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Publier, c’est rendre public !

mercredi 2 juillet 2014 à 18:25
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Régulièrement, des auteurs et des artistes s’indignent du « piratage » ou de la copie de leurs œuvres. Ils demandent le contrôle total de la diffusion de leurs créations, que ce soit pour des raisons bassement pécuniaires ou parce que, en tant qu’artistes, ils estiment avoir le droit de contrôler la manière dont l’œuvre doit être consommée ou perçue.

Je comprends tout à fait ce réflexe. Après tout, j’ai refusé de publier des textes de fiction sur le net pendant des années simplement parce que je ne voulais pas être un onglet parmi d’autres dans un navigateur mais bien être lu avec attention. Lorsque je réalisais des courts-métrages, j’exigeais que la projection se fasse dans le noir et le silence. Une rumeur prétend également que Georges Lucas exigeait que « Le Retour du Jedi » soit diffusé dans les salles certifiées THX !

Et pourtant… Ce sentiment que connaissent la plupart des créateurs n’est-il pas parfaitement irrationnel, contre-productif voire dangereusement stupide ?

Contrôler la diffusion

Étymologiquement, publier signifie « rendre public ». C’est un fait. Vous pouvez choisir de diffuser confidentiellement une création à l’unique condition de faire confiance aux heureux élus qui composent votre public restreint. Mais à partir du moment où vous choisissez de publier une œuvre, celle-ci est publique. Elle fait partie du patrimoine culturel de l’humanité. Si cela ne vous convient pas, abstenez-vous de publier.

Quoi que vous puissiez faire, une œuvre sera toujours perçue différemment. En fonction du contexte, de l’histoire de l’individu, de sa réceptivité dans un moment particulier. Chaque diffusion est donc unique et échappe complètement à son créateur. Et c’est d’ailleurs tout l’intérêt de l’art !

L’irrémédiabilité de la copie

Dès le moment où le créateur publie son travail, ce dernier lui échappe. Chaque écoute d’une musique, chaque lecture d’un livre est une copie. Qu’il s’agisse de produits chimiques altérés par la lumières, de bits sur un disque magnétique, d’encre sur du papier ou de neurones interagissant, l’œuvre vit. Le support n’est pas l’œuvre, il n’est qu’un intermédiaire possible.

Mais à chaque projection d’un film, il y a autant de copies que de paires d’yeux dans la salle. À chaque lecture d’un livre, une nouvelle copie se crée. Lorsqu’un père raconte une histoire à ses enfants, lorsqu’un adolescent raconte à son pote le dernier épisode d’une série pendant la récré, une nouvelle copie est née.

Certains artistes exigent le respect dû à l’œuvre. Mais avant l’œuvre, ne faut-il pas respecter les hommes ? L’artiste ne doit-il pas le respect à ceux qui donnent à son œuvre ce que les humains ont de plus limité et de plus précieux : leur temps ! N’est-il pas inconcevablement prétentieux et irrespectueux d’exiger qu’un homme « respecte une œuvre » selon la définition purement arbitraire que le créateur a donné au mot « respect » ?

L’évolution de la copie

Historiquement, les copies étant assez inexactes ou difficiles à produire, les producteurs se sont concentrés sur la vente de supports avec des copies relativement fidèles et ont réussi à faire croire aux créateurs que leur œuvre était intiment liée à cet artefact matériel.

Or, la technologie permet aujourd’hui de rendre ce processus de copie plus facile, plus exact, moins sujet à l’interprétation. Plutôt que de te raconter un film, je t’envoie un lien pour que tu le visionnes par toi-même. Mais le principe reste le même : partager une émotion, une œuvre. La faire vivre.

D’ailleurs, il est à présent possible de reconstituer, très imparfaitement, des images ou un court film en analysant l’activité du cerveau. L’époque où le simple visionnage d’un film sera équivalent à copier un DVD n’est plus très loin.

Oui, un cerveau est un outil de copie ! Si vous souhaitez empêcher la copie, il faut renoncer à tout public. Un lecteur m’a récemment envoyé cet extrait d’un guide touristique qui interdit expressément toute mémorisation par procédé chimique ! Bref, la lecture en est interdite pour peu que vous ayez des neurones ! Rigolo, non ?

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La dangereuse illusion du contrôle

Vouloir contrôler la copie entre individus porte un nom : le totalitarisme. Il n’y a pas d’alternative, pas de juste milieu. Si l’on souhaite éviter la copie non-autorisée, si l’auteur veut avoir la main-mise totale sur la diffusion, il n’existe qu’un système : la dictature absolue, le contrôle de la pensée. Chaque communication entre chaque citoyen doit être analysée et jugée comme légale ou non. Et bientôt chaque pensée !

Critiquer la copie de ses œuvres, vouloir l’empêcher c’est, tout simplement, demander la mise en place d’un système totalitaire. En critiquant la copie et en exigeant des mesures, certains artistes sont devenus les meilleurs porte-paroles d’un Internet censuré sous contrôle étatique. Soit par ignorance soit par pure hypocrisie.

La beauté de la liberté partagée

Pourtant, une œuvre n’existe que par la copie. Publier, c’est chercher à atteindre, c’est conquérir un public. J’entends certains artistes se plaindre de leurs faibles revenus dû à leur manque de visibilité et, en conséquence, accuser le piratage sur le net. Donc, ces artistes se plaignent de ne pas être diffusés alors qu’eux-mêmes font tout pour empêcher la diffusion de leurs œuvres !

Pourtant, amis artistes, votre public est généralement avide de vous soutenir ! Si vous lui donnez la liberté de consommer votre œuvre, alors il prendra la liberté de vous payer. Le plaisir et la liberté seront partagés. Mais le premier pas doit venir de vous. Car, entre nous, qui aime être obligé de payer ? Si vous n’offrez pas la liberté et le respect à votre public, celui-ci ne vous respectera pas.

Si, au contraire, votre public se sent respecté, il vous aidera, vous protégera. Il se détournera de ceux qui abusent de vos œuvres, par exemple en s’en appropriant la paternité. Bref, votre public vous rendra plus justice que cet avocat que vous n’avez de toutes façons pas les moyens de payer.

En conclusion

Si votre business model repose sur la privation de libertés d’autrui et sur le fait de brider l’évolution technologique, vous n’avez tout simplement pas de business model. Il est temps d’en changer.

Et si votre business est de publier, n’oubliez pas que publier, c’est rendre public. C’est perdre le contrôle. Vouloir publier sans être public relève de la schizophrénie. Mais perdre du contrôle, c’est gagner en liberté !

Et offrir de la liberté est le plus beau cadeau qu’un homme puisse faire à un autre ou à lui-même. D’ailleurs, d’une manière ou d’une autre, celui-ci vous le rendra

 

Photo par Aimee Heart.

 

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Ce texte est publié par Lionel Dricot sous la licence CC-By BE.

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Comment l’entraîneur belge a « hacké » les règles du football à la coupe du monde

vendredi 27 juin 2014 à 14:43
foot

Je suis conscient que, en ce moment, le football vous sort peut-être par les oreilles et ce blog est l’un des derniers endroits où vous espériez qu’on ne vous parlerait pas d’une coupe du monde éthiquement très discutable. Mais j’ai remarqué un phénomène très intéressant avec l’équipe de Belgique et je trouvais dommage de ne pas le partager avec vous.

Si vous n’aimez pas ou ne connaissez pas le foot, je vous encourage à continuer malgré tout votre lecture.

Lors du premier tour de cette coupe du monde, durant lequel chacune des 32 équipes joue trois matchs, seules quatre équipes ont réalisé trois victoires. Il y a tout d’abord l’Argentine et la Colombie, deux équipes considérées actuellement parmi les meilleures du monde et qui ont eu la chance d’être confronté à trois adversaires de niveau nettement inférieur. Il y a également les Pays-Bas, qui sont dans une forme éblouissante et se permettent de battre 5-1 les champions du monde en titre. Enfin, la Belgique. Qui a offert des matchs mornes, sans grand intérêt. Une Belgique qui n’a jamais clairement maîtrisé ses adversaires, qui ne semble marquer qu’in extremis, à la toute fin des matchs, par chance. Mais qui a néanmoins tout gagné.

La raison ? Selon moi, l’entraîneur Marc Wilmots a « hacké » les règles du football. Il a réussi à contourner les règles implicites que chaque équipe s’impose inconsciemment pour, tout en respectant les règles écrites, s’offrir un avantage indéniable sur les autres équipes. Un état d’esprit duquel nous pouvons tous nous inspirer.

Les règles de base du football

Chaque équipe de football se compose de 10 joueurs de champ et d’un gardien de but. Les matchs se déroulent en deux mi-temps de 45 minutes séparés par une pause d’un quart d’heure. Durant les 90 minutes d’un match, les joueurs, à l’exception du gardien, courent en moyenne une petite dizaine de kilomètres.

Ces 11 joueurs sont traditionnellement appelés les « titulaires ». Ils représentent l’équipe, les stars. Ils sont ceux que les supporters s’attendent à voir sur le terrain en début de rencontre.

Cependant, chaque joueur possède également une doublure : le remplaçant. Le remplaçant est, en théorie, disponible en cas de blessure, d’épuisement ou d’interdiction de match du joueur titulaire. Le gardien, qui est un rôle très spécifique, dispose lui de deux remplaçants. Au total, chaque équipe vient donc à la coupe du monde avec 23 joueurs.

La tactique classique

En règle générale, un entraîneur commence toujours un match avec ses titulaires, son « onze de base ». Ces dernières années, on peut parfois observer des variations au départ du match. L’entraîneur peut en effet vouloir exploiter certaines qualités d’un remplaçant en fonction de l’adversaire. Par exemple, un remplaçant qui est un peu moins bon techniquement mais très rapide sera aligné contre une équipe connue pour un jeu plus lent. Mais l’esprit du onze de base et de la claire séparation titulaires/remplaçants est toujours bien présente.

Jusqu’à 20 minutes de la fin du match, la tactique de remplacement est habituellement très simple : les remplacements ne sont utilisés qu’en cas de blessure. Il faut en effet les conserver précieusement car si les trois remplacements sont effectués et qu’un joueur se blesse, il ne peut plus être remplacé. L’équipe finit donc le match à 10 !

Lorsqu’on arrive dans les 20 dernières minutes, les entraîneurs décident généralement de faire leurs remplacements pour changer de tactique en fonction de la physionomie du match. Si l’équipe mène et doit conserver son score, on va remplacer un attaquant par un défenseur. Si, au contraire, l’équipe doit absolument marquer, on va remplacer un défenseur par un attaquant. On va également se permettre d’éventuellement remplacer un joueur trop épuisé ou que l’on souhaite épargner. La plupart du temps, seuls deux remplacements sont effectués, le troisième n’intervenant pas ou seulement dans les toutes dernières minutes. Il est gardé en réserve pour les cas de force majeure.

Les faiblesse de l’approche classique

Dans un match de foot, les joueurs se donnent pendant 45 minutes. Puis reprennent leur souffle pendant 15 minutes et se remettent à courir. Seulement, le regain d’énergie n’est généralement que de courte durée. Après 15 ou 20 minutes, la fatigue accumulée commence à se faire sentir. C’est pour cela que les matchs peuvent complètement changer de physionomie vers la fin.

Les remplaçants, qui, traditionnellement, n’arrivent qu’après 25 ou 30 minutes dans la seconde mi-temps, ont souvent besoin d’un certain temps pour « rentrer » dans le match. Certes ils sont frais, ils ont l’énergie mais ils ne sont pas vraiment échauffés, pas vraiment habitués à l’adversaire. En un quart d’heure, il est rare qu’ils renversent réellement la vapeur.

Enfin, sur les 23 joueurs officiels que comporte une équipe de coupe du monde, seule une quinzaine foule réellement la pelouse des stades. Les autres peuvent faire toute la compétition assis sur le banc de réserve et devenir champion du monde sans avoir touché un seul ballon !

Ce double problème est assez paradoxal : d’un côté on a des joueurs épuisés et de l’autre des joueurs qui ne jouent pas.

Le « hack » de Marc Wilmots

Marc Wilmots, l’entraîneur de l’équipe belge, est sans doute arrivé à cette même conclusion. Et il a décidé de trouver une solution créative.

Puisqu’on peut venir avec 23 joueurs à la coupe du monde, considérons l’équipe comme étant les 23 et non plus 11 avec 12 réservistes. En ce sens, l’équipe belge désoriente tous les journalistes : il n’y a plus de « 11 de base ». En 3 matchs, 20 des 23 joueurs belges ont déjà joué ! Seul un joueur de champ, Laurent Ciman, et les deux gardiens réservistes n’ont pas encore joué de match ! C’est un fait assez original et peut-être unique en coupe du monde.

Le fait de disposer d’une équipe de 23 encourage Marc Wilmots à effectuer des changements très tôt. Sur les 3 matchs, les 9 changements disponibles ont été effectués et 7 ont été faits avant la 65ème minute ! Un seul sur les 9 a été fait dans le dernier quart d’heure là où s’effectuent traditionnellement l’intégralité des changements.

La tactique est donc en fait relativement simple : pendant la première mi-temps, les joueurs belges jouent de manière classique, sans réel avantage. Mais dès le début de la seconde période, alors que la fatigue commence à se faire sentir des deux côtés, Marc Wilmots va remplacer les éléments les plus fatigués, souvent à l’attaque, par des joueurs tout frais et très rapides.

Ceux-ci pèsent donc très soudainement sur l’équipe adverse qui n’a pas encore fait ses changements. Les réservistes ont également bien le temps de rentrer dans le jeu et de s’adapter à l’adversaire. Sur les 4 goals marqués, tous l’ont été après la 70ème minute. 3 l’ont été directement par les réservistes fraîchement montés au jeu. Le quatrième, contre la Corée, n’a été possible que grâce au tir d’un réserviste qui jouait depuis moins de 20 minutes.

Le résultat de cette stratégie est sans appel : en jouant relativement mal et sans grande dépense d’énergie, la Belgique a gagné 3 matchs sur 3.

Quels enseignements peut-on en tirer ?

Si je vous parle de foot aujourd’hui, vous vous doutez que ce n’est pas pour le plaisir. C’est que j’estime que l’on peut tirer de merveilleux enseignements de cette stratégie.

Premièrement, il faut souligner à quel point nous nous mettons nos propres barrières. Chaque équipe dispose de 23 joueurs mais, au final, n’en utilise que 11 plus une poignée. Parce qu’on a toujours fait comme ça. Parce que le règlement dit « 11 sur le terrain » donc on ne joue qu’à 11. En remettant en question cette barrière, l’équipe belge a donné l’impression qu’elle était réellement composée de 23 joueurs.

La première leçon est donc : quelles sont les règles, les barrières que je m’impose à moi-même ? Quelles sont les ressources qui sont à ma disposition que je n’utilise pas parce que je me suis moi-même imposé de ne pas les utiliser ?

Le second enseignement fondamental est la prise de risque. Toute la stratégie classique des remplacements est centrée sur le fait qu’un joueur blessé doit absolument pouvoir être remplacé. C’est pour cette raison qu’un entraîneur attend souvent si longtemps : il ne peut pas prendre de risque, il veut être sûr de garder un remplacement de réserve.

Or, objectivement, le fait qu’un joueur soit blessé au point d’être remplacé est un phénomène relativement rare. De plus, être réduit à 10 ne signifie pas la catastrophe absolue. En fait, stratégiquement, il est préférable d’être réduit à 10 en menant 1-0 que d’être une équipe complète sans avoir marqué !

La seconde leçon est donc : quels sont les risques que je refuse de prendre ? Serait-ce vraiment tellement dramatique si je prenais ce risque ? Est-ce que le bénéfice n’est pas beaucoup plus important ? Est-ce que, finalement, le refus de prendre un risque n’est pas plus négatif que les pires conséquences si j’avais accepté de prendre le risque ?

Enfin, il est très intéressant de remarquer les réactions de la presse et des observateurs. La Belgique n’est pas convaincante, elle n’a pas un beau jeu. Wilmots se fait critiquer pour garder sur le banc des buteurs comme Origi. Pourquoi ne pas les « titulariser » pour les faire marquer dès le début du match ? Si vous m’avez lu jusqu’ici, il doit vous sembler évident que si un joueur comme Origi marque, c’est justement parce qu’il était sur le banc et est arrivé tout frais contre une équipe qui a 60 minutes de jeu dans les pattes. Le faire jouer au coup de sifflet ne l’aiderait pas, au contraire !

Tout cela prouve à quel point la remise en question des règles est difficile. La Belgique a gagné 3 matchs sur 3 et se fait pourtant critiquer. La raison est toute simple : la majorité est tellement habituée à respecter des règles qu’elle s’auto-impose qu’elle ne comprend pas comment la Belgique gagne. Elle critique parce qu’elle observe à un phénomène qui lui semble incompréhensible : une équipe qui joue mal et dont les joueurs changent tout le temps gagne tous ses matchs !

Et c’est ma troisième leçon : lorsque vous aurez décidé de ne pas respecter des règles implicites qui n’ont aucune raison d’être respectées si ce n’est la force de l’habitude, lorsque vous aurez accepté de prendre des risques que personne ne prend tout simplement parce que vous avez compris que ne pas prendre de risques est, paradoxalement, plus risqué, et bien, à ce moment-là, vous essuierez un feu de critiques. Vous ne serez pas félicité pour vos succès mais vous serez accueilli avec une incompréhension totale.

La stratégie de Marc Wilmots deviendra probablement une norme dans le football moderne. Les critiques seront oubliées et peut-être sera-t-il perçu comme un visionnaire.

Alors tenez bon ! Car, dans quelques années, seuls vos succès resteront dans les mémoires.

Photo par Jared Polin.

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La véritable richesse

mercredi 25 juin 2014 à 13:55
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À travers l’histoire de l’humanité, on observe que la notion de richesse évolue de manière constante. Pour chaque besoin, la richesse se définit d’abord comme avoir assez pour survivre. Puis beaucoup, trop et, enfin, plus du tout. Les classes pauvres suivent la même évolution avec un temps de retard sur les riches qui ont elles-mêmes un temps de retard sur les très riches.

Ce temps de retard entraîne une recherche perpétuelle de la pauvreté dans l’illusion d’une vaine recherche de richesse. Notre société est donc axée sur la recherche de la pauvreté maximale.

La nourriture

Pendant des millénaires, ne pas connaître la faim et disposer d’assez de nourriture était le privilège d’une minorité puissante, les riches. Comme semble l’indiquer la Vénus de Willendorf, les humains capables de s’engraisser étaient considérés comme un idéal sans doute inatteignable pour la grande majorité. Avoir beaucoup à manger était un signe absolu de richesse, de pouvoir. Quelques millénaires plus tard, les orgies permettaient aux riches romains de démontrer qu’ils avaient trop à manger ! Ce symbole de richesse s’est perpétué jusqu’à nous et à nos grands-parents voire nos parents pour qui une fête ne s’imagine pas sans « trop manger ».

Mais le productivisme du vingtième siècle a brusquement amené une nouvelle notion : tout le monde peut à présent trop manger. Et si être gras représente un atout dans une société où les famines sont courantes, cela représente un handicap dans une société où la faim a presque disparu mais où l’on peut espérer vivre centenaire.

En quelques décennies à peine, une fraction de seconde à l’échelle de l’histoire de l’humanité, l’idéal de richesse s’est soudainement transformé. La nourriture écœure. Les riches veulent avoir un corps respirant la santé et font des régimes. Ils mangent moins. Payent pour exercer une activité physique, cette dernière ayant été durant des siècles l’apanage des classes populaires. Par réaction, l’idéal féminin devient squelettique avant de se rééquilibrer doucement. La grande cuisine se définit comme d’immenses assiettes vides où se perd une microscopique feuille de salade. Quand à l’obésité, elle devient le symptôme le plus visible de la pauvreté. Trop manger est un réflexe de pauvre.

Les biens matériels

Lorsque l’humain commença à abstraire la notion de richesse, un homme riche pouvait transporter toute sa fortune avec lui : coquillages, outils, colliers d’os. Au fur et à mesure de la diversification des besoins, les riches firent construire des habitations de plus en plus grandes afin d’héberger leurs biens matériels de plus en plus variés et de plus en plus nombreux.

Par réflexe, les pauvres firent de même, accumulant tout ce qui pouvait l’être. L’idée étant d’utiliser un bien si un jour cela s’avère nécessaire ou de le revendre.

Mais, encore une fois, le productivisme a changé la donne. Jetez un œil sur des photos de maisons de riches. Ou dans un catalogue de maisons très chères conçues par des professionnels de la décoration. Ce qui est frappant est le vide, l’absence de biens matériels, l’espace.

En effet, le coût de stockage est loin d’être nul. Un bien est encombrant, nécessite parfois de l’entretien, occupe de l’espace et, pire, se révèle coûteux à évacuer lorsqu’il est inutile ! L’accumulation de biens à également tendance à neutraliser tout bénéfice potentiel : on ne sait même plus qu’on possède un bien ou, pire, on ne le retrouve plus lorsqu’il est nécessaire. Il est donc bien plus confortable de n’avoir que très peu de biens et d’acheter ou louer ce dont on a besoin au moment ou on en a besoin.

L’accumulation de biens est donc un réflexe… de pauvres ! Une caractéristique que l’on retrouve encore une fois chez nos grands-parents dont les maisons se révèlent un cauchemar à vider. Les vides greniers se font d’ailleurs payer très chers. L’accumulation de biens appauvrit !

La possession d’un moyen de transport

Le fait que la possession d’un bien appauvrisse le propriétaire s’illustre parfaitement avec les moyens de transports.

Historiquement, un humain ne s’éloignait jamais plus de quelques dizaines de kilomètres de son lieu de naissance. Les riches possédaient des chevaux ou des esclaves qui leur permettaient de s’affranchir de ces contraintes et de commercer, de s’informer dans des contrées lointaines.

Le moyen de transport était donc une source d’enrichissement. À tel point que le fait de posséder un cheval devint le symbole d’une caste noble : les chevaliers.

La voiture succéda au cheval mais les fabricants automobiles conservèrent précieusement cette symbolique. La voiture est une richesse et un signe extérieur de richesse. À chaque classe de richesse correspond une marque automobile.

Mais ne nous y trompons pas : la voiture, avant toute chose, appauvrit son propriétaire à cause de son coût de fonctionnement extrêmement élevé mais astucieusement camouflé en divers postes très différents.

Les riches se vantent de posséder une belle voiture ? Mais jetons un œil du côté des très riches. Les très riches ont des chauffeurs et n’ont généralement que faire de la marque de leur voiture. Ils souhaitent aller d’un point A à un point B et ne s’occupent pas de la manière d’y parvenir tant qu’ils peuvent continuer leurs activités. Ce sont leurs employés qui s’occupent de ces détails.

La possession d’un moyen de transport est donc, subtilement, en train de devenir la marque d’une moins grande richesse. L’arrivée des voitures autonomes ne fera que confirmer cette tendance.

L’information

L’information suit exactement le même cycle. Tellement rare et inexistantes pendant des millénaires qu’un voyageur était généralement bien accueilli en échange du simple fait de raconter son voyage. Une profession est née autour du fait de transmettre de l’information : les troubadours itinérants. Car, oui, déjà à l’époque, information et divertissement se mélangeaient étroitement.

Aujourd’hui, l’information est tellement disponible que nous devons apprendre à la filtrer, à ne consommer que celle qui est pertinente. Un phénomène très bien compris des classes “riches” qui, depuis des décennies, emploient des personnes chargées d’effectuer ce travail sous forme de revues de presse, d’analyses, de rapports. Dernièrement, un métier a même vu le jour : celui de curateur. Les très riches vont jusqu’à s’isoler régulièrement en chargeant des secrétaires de les avertir en cas d’informations réellement pertinentes.

Les personnes intellectuellement riches apprennent à se concentrer sur l’essentiel alors que les « pauvres » sont assaillis de faits divers et d’anecdotes qui leur donne des poussées émotionnelles mais qui les empêchent de réfléchir et de garder le contrôle de leur vie. Comme pour le reste, l’information appauvrit. Se gaver d’informations diverses en temps réel est devenu… un symbole de pauvreté.

Le travail

Il est important de constater que l’appauvrissement des individus va de pair avec un appauvrissement général de la société. La surproduction d’aliments ou de biens matériels, le passage du tout à la voiture ont des répercussions écologiques mais également humaines profondes. La société toute entière s’appauvrit !

Il s’ensuit que production économique = pauvreté.

La recherche du plein emploi ou de la croissance économique est donc une recherche de la création de pauvreté ! Le travail est producteur de pauvreté !

C’est finalement très logique : nous pensons que pour être riche, il faut beaucoup de nourriture, beaucoup de biens matériels, une grosse voiture et beaucoup de travail. Or, quelle est la classe la plus oisive ? Quels sont ceux qui peuvent se permettre de ne pas travailler ? Les riches ! Quel est l’idéal d’une société riche ? Une société dans laquelle personne ne doit travailler ! Que feriez-vous si vous gagnez au Loto ? Pour beaucoup : arrêter de travailler !

L’erreur fondamentale

Il est effrayant de voir à quel point notre société se fourvoie. L’erreur est tellement fondamentale, tellement cruciale que la majorité refusera de l’admettre. Tout comme grand-maman refuse d’admettre que je n’ai plus faim, qu’une portion de plus ne me fera pas du bien, au contraire ! Il faut pourtant se rendre à l’évidence : nous sommes bel et bien en train de sacrifier nos vies pour générer plus de pauvreté ! Nous valorisons le travail qui n’est rien d’autre que notre propre destruction !

La raison, encore une fois, réside dans le simple choix de mauvaises observables : PIB, rendements économiques, salaires, taux d’emploi, heures de travail ne sont pas des indicateurs de richesse mais bien de pauvreté ! Nous sommes à tel point aveuglés qu’une hypothétique société idéale dans laquelle personne ne travaillerait nous fait peur !

Mais cette société idéale, nous pouvons déjà la commencer : en travaillant moins, en consommant moins. En arrêtant de glorifier le creusage de trous et en nous comportant, tout simplement, comme des riches. Finalement, les philosophes nous l’enseignent depuis des millénaires : la richesse n’est pas la possession mais l’absence de besoin.

Alors soyons paresseux, l’avenir de la société en dépend !

 

Photo par Pavel P.

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Vers la fin de la publicité ?

jeudi 19 juin 2014 à 12:40
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Le paradoxe Google

Depuis quelques temps, je dis que Google est devenu son principal concurrent. Dans la recherche en ligne, core business historique de Google, le problème est évident à cause des pubs : soit le moteur de recherche de Google est très bon et le premier lien correspond à la pub affichée (donc la pub est inutile) soit ils ne correspondent pas et cela signifie que Google n’est pas bon.

Disons que je cherche « Acheter chaussures les moins chères ». Le premier lien affiché par Google est CheapShoes. Mais une pub s’affiche pour NotSoCheapShoes.

Si CheapShoes est bien le moins cher, la pub est trompeuse et me fera perdre ma confiance en Google et je vais acquérir le réflexe d’éviter à tout prix les annonceurs. Si NotSoCheapShoes est moins cher, alors c’est que le moteur de recherche n’est pas parfait en me renvoyant CheapShoes. Et si les deux liens sont les mêmes, c’est que la pub était inutile. Dans tous les cas, Google et les annonceurs sont perdants. C’est d’ailleurs pour cette raison que j’estime le concept de SEO comme condamné à termes. Le SEO n’est en effet qu’une exploitation des défauts de Google, défauts que Google corrigera avec le temps. Dans le monde de Google idéal, lorsque je cherche « Acheter chaussures les moins chères », Google me trouvera les moins chères indépendamment de toutes les optimisations SEO des différents vendeurs.

Et si Google vendait du vent ?

Google a perçu ce conflit d’intérêt depuis très longtemps et s’est diversifié en affichant des pubs ailleurs. Google a été jusqu’à développer Android dans le seul but d’afficher des pubs sur votre smartphone. Mais il s’avère que, en grande majorité, les pubs sur Android ne sont pas des pubs destinées à vendre. Leur seul et unique rôle est de vous ennuyer pour que vous passiez à la version payante de l’app. Je considère cela comme un véritable racket immoral : “Paye ou on continue à te pourrir la vie”. Cette fonctionnalité d’Android est même devenue un moment l’un des arguments majeurs en faveur de Apple. Google a donc effectué un véritable travail de reconversion pour qu’Android devienne, comme iOS, une plateforme de consommation (musique, jeux, livres, films) et non plus un support publicitaire.

En dernier lieu, il reste les pubs sur les sites (AdSense). Mais, ô surprise, une étude semble démontrer qu’elles ne sont peut-être pas du tout efficaces. L’observable utilisée (le clic) ne serait absolument pas liée au désir d’achat.

Ça me fait plaisir de le lire car ça fait des années que j’en ai l’intuition sans pouvoir le démontrer. Le but d’une pub est d’être vue, pas d’être cliquée. Rémunérer les supports au clic est donc une belle manière d’entuber les supports (10.000 personnes ont vu la pub mais seulement 100 ont cliqué, par inadvertance, donc on te paie 100).

La dramatique absurdité de la publicité inefficace

Cette situation entraîne plusieurs problèmes. Premièrement, les sites qui affichent de la pub font désormais tout ce qui est en leur pouvoir pour faire cliquer les gens, même de manière malhonnête (le faux bouton pour fermer la pub par exemple). Et les contenus deviennent les plus courts possibles. Je me répète mais, lorsque que nous choisissons une mauvaise observable, nous pervertissons le système et obtenons une situation absurde. Un site qui affiche de la pub n’est pas un site qui cherche à apporter de la valeur à ses lecteurs, c’est un site qui cherche à leur faire acheter quelque chose.

Mais le problème de la publicité est bien plus large que quelques conflits d’intérêts : le web devenant de plus en plus important, il n’est plus juste un point de passage avant d’aller faire ses courses dans un vrai centre commercial comme l’espéraient les publicitaires. Une personne qui passe sa journée sur le web, qui est bombardée de pub pendant 12h ne pourra pas honorer toutes les pubs. Elle s’achètera un sandwich et, une ou deux fois par mois, quelques vêtements et accessoires high-tech mais guère plus.

Ces achats sont de moins en moins suffisants pour financer tous les sites visités pendant la journée. Car, rappelons-le, le modèle de la pub est qu’en faisant vos achats, vous financez les sites qui vous ont montré des pubs. Et ce modèle est en train d’atteindre ses limites.

Les premières victimes sont, sans surprises, les supports, les sites vivant de la pub. Sans aucune explication, ils voient leurs revenus fondre comme neige au soleil, ils voient leur compte AdSense bloqué. Comme toute industrie sur le déclin, ils paniquent et, au lieu de se remettre en question, se rabattent sur l’argument moral en vous accusant vous, lecteurs, d’être la cause de tous les maux en utilisant AdBlock. Mais la fin du scénario est inéluctable : la publicité sera de moins en moins rentable et de plus en plus envahissante.

L’espoir du prix libre

C’est pour cette raison que je suis très optimiste quant à l’avenir du prix libre et que je vous invite, si vous souhaitez accélérer cette évolution du web, à soutenir volontairement vos sites web préférés. Contactez les auteurs et offrez leur un petit don avec, en message « En espérant la fin des publicités ». Conseillez-leur d’installer Flattr !

Personnellement, je l’avoue, j’ai beaucoup d’affection pour ceux qui vivent de la publicité mais, comme Numerama ou Korben, tentent autre chose, essaient le prix libre, reconnaissent que pour le moment c’est encore trop anecdotique par rapport aux revenus publicitaires mais ne ferment pas la porte à une transition. Au fond, j’ai le sentiment que eux aussi aimeraient ne plus servir la soupe à un intermédiaire mais apporter directement de la valeur à leurs lecteurs.

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Photo par Daniel Oines. Relecture par Sylvestre.

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Ce texte est publié par Lionel Dricot sous la licence CC-By BE.

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Au fond, qu’est-ce que le travail ?

dimanche 15 juin 2014 à 00:55
torture

Alors qu’on parle sans arrêt d’emploi, de chômage, de licenciement voire de plein-emploi, il est peut-être important de se poser une question de base, essentielle : qu’est-ce que le travail ?

Car si le concept paraît évident, il s’avère que la définition est floue et varie très fort d’une personne à l’autre. Est-ce qu’un fonctionnaire qui a une place de planqué et qui ne fait rien de la journée travaille ? Est-ce qu’un rentier qui fait fructifier son argent travaille ? Est-ce qu’un chômeur qui cultive son potager travaille ?

Le postulat Travail = Revenu

Si on prend la peine d’y réfléchir un instant, on se rend compte que nous avons assimilé la notion de travail avec celle de revenu. Un pauvre qui mendie mettra sur sa pancarte « Je n’ai pas de travail ». Un parent au foyer, actif dans l’associatif et qui touche le chômage ou qui n’a pas de revenu sera assimilé à un « fainéant qui ne travaille pas » alors qu’il est au contraire tout à fait honorable de vivre de ses rentes, de « faire travailler son argent ».

Nous avons été éduqués pour accepter l’équivalence travail = revenu. Quelqu’un qui n’a pas de revenu est quelqu’un qui ne travaille pas. Et il faut tout faire pour travailler, c’est-à-dire gagner de l’argent.

Il s’ensuit également que les personnes qui gagnent énormément d’argent ont l’impression de beaucoup travailler ou, en tout cas, de fournir un travail d’une grande valeur. Et comme l’unité de travail est l’heure, on arrive à l’aberration que plus on est lent pour effectuer un travail, plus on gagne de l’argent. Encore un coup des observables.

Le paradoxe du chômage

Le seul bémol nous vient des chômeurs. Le chômage est en effet un revenu destiné à ceux… qui ne travaillent pas. Mais si travail = revenu, le chômage est un paradoxe. Ce paradoxe est résolu tout simplement en scandant un slogan abrutissant : le travail d’un chômeur est de chercher du travail. Le chômeur doit donc, à plein temps, se consacrer à la recherche d’un travail. Il sera contrôlé, surveillé et devra se plier à des règles absurdes juste pour que sa situation s’apparente à un travail.

Mais si la recherche d’un travail est un réel travail, ne pas en trouver est un échec. Le chômeur qui n’a pas trouvé de travail, forcément car il est chômeur, est donc stigmatisé par le reste des travailleurs, rejeté, conspué, accusé de tous les maux et sert confortablement de bouc émissaire à une frange du spectre politique. La raison de cette haine du chômeur est tout simple : il est la preuve vivante que, non, le travail ne correspond pas à l’argent, que ce postulat fondamental de notre société est faux. Il en résulte un très bel exemple de dissonance cognitive : face à la contradiction, l’humain cherche à simplement se débarrasser du symptôme : le chômeur.

C’est également pour cela que le principe du revenu de base se heurte si souvent à un mur : il n’est pas compatible avec le postulat revenu = travail.

Les conséquences d’un postulat erroné

Pourtant, les bénévoles, les parents, les artistes, les gens actifs savent tous qu’on peut travailler sans revenu. Et tous les riches savent qu’on peut avoir un revenu sans travailler. Une fois qu’on a accepté de se débarrasser de ce postulat, la plupart des mouvements sociaux et leurs réponses politiques nous apparaissent comme grotesques.

strikers

Mais alors se pose une question angoissante qui n’a plus vraiment de réponse toute faite : qu’est-ce que le travail ? La notion même de travail est-elle encore nécessaire ? N’est-elle d’ailleurs pas en train de disparaître pour être remplacée par la notion « d’activité » ? On observe en effet de plus en plus de personnes devenir indépendantes et mêler joyeusement activités rémunérées ponctuellement, activités bénévoles voire, comme ce blog, activités qui sont dans la zone grise entre les deux. Même le sacro-saint CDI est complètement remis en question.

Quand on sait que le mot « travail » signifiait à l’origine « tourment » ou « souffrance » et qu’il provient d’un mot latin désignant un engin de torture, quand on observe que seulement 13% des travailleurs de la planète apprécient leur travail, ne peut-on pas se réjouir que la société se débarrasse du travail ?

Mais pour 87% de la population, il faudra accepter avoir souffert toutes ces années. Il faudra accepter de se remettre en question. Il faudra supporter dans le regard des enfants ce questionnement naïf : « Mais enfin, papa et maman, pourquoi vous avez passé 30 ans de votre vie à vous rendre dans un endroit que vous n’aimiez pas afin de faire quelque chose qui vous stressait et vous rendait irritable ? ». Au fond, c’est peut-être plus facile de traiter les chômeurs de fainéants et d’inculquer à nos enfants la valeur de la souffrance au travail.

 

Post Scriptum : Entre nous je vous l’avoue, le slogan « Travail, Famille, Patrie » a toujours représenté une conception de la société que j’abhorrais, ma dystopie ultime. Or, nous sommes en train de faire voler en éclat la notion de patrie avec internet. Nous avons, malgré l’opposition de quelques réactionnaires, redéfini la famille comme une entité mouvante, dynamique, complexe et affranchie des règles arbitraires du passé. N’est-il pas temps de s’attaquer au concept de travail ?

 

Photo par Anguskirk.

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Ce texte est publié par Lionel Dricot sous la licence CC-By BE.

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