Cela devait être une consultation de routine. Un examen sans surprise. Encore sous le choc, je sors sans réfléchir de l'hôpital, ne prêtant point attention au glissement automatique des portes de verre. Perdu dans mes pensées, je tente de réaliser ce qui vient de m'arriver.
Il va falloir réapprendre à vivre. À mettre des priorités. À faire des choix. Car je n'aurai pas le temps de tout faire, d'errer sans but en me laissant ballotter d'un travail à l'autre, d'une fête à l'autre, d'une déprime à l'autre. Au fond, quel sens vais-je donner à ce qui me reste de vie ?
Le docteur murmurait dans son poing en consultant mes résultats. Mon sang s'est glacé lorsque j'ai perçu son sourire forcé : « Je vais être franc avec vous… »
Mais finalement, de quoi ai-je envie ? Quels sont mes rêves ? À quoi vais-je consacrer le temps qui me reste ?
Pour la première fois, je me rends compte à quel point mon temps est limité. Trente ans de gâchés en dilettante pour arriver à ce jour. Il est temps pour moi d'aller à l'essentiel.
« … les résultats sont formels, il ne vous reste que… »
À vivre ! À vivre ! Fini de me prendre la tête pour des broutilles. Fini d'argumenter pour le plaisir d'avoir raison. Fini de réinventer le monde. Le monde qui me semblait d'un morne gris ce matin me chante et me sourit. À l'idée de devoir le quitter, je réalise ma chance, mon bonheur.
Chaque fleur, chaque passant, chaque odeur, chaque goutte de pluie. J'en profiterai jusqu'aux derniers, je consacrerai le peu de temps qui me reste à l'essentiel.
« …il ne vous reste que soixante, maximum soixante-cinq ans à vivre. Et encore c'est si tout va bien. »
Si peu de temps pour l'essentiel, si peu de temps pour mes rêves. Au travail !
Limelette, janvier 2013