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source: Ploum

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Il m'a enfoncé le pénis dans le vagin

vendredi 23 novembre 2012 à 10:27

Un petit groupe discute. Un homme explique qu'il a été agressé. L'auditoire compatit et s'intéresse :
— Sérieux ? C'était quand ? C'était où ?
— Il y a quelques années. Le mec m'a donné un coup de couteau dans le ventre et m'a shooté dans le visage, me cassant deux dents.
— Noooon. Ben mon pauvre vieux. Tu as du en baver.
La victime soulève sa chemise et exhibe une cicatrice.
— Tu vois, ça c'était le coup de couteau. Il l'a enfoncé sur 5cm. C'est passé à 3 cm du foie selon les toubibs.

Un ange bâillonné

Un membre de l'assemblée lance une blague. Tout le monde rigole. Un autre se lève .
— Moi, c'est un chien qui a faillit m'arracher le bras.
— Sérieux ? Ça s'est passé comment ?
L'homme explique les crocs qui s'enfoncent, la chair qui se déchire, la douleur inhibée par l'adrénaline.
— Ce n'est qu'en rentrant chez moi et en voyant les os de mon avant bras à l'air libre que j'ai compris que mettre un peu de désinfectant ne suffirait pas, précise-t-il.

Éclat de rire généralisé. Ces histoires, bien que dramatiques, sont loin. Exceptés des cicatrices, les anciennes victimes ne portent aucun stigmate. Une femme se joint au groupe.
— Moi aussi j'ai été agressée il y a plusieurs années.
— Ah bon ? Aussi au couteau ? Ou un chien ?
— Non, il m'a violée.

Un silence de mort tombe sur l'assemblée. Celui qui a posé la dernière question devient tout rouge et étudie attentivement la pointe de ses chaussures. Quelqu'un se racle la gorge. Une personne bien intentionnée pose la main sur le bras du compagnon de la femme violée et lui chuchote :
— Je suis désolé pour toi…

La femme les regarde, crânement.
— Il m'a enfoncé le pénis dans le vagin. Ça a saigné, ça a fait mal. Mais je n'ai aucune cicatrice à exhiber, dommage non ? Vous voulez les détails ?

Aucun rire ne fuse. Aucune remarque. Personne n'ose regarder dans les yeux celle qui a brisé le silence.

— Bon ben, tant pis, pas de détail pour vous, fait-elle en se rasseyant.


Message initialement posté sans réfléchir sur Google+ et Facebook en soutien au manifeste « Je déclare avoir été violée ». Devant les réactions, j'ai décidé d'étoffer et de diffuser au maximum. Je vous invite tous à écrire un petit texte provocateur sur le sujet ou à modifier le mien ou à le copier/coller tel quel même sans me citer mais en en faisant un lien vers le manifeste des 313.

Photo par Greg McMullen.


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J'ai mal à mon mail

jeudi 22 novembre 2012 à 19:11

L'administration belge dépense une fortune en timbres. En bon technophile, votre premier réflexe sera sans doute de leur conseiller l'email.

Et puis, je me suis posé la question : Pourquoi l'email a-t-il tant de mal à remplacer les lettres papiers ? Pourquoi tant de gens ne communiquent plus que par message Facebook ? Et si, comme pour le logiciel libre, la solution n'était pas satisfaisante ?

Une vieille boite aux lettres

L'email a en effet plusieurs problèmes très importants :

1. La volatilité

Une personne change souvent d'adresse. Une adresse donnée peut être invalide quelques mois plus tard ou, pire, rediriger vers une autre personne. L'adresse peut également toujours être valide mais tout simplement ne plus être vérifiée régulièrement. Quoi qu'il en soit, il n'y a aucun moyen de le vérifier.

2. L'identité

Il est impossible de garantir l'identité liée à une adresse email. Les techniques comme les clés GPG n'ont jamais décollé car beaucoup trop complexes. Il est également presqu'impossible, à partir de l'identité d'une personne, de trouver son adresse mail (sauf exception).

3. La complexité

Faire la liaison entre un nom et une adresse email est une tâche complexe que les carnets d'adresses et l'autocomplétion accomplissent de manière très peu satisfaisante. Sans compter les problèmes d'homonymie. Enfin, entre les mails en HTML, les problèmes d'UTF8, les pièces jointes qui ne passent pas, le mail reste extrêmement complexe d'utilisation et génère bien des soucis.

4. Les problèmes techniques

Conséquence directe de la décentralisation, un serveur peut tomber en panne quelques heures. Ou bien une boîte sera pleine ou bien l'utilisateur n'existera plus. Dans tous les cas, l'expéditeur recevra un message absolument incompréhensible et il se verra obligé de confirmer via un autre moyen de communication : « T'as bien reçu mon email ? ». De manière contre-intuitive, il apparaît que les systèmes centralisés sont donc plus résilients et plus sûrs.

5. Le spam

Envoyer un email est une action plus simple à réaliser par un logiciel que par un humain. La toute grande majorité des emails circulant sur le réseau sont donc envoyés par des logiciels. Il y a bien entendu le spam pour l'agrandissement pénien mais également tous ces emails peu importants mais prenant autant de place que les autres : notifications, confirmations, newsletter, …

6. Les conversations

Une discussion par email dégénère la plupart du temps en une multitude de fils, impossibles à lire globalement. Une personne consultant ses mails avec du retard verra un nombre élevé de messages non-lus et devra décrypter l'ordre pour, la plupart du temps, une importance négligeable.

7. Les mails qui se perdent

Un email non-important nécessite une action (il doit être effacé ou archivé). Au milieu du bruit et des conversations, il faut être extrêmement vigilant pour ne pas rater un mail important. En conséquence de quoi, nombreux sont les mails qui se perdent et il est souvent nécessaire de renvoyer plusieurs fois un mail pour faire réagir une personne donnée. En espérant ne pas être détecté comme un spam par les filtres.

Conséquences : l'avènement des réseaux sociaux

À eux seuls, les deux premiers problèmes (volatilité et identité) disqualifient un usage de l'email dans bien des cas.

Par contre, il est passionnant de constater que les réseaux sociaux apportent une solution à tous ces problèmes : la volatilité est bien moins grande. On a généralement un compte et un seul vu que ceux-ci ne sont pas liés à un fournisseur internet, à un travail ou à un nom de domaine qu'on achète.

De même, il est très facile sur les réseaux sociaux de retrouver une personne juste avec son nom et de vérifier que c'est bien la personne à qui on veut s'adresser. La vérification d'identité n'est pas garantie mais, dans la toute grande majorité des cas, elle est suffisante. Cerise sur le gâteau, on peut même s'assurer que le profil est actif et que donc la personne verra le message.

La complexité technique et les problèmes deviennent tout bonnement exceptionnellement rares. Quand au spam, il est très régulé grâce à la centralisation du système.

Les conversations se font à une seule dimension, facilitant grandement la lecture. Il devient aussi très facile de voir si une conversation est intéressante ou pas et de se désabonner d'une conversation à laquelle on a participé. Point fort : se désabonner signifie qu'on ne recevra plus de notification de nouveau message mais la conversation entière restera consultable si on le souhaite.

L'unique problème restant est donc celui « des mails qui se perdent ». La gestion globale étant grandement facilitée, il devient bien plus rare de perdre des messages. Tout au plus pourrait-on dire qu'on oublie de répondre à un message.

Mais c'est un fait que nous ne sommes tout simplement plus en mesure de gérer la quantité de messages qui nous arrivent. Plutôt que de se laisser submerger, acceptons que des messages se perdent et contentons-nous de suivre le flux. Étonnement, il s'avère qu'on rate moins de messages importants de cette manière. On passe moins de temps à gérer et plus à faire.

Ceci dit, l'utilisation de réseaux sociaux centralisés ne va pas sans poser de nouveaux problèmes, de nouvelles questions. À nous d'y apporter de nouvelles solutions.


Photo par Kate Ter Haar


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Non, je n'ai rien à cacher

mercredi 21 novembre 2012 à 12:23

On entend régulièrement la formule « Celui qui n'a rien à se reprocher n'a rien à cacher ». Cet aphorisme devrait vous rassurer lorsque vous vous inquiétez de l'invasion des technologies dans votre vie.

Je voudrais illustrer la tromperie de cette phrase au travers d'une anecdote réelle, vécue à une époque où Internet était si rare qu'on pouvait le considérer comme essentiellement inexistant. Un temps où les affres de la puberté trouvaient encore un exutoire sur les pages en papier glacé des magazines.

Un chat se cachant à moitié

Adolescent dans une grande école catholique, je me fais un jour approcher par un condisciple.
Lio, il faut que je montre un truc trop drôle !

Ce camarade me révèle qu'il a trouvé, dans une revue porno, une photo ressemblant fortement à un de nos éducateurs. Intrigué, je demande bien sûr à voir la photo en question. Publiée dans la rubrique « courrier des lecteurs », elle représente un homme nu en érection. Contrairement aux autres photos de cette rubrique, le visage n'est pas flouté. Et la ressemblance est, il est vrai, frappante.

Éclatant de rire, nous avons vite fait de nous adjoindre une petite troupe goguenarde autour de la photo. Je remarque alors une chevalière très particulière et un pendentif en or au cou de notre exhibitionniste.

Ni une ni deux, la petite troupe décide de passer « discrètement » devant le bureau des éducateurs pour vérifier et, stupeur, notre éducateur porte la même chevalière, le même pendentif. Il n'y a donc plus aucun doute.

Quand on est adolescent, ce genre d'aventures est grisante. Mon condisciple prend peur et décide de ne plus montrer l'image. Après tout, il est coupable d'avoir emmené un magazine porno dans l'enceinte de l'école. Et tout le monde lui pose des questions sur la possession du dit magazine.

De mon côté, intrépide et inconscient, je lui demande de me découper la photo et la fait passer sous le manteau dans l'école. C'est rigolo. Les élèves jasent.

Le lendemain, l'éducateur n'est pas là. Il ne reviendra jamais.

Cet éducateur avait-il quelque chose à se reprocher ? Non, il échangeait une photo où il apparaissait nu avec un public majeur consentant et demandeur. C'était tout à fait légal et on ne peut lui reprocher cela.

Par contre, le magazine est arrivé dans les mains d'un lecteur non-majeur. La personne ayant permis cela est donc coupable car la photo, bien que parfaitement légale, mine l'autorité de l'éducateur. De plus, elle va à l'encontre des valeurs morales affichées par l'employeur. Deux raisons qui font qu'il était impossible de garder l'éducateur en poste.

Il est donc important de souligner un point : le problème n'est pas que l'éducateur aie posé pour des photos pornographiques ni même qu'elles aient été publiées mais bien que les élèves subordonnés à l'éducateur en prirent connaissance. Ce n'est pas le fait ni l'information qui pose problème mais bien que certaines personnes particulières aient accès à cette information.

La phrase « Celui qui n'a rien à se reprocher n'a rien à cacher » est donc fausse car ce n'est pas vous qui choisissez ce que vous vous reprochez. C'est le public qui a tout pouvoir pour décider ce qu'il va décider de vous reprocher. Afin d'illustrer la nécessité de la vie privée, on prend souvent l'exemple du régime totalitaire qui contrôle les citoyens. Mais, plus pragmatiquement, que penser de la relation élèves/enseignant ou employeur/employé ? Un enseignant doit de nos jours avoir une image publique à laquelle tout élève, avec sa morale propre, ne puisse rien avoir à reprocher ! Vous savez comme moi qu'un adolescent trouvera toujours de quoi se moquer. Et si ce n'est pas le cas, les parents s'en chargeront au premier échec de leur génie.

Pendant longtemps, la diffusion de l'information était limitée de manière physique. On pouvait donc se permettre de semer des tranches de vie privée un peu partout. La (mal)chance que cela arrive au mauvais public était minime. C'est le principe de la sécurité par l'obscurité : on espère que les mauvaises personnes ne vont pas tomber sur la mauvaise information.

La technologie, les réseaux sociaux, la reconnaissance de visage ne font que rendre cette malchance de plus en plus probable. À tel point qu'il faut la considérer comme évidente. Face à cela, nous devenons tous des personnages publics. Nous allons tous devoir apprendre à gérer notre image. D'une certaine manière, les choses se simplifient : le facteur chance disparaît. Mais la société va également évoluer. Les codes moraux risquent d'être bouleversés.

Vous vous demandez certainement si je n'ai jamais eu le moindre remord. Après tout, j'ai très probablement causé le renvoi de cet éducateur innocent.

Et bien non. Il avait compté sur la chance de ne pas être vu par un de ses élèves, il avait négligé de se flouter le visage, il avait joué. Il avait perdu. Déjà à l'époque, je n'éprouvais aucune pitié pour ceux qui reposaient sur la sécurité par l'obscurité.


Photo par Aftab Uzzaman


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On usability, free software and perfection

vendredi 16 novembre 2012 à 14:42

For centuries, progress was about to make possible what was not. All the technologies, all the inventions were done with the very idea of "Make something that was never done before, that was considered as impossible". It worked so well in the last decades that we faced an new challenge: things were now possible but incredibly hard to do. Only a few educated minority was able to use the technology.

Yes, this is a doorbell

One of the solution to that problem is to train people. That's the solution we choose for cars. Driving a car is incredibly complex and dangerous. Yet, most of us manage to learn the basis in a few months. Some kill themselves (and sometimes innocent beings). But we don't mind and don't even consider it as a technical challenge, merely an educational one.

Another solution is making the technology easier, requiring less training. This is the path we are following with electronic devices. This became a brand new field of engineering: usability. Ten years ago, a three buttons dishwasher came with a hundred pages manual. Now, your full fledged computer come without any manual at all.

Not design

Usability is often confused with design. A lot of designers consider themselves usability specialists. This is a very common mistake. Design is about making things pleasant, pretty, cool. Design follows trends or marketing hype. Design is about taste. Usability is about making something as easier as possible for a target population. You can have something easy to use which is ugly. You can have something very cool and pretty but incredibly hard to use. The only intersection between the two is that people will pay more intention and will be more volunteer to learn when something is pretty and shiny. Design can help usability but they are different fields.

Usability is now the major area of progress for consumer devices. The form factor of any new modern device is only shaped with the constraint of the user interface. A TV is a screen. A laptop is a screen and a keyboard. A phone is a touchscreen. There's no real breakthrough that can be done on the technological level : a bit thinner, a bit lighter, that's all. On the usability side, all has to be invented.

Historically dismissed by free software

Yet, usability is the most forgotten area in most free software projects. The reason is simple : technology is about making things possible for at least one person on earth. Like breaking the sound barrier in free fall. Usability is about giving it to as many people as possible.

Free software hackers are, in majority, an educated elite that does not need usability. They are trying to make possible something that was not. As soon as they can do it, job is done. They don't understand that some people can't follow them. They don't realize that they are the one man free falling from stratosphere. Awesome but completely alone.

Sometimes, they care enough about design. Because, like everyone else, they like pretty things. The free software is improved and, indeed, looks cool and shiny. The hacker feels that his software is better to use. He likes it more and, by mistake, he feels that he improved the usability.

But it's not true. The technology is still out of reach for the vast majority of the population.

A mandatory requirement

The direct consequence is that most free software projects will stay confidential, with a very limited audience. The lack of success in the mass market will create many excuses: "people are dumb and lazy", "big monopolistic corporations are evil and killing alternatives", "people don't understand the ethical implications". More positively, it might be "We need to do more marketing".

Famous examples are Status.net, Bitcoin, Diaspora or even Debian as a desktop. Those projects are all in their stratosphere. Just try to raise the usability point in those communities and you will always receive the same answer: "But it's easy, you just have to do that and that. It cannot be more easy than that." or, even worst, "we don't want to become usable, we only target the elite".

Those projects are either failing to understand usability or arrogant. They don't make their technology available. Free software hackers are always complaining that the source are not available or that project X is not free enough. The truth is that not being usable is a lot worse. Because it means that your project simply don't exist for the vast majority of mankind.

Perfection or enabling?

In that regard, Canonical, Google, Facebook and even Apple are more ethical than Debian or the whole GNU project: they make possible something that wasn't for billions of people. Not in a perfect way but, at least, they do.

People are facing the choice "doing things in a far from perfect way" or "not doing anything at all". Guess what? Progress rarely comes from "not doing anything at all".


EDIT : it should be noted that, in French, "design" means "graphical design" and has no other meaning. It should be understood in that way in my post.



Picture by Giovanni


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L'espace de co-working

mardi 13 novembre 2012 à 22:48

Nous avons tous les trois des objectifs complètement différents, je le reconnais. Mais si nous avons mis en place cet endroit dédié au co-working, c'est pour se motiver l'un l'autre, pour se serrer les coudes par delà nos différences.

Je n'y connais rien en informatique ou en business mais Caroline n'hésite jamais à partager ce qu'elle fait. Parfois, je peux l'aider en ayant une idée qu'elle n'avait pas perçue. De mon côté, je rédige, je corrige, je traduis. Ça me motive d'avoir en face de moi quelqu'un qui travaille, de pouvoir discuter de mes clients problématiques.

Toi, tu ne fais rien. Tu passes ta journée à dormir sur le canapé de notre espace co-working ! Tu te lèves de temps en temps pour aller bouffer à la cuisine ou boire un coup mais, à part ça… Oui, c'est vrai, tu me piques mon ordinateur dès que j'ai le dos tourné et comme tu ne fais pas gaffe, tu m'as déjà perdu deux fois des fichiers non-sauvegardés.

Au début, je pensais qu'il fallait que tu t'habitues mais ce n'est plus tenable. Tu induis une ambiance délétère, tu pourris l'atmosphère studieuse que nous tentons d'instiller.

C'est bien simple : dès que je te vois, j'ai envie de dormir. Quand tu manges, je ne peux m'empêcher de piller le frigo. Je peux passer des journées à ne rien faire. Le pire c'est qu'avec toi, je ne me sens même pas coupable.

Le co-working, ce n'est définitivement pas pour toi. Es-tu fier de ton niveau de productivité ? Honnêtement ?

Caroline et moi, nous avons convenu de nous fixer des objectifs et nous demandons à l'autre d'être l'arbitre. Mais toi ? Depuis que tu es là, tu n'as même pas ramené une seule souris !


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