Chapitre Angoisse

Je respire un grand coup et regarde par la fenêtre. Les nuages poursuivent leur marche paisible dans l'océan azuré, les oiseaux chantent, une brise agite les grands bouleaux à la limite de mon champ de vision. Chaque arabesque dans le bois des poutres de mon plafond me semble soudain tellement passionnante, presque vivante. La nature semble si belle, si calme. « Prends-la en exemple ! » me dis-je en tentant vainement de contrôler les palpitations de ma poitrine.

Une idée géniale me vient. Ce serait super de la réaliser. Mais je ne peux pas. Je ne peux pas. Après, oui après. Je vais faire des grandes choses dans ma vie. Après. Après. Calme-toi.

Le grondement sourd d'un avion sur le point d'atterrir me parvient. Et s'il s'écrasait ? Et s'il tombait sur la maison ? Devant mes yeux les murs s'écroulent, les fenêtres explosent, je cours. Un tremblement de terre secoue le sol, comme si l'avion n'avait pas suffit ! Tout le voisinage tremble, les bâtiment s'abattent, des hurlements retentissent. La peau écorchée, je cours pour sauver ma vie, tout en demeurant étrangement calme. Les cadavres de mes voisins jonchent le sol et je tente de venir en aide aux survivants. Parmi les râles et les cris, je dégage un bras désarticulé. Je tombe, je me sens emportée…

J'ouvre les yeux. Par la fenêtre, j'aperçois l'avion continuer son chemin. Dommage. Mon estomac se tord en tout sens, mes mains tremblent. Et quand tout sera fini, je pourrai enfin faire tout ce dont j'ai envie.

Demain, je prendrai la route. Je me vois en train de conduire, stressé, les mains moites. La voiture devant moi freine trop vite. Je lui rentre dedans. Je sens ma tête projetée dans l'airbag. Second choc. La voiture derrière moi m'emboutit. Des millions de sons, de coups. Carambolage gigantesque. Malgré mes jambes cassées, j'ai juste la force de ramper vers le bas-côté avant l'explosion générale du camion citerne qui était derrière. Autour de moi tombent des morceaux de chair brûlée, des membres déchiquetés. Je suis grièvement blessé. Mais vivant. Tellement vivant. Au loin une sirène retentit. Je peux fermer les yeux.

Sur mon bureau mes mains tapotent et tournent machinalement les pages, mes yeux lisent mais mon esprit ne le sait pas. Je sais bien que demain j'arriverai sans encombre à destination. Pas d'accident à redouter, tout se passera bien. Malheureusement.

Le soleil se couche. Déjà ? La nuit ! Ma dernière nuit ! Plus que 12h ! Je décomptais les jours et voici que je décompte les heures. Et je n'ai encore rien fait, rien… Mon estomac se révulse, le goût amer de la bile m'envahit, mon échine se glace.

Demain, j'ai examen.