they’ve learned something deep and new. The mere fact that you could learn something deeply enough in 18 minutes is an insult to all the academic world. Without surprise, the same academic world is seen by many as boring old people spending their time writing long articles instead of making a catchy slogan to change the world.

Succumbing to Our Addictions

Most monopolies were built by removing choices. You could not buy a computer without Microsoft Windows. You could not visit some websites without Internet Explorer. You can’t find a phone without Google in a shop (Google pay many billions dollars every year to be the default search engine on Apple devices). And if you manage to remove Google from your phone, you will lose the ability to run some apps, including most banking apps. Most apps even check at start if Google services are installed on the phone and refuse to start if it’s not the case. If it’s really hard not to use Google, it’s by definition a forced monopoly. Similarly, it is very hard to avoid Amazon when shopping online.

There’s one exception : Facebook. There’s nothing forcing us to go to Facebook or Instagram. There’s nothing forcing us to spend time on it. It’s like we have choice. But it seems we haven’t.

Why is this? Why are we playing one hour of what was supposed to be five minutes of a stupid smartphone game instead of reading a book? Why are we spending every minute awake checking our smartphone and replying to mundane chitchat, even if we are in the middle of the conversation with someone else? Why are we compelled to put our life and the lives of our children at risk just to quickly reply while driving?

Because of the way the human brain is wired. Evolutionary speaking, we are craving for new experiences. Learning new experiences, good or bad, may help your chromosomes to survive more generations than others. We get that famous "dopamine rush", described in great details by Liberman and Long in "The molecule of more".

Each time there’s a notification, each time there’s a red bubble in some part of the screen, the brain acts like it’s a new vital opportunity. We can’t miss it. A study showed that the sole notification sound was enough to distract a driver as much as if he was texting while driving. Yes, even without looking at your phone, you were distracted as much as if you did (which is not an excuse to look at it).

The brain has learned that the phone is a random provider of "new experiences". Even in airplane mode, it was demonstrated that having the phone on your desk or in your bag degrades heavily your attention and your thinking performance. Performance went back to normal only when the phone was put in another room.

Fighting to Get Our Focus Back

That’s it, the only way to not have any temptation is not to have the phone at arm reach. The aforementioned French writer Thierry Crouzet told me once that it was very difficult to focus on writing when you know you only have to move the word processor window with the mouse to go to the Internet. On the web, writers’ forums are full of discussions about "distraction-less" devices. Some, including your servitor, are going back to old typewriters, a paradigm described as a true resistance by Richard Polt in the excellent book "The Typewriter Revolution".

One may even wonder if the epidemic of "electro-sensitivity", feeling bad or being sick when exposed to wifi or similar wireless emissions, may simply be a psychological reaction to the overstimulation. It has been observed that the symptoms are real (people are really feeling bad and are not simulating) but that, in double-blind controlled environment, the symptoms are linked to the belief of wireless emissions (if you simulate a blinking wireless router without emitting anything, people feel bad. If you have wireless emission but tell people it’s disabled, they will feel better).

In his landmark book "Digital Minimalism", Cal Newport offers a framework to rethink the way we use digital technologies. The central idea is to balance costs and benefits consciously, highlighting most hidden costs. Facebook might be free in the sense you don’t have to pay for it. But being exposed to advertising, being exposed to angry political rants, feeling compelled to answer, being exposed to picture of people you once knew and who seems to have an extraordinary (even if virtual) life is a very high cost.

Simply do the math. If you have 180 friends on Facebook, which seems to be a low amount those days, if your friends take, on average, 10 days of vacation per year, you will have, on average, five friends on vacation every day. Add to this statistic that some people like to re-post pictures of old vacations and it means that you will be bombarded daily by pictures of sunny beaches and beautiful landscapes while you are waiting under neon light for your next boring meeting in a gray office. By design, Facebook makes you feel miserable.

That’s not to say that Facebook cannot be useful and have benefits. As Cal Newport highlight, you need to adapt your use to maximise the benefits while trying to avoid costs as much as possible. You have to think consciously about what you really want to achieve.

This idea of digital minimalism prompted a revival of the so-called "dumb phones", phones which are not smart and which are able to make phone call and send/receive SMS. Some brands are even starting to innovate in that particular market like Mudita and Lightphone.

Ironically, they are advertising mindfulness and being focused. They are trying to catch your attention to sell you back… your own attention.

Focus Against Consumerism

One of the consumerist credo is that the market will fix everything. If there’s a problem, someone will quickly sell a solution. As pointed by Evgeny Morozov in "To Save Everything, Click Here", this is not only wrong thinking. This is actually harmful.

With public money, we are actually actively funding companies and startups thinking they will both create jobs and sell solutions to every problem. It is implied that every solution should be a technological one, should be sellable and should be intuitive. That’s it: you should not think too much about a problem but instead build blindly whatever solution comes to mind using the currently trending technological stack. French Author Antoine Gouritin wrote a funny and interesting book about that whole philosophy he called "Le Startupisme".

The root cause is there: we don’t have any mental framework left other than spying on people and steal their attention. Business schools are teaching how to do catchy PowerPoints while stealing attention from people. Every business is at war with the other to catch your attention and your brain cycles. Even academy is now fighting to get grants based on catchy PowerPoints and raw number of publications. This was the raw observation of David Graeber: even academics have stopped thinking to play the "catch your attention game".

There’s no silver bullet. There will not be any technological solution. If we want to claim back our focus and our brain cycles, we will need to walkaway and normalise disconnected times. To recognise and share the work of those who are not seeking attention at all cost, who don’t have catchy slogans nor spectacular conclusions. We need to start to appreciate harder works which don’t offer us immediate short-term profit.

Our mind, not the technology, is the bottleneck. We need to care about our minds. To dedicate time to think slowly and deeply.

We need to bring back Sapiens in Home Sapiens Sapiens.

As a writer and an engineer, I like to explore how technology impacts society. You can subscribe by email or by rss. I value privacy and never share your adress.

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Lectures : Une société de mensonges

vendredi 15 mars 2024 à 01:00

Lectures : Une société de mensonges

Productivisme

En lisant ce simplissime et magnifique texte de Bruno Leyval décrivant la condition ouvrière, je ne peux m’empêcher d’avoir « Tranche de vie » de François Béranger en tête. Et de prendre pleinement conscience à quel point le fonctionnement en pause des usines est inhumain.

Le travail de nuit est nécessaire pour plein de raisons : la santé, la sécurité, l’aide aux personnes. Ou bien dans l’agriculture, dans le soin de tout ce qui est vivant, des plantes aux animaux. Mais que dire du fait qu’on force des humains à travailler de nuit et se détruire irrémédiablement la santé pour fabriquer des bagnoles ou empaqueter des petits pois dont personne ne voudrait s’il n’y avait pas ce matraquage incessant du marketing ? Qui est ce « on » qui force ? Les patrons ? Les politiciens ? Ou nous-mêmes, les consommateurs ?

Surveillance généralisée

Les caméras de surveillance partout, ça ne peut pas faire de tort, hein ? Y compris dans les distributeurs automatiques. Et puis voilà qu’à cause d’un bug, la population étudiante d’une université canadienne découvre que les vendeurs automatiques de chocolats font de la reconnaissance faciale. Le visage de chaque client est scanné, à son insu, et des statistiques sur l’âge, le genre et potentiellement plein d’autres choses sont envoyées au département marketing. Afin de nous vendre les merdes produites par les travailleurs passant leurs nuits sur des chaînes de production.

La question qui se pose : mais qui a accès à ces millions de données qui sont capturées autour de nous en permanence, que ce soit par notre montre, notre voiture, une caméra de surveillance ou un distributeur de boissons ?

Aram Sinnreich et Jesse Gilbert ont trouvé la réponse. Elle est simple : tout le monde. Il suffit de payer et ce n’est vraiment pas très cher.

Et même si vous n’avez aucun engin connecté, que vous faites très attention, aux États-Unis il est possible d’acheter les données concernant toutes les personnes se rendant à une adresse. Votre maison par exemple. Et savoir d’où elles viennent. Quel est leur niveau de vie.

Mais, dans ce cas-ci, le fabriquant du distributeur tente de rassurer : la machine respecte les lois, y compris le RGPD européen.

En fait, non. Le RGPD ne permet pas le scan de visage sans consentement. Mais si l’entreprise dit respecter le RGPD, qui ira vérifier ? Et comment vérifier ?

En utilisant le RGPD, j’ai fait effacer plus de 300 comptes en ligne à mon nom (ça m’a pris trois ans). Après plusieurs années, certains comptes soi-disant effacés ont recommencé à m’envoyer des « newsletters ». Donc, en fait, rien n’était effacé du tout. Mention spéciale au restaurant de sushis qui avait remplacé mon login "ploum" par "deleted_ploum" et prétendait que tout était effacé alors que j’avais encore accès au compte via le cookie de mon ordinateur. Ou le site d’immobilier qui a soudainement commencé à m’envoyer journalièrement les résultats d’une recherche que j’avais enregistrée… il y a 10 ans ! (et je ne pouvais pas me désinscrire vu que j’avais officiellement effacé mon compte depuis plus de deux ans).

Le marketing est, par définition, du mensonge. Les gens travaillant dans le marketing sont des menteurs. Dans les écoles de marketing, on apprend à mentir, le plus outrageusement possible. Tout ce qu’ils disent doit être considéré comme un mensonge. Nous sommes entourés d’un nuage de mensonges. Toute notre société est construite sur le rejet de toute forme de vérité.

Lorsqu’un menteur est pris en flagrant délit, ce n’est pas le mensonge détecté le problème. C’est, au contraire de réaliser tous les autres mensonges que nous n’avons jamais détectés.

Les hallucinations de Turing

Le test de Turing dit qu’une intelligence artificielle est véritablement intelligente si on ne peut pas distinguer ce qu’elle écrit de ce qu’écrirait un humain. Turing n’avait pas envisagé que l’immense majorité des écrits humains seraient des piles de mensonges produits par des départements marketing. Dans tout ce débat, ce qui m’impressionne n’est pas tellement l’intelligence de nos ordinateurs, mais la bêtise humaine…

Ce n’est même pas caché. Quand un journaliste de The Verge fait un article pour dire qu’une imprimante fonctionne bien (parce qu’elle imprime et pis c’est tout, ce qui est un truc de dingue dans le monde moderne), il est obligé de rajouter, de son propre aveu, du bullshit généré par ChatGPT afin que l’article paraisse sérieux aux yeux de Google. Lui, il le reconnait et préviens de ne pas lire. Mais pour un article comme cela, combien ne le disent pas ?

Les modèles de langage larges (LLM) sont condamnés à « halluciner », le terme politiquement correct pour « raconter absolument n’importe quoi ». Exactement comme les départements marketing. Ou comme les religions ou n’importe quelle superstition. L’être humain a une propension à aimer le grand n’importe quoi et à y trouver un sens arbitraire (c’est le phénomène de paréidolie, qui permet notamment de voir des formes dans les nuages).

Donc, ma question : vous espériez quoi, très sincèrement, des intelligences artificielles ?

Les mensonges que nous nous racontons

Et vous espérez quoi de l’humanité ? Non seulement nous passons notre temps à nous mentir, mais à « débattre » nos propres actions qui ne devraient même pas être discutables.

Allez, je vous donne un exemple de comportement que nous trouvons « normal » simplement parce que nous sommes trop crétins pour dire aux marketeux qu’ils sont de dangereux menteurs psychopathes et que donc, on se dit qu’ils ne doivent pas avoir toujours complètement tort.

Oui, je veux sauver la planète ! Chaque jour, je prends sur mon salaire pour faire un don de dix ou vingt euros à une énorme organisation multinationale qui fait travailler les enfants dans des conditions horribles et qui est responsable de près de 1% de toutes les émissions de CO2 de la planète. Sans compter les polluants : je participe chaque jour à l’une des plus importantes sources de pollution des nappes phréatiques et des océans.

C’est pour ça que je les soutiens chaque jour. Ça me coûte cher, mais je continue ! Et en les soutenant, je participe à tuer 8 millions de personnes chaque année, à causer 50x plus de cancers en France que n’importe quelle autre pollution et je participe activement à empirer toutes les maladies respiratoires dans mon entourage, surtout les plus jeunes.

Bref, je fume.

En plus, je pue. Je dérange tout le monde, mais personne n’ose me le dire, car c’est « ma liberté ». Les non-fumeurs sont tellement bien élevés, ils n’osent pas me dire que, si, ça les dérange que je m’en grille un. Alors, j’emmerde les non-fumeurs, j’emmerde les asthmatiques, j’emmerde la planète, car fumer, c’est ma liberté. Donner mon argent à l’une des entreprises les plus polluantes du monde, c’est ma liberté. Rendre asthmatiques mes enfants, c’est ma liberté. D’ailleurs, je vais manifester pour le climat en m’en grillant une !

Le tabac est un exemple très symptomatique : il est hyper dangereux, hyper polluant, hyper nocif y compris pour les non-fumeurs et n’a aucune justification pratique. Aucune, zéro, nada. L’interdiction de la vente de tabac aux jeunes ne devrait même pas être discutable. L’interdiction de fumer à moins de cent mètres d’un mineur devrait vous paraître une évidence.

Ce n’est pas le cas. Et beaucoup trouvent que simplement dire à un fumeur « tu pues, tu m’empestes » c’est « pas très respectueux », mais que se taper une crise d’asthme ou un cancer de tabagisme passif, c’est « normal ». Socialement, je ne comprends pas comment on ne considère pas un type qui allume une clope en public comme quelqu’un qui enlève son pantalon et se met à déféquer au milieu de la rue : comme un gros dégueulasse qui n’a aucune éducation et qui empeste son environnement (avec la différence que la merde n’est pas cancérigène).

Pour mettre en rapport, le tabac c’est trois crises du COVID chaque année. Rien que les morts annuels du tabagisme passif sont au même niveau que les victimes du COVID. Mais, contrairement au COVID, on ne prend aucune mesure alors que celles-ci sont faciles et évidentes. Pire, on encourage activement notre jeunesse à fumer !

Il faut en déduire que tant qu’on tolère la vente et la fumée dans l’espace public, c’est qu’on n’a pas envie de sauver la planète ni la vie des humains. Voilà, au moins les choses sont claires. Ce n’est pas qu’on ne peut pas. On ne veut pas. Point. C’est bon ? On peut arrêter de faire semblant et détacher les capuchons des bouteilles en plastique ?

Ingénieur et écrivain, j’explore l’impact des technologies sur l’humain, tant par écrit que dans mes conférences.

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Lectures : petite écologie de l’éducation et de l’informatique

mardi 5 mars 2024 à 01:00

Lectures : petite écologie de l’éducation et de l’informatique

De l’importance de l’écriture manuelle

L’écriture à la main, que ce soit avec un stylo, un crayon, un marqueur ou ce que vous voulez est une étape primordiale dans le développement du cerveau et dans la compréhension future de la langue écrite.

La littérature à ce sujet semble unanime, mais l’étude suscitée va encore plus loin en mesurant l’activité neuronale lors de l’écriture à la main ou avec un clavier. Il n’y a pas photo : l’apprentissage de l’écriture se fait donc d’abord, et c’est essentiel, en écrivant à la main et en déchiffrant différentes écritures.

Ensuite, si l’outil informatique vous intéresse, je conseille très fortement d’apprendre la dactylographie. Cela ne demande que quelques semaines d’efforts et cela change complètement l’interaction avec un ordinateur. Pour rappel, la dactylographie sur un clavier se base sur deux principes fondamentaux :

Premièrement, chaque touche correspond à un doigt particulier. On n’utilise pas les doigts au hasard.

Deuxièmement, la dactylographie doit impérativement s’apprendre à l’aveugle. Il ne s’agit pas de connaître par cœur la disposition du clavier ou de la visualiser. Il s’agit de créer un réflexe musculaire, un mouvement d’un doigt particulier pour chaque lettre.

C’est comme ça que j’ai appris à taper en Bépo et c’est, je pense, le meilleur investissement en temps que j’aie jamais fait de toute ma vie. Le fait de taper à l’aveugle et au rythme de ma pensée a transformé l’écriture en une véritable extension de mon cerveau. Je n’écris pas ce à quoi je réfléchis, mes pensées se contentent d’apparaitre sur l’écran.

Je tape tout en Bépo dans Vim car Vim me permet d’étendre les automatismes dactylographiques aux actions sur le texte lui-même : se déplacer, supprimer, remplacer, copier-coller. Mes enfants sont peut-être encore jeunes pour se mettre à Vim, mais si jamais une envie de Vim (une envim quoi) vous titille, je vous conseille le court manuel de Vincent Jousse.

Digitalisation de l’éducation

La « digitalisation » à l’aveugle des salles de classe est une hérésie absolue. Surtout que l’immense majorité des professeurs sont complètement incompétents en informatique et ne comprennent pas eux-mêmes ce qu’est un ordinateur (ce qui est normal et attendu, ils n’ont jamais été formés à cela).

Dans l’école primaire de mes enfants, ils sont tout fiers de proposer des séances d’explications… de PowerPoint !

Alors, deux petits rappels importants :

Premièrement, apprendre à utiliser des logiciels commerciaux, ce n’est pas de l’informatique. C’est de l’utilisation d’un outil commercial qui n’est pas généralisable et donc foncièrement inutile sur le long terme. Les enfants ont appris à cliquer sur deux boutons ? À la prochaine version, les boutons seront ailleurs et les enfants n’auront aucune connaissance intuitive de leur outil. Et c’est sans doute parce que le professeur n’en a aucune lui-même, mais c’était le prof de l’école qui « aime bien l’informatique », qui clique sur des .exe sans transpirer à grosses gouttes, du coup on lui confie ce rôle.

En deuxième lieu, si vous voulez qu’un enfant se débrouille avec n’importe quel logiciel, il y a une solution très simple : laissez-le faire. Sérieusement, laissez-le chipoter, essayer, faire n’importe quoi. Dans le cas du PowerPoint, je suis certain que si on laisse une classe une heure avec le logiciel, elle en saura plus que l’adulte qui peine. Mettez-leur en main des ordinateurs où ils ont le droit de « tout casser ».

Après, il y’a un énorme problème avec la génération actuelle à qui on fourgue une tablette dès la couveuse : ils n’ont jamais chipoté. Ils sont nés avec des appareils avec des grosses icônes sur lesquelles il suffit de cliquer pour acheter des applications. Des appareils qui sont conçus à dessein pour empêcher de comprendre comment ils fonctionnent et qui ne peuvent pas être « cassés ». Les outils propriétaires sont, par essence, des boîtes noires qui se veulent arbitraires et incompréhensibles.

Ce n’est pas de l’informatique. Ce n’est pas une connaissance utile. Ce n’est pas le rôle de l’école de s’occuper de cela.

Je réfléchis beaucoup à une méthode d’enseignement de l’informatique. Et j’en suis arrivé à une conclusion : apprendre les bases de l’informatique doit se faire sans ordinateur. Il y a tant de choses amusantes à faire sur un tableau noir : compter en binaire, écrire des petits algorithmes, créer des groupes d’enfants appliquant chacun un algorithme et voir ce qui se passe si on se passe des « données » dans un ordre plutôt qu’un autre…

Le concept de boîte noire

L’ingénieur tente d’utiliser une boîte noire avec laquelle il a appris à interagir grâce au scientifique. Le scientifique, lui, cherche à comprendre comment fonctionne l’intérieur de la boîte noire (qui contient elle-même d’autres boîtes noires).

Méfiez-vous des gens qui vous vendent des boîtes noires, mais sont étonnés à l’idée que vous demandiez ce qu’il y a à l’intérieur.

Réseaux sociaux

Outre comprendre l’informatique, il est vrai que les nouvelles générations doivent apprendre à vivre dans un monde de réseaux sociaux. Mais, une fois encore, la plupart des adultes ne comprennent rien et tentent d’imposer leur vision étriquée de ce qu’ils n’ont pas compris.

J’écrivais qu’un véritable réseau social ne peut pas être un succès. Tout le monde ne peut pas être dessus, sinon ce n’est plus vraiment un réseau social.

Winter traduit très bien ce sentiment avec ses mots : sur chaque plateforme, nous avons une identité différente, une créativité qui s’accompagne parfois d’une grande pudeur.

Après tout, lorsque j’ai créé ce blog, j’ai évité consciencieusement toute référence à mon nom officiel pour pouvoir m’exprimer sans crainte d’être jugé par mes proches. Ce n’est que petit à petit que j’ai pu prendre l’assurance de lier l’identité de Ploum avec celle de Lionel Dricot. J’ai tenu deux autres sites web, aujourd’hui disparus, dont un qui était un blog avant la lettre, sous des identités qui n’ont jamais été liées à moi. Dans son livre « Mémoires Vives », Edward Snowden insiste sur cet aspect multi-identitaire fondamental à sa vocation. Aaron Swart a également utilisé ces outils pour contribuer à définir la norme RSS en cachant qu’il était encore adolescent.

Cet apprentissage, ces libertés et ces explorations de ses propres identités sont malheureusement complètement perdus dans la vocation des réseaux sociaux centralisateurs qui imposent une et une seule identité.

La seule chose que les jeunes peuvent faire désormais, c’est de créer un compte sous un faux nom "réaliste", ce qui les incite à se faire passer pour un camarade et, de ce fait, à se porter préjudice l’un à l’autre, au grand dam des établissements scolaires et des parents qui doivent prendre des mesures énergiques pour dire que « Ça ne se fait pas d’usurper l’identité d’un autre ».

Non, ça ne se fait pas. Mais ça se fait de s’inventer des identités. De se créer des univers différents, qui interagissent dans des communautés différentes.

Et nous avons revendu cette liberté contre la possibilité d’être fliqué par la publicité avec l’obligation d’avoir notre vrai nom partout parce que « c’était plus facile ».

Bloat JavaScript

Et même sur le côté « plus facile », nous nous sommes fait avoir par le côté « boîte noire sans cesse changeante ».

Niki, blogueur sur tonsky.me, s’est amusé à calculer la quantité de JavaScript que chargent les sites principaux… par défaut ! Sur le « minimaliste » Medium, c’est 3Mo. Sur LinkedIn, c’est 31Mo.

Pour rappel, il y a zéro JavaScript sur ploum.net. En fait, pour un rendu relativement similaire (du texte aligné au milieu d’un écran), vous devriez télécharger 1000 fois plus de données pour lire un de mes billets sur Medium et 10.000 fois plus de données pour lire un de mes billets sur LinkedIn.

En plus du temps de téléchargement, le processeur de votre appareil serait mis à rude épreuve pendant quelques dixièmes de secondes voire des secondes tout court, augmentant la consommation d’électricité (de manière significative) et vous donnant une légère impression de lenteur ou de difficulté lors de l’affichage. Si vous avez un appareil un peu ancien ou une connexion un peu mauvaise, ces difficultés sont multipliées exponentiellement.

Ah oui. En plus de tout, sur Medium et LinkedIn, vous êtes complètement pistés et les données de votre lecture vont grossir les milliers de bases de données marketing.

Il y a même des chances que, pour lire l’article sur Medium ou LinkedIn, vous utilisiez le mode « lecture » de votre navigateur ou d’un logiciel quelconque. Mode qui après avoir tout téléchargé et tout calculé va tenter d’extraire le contenu de l’article pour l’afficher dans un style similaire à ploum.net.

Tous ces allers et retours alors qu’il est tellement simple, en temps que webmaster, d’offrir le texte directement, sans fioriture. De simplifier la vie de tout le monde…

Gaspillage et sécurité

Ces systèmes sont donc plus lourds, plus énergivores, beaucoup plus compliqués à produire. Pourquoi les produit-on ?

Mais ce n’est pas tout ! Leur complexité augmente la surface d’attaque potentielle et donc le nombre de failles de sécurité. Une joie pour les script-kiddies. Sauf que plus besoin des script-kiddies, les intelligences artificielles peuvent désormais automatiquement exploiter les failles de sécurité.

On va donc avoir, d’une part, des sites de spam/SEO générés automatiquement et, d’autre part, des sites légitimes qui se sont fait pirater et sur lesquels a été injecté du contenu spam/SEO.

Voilà, voilà, ne me dites pas que je ne vous avais pas prévenu.

Écologie

Le plus difficile, dans tout cela, c’est certainement la pression sociale. Si on aime vivre en ermite comme moi, c’est simple de refuser Whatsapp, Google. Mais lorsqu’on est ado, on se fout de ces principes. On veut faire partie du groupe. Avoir un iPhone. Être sur Tiktok. Jouer au dernier jeu à la mode en parlant du dernier Youtubeur sponsorisé par une marque d’alcool ou de tabac. Porter des fringues de marque produit par des enfants dans des caves en Thaïlande.

Pour l’adolescence, les préceptes moraux et les interdictions sont là pour être contournés (et c’est une bonne chose). Tout ce que nous pouvons offrir, c’est l’éducation. La compréhension des enjeux et des conséquences des actes posés dans leur univers de vie.

Bref, dans l’informatique comme dans tout autre domaine, nous devons enseigner l’écologie.

Mais encore faut-il que nous la comprenions nous-mêmes.

Nous vivons dans un monde où l’eau de pluie est désormais contaminée par des polluants dangereux… partout sur la planète ! Il n’existe plus une goutte d’eau de pluie qui soit considérée comme potable.

Alors, peut-être que nous devons accepter n’avoir pas de leçons écologiques à donner à nos enfants…

Ingénieur et écrivain, j’explore l’impact des technologies sur l’humain, tant par écrit que dans mes conférences.

Recevez directement par mail mes écrits en français et en anglais. Votre adresse ne sera jamais partagée. Vous pouvez également utiliser mon flux RSS francophone ou le flux RSS complet.

Pour me soutenir, achetez mes livres (si possible chez votre libraire) ! Je viens justement de publier un recueil de nouvelles qui devrait vous faire rire et réfléchir. Je fais également partie du coffret libre et éthique « SF en VF ».