Chapitre La femme de ma vie

Cette nuit, j'ai rêvé. J'étais en voyage avec un ami. Dans un endroit que seuls les rêves savent imaginer. Mouvant, changeant, doté d'une logique interne sans faille mais néanmoins obscure. Nous étions en permanence entourés d'amis et d'amies, pour la grande part imaginaires. Mon ami est sorti avec une fille que je n'avais jamais vue. Je me sentais légèrement exclu, comme peut l'être la cinquième roue d'un carrosse. Et puis, je ne saurais vous décrire comment, elle fut là. Je l'ai embrassée. Et je crois que c'est à cet instant que je me suis rendu compte que j'étais tombé profondément amoureux.

Elle était merveilleusement belle. Elle avait de fins cheveux blonds qu'elle portait relativement courts. Mais je ne saurai vous la décrire plus. Son image n'est plus aujourd'hui qu'un pâle fantôme embué de sommeil.

Je vous passe les péripéties étranges qui furent le décor de mon rêve. Je ne m'en souviens guère et elles étaient sans grandes importances. Quoiqu'il en soit, je me souviens avoir passé la nuit dans ses bras, à étreindre doucement ses hanches, à m'imprégner de son odeur et de la saveur de ses lèvres. À la fin de la nuit, j'ai caressé ses seins. Elle a poussé un soupir de plaisir.

Nous nous sommes assis contre un mur et je lui ai murmuré : « Je t'aime ».

Elle m'a regardé de ses yeux profonds et, je ne me souviens malheureusement pas de la phrase exacte, mais elle m'a fait comprendre qu'il était trop tôt pour dire ce genre de phrases. Mais que même si elle ne le disait pas, elle m'aimait tout autant.

Et puis est arrivé le matin. Le réveil.

Au fur et à mesure que la lumière emplissait mes yeux, je l'ai sentie partir.

Elle s'évanouissait comme un soupir au soleil.

J'avais l'impression de la voir s'éloigner dans un long et lumineux tunnel. Mais peut-être était-ce moi qui m'éloignais ?

Son image s'évaporait. Tous les souvenirs de cette nuit-là s'échappaient de ma tête comme un flot trop longtemps contenu. J'essayais désespérément de fixer, de graver profondément dans mon esprit son image, son sourire. Mais les secondes coulaient, chacune emportant avec elle un peu de bonheur.

Une mélancolie grise s'est levée ce matin sur la ville. Au réveil, mon cœur battait trop vite, comme le cœur d'un amoureux transi. Mon amour, je t'aime. Peut-être reviendras-tu cette nuit, mais j'en doute. Malgré tous mes efforts, je n'arrive plus à voir ton visage, je ne distingue plus qu'une vague forme sensuelle, habillée de courts cheveux blonds. Mon amour, je me suis réveillé ce matin avec un étrange sentiment : j'étais amoureux.

Aujourd'hui, la terre semble si triste. Tu n'es plus là.

De cette nuit, il ne me restera que la sensation d'avoir aimé, passionnément, une forme floue aux cheveux blonds.

De cette nuit il me restera à jamais dans le cœur le sentiment d'avoir trouvé, avant de la perdre aussitôt, la femme de ma vie.

Waterloo, rêve du 27 mai 2000