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Chapitre 6 : la machine à cliquer se rebelle contre le superorganisme

jeudi 24 février 2022 à 15:07

24 février

Je suis devenu une machine à cliquer. Un rouage anonyme dans un gigantesque superorganisme qui se nourrit de mon attention, de mes capacités, de mon identité. J’ai décidé de me libérer, de m’échapper. Je ne suis pas sûr d’y arriver seul. Peut-être que j’ai besoin que nous soyons plusieurs à réclamer notre liberté. Peut-être n’est-il pas trop tard.

Ce livre est la première étape. Pour arriver à écrire ces quelques lignes, j’ai passé ces dernières années à restreindre l’usage de mon téléphone. Je me suis organisé une année complète « déconnectée ». À chaque fois que j’hésite, que je me mets à réfléchir, une partie de mon cerveau se tourne vers mon téléphone ou vers une icône cachée derrière mon éditeur de texte. Une partie de mes neurones se demandent si j’ai reçu des mails. Si je ne dois pas répondre à un message de ma famille. Ou si une nouvelle intéressante n’a pas été postée sur les réseaux sociaux.

Écrire n’est que la moitié du chemin. Encore faut-il que ce livre soit lu. Beaucoup d’entre vous n’y arrivent pas ou n’y arrivent plus. Vous me dîtes souvent que vous avez été un grand lecteur, mais qu’aujourd’hui, vous n’avez pas le temps. Ou qu’au contraire vous aimeriez vous mettre à la lecture. Et que vous n’avez pas le temps. Selon vous, ce temps est pris par le travail, la famille, le ménage et autres obligations.

Je n’ai pas le temps d’écrire ce livre. Vous n’avez pas le temps de le lire. Et pourtant, à la fin de l’année, nous pourrions avoir la lucidité de constater que, sans avoir le temps, nous avons collectivement écrit des milliers de messages sur Whatsapp, Signal ou Messenger, la plupart étant sans réel intérêt au-delà des quelques secondes passées à les écrire. Que nous avons posté et lu des centaines de pages de texte sur les réseaux sociaux, sous forme de pensées, de coup de gueule, de réactions à l’actualité, de commentaires. Que nous avons lu l’équivalent de plusieurs livres sous forme d’articles d’actualités dont nous avons déjà oublié le contenu aujourd’hui. Que nous avons regardé des heures entières de vidéos sur Youtube, depuis les conférences TEDx vaguement intéressantes aux buzz les plus ridicules. Que nous avons regardé plusieurs saisons de séries sur Netflix. Que malgré que nous nous défendions de regarder la télévision, nous avons regardé le journal télévisé presque chaque jour, ce qui correspond à lui seul à 2% de notre temps total de vie. Que nous sommes au courant de ce qui s’est passé dans telle ou telle émission télé, que nous connaissons le nom des présentateurs, des polémistes. Que nous avons un avis sur des événements que nous n’avons pas vécus.

Nous sommes donc incroyablement actifs. En moyenne, il doit vous rester entre 1 et 2 milliards de secondes à vivre. Notre temps est certes limité, mais nous en avons cependant à assez pour le consacrer à des milliers de choses pas tellement importantes. Pourtant, nous gardons le sentiment de ne pas avoir de temps. Nous avons l’intuition que le temps s’effiloche. Nous savons que lire un livre nous apportera de la valeur intellectuelle, c’est pourquoi nous regrettons de ne pas avoir plus de temps pour lire. Pourtant, nous passons notre temps dans des activités dont nous avons parfois honte au point de nier les faire, au point de refuser d’admettre y passer du temps. Parfois, nous nous sentons coupables au point de devoir nous justifier.

Les livres et les techniques de développement personnel tentent de nous motiver et de nous culpabiliser. Il suffirait de le vouloir, de choisir. Tout ne serait qu’une question de volonté ou, au pire, de prise de conscience.

Nous sommes nombreux à être conscients de la nocivité des réseaux sociaux ou de la simple exposition aux écrans au point de l’interdire strictement à nos enfants. Pourtant, nous y sommes quand même. Parfois compulsivement. Parfois sans même nous en rendre compte. C’est juste pour vérifier une info. Juste pour te montrer une image. Les statistiques changent régulièrement, mais, à la fin de la journée, un adulte moyen a probablement passé entre 3h et 8h sur son téléphone.

Au plus profond de nos fibres, nous sommes pour la plupart convaincus que lire un livre est infiniment plus enrichissant que de surfer sur Facebook. Pourtant, les statistiques de votre téléphone vous démontreront que votre temps journalier passé sur ces réseaux sociaux est très rarement en dessous de l’heure. Sur ce même téléphone qui nous permet d’accéder à des livres électroniques très simplement. Si seulement une fraction du temps consacré à faire défiler des images dans Instagram ou à cliquer sur des petits dessins dans un jeu était consacré à lire une page ou deux, nous finirions tous entre un et dix livres supplémentaires par an.

Ce n’est pourtant pas le cas. Nous avons beau vouloir, nous n’y arrivons pas.

Si la volonté n’est pas suffisante, c’est peut-être qu’il y’a une autre force à l’œuvre. Une entité qui nous dépasse, qui nous contrôle. Un super organisme qui se nourrit de nos clics et qui, pour croître, nous transforme petit à petit en machines à cliquer.

Pour s’en convaincre, il suffit de lever la tête de son téléphone dans la rue, dans le train ou dans un magasin. Nous sommes rivés les yeux sur l’écran, le cou tordu en une disgracieuse difformité. Nos doigts s’activent sans cesse, font défiler, cliquent, tapotent, défilent. Nous nourrissons l’hydre. L’effet est particulièrement visible chez les adolescents. Ils marchent en groupe, chacun tenant son écran, interagissant à la fois verbalement et par écrit. Ils croient être partout à la fois, de peur de ne pas être assez sociaux, la phobie type de l’adolescence, mais ils ne sont nulle part. Le pauvre hère qui n’est pas sur son téléphone a l’air d’un extra-terrestre, d’un exclu. Les adultes ne valent guère mieux. Il suffit d’observer les couples au restaurant qui ne se regardent pas. Cet homme en cravate pénétré d’un air d’importance qui consulte ses mails en commandant distraitement un sandwich. Ce jeune parent qui discute en tenant un petit micro près de sa bouche, les oreilles bouchées par des écouteurs tout en berçant distraitement un landau du pied.

Il serait facile de juger, de considérer la paille chez les autres sans voir sa propre poutre. Ou de rationaliser qu’il s’agit d’une évolution normale.

Mais personne ne peut nier l’implacable symptôme. Nous nous plaignons de ne pas avoir le temps de faire ce que nous voulons et pourtant nous consacrons un temps incroyable à faire quelque chose que nous ne voulons pas faire.

Les lieux publics bruissent des constantes notifications, ces signaux sonores qui ont été conçus, à dessein, pour attirer l’attention, pour signaler l’urgence, l’importance d’arrêter tout. Dans les années 1990, les tamagotchis, petits jeux électroniques portables représentant un animal à nourrir et faire grandir, ont inauguré cette ère de « notifications ». La notification est la version artificielle du pleur de bébé, un son conçu pour être impossible à manquer et désormais omniprésent dans les rues, les restaurants et les maisons.

Le superorganisme, sorte de tamagotchi planétaire, se rappelle à nous : « Nourris-moi ! J’ai faim ! »

Pour s’en libérer, la volonté seule ne suffit pas. Nous devons prendre conscience de ce que nous faisons, nous devons comprendre les causes qui nous ont amenés à créer ce super organisme.

Nous libérer n’est donc plus un simple acte individuel. Il s’agit d’une rébellion, d’un acte de résistance à la fois contre le super organisme, mais également contre tous ses servants, contre les autres êtres humains.

Dès les premières velléités d’indépendance, les défenses immunitaires du super organisme se mettront en branle, tenteront de nous remettre dans le droit chemin, de nous soigner. Ou de nous exclure définitivement, de faire de nous un paria.

Lire ce livre jusqu’au bout n’est donc pas qu’un acte individuel, une manière de reprendre contrôle sur votre vie. Il s’agit également d’un acte de révolte planétaire, une manière de lutter contre l’absurdité d’un système inégal qui détruit la planète, qui détruit les vies.

C’est du moins comme cela que je l’écris. Comme un cri de révolte, un cri de désespoir, un cri d’espoir.

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Ce texte est publié sous la licence CC-By BE.

Chapitre 5 : le plaisir coupable de l’exploration

mercredi 9 février 2022 à 14:18

9 février

Longtemps, je me suis couché à pas d’heure. Parfois, à peine mon écran éteint, mes yeux ne se fermaient point, contemplant la pénombre et accueillant un flux d’idées et de conscience nouvelle.

Une idée lancinante revenait, m’obnubilait. Pourquoi tout me semblait-il soudainement si clair, si évident dans le noir ? Pourquoi cet état de grâce intellectuelle n’arrive-t-il jamais plus tôt ? Pourquoi ai-je l’impression de gâcher mes journées ? Pourquoi la créativité, l’énergie d’entreprendre n’arrivent-elles que lorsque je considère la journée comme terminée et que je me déconnecte ?

La réponse est étrangement simple : l’appel de la connexion.

Dans ma manière de travailler, j’ai identifié trois étapes très différentes. Premièrement, explorer à la recherche de nouveautés, de textes et d’informations à lire plus tard. Ce que beaucoup appellent la sérendipité. En deuxième lieu vient l’acte de lire, d’étudier ces textes, ces livres. Enfin, dernière étape, l’action, la création. À partir de ces connaissances nouvelles, je me mets réellement « au travail », pour écrire, coder, créer.

Sur ces trois étapes, le monde connecté glorifie particulièrement la première. La recherche de nouveautés est si intéressante, si amusante, si exaltante que je peux y passer ma journée. Rechercher des nouveautés est un plaisir, un rituel semblable à la pause cigarette des fumeurs. Chaque excuse est bonne pour dire « Faisons une pause et voyons s’il n’y a rien de nouveau en ligne ». Dix minutes de travail « réel » donnent droit à trente d’exploration.

L’exploration est particulièrement jouissive lorsque ce qui est découvert est petit, immédiat, facilement digestible. Les découvertes plus longues sont sauvegardées pour un utopique et irréaliste « plus tard », empilées dans de boulimiques logiciels spécialisés ou des listes de lectures.

L’addiction à cette constante nouveauté, couplée avec l’ubiquité d’une connexion mobile permanente, a rapidement fait disparaitre la moindre minute de vide, d’ennui, de rien. Depuis les toilettes à la récupération après un jogging dans le parc ou la file d’attente au supermarché, chaque minute qui était auparavant « intellectuellement gaspillée » peut désormais être remplie d’une quelconque nouveauté aléatoire. Ou, tout au moins, d’une quête de ce genre de nouveautés.

Mais il ne s’agit pas seulement des minutes perdues à droite ou à gauche. Les heures passées devant un bureau peuvent, soudainement, être remplies de la même façon. Chaque difficulté, chaque incertitude, chaque décision à prendre fait naitre dans mon cerveau la suggestion de faire une douce pause, facile et certainement méritée. Une pause qui n’est qu’à un mouvement de souris, dans une fenêtre qui reste en permanence ouverte dans un coin de mon ordinateur. Au final, seule l’adrénaline de l’urgence me donne la force d’échapper à cette boucle infinie et d’accomplir le minimum nécessaire dans l’urgence.

Malheureusement, les idées ne naissent que dans le terreau du rien, du vide, de l’ennui. Ces minutes « intellectuellement gâchées » ne l’étaient qu’en apparence. En les échangeant contre de minuscules fragments de plaisir immédiat, j’ai abandonné une composante essentielle de mon intelligence, de ma conscience, de ma condition humaine, endommageant mon système dopaminique.

Les idées durables, importantes, ne sont jamais le fruit d’une urgence. Durant une urgence, vous pouvez bien entendu rapidement éteindre les incendies, mais vous ne pouvez pas concevoir des immeubles ininflammables. Les solutions rapides et faciles mènent, sur le long terme, à encore plus d’incendies, de catastrophes. Requérant elles-mêmes des solutions faciles, immédiates. Le cercle vicieux de la décadence célébrée par notre économie de marché : plus d’incendies signifient plus d’emplois nécessaires pour implémenter des solutions court-terme qui, eux-mêmes, créeront plus d’incendies et donc plus d’emplois pour le futur. Tout inventeur qui arriverait avec une solution efficace sur le long terme serait immédiatement lapidé pour avoir tenté de tuer la poule aux œufs d’or.

Étant connecté, j’ai arrêté de réfléchir aux problèmes que je rencontrais, de lire sur le sujet, de tenter de comprendre l’architecture sous-jacente. À la place, je me suis mis à chercher des solutions rapides, postées en ligne par des gens ayant le même genre de problèmes. Parfois, ces solutions n’étaient disponibles que dans des vidéos, ou du moins c’est ce que prétendait la vidéo. Il semblerait qu’écrire et lire soit devenus trop difficile pour une majorité de la population en ligne, ce qui me forçait à passer encore plus de temps en ligne à regarder lesdites vidéos. Lorsqu’après avoir écumé les moteurs de recherche, plutôt que de réfléchir, je me mettais à poster sur des forums, des réseaux sociaux. Rétrospectivement, cela ne fonctionnait que très rarement. Je ne suis pas sûr d’avoir reçu un seul conseil vraiment utile de cette manière. Il faut dire que le seul conseil vraiment utile aurait dû être « Déconnecte-toi une heure ou deux, va dehors et réfléchis à ce que tu veux vraiment accomplir ». À la place, je rafraichissais compulsivement mon navigateur, guettant des réponses qui tenaient le plus souvent du débat sur le fait que je ne devrais pas vouloir faire ce que je voulais faire ou qui me donnait des mauvaises solutions mille fois répétées en ligne. Les rares fois où une interaction me révélait une information pertinente, je découvrais que cette information avait été sous mon nez depuis le début. La plupart du temps, j’avais de toute façon contourné le problème depuis bien longtemps et devait me débattre avec une discussion que j’avais initiée, mais qui ne m’intéressait plus.

Je décidai de sortir de cette spirale infernale. En premier lieu en bloquant les sites qui me prenaient le plus de temps sans m’apporter beaucoup de valeurs. Les réseaux sociaux et les sites d’actualité. Je me fixai l’objectif de passer trois mois sans aucun site social ou d’actualité. Une diète que j’intitulai « Déconnexion » et qui, ironiquement, me permit d’attirer beaucoup de lecteurs vers mon blog.

Mais cette déconnexion n’eut pas l’effet escompté. Au lieu d’avoir soudainement beaucoup de temps libre pour réfléchir et écrire, mon cerveau se mit à trouver automatiquement des alternatives. Des sites particulièrement intéressants se mirent à émerger dans le vide laissé par les réseaux sociaux.

Qualitativement, le temps passé en ligne s’améliora grandement. Je me mis à lire des billets de blog plus longs, avec des réflexions plus soutenues sur des sujets qui m’intéressaient et me touchaient. Un mieux, certes, mais je restai bloqué dans l’étape de l’exploration. Pire : la découverte qu’il y’avait tant à découvrir la rendait encore plus pressante. Pour ma productivité personnelle, il n’y a qu’une chose de pire que le contenu de piètre qualité : c’est le contenu de bonne qualité !

Le problème structurel avec la connexion permanente est que le monde en ligne change tout le temps. À peine avez-vous fermé votre navigateur que la conviction s’installe de rater quelque chose, de rater la fête qui continue. Peut-être devrais-je vérifier encore une fois ? Juste une dernière fois ? De toute façon, si vous savez que vous risquez d’être interrompu (par vos enfants, par vos collègues, par votre patron, par une notification quelconque), rien ne sert de se concentrer. Au contraire, les interruptions sont très désagréables, voire douloureuses, lorsque l’on est très concentré. Pour éviter toute douleur, autant rester superficiel.

Imaginez un instant avoir reçu un mail important. Vous voulez prendre le temps d’y réfléchir pour y répondre de manière posée. Vous méditez, vous marchez seul tout en y réfléchissant. Revenu à votre bureau, vous ouvrez votre logiciel de messagerie pour rédiger cette réponse qui se cristallise dans votre esprit. Une notification apparait. Des nouveaux messages apparaissent dans votre boîte. Certains peuvent être traités très rapidement. Autant le faire tout de suite. Un de ces nouveaux mails vous fait penser de vérifier un article Wikipédia sur le sujet. Qui lie vers un autre article intéressant. Voilà. Votre réponse structurée à ce mail important est définitivement perdue dans le brouillard informationnel.

Il est impossible de réfléchir tout en étant connecté, car toute notre infrastructure informatique est conçue et prévue pour que chaque changement, aussi minuscule soit-il, soit considéré comme la chose la plus importante à être communiquée le plus immédiatement possible. Le simple concept de « notification » est l’aveu que la destruction de toute réflexion est volontaire, que l’humain doit obéir aux injonctions de l’ordinateur, pas le contraire. Qui a bien pu imaginer une seule seconde que la réception d’un nouveau message ou la disponibilité de mises à jour logicielles étaient des choses plus importantes que ce que je suis en train de faire ?

Désactiver ces notifications n’est pas aisé ni même toujours possible. Mais, lorsque c’est le cas, la situation est parfois pire. N’ayant plus les notifications, nous nous retrouvons à aller nous-mêmes consulter manuellement les informations plusieurs fois par heure. À la fois par crainte de rater quelque chose et par espoir de découvrir une nouveauté quelconque.

Désormais déconnecté, je synchronise mon ordinateur une fois par jour. Une fois que j’attends avec impatience, fébrilité. Lorsque je branche mon ordinateur, je ressens une vague de jouissance incontrôlée. De retour dans mon bureau, je traite mes mails, satisfait de ne pas lutter contre une boîte de réception transformée en torrent permanent. J’apprécie le calme de savoir que je ne recevrai pas de nouveaux mails avant demain, avant d’avoir traité tous ceux-ci. La morbidité de la connexion permanente me semble une évidence.

Parfois, la moisson est faible. Le traitement est rapide. Le silence s’installe sur mon ordinateur. J’ai enfin le temps de travailler. De réfléchir. D’écrire. Alors, mon cerveau se met à tirailler, à négocier. Je me mets à regretter la connexion. À regretter les mises à jour logicielles qui remplissent le temps. À regretter les liens sur lesquels cliquer compulsivement.

C’est ma nature. C’est ce que je suis devenu. C’est en quoi j’ai été transformé. Une machine à cliquer.

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Ce texte est publié sous la licence CC-By BE.

Chapitre 4 : les messageries instantanées

vendredi 14 janvier 2022 à 09:37

10 Janvier

La fin de la journée arrive. J’ai répondu aux mails, j’ai consulté ce qu’il fallait. Au lieu de lire en ligne, j’ai été forcé de terminer certaines tâches. Je sais qu’il n’y aura rien de nouveau sur mon ordinateur. Pas besoin de le consulter avant d’aller dormir. Pas besoin de le consulter immédiatement au lever. Le matin, en buvant mon thé, je commence à prendre l’habitude de répondre aux derniers mails dans ma boîte avant ma prochaine synchronisation.

Aujourd’hui, j’ai raté une réunion téléphonique.

J’avais bien allumé mon téléphone ce matin, mais je l’avais laissé en silencieux.

Je suis bien forcé si je ne veux pas être dérangé par les appels presque quotidiens du fameux « Bureau des énergies », une sorte d’arnaque téléphonique incompréhensible qui ne respecte aucune règle, aucune loi, changeant à chaque fois de numéro et raccrochant dès que l’on demande le nom de la société incriminée ou de ne plus être appelé. Ce spam constant a rendu, à lui seul, mon téléphone invivable s’il n’est pas en silencieux.

Il y’a aussi les messageries instantanées. Il y’a surtout les messageries instantanées. J’utilise Signal, mais vous connaissez probablement Whatsapp, Telegram, Messenger, Viber… Sur le principe, toutes sont similaires (Signal ayant l’avantage d’être chiffré et de ne pas espionner ses utilisateurs, contrairement aux autres. Une différence fondamentale.).

L’instantanéité spontanée de ces outils a donné au mail un caractère formel qu’il n’avait peu ou prou initialement. Mais il est vrai que, pour envoyer un email, il faut structurer une idée, lui donner un début, une fin. Clarifier ce qui est attendu de la personne en face. À l’opposé, les messageries instantanées offrent de partager avec d’autres ce que les écrivains appellent un « flux de conscience », un rouleau sans fin que l’on déroule au fur et à mesure que l’on pense sans trop savoir où l’on va. Il n’y a plus de barrière au partage, plus d’anticipation. Le message est envoyé avant même que son expéditeur ait pu réfléchir à ce qu’il écrit. « Je passe justement dans ta rue, ça te dit de boire un verre ? » « Oups, oublie, j’avais oublié que j’avais un rendez-vous » « Ce sera pour une autre fois, ce serait chouette de se voir » « Au fait, j’espère que tu vas bien ».

Nous avons le rouleau sans fin, mais nous ne sommes pas Jack Kerouac. Beaucoup de conversations instantanées sont en fait de tristes soliloques guettant désespérément une validation externe, validation faite sous forme de réponses, car ne pas répondre est souvent perçu comme grossier. Ce comportement est encouragé par les plateformes, depuis l’incroyablement intrusif « indicateur de lecture du message » (que je vous conseille de désactiver) jusqu’aux fonctionnalités implémentées dans certains logiciels, comme Snap, qui affiche sous forme de récompense le nombre de jours consécutifs durant lesquels vous avez été en contact avec un correspondant. Lorsque la fille adolescente d’un ami est partie au camp scout, où les GSMs étaient interdits, elle a confié son téléphone à son père en le chargeant d’envoyer un message, une fois par jour, à une liste prédéfinie de contacts. Afin de ne pas briser la chaîne ! « Et surtout, Papa, n’oublie pas. Ce serait trop la loose auprès de mes copines ! »

D’autres m’avouent consulter le contenu de leurs messages depuis les notifications de leur téléphone afin que la messagerie ne marque pas le message comme « lu » auprès de l’expéditeur. Une manière de gagner un peu de temps avant d’être forcé de répondre.

À travers nos téléphones, nous sommes noyés dans des multiples flux de conscience partagés. Avec le risque de perdre notre propre conscience, notre propre individualité. L’actualité politique le montre suffisamment : nous nous agrégeons, nous perdons notre libre arbitre, notre conscience propre. Nous la déléguons dans des multiples groupes de discussion, créés généralement pour une cause très précise (un voyage, un événement …), mais dérapant systématiquement vers des discussions sans queue ni tête, des partages de rumeurs, d’images rigolotes, d’avis de perte de chiens et chats, de l’autopromotion pour une brocante, l’ouverture du magasin d’un arrière-cousin ou un livre.

Contrairement à l’email, qui a connu et connait encore ces travers, il n’est pas possible de filtrer les messages. Il n’est pas possible de les consulter et de les traiter à un moment donné. De considérer une conversation comme close. Dans toutes les cultures, la fin d’une conversation, orale ou écrite, est marquée par un protocole social de clôture alambiqué. « Salutations distinguées ! », « Je dois y aller vraiment y aller, a+  », « Ce fut un plaisir », etc. L’utilité de ces formules est fondamentale pour permettre à chaque participant de passer à autre chose, de changer de contexte. C’est également le dernier moment pour échanger de l’information critique. C’est une fois debout pour sortir de la réunion ou sur le pas de la porte, la veste déjà enfilée, que les cœurs s’ouvrent, les choses se révèlent, se disent. Malheureusement, ces clôtures sont généralement inexistantes dans les groupes de discussion. N’étant jamais terminées, les discussions instantanées sont omniprésentes, à toute heure du jour ou de la nuit. Les notifications vous sautent aux yeux alors que vous saisissez votre téléphone pour payer dans un magasin, pour consulter votre agenda ou pour téléphoner. Même en silencieux, la plupart des téléphones s’allument et illuminent la pièce lors de la réception d’un message. Une fois que le cerveau a vu qu’il y’avait un message, impossible d’y échapper, de ne pas être distrait au moins quelques secondes. La seule solution, hormis de ne pas avoir de messagerie, est de mettre son téléphone en mode avion pour s’offrir quelques heures de répit. De rendre le téléphone inopérant.

Autour de moi, j’observe des gens courbés sur leur téléphone dans la rue, dans les maisons, dans les familles. Leurs doigts tapotent des messages alors qu’ils marchent sur le trottoir, qu’ils mangent, qu’ils tiennent leurs enfants par la main. Parfois, ils tiennent le téléphone horizontal face à leur bouche pour enregistrer un message audio qui ne sera pas toujours écouté. Au lieu de regarder le coucher de soleil, ils le prennent en photo et l’envoient aussitôt pour le commenter avec d’autres. Ou partagent le selfie d’un moment en famille.

Comme si un moment non partagé en ligne n’existait plus. Comme si le souvenir biologique seul ne suffisait plus.

Nous perdons la conscience et la mémoire. Nous les avons délocalisées toutes les deux vers les serveurs de grandes sociétés informatiques qui n’ont pour but que de nous afficher le plus de publicités possible.

Si le choix était individuel, cela ne prêterait pas tellement à conséquence. Mais le choix est global, sociétal. La seule solution pour ne pas subir un bombardement permanent d’informations est de se couper complètement du monde, d’être totalement injoignable. La possibilité technique de contacter un tiers transforme la plupart des questions en urgences vitales (et je suis le premier coupable de ce genre de comportement) : « suis au magasin, est-ce que je dois reprendre du pain ? » ou « tu viens ou pas à la fête ce soir ? Dois savoir immédiatement pour commander le traiteur ».

Être joignable partout tout le temps étant la norme, changer, déplacer ou annuler un rendez-vous sont des comportements acceptables, banalisés. « T’es où ? » « J’arrive ! » « Finalement, on est devant le bowling, pas devant le ciné » « OK, je suis là dans 5 minutes ». En conséquence, il n’est plus possible de prévoir, de planifier, d’organiser sa journée. Tout peut être modifié, parfois même après le début prévu de l’événement. La décision de participer ou non à un événement est repoussée, en attente des autres sollicitations potentielles pour ce moment.

Nous sommes tout le temps en interaction, tout le temps entre deux décisions, entre deux messages. Les messageries nous forcent à être en permanence sur le qui-vive. La réalité non virtuelle n’est qu’une pause forcée entre deux notifications.

Ce n’est pas un hasard si, en occident, la popularité de la méditation a suivi la courbe de progression des téléphones. Méditer, c’est s’offrir 10, 20 ou 30 minutes de silence mental par jour. Quelques minutes sans sollicitations, c’est tellement peu…

C’est tellement peu et c’est inquiétant, car, dans l’histoire humaine, les intellectuels ont de tout temps baigné dans ce silence mental permanent. Les sollicitations étaient l’exception. Une fois chez eux, les intellectuels n’avaient d’autres ressources que de réfléchir et consulter leur bibliothèque. La plupart des découvertes, des œuvres et des progrès humains ont été réalisés, car leurs auteurs avaient à disposition du temps et de l’espace mental (c’est d’ailleurs la raison pour laquelle la plupart étaient rentiers de naissance ou, comme Voltaire, le sont devenus dans le but explicite de se consacrer à leur art). Le progrès humain s’est construit sur la douleur de l’ennui solitaire. Comme toute douleur, comme tout effort, nous tentons de l’effacer. De l’interdire.

Si nous perdons notre conscience, notre mémoire et que nous brisons les espaces de réflexion, d’où viendront les prochaines grandes idées, celles qui nous font cruellement défaut ?

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Ce texte est publié sous la licence CC-By BE.

Chapitre 3 : Le manque

mardi 11 janvier 2022 à 13:35

7 janvier 2021

À l’université, j’avais un professeur d’électronique pour qui nous donner cours pendant 2h sans fumer représentait une épreuve terrible. Durant tout le cours, il manipulait son briquet, jouait machinalement avec où l’utilisait comme exemple.

« C’est un peu comme ce briquet ! »

À la fin du cours, nous l’avons retenu plusieurs fois pour poser des questions. Il prenait visiblement beaucoup de plaisir à nous répondre. Mais une partie de son esprit était déjà ailleurs. En sus du briquet, il préparait sa cigarette qu’il portait parfois à ses lèvres en nous parlant.

Après une semaine de déconnexion, je pense que je commence à le comprendre.

Une semaine pendant laquelle je n’ai synchronisé mon ordinateur qu’une seule fois par jour. Une semaine pendant laquelle une partie de mon esprit ne cessait de me rappeler que, au départ, j’avais imaginé faire deux synchronisations par jour (une le matin pour recevoir les mails, une le soir pour les envoyer).

Une semaine pendant laquelle j’ai réalisé le nombre de petites actions quotidiennes que nous faisons en ligne sans réfléchir. Des factures à payer. Un scanner à installer dont le mode d’emploi est en ligne. Une bibliothèque logicielle à installer pour mes projets. Un papier administratif à obtenir sur le site du ministère. Cela n’arrête littéralement pas. Un colis devait me parvenir, sans urgence aucune. En synchronisant mes mails un matin, j’ai découvert… 10 mails traitant du colis. Le colis avait quitté l’entrepôt. Le colis était dans les mains du livreur. Le colis aurait peut-être un peu de retard. Le colis serait finalement livré aujourd’hui. Le fait d’avoir ces mails en une fois m’a ouvert les yeux sur l’absurdité de notre consommation de l’Internet et des mails. Comme l’illustre le paradoxe de Jevons, lorsqu’une ressource devient plus facilement accessible, nous en augmentons l’usage de manière disproportionnée, au point de rendre le bénéfice de cette facilité nouvelle nul, voire négatif.

Je m’étais autorisé une connexion prévue et planifiée pour modifier l’infrastructure de mon gemlog (mon blog sur Gemini). Des modifications techniques à effectuer sur un serveur distant. Il s’est avéré que ma mission n’était pas très claire, que rien ne fonctionnait comme je le voulais. Au bout de 28 minutes, je me suis rendu compte que je cherchais compulsivement des solutions en ligne. J’ai donc arrêté. Même topo avec une facture impayée de mon service de courriel, Protonmail, qui menaçait de suspendre mon compte. J’ai tenté de payer en urgence, mais aucune de mes cartes de crédit ne fonctionnait (le popup de confirmation de la banque se fermait automatiquement, la transaction était à chaque fois annulée). 26 minutes perdues. Dans les deux cas, en me déconnectant, j’ai pu revenir au problème plusieurs heures plus tard en sachant exactement ce que je devais faire. En étant connecté, j’aurai probablement résolu le problème en 1h ou 2, consultant en parallèle un million d’autres trucs. Cela m’aurait énervé, mais je n’aurai jamais su dire avec certitude combien de temps j’y avais passé. Le multitâche nous permet de supporter les frustrations administratives. C’est un problème, car ces frustrations sont devenues la norme.

Pour apprendre de ces échecs, je me suis imposé une nouvelle règle : sauf urgence clairement définie, je me limite à deux connexions par semaine. Ces connexions seront préparées à l’avance avec la liste exacte des sites web à visiter et, pour chacun, la tâche exacte à accomplir. Si je dois me connecter en urgence pour une tâche donnée, je ne peux effectuer que cette tâche précise, sans prendre de l’avance dans les tâches non urgentes. Si une tâche ne se déroule pas comme prévu, elle est immédiatement abandonnée pour être reconsidérée. En quelques jours, la liste de tâches pour ma prochaine connexion s’est déjà allongée à une dizaine de lignes : commander un livre technique non disponible en librairies, se désinscrire de plusieurs newsletters, faire mon don annuel à certains projets open source, rechercher des exemples techniques pour intégrer plusieurs logiciels (mutt, abook, notmuch pour ceux qui connaissent) parce que je n’y arrive pas avec la documentation que j’ai, etc.

Tout comme mon professeur jouant avec son briquet, je me retrouve à consulter machinalement cette liste, à la lire, la relire en anticipant le moment où je vais enfin me connecter. Cette relecture a un effet positif : je me rends compte que certains éléments ne sont pas clairs. D’autres, ajoutés impulsivement, ne sont pas strictement nécessaires. Je les supprime. J’hésite d’ailleurs à m’autoriser des recherches aussi larges que « trouver des exemples techniques d’intégration entre plusieurs logiciels ». Je préférerais avoir un livre de référence. Après deux jours de cogitations, je réalise que je dispose d’une copie offline d’une partie du réseau Gemini, un réseau susceptible de parler de sujets aussi techniques. Une recherche dans la liste des fichiers Gemini me le confirme. Plutôt que de chercher un peu au hasard sur le web, je vais déjà tenter d’exploiter les nombreuses informations dont je dispose déjà sur mon ordinateur. Et quelques minutes plus tard, je dois me rendre à l’évidence. Ça fonctionne ! J’ai trouvé exactement l’information que je cherchais, postée en 2019 sur un gemlog. 3 lignes de code minimales qui sont tout ce que je souhaitais. 3 lignes de code que j’ai pleinement comprises, assimilées avant de les adapter. Tout le contraire de mon comportement en ligne consistant à ouvrir 10 solutions différentes, les copier-coller sans comprendre, les tester avant de passer à la suivante.

Pourquoi être si sévère avec moi-même ? Parce que cette déconnexion est difficile. Mon esprit erre sans cesse vers le monde en ligne que j’ai quitté. Que s’y passe-t-il ? Quelles sont les réactions à mes billets de blog ? Quelles sont les nouveautés de tel ou tel projet ? La connexion quotidienne et son avalanche de mails me donne l’impression d’une bouffée de ma drogue préférée. Je lis avec avidité les mails de réaction de mes lecteurs (même si j’ai choisi consciemment de n’y répondre que très rarement). Une fois les mails, les RSS et les gemlogs lus, le silence se fait. Je sais que rien n’arrivera plus sur mon ordinateur jusqu’au lendemain. C’est à la fois un soulagement et terriblement angoissant.

J’écris alors dans mon journal. Parfois en anglais pour publier sur mon gemlog afin de décrire mes questionnements techniques. Le fait de l’écrire, de savoir que je n’aurai pas de réponse me donne du recul, une vision différente des choses. Je me lève plus souvent de ma chaise. Je considère plus rapidement une tâche comme terminée : si je n’ai pas l’information pour continuer, rien ne sert de me torturer les méninges.

Paradoxalement, je lis moins. Je passe plus de temps sur mon ordinateur. J’explore les manpages (pages de manuel). Je peste sur Devhelp, le logiciel de documentation que j’utilise pour programmer en Python. Je plonge dans mes propres notes. Je relis mon propre journal. Je lis et relis les réponses que j’ai faites à certains mails. Je procrastine toujours autant mes projets. Je me dis que cette déconnexion était une idée vraiment stupide. Je commence à ressentir le manque…

On ne brise pas si facilement plus de vingt années d’accoutumance…

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Ce texte est publié sous la licence CC-By BE.

Le bruit des bottes désinfectées

mercredi 5 janvier 2022 à 13:35

Un spectre hante mon pays. Profitant de la panique liée à une épidémie, il s’insinue dans les esprits, il corrompt les familles, détruit les amitiés, brise les ménages. Ce spectre, c’est celui de l’intolérance, de la haine aveugle. Celui d’une forme insidieuse de fascisme.

Depuis les côtes de la vieille Europe, nous avons observé, mi-amusés, mi-inquiets, la société américaine se polariser et se diviser sous le règne de Trump. Une déliquescence accélérée par les nouveaux usages médiatiques contre laquelle nous nous croyions immunisés, fiers d’être le continent des Lumières. Mais force fut de constater que l’immunité n’était pas absolue. La contagion a gagné nos contrées.

Flânant dans la rue après avoir tendu un QR code me donnant accès à une zone extérieure grillagée, je n’entends qu’elle. Les témoignages des repas de famille ou entre amis s’accumulent. Le sujet est omniprésent, incontournable, fanatique : « T’es vacciné toi ? ».

Autour de moi, j’entends des personnes qui ne peuvent plus voir leurs amis parce qu’ils sont vaccinés. D’autres parce qu’ils ne le sont pas. Nous souffrons tous depuis désormais deux ans. Nous avons perdu des proches, des emplois, des opportunités, de l’énergie. En mal de visibilité médiatique, certains politiques ont choisi la voie facile et simpliste du bouc émissaire. Ce seront les non-vaccinés.

Je suis moi-même vacciné contre le COVID. Si les intérêts économiques des groupes pharmaceutiques me semblent particulièrement malsains, pour ne pas dire mafieux, je pense que le vaccin est techniquement une invention magnifique et un outil essentiel dans la lutte contre la pandémie.

Mais je ne suis pas médecin. Je ne peux pas juger la pertinence ou non pour un individu d’être vacciné. Je sais que certaines personnes non vaccinées ont des raisons que je trouve particulièrement absurdes, mauvaises, voire dangereuses. Je sais que d’autres ont tout simplement très mal réagi à la première dose et sont médicalement inaptes à en recevoir une seconde. Je n’ai pas la prétention de connaître tous les cas, encore moins de pouvoir les juger.

Comme me le disait récemment un ami, également vacciné : « En quelques mois, 85% de la population a été vaccinée avec un tout nouveau vaccin. C’est inespéré. Il y’aura toujours des irréductibles, il est illusoire de faire beaucoup mieux et ce n’est pas sûr que cela changerait grand-chose. »

J’ai peur de ce que mon pays est en train de devenir. J’ai peur parce que, désormais, il me faut parfois montrer patte blanche pour entrer dans des espaces pourtant publics et extérieurs. Que ce processus s’inscrit dans la lignée d’un fichage numérique complexe dont les possibilités d’abus me sautent aux yeux de par ma formation. J’ai peur parce que les politiciens exploitent la crise en attisant la haine de ceux qui n’ont pas ce pass, quelle que soit la raison. Une situation que j’ai du mal à définir autrement que comme du fascisme. Un fascisme que j’observe croître, grandir tout en étant du bon côté. Après tout, je suis blanc, mâle, hétérosexuel et vacciné.

Si je fais confiance au vaccin, je m’inquiète de l’outil politique qu’il est devenu. Car, dans leur colère aveugle dont les médias se délectent, certains politiciens ont perdu de vue l’objectif qu’il s’était initialement fixé : gérer une épidémie. La tâche étant complexe, l’attention s’est portée sur l’un des moyens parmi d’autres : vacciner. Faire augmenter le taux de personnes vaccinées. Non pas en rendant le vaccin obligatoire, mais en augmentant progressivement l’inconfort des non-vaccinés, en attisant la haine à leur égard. Haine qu’une partie des non-vaccinés rend d’ailleurs fort bien en refusant de parler à des vaccinés. Stigmatisation qui force les derniers hésitants à choisir un camp, beaucoup décidant définitivement de ne pas se faire vacciner pour ne pas « céder à l’arbitraire ». Si ces comportements semblent irrationnels, ils n’en sont pas moins une réaction émotionnelle logique et prévisible.

Cette polarisation, cette mise en valeur des extrêmes est purement politique et contre toute logique scientifique. Elle risque de créer des blessures profondes et durables dans une société qui n’avait pas besoin qu’on lui rajoute cela. Je prédis que la division provaxx/antivaxx s’enrichira progressivement de tous les sujets sociétaux santé publique/privatisée, immigration/anti-immigration, gauche/droite… Tant pis pour ceux qui souhaitent de la modération, de la subtilité ou une diversité d’opinions.

En créant des zones nécessitant un code d’accès, nous avons créé un faux sentiment de sécurité. Les mesures basiques de prévention sont négligées. Tous les spécialistes clament pourtant qu’un vaccin n’est jamais efficace à 100%. Pire : ces codes d’accès étant trivialement copiables ou falsifiables, ils n’ont aucun effet sur les non-vaccinés malhonnêtes, ne stigmatisant que les hésitants de bonne foi. Cette évidence m’a longtemps fait croire que jamais nous n’en arriverions à ce système absurde et dangereux. Je pensais naïvement qu’un système efficace serait trop complexe et, de toute façon, antidémocratique. Je n’avais jamais imaginé que peu importait l’efficacité, car le déni de démocratie était justement la fonctionnalité majeure du dispositif.

Auriez-vous imaginé il y a seulement six mois devoir présenter votre téléphone pour accéder à un marché de Noël clôturé ? Auriez-vous imaginé que la société puisse être coupée en deux sur le choix d’un acte médical privé et, comme le rappelle la convocation vaccinale, volontaire ? Auriez-vous accepté d’être fiché par QR code ?

Le fascisme a de tout temps prospéré grâce aux crises, l’angoisse, l’incertitude. Il ne s’installe jamais en fanfare, mais insidieusement, grignotant chaque liberté mois après mois et, à chaque fois, pour une raison indiscutable, rationnelle. La voie ouverte depuis deux ans était royale. Avec le recul, elle était aussi prévisible.

Je ne suis pas épidémiologiste. Je n’y connais rien en soins de santé. Je ne suis donc pas apte à juger de la gravité de la situation sanitaire.

Je peux pourtant observer plusieurs indices. Les stades de football semblent pleins à craquer sur les couvertures des magazines sportifs chez mon libraire. Les centres commerciaux n’ont, à ma connaissance, pas désempli de l’année. Dans celui de ma ville, on s’y bousculait joyeusement avant Noël dans des commerces dont aucun ne pourrait être considéré comme de première voire de seconde nécessité. Sans pass. Parce que les centres commerciaux sont, au même titre que les lieux de culte, sacrés. Les discothèques ont, au moins à un moment, été ouvertes. Sans l’opposition ferme et personnelle du bourgmestre de la commune où devait se dérouler l’événement, le festival Tomorrowland aurait eu lieu, ayant obtenu l’aval des politiciens nationaux. Un festival qui draine des dizaines de milliers de personnes du monde entier dans une promiscuité sous psychotropes. Car les avions sont également toujours aussi remplis. Les touristes partent toujours en vacances au bout du monde. Y compris dans des destinations touristiques où la couverture vaccinale est presque nulle par manque de moyens.

Plusieurs études scientifiques que j’ai lues établissent la corrélation et la causation entre le taux de vitamine D dans le sang et la gravité du COVID. Une de ces études, qui n’a à ma connaissance pas été réfutée, s’est même enhardie à extrapoler un taux de vitamine D à partir duquel la maladie n’est plus mortelle. Bien entendu, ces résultats sont entourés de toute l’incertitude scientifique nécessaire (j’avoue avoir vérifié les calculs statistiques et n’avoir pas trouvé d’erreur dans ceux-ci, mais je manque de pratique et ne peux juger de la validité médicale). Il n’empêche que l’immense majorité de la population de mon pays est en déficit de vitamine D, que les pharmacies regorgent de compléments alimentaires éprouvés pour augmenter ce taux. Une mesure prophylactique qui pourrait se révéler particulièrement efficace serait donc : « prenez de la vitamine D et allez dehors une heure par jour, même quand le temps est gris ». À aucun moment cette idée n’a même été suggérée par nos responsables. On tente, au contraire, de garder les gens à l’intérieur, sous contrôle.

Dans ma zone de spécialité professionnelle, j’observe que tous les efforts visant à produire un vaccin Open Source sont immédiatement réduits à néant à grand coup de billets de banques et de contrats immoraux. Les grands groupes pharmaceutiques ont donc plus peur pour leur portefeuille que pour la santé mondiale, transformant les pays les plus pauvres en véritables bouillons de culture chargés de produire le prochain variant à la place de leur propre vaccin.

Il y a plus d’une dizaine d’années, je me souviens avoir joué à un petit jeu vidéo dans lequel il fallait créer un virus qui allait exterminer la planète. La difficulté étant qu’une fois le virus identifié, les gouvernements fermaient les frontières et les aéroports. Force est de constater qu’on en est loin, très loin d’une telle situation. Contrairement au printemps 2020, où la prudence était de mise, difficile pour quelqu’un qui ne consulte pas les médias, d’imaginer que nous sommes encore dans une épidémie réellement dangereuse. J’ai en effet le désormais très rare défaut de tenter de voir la réalité locale avec mes propres yeux plutôt qu’à travers les liens spécialement sélectionnés par Facebook pour me radicaliser, par une longue chaîne Whatsapp elle-même issue de Facebook ou par des médias dont l’objectif est devenu de générer des clics sur Facebook (ce qui comprend les médias financés par l’argent public).

Je n’affirme pas que l’épidémie n’est pas dangereuse, je n’ai pas la compétence pour cela. J’affirme juste que les politiciens ne sont pas réellement catastrophés, car ils ne prennent aucune mesure réellement efficace. Ils se contentent de faire ce qu’on appelle, dans le jargon, du « security theatre ». Prendre des mesures inutiles, mais spectaculaires comme le furent les militaires dans nos villes et comme le sont les marchés de Noël clôturés. Il est intéressant de se rappeler que l’objectif des mesures « security theatre » n’est pas d’augmenter la sécurité, mais de créer un sentiment politique rappelant que la sécurité est en péril afin de renforcer la cohésion contre l’ennemi, de créer une psychose. C’est à cela et uniquement cela que servirent nos militaires portant de lourdes armes de guerre, heureusement sans chargeur, la convention de Genève l’interdit, dans nos rues. C’est à cela que sert le QR code que nous devons tendre : à créer une psychose et une psychologie de troupeau.

Cette épidémie est réellement mortelle. C’est indéniable. J’ai connaissance de plusieurs décès dans mon entourage large. Cette épidémie doit être gérée. Mais une bonne gestion implique également de mesurer les effets de chaque mesure. Selon l’OMS, le tabac tue chaque année plus de 8 millions de personnes dans le monde dont 1,2 million n’ont jamais fumé. La pollution de l’air seule tue, en Europe, 600.000 personnes par an. Le réchauffement climatique menace totalement nos sociétés. Pourtant, nous ne prenons aucune mesure. Cela ne semble ni urgent ni primordial. À titre de comparaison, l’OMS affirme que le COVID aurait tué 5 millions de personnes en deux ans. Peut-être ce chiffre est-il sous estimé. Et sans vaccin, le bilan aurait certainement été bien supérieur. L’ordre de grandeur reste néanmoins similaire et la disproportion entre la nonchalance et la panique totale me saute aux yeux. Interdire le tabac aujourd’hui sauverait immédiatement beaucoup plus de vie, surtout parmi les plus jeunes, que de vacciner contre le COVID ceux qui ne le sont pas encore. À moindres frais.

Dans mon pays, l’immense majorité des victimes du COVID semble avoir plus de 65 ans voire essentiellement plus de 85 ans (selon covidata.be). Si chaque décès est, pour la famille et les proches, une épreuve, un décès dans ce qu’on appelle « le troisième âge » est un fait naturel, inéluctable. L’ampleur des décès dans mon pays ne vient-elle pas, au moins en partie, de l’incroyable déséquilibre de la pyramide des âges et de la propension que nous avons à rallonger la vie à tout prix, souvent au détriment de sa qualité ? L’engorgement des hôpitaux est-il dû uniquement à l’ampleur exceptionnelle du COVID ou à un sous-dimensionnement budgétaire ? J’ai le souvenir d’avoir entendu parler régulièrement de saturation des hôpitaux, même en dehors de cette pandémie. N’est-on pas en train de cyniquement profiter de la crise pour se délester de la responsabilité politique qu’est le financement des soins de santé ?

N’oublions pas que, en plus d’être nombreux, les vieux votent. Politiquement, il est donc préférable de sauvegarder cet électorat, quitte à sacrifier une frange de la population qui ne vote pas. Au hasard les enfants. En fermant les écoles, en perturbant leur parcours scolaire. Par mesure de prévention, les écoles seront fermées une semaine plus tôt. Les enfants seront inscrits… dans des stages (le covid ne se transmet pas dans les stages ?). Contrairement aux centres commerciaux, les écoles ne sont pas un service essentiel. Pour une raison simple : cela ne coûte rien de les fermer. Les profs sont, encore heureux, payés. L’encadrement des enfants sera à la charge des parents. Peut-être est-ce dû à mon microcosme, mais à la question « Peut-on sacrifier l’espérance de vie de nos ainés pour que les enfants aillent à l’école ? », tous les vieux que je connais répondent en chœur « Oui ! ».

Mais en politique, si une mesure fait de l’effet, c’est qu’il faut en augmenter l’amplitude. Si elle ne produit pas d’effet, c’est qu’on ne l’applique pas assez fort, il faut en augmenter l’amplitude. Le nombre de vaccinés n’augmente pas assez vite ? Que pourrait-on faire pour avoir une jolie courbe qui augmente ? Vacciner les enfants ! Pourtant, les enfants n’ont que très peu de risque de complication lié au COVID. L’OMS considère que le coût de la vaccination des enfants est supérieur aux bénéfices. La pédiatre de mes enfants, qui leur a administré la panoplie traditionnelle des vaccins enfantins, déconseille fortement le vaccin à ARN messager pour les plus jeunes et pour les adolescents après avoir vu de nombreux effets secondaires indésirables. Peut-être est-ce anecdotique ? Il n’empêche que la vie de mes enfants n’étant clairement pas en danger, je préfère leur éviter un acte médical non nécessaire. Ce que défendent également ceux qui seraient les premiers bénéficiaires du vaccin : les grands-parents.

Non contents d’instiller la haine et des pratiques fascistes dans notre quotidien, les froids calculs électoraux et la lâcheté politique de nos dirigeants se permettent d’hypothéquer le futur de la nation. Mon fils aura grandi sans jamais voir le visage de ses institutrices maternelles. Il fait partie de la minorité chanceuse qui, lorsqu’il n’est pas à l’école, a des parents et des grands-parents disponibles pour le stimuler intellectuellement. Ceux dont les parents sont indisponibles ou ne parlent pas bien le français paieront, comme à chaque crise, le prix fort.

Beaucoup d’arguments que j’ai entendus pour ne pas se faire vacciner me semblent, aujourd’hui et avec les maigres informations dont je dispose, stupides, voire dangereux. Mais ils ne le sont certainement pas plus que la tolérance que nous avons envers le tabac. Ou envers les excès d’alcool (un comportement morbide que nous appelons trop souvent « faire la fête »). Que celui qui n’a jamais eu de comportement que les autres trouvent stupide me jette la première bière…

Si les centres commerciaux et les stades de football étaient fermés, si les lieux confinés étaient interdits, si une véritable politique de gestion de crise était mise en place avec aide économique immédiate pour les secteurs touchés, alors je pense qu’il faudrait envisager une vaccination obligatoire, au moins pour les métiers les plus à risques. Le vaccin pourrait être au choix de l’individu parmi ceux reconnus par l’OMS et non pas au choix des pays en raison des accords commerciaux signés (la femme d’un de mes amis, vaccinée dans son pays d’origine, ne peut pas pénétrer sur le territoire belge, son vaccin, pourtant reconnu par l’OMS, n’étant pas considéré comme valide). L’OMS aurait d’ailleurs une responsabilité morale de fournir une formule open source du vaccin pour que chaque pays puisse les produire. Bien qu’obligatoire, cette vaccination resterait entièrement privée entre l’individu, l’état et le médecin traitant. C’est, en Belgique, le cas du vaccin contre la polio et personne ne pose la question de savoir si les enfants avec qui les siens jouent sont vaccinés contre la polio (en dépit de quelques tricheurs, la polio est en voie d’éradication grâce au vaccin).

Force est de constater que nous sommes loin d’une situation de crise réelle. Je dois en déduire que l’épidémie, sans être bénigne, n’est pas (encore ?) le fléau qui va décimer l’humanité. Que les intérêts économiques restent supérieurs à ceux de la santé. Et que si la campagne de vaccination était une nécessité, les mesures antidémocratiques imposant un « pass » ne sont que des décisions prises, car elles avaient l’avantage d’être « faciles ». De n’engager aucune responsabilité réelle. Ne ne rien coûter.

De ne rien coûter si ce n’est une division radicale de notre société et un glissement de nos valeurs vers celles du fascisme.

De ne rien coûter si ce n’est d’être incroyablement difficiles à résilier. Qui osera prendre la responsabilité de supprimer ce « pass », de déclarer l’épidémie sous contrôle si le COVID devenait devenir une forme de grippe récurrente ? L’exemple des militaires dans les rues après des attentats qui ont fait, en Europe, quelques dizaines de morts, prouve qu’il est facile de réduire les libertés, mais politiquement impossible de les restaurer. Combien d’années sommes-nous prêts à vivre en tendant un QR code à chaque coin de rue ? Combien de doses de rappels sommes-nous prêts à nous injecter, combien de maladies sommes-nous prêts à considérer comme faisant partie de notre « pass » ? J’ai choisi de me faire vacciner contre le COVID. Je pense que c’était un très bon choix. Mais rien ne garantit que le pass ne nécessitera pas bientôt un acte médical que je ne souhaite pas.

Je suis terrifié par la société que génère la crise COVID. Je suis terrifié de la rapidité avec laquelle nous sacrifions nos libertés les plus fondamentales comme celles de circuler ou de disposer de notre propre corps.

Mais peut-être s’agit-il, encore une fois, d’un simple calcul électoral. Car rien n’est plus facile à contrôler et manipuler qu’une société déchirée et aux libertés restreintes, un système où, au pouvoir comme en opposition, n’existent plus que la voix des extrémistes.

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Ce texte est publié sous la licence CC-By BE.

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