PROJET AUTOBLOG


Ploum

source: Ploum

⇐ retour index

Écrire un livre ? Quelle drôle d’idée !

mercredi 22 avril 2015 à 22:28
10625096936_6c1038677e_z

Régulièrement, des lecteurs de mon blog ou des personnes assistant à une de mes conférences me demandent si j’ai publié des livres reprenant les idées que je développe.

Malheureusement, je dois répondre que non. Et ce n’est pas dans mes projets.

La raison en est toute simple : si je publiais un livre, il serait déjà obsolète avant même que vous puissiez le tenir entre vos mains.

Mes idées évoluent en permanence. Je publie des billets sur ce qui m’interpelle, sur ce qui m’intéresse. Un nouveau billet peut parfois contredire un plus ancien. Ou le compléter. Chaque billet a d’ailleurs un lectorat différent, imprévu.

Un livre fige un instant passé. Il remplit pour faire plus sérieux. Si pour la fiction ou pour les expériences intemporelles le livre peut être approprié, il ne l’est plus pour un phénomène aussi mouvant que les idées et la réflexion. Si, de plus, vous le voulez sur arbre mort, diffusé par une maison traditionnelle, son obsolescence n’en sera que plus grande. Quel serait votre intérêt de lire une version longue des idées que j’ai eu il y a près d’un an ?

Pourtant, le livre garde une aura. Publier un livre fait de vous quelqu’un d’important. Les médias font énormément de bruit autour des livres. La sortie d’un livre est un événement. Être auteur publié, c’est un gage d’autorité. C’est la garantie d’être invité comme expert sur les plateaux télé, surtout si le titre est accrocheur : Et nous cédons la parole à Ploum, auteur du remarqué « Internet et ses dangers », publié chez Plouc.

Peu importe les âneries que vous ayez écrite, peu importe que votre livre se soit vendu à 200 exemplaires, vous êtes un auteur, vous êtes un expert, vous êtes détenteur de la Vérité. Car, tout texte imprimé représente la Vérité. Un blogueur, même s’il est lu par des dizaines de milliers de lecteurs, c’est un amateur. Rien à voir avec cet auteur que personne n’a lu excepté celui chargé de rédiger la critique.

C’est entièrement logique car, comme je l’expliquais dans mon billet « Il faudra la construire sans eux », les médias appartiennent à la génération de l’information centralisée dont l’élément principal reste l’imprimerie. En publiant un livre, vous devenez un média, vous faîtes partie de leur monde, ils vous soutiennent. À leurs yeux, le web n’est qu’un outil de promotion pour leurs livres, leurs émissions ou leurs journaux.

Si je publiais un livre, je le percevrais au contraire comme un outil de promotion de ce blog ! Une simple porte d’entrée pour inviter les gens à me lire sur le web, à apprendre un mode de pensée dynamique, changeant, décentralisé.

Si je publiais un livre, ce serait pour obtenir la reconnaissance d’institutions que je juge obsolètes et délétères. Des institutions qui sont des freins au progrès.

Au fond, c’est le web qui me nourrit, me fait grandir. C’est le web qui m’apporte des idées, me fait réfléchir. C’est donc sur le web que je veux contribuer et apporter ma modeste contribution.

Moi, publier un livre de non-fiction ? Vous ne voulez pas que je l’écrive à la plume sur du vélin tant que vous y êtes ? Ça aurait son charme, je le reconnais, mais en attendant je vous encourage vivement à lire sur le web. Vous verrez, c’est un nouveau monde !

 

L’illustration s’intitule « Vanité », de Pieter Claesz et est photographiée par Thomas Hawk. Vous seriez sans doute intéressé par la lecture de La mort de la presse ? Tant mieux ! et par mes techniques pour Lire rapidement sur le web.

Merci d'avoir pris le temps de lire ce billet librement payant. Prenez la liberté de me soutenir avec quelques milliBitcoins, une poignée d'euros, en me suivant sur Tipeee, Twitter, Google+ et Facebook !

Ce texte est publié par Lionel Dricot sous la licence CC-By BE.

Flattr this!

La liberté, c’est la poubelle !

mercredi 8 avril 2015 à 19:19
2353540461_0099f2a957_z

Comment le développement logiciel m’a appris à réfréner mes envies de consommation en jetant à la poubelle.

Il est tard, vous avez travaillé toute la journée, vous avez faim. Vous ouvrez le frigo : il contient divers récipients et une dizaine de produits variés. Non, décidément, rien. Vous vous résignez à commander une pizza.

C’est une journée importante. Vous voulez faire une bonne impression. Vous ouvrez votre garde-robe. Elle déborde. Deux t-shirts en tombent. Vous la refermez : non, décidément, vous n’avez plus rien à vous mettre. Il devient urgent d’aller au magasin. Et justement ce sont les soldes…

Le point commun de ces deux situations ? Le paradoxe du choix !

Bien connu des concepteurs de logiciels, le paradoxe du choix stipule que présenter des choix à l’utilisateur offre une mauvaise expérience. En effet, lorsque nous sommes confrontés à une décision, nous avons inconsciemment la conviction qu’il existe une solution meilleure que les autres, optimale. Nous ne voyons pas un choix comme une option mais bel et bien comme un test qui nous met au défi de retrouver la meilleure solution. Avec la crainte sous-jacente de ne pas choisir la bonne.

Le stress induit par le choix est particulièrement flagrant auprès des débutants en informatique : confrontés à une boîte de dialogue, ils paniquent au point d’être incapable de lire rationnellement. En désespoir de cause, ils ferment la boîte de dialogue en utilisant la croix afin d’éviter de faire un choix.

Ce stress du choix est omniprésent dans notre société de consommation. Des milliers de produits, des milliers de marques qui célèbrent « la liberté de choix ». Or, comme dit ci-dessus, cette liberté n’est que factice et est au contraire contraignante.

Face à tant de choix, nous préférons nous laisser guider, rôle rempli à merveille par la publicité. Plus subtilement, le fait d’avoir trop de choix au sein même de notre maison nous découragera, découragement que nous interpréterons comme un manque. Et qui nous poussera donc à remplir encore plus notre maison. Ce qui augmentera notre découragement et notre insatisfaction.

Plus nous achetons, plus nous possédons, plus nous éprouvons un manque et le besoin d’acheter !

Ayant pris conscience de cela, chaque fois que j’ai l’impression d’avoir un manque de vêtements, que j’éprouve le besoin d’acheter du neuf, je trie et je jette ou je porte à donner une grande partie (parfois jusqu’à la moitié) de mes vêtements existants. L’effet est saisissant : j’ai réellement l’impression d’avoir renouvelé ma garde-robe. Réduire mes choix me procure une impression paradoxale d’avoir désormais plus de choix.

Sans que nous nous soyons concertés, ma compagne a fait de même avec les armoires de la cuisine, jetant ce qui était périmé et non-mangeable, donnant ce que nous ne consommerions sans doute jamais, cuisinant ce qui était périmé mais mangeable. Le résultat a été également sans appel : nous avons beaucoup moins le besoin de commander ou de manger à l’extérieur. Le frigo, qui n’a jamais été aussi vide, contient toujours de quoi préparer un repas.

Jeter, c’est regagner sa liberté, ses choix ! Jeter est une véritable satisfaction et procure un réel sentiment de libération.

Par un amusant retour aux sources, j’ai réalisé que cette conclusion s’appliquait également… au développement logiciel ! J’ai vécu récemment l’exemple d’un client demandant à chaque fois des nouvelles fonctionnalités puis, après plusieurs mois, se plaignant que l’interface était trop complexe.

Il est facile de remettre la faute sur le client, de dire qu’il ne sait pas ce qu’il veut. Mais, au fond, nous sommes en tant qu’utilisateurs face à un logiciel comme face à un frigo ou une garde-robe : si nous éprouvons le besoin de rajouter une fonctionnalité, c’est que le logiciel en comporte trop. Il est temps de jeter des fonctionnalités, de le simplifier.

Finalement, faire des économies ou regagner sa liberté est assez simple : Jetez lorsque vous avez envie de consommer, simplifiez lorsque vous éprouvez le besoin de rendre complexe.

Jetez pour consommer moins !

 

Photo par Jes. Vous pourriez être également intéressé par la cueillette des biens matériels.

Merci d'avoir pris le temps de lire ce billet librement payant. Prenez la liberté de me soutenir avec quelques milliBitcoins, une poignée d'euros, en me suivant sur Tipeee, Twitter, Google+ et Facebook !

Ce texte est publié par Lionel Dricot sous la licence CC-By BE.

Flattr this!

Je ne veux plus conduire !

lundi 16 mars 2015 à 17:04
OK, let me drive...

Je ne veux plus conduire car j’ai l’impression de perdre mon temps. Lorsque je conduis, je ne peux ni lire, ni écrire, ni admirer, ni respirer, ni rêver, ni me défouler, ni aimer, ni faire plaisir, ni me faire plaisir. 1h30 de conduite par jour, et on y est plus vite qu’on ne l’imagine, représente un sacrifice de 10% de notre temps éveillé, 10% de notre vie.

Je ne veux plus conduire car la conduite est morbide. Assis, sans pouvoir bouger, mes muscles s’atrophient, se contractent, se rigidifient. La position force mes poumons à se refermer. De toutes façons, je ne fais que respirer les gaz d’échappement de ceux qui me précèdent. Il suffit de voir la couleur que prend la neige au bord d’une route pour réaliser que nos poumons font de même. Au fond, conduire n’est pas très éloigné de la torture physique.

Je ne veux plus conduire car je n’aime pas risquer ma vie en permanence. Lancé dans un bolide de métal à des vitesses folles, mon esprit doit être en permanence alerte, aux aguets. Je dois prévoir les comportements erratiques des autres conducteurs, anticiper les conditions difficiles. Ma vie est en jeu ! Si je l’oublie et que je me détends, bercé par l’habitude d’un trajet journalier et la confiance en mes talents, je ne fais qu’ignorer un danger exacerbé par mon insouciance. Et je me transforme en criminel potentiel…

Je ne veux plus conduire car je ne veux plus soutenir le véritable culte qui entoure désormais l’automobile. D’utilitaire, elle est devenue religion. Les constructeurs les font brillantes et volontairement fragiles. L’adoration liturgique se fait dans les grands salons annuels et dans les discussions de tous les jours. Effleurer une voiture en stationnement la fera hurler, y laisser une griffe, même ténue et involontaire, vous transformera en ennemi public, en criminel haï et poursuivi. Rien que critiquer le dieu automobile fait de moi un paria.

Je ne veux plus conduire car toute notre société est aux ordres de l’automobile. Tous nos paysages sont entièrement adaptés à la conduite. Nos routes ne déservent plus nos maisons, ce sont nos maisons qui déservent les routes. De monstrueuses arches de bétons s’élèvent autour des villes et à travers les campagnes. Un grondement continu rugit et assourdit. Personne n’oserait bloquer, ne fut-ce que quelques minutes, les passages d’automobiles. Alors qu’au même endroit il n’est pas rare de laisser des trottoirs ou des pistes cyclables encombrées pendant des mois, forçant les non-automobilistes à risquer leur vie. C’est bien simple : me rendre à vélo au travail compte plus de kilomètres qu’en voiture car les voies rapides les plus directes sont strictement réservées aux automobiles.

Je ne veux plus conduire car l’automobile est devenue une guerre. J’ai vu trop de sacrifices, de jeunes vies fauchées. Les personnes que j’ai connues et qui sont mortes avant leur 50 ans ont, dans leur immense majorité, été tuées par l’automobile. Certains qui ne sont pas morts sont restés handicapés à vie. Aujourd’hui encore, malgré parfois plusieurs lustres, je revis régulièrement ces terribles secondes où j’ai appris la mort d’un proche, d’une fréquentation ou d’une vague connaissance. Je reste profondément choqué par la violente soudaineté de ces injustices. Tout en sachant que je pourrais bien être la prochaine victime ou le prochain assassin.

Je ne veux plus conduire car quand je vois des jeunes pleins de vie dilapider leur premier salaire dans l’automobile, quand je les vois faire vrombir leur moteur, faire crisser les pneus, je sais qu’un jour ils se retourneront contre nous, qu’ils nous montreront leurs blessures, leurs morts, leur terre meurtrie et qu’ils nous diront : “Pourquoi nous avez-vous enseigné cette religion ? Pourquoi nous avez-vous laissé faire ? Pourquoi avez-vous retardé toutes les innovations qui permettaient de se débarrasser de l’automobile ? Est-ce que l’industrie de l’automobile méritait une seule de nos vies ?”.

Je ne veux plus conduire car je sais que mes descendants me regarderont comme un criminel en me disant “Tout cela uniquement dans le but de se déplacer ?”. Et ils auront raison.

 

Photo par F Mira. Lectures suggérées : La proclamation, L’inauguration du RER, La voiture, 1er front de la guerre à l’innovation.

Merci d'avoir pris le temps de lire ce billet librement payant. Prenez la liberté de me soutenir avec quelques milliBitcoins, une poignée d'euros, en me suivant sur Tipeee, Twitter, Google+ et Facebook !

Ce texte est publié par Lionel Dricot sous la licence CC-By BE.

Flattr this!

Comment pourrait-il en être autrement ?

mardi 3 mars 2015 à 22:45
768478496_5775726141_z

Les méandres de la psychologie humaine font que, du cyclisme à la politique, on peut être un honnête tricheur, un menteur qui dit la vérité et un corrompu de bonne foi. Et si ce n’était pas les hommes qui corrompaient les institutions mais bien les institutions qui, par construction, ne laissaient aucun choix aux hommes ?

 

J’ai toujours imaginé qu’un jeune cycliste qui débutait devait être idéaliste. Il devait avoir entendu parler de dopage. Peut-être même l’avoir constaté. Mais lui s’en passerait. Quitte à ne pas toujours gagner. Son talent compenserait. Et puis gagner une seule étape était l’objectif de sa carrière, pas enfiler plusieurs grands tours.

Au fur et à mesure, il avait rencontré des difficultés. Des opportunités s’étaient présentées. Suite à des conseils et à un rhume, un médicament l’avait beaucoup aidé pour la course du lendemain.

Était-ce du dopage ? Certainement pas. Et puis, au fond, qu’est-ce que le dopage ? Une liste arbitraire de produits ? Sans le médicament, les performances s’écroulaient. Mais cette substance combinée à un traitement particulier du soigneur de l’équipe avaient un effet revigorant. Sans pour autant être du dopage. Pas du « vrai ».

Et puis il y a eu cette course. La veille, il se sentait un peu patraque. Mais il y avait un gros contrat de sponsoring à la clé s’il terminait dans les dix premiers. Il y avait une prime qui couvrirait amplement les travaux de la maison pour laquelle il s’était endetté. Ce n’était juste qu’une fois. Pas vraiment du dopage comme on en parle dans les journaux avec des grosses seringues. Non, juste une aide. Juste une fois.

Lorsque la nouvelle de sa disqualification est parue dans les journaux, le cycliste a fondu en larmes. Non, il ne s’était jamais dopé. Pas « vraiment ». Pas « dopé ». C’était injuste. Et puis il était un de ceux qui prenaient le moins de produits alors qu’il obtenait des résultats. Il était honnête. Il se croyait très sincèrement victime d’une injustice.

Non il ne mentait pas ! Il était profondément convaincu. Ce n’était pas vraiment du dopage. Au fond, qu’est-ce que le dopage ? Et puis, entre nous, avait-il seulement le choix ? Comment aurait-il pu faire autrement ?

 

*

Après des années de militantisme politique et suite à un concours de circonstances impliquant plusieurs démissions, vous voilà assis dans un bureau occupant vos premières fonctions d’élu. Vous ne pouvez vous empêchez d’être fier. Idéaliste, vous voyez là enfin un moyen d’agir, de rendre le monde qui vous entoure meilleur, plus humain, plus juste.

Votre travail, vous le réalisez très vite, consiste à dépenser l’argent public. Mais attention, vous allez faire ça correctement ! En bon gestionnaire ! Même si c’est la première fois de votre vie que vous avez le pouvoir de distribuer des millions, vous ne comptez pas vous laisser éblouir.

Sur votre bureau se trouve une demande pour subsidier l’organisation d’un festival de musique ésotérique.

Vous n’avez jamais entendu parler de musique ésotérique mais vous avez l’attention attirée : l’organisateur n’est autre qu’un ami d’enfance ! Le dossier est bien ficelé et ce festival a lieu chaque année. Ça a l’air très bien. La requête n’est que de 100.000€. Une paille dans votre budget ! Bref, vous ne voyez pas de raison de refuser cela à un ami d’enfance et vous accordez le budget.

Le lendemain, votre neveu vous annonce qu’il cherche un boulot comme graphiste. Au cours de la conversation, il vous apprend qu’il puise son inspiration dans la musique ésotérique. Cela vous donne une idée. Vous passez un rapide coup de fil à votre ami d’enfance pour lui annoncer que vous avez accordé le subside. Et vous demandez si le festival, fort de ce subside, n’aurait pas besoin des services d’un graphiste. Votre ami demande les coordonnées de votre neveux.

Vous êtes satisfait, vous avez rendu service à tout le monde. Vous vous sentez utile.

Quelques semaines plus tard, vous recevez une demande pour un festival similaire. En toute honnêteté, vous refusez. Un festival de musique ésotérique, c’est bien assez. Même si, cette fois, la demande émane d’une grande société spécialisée dans l’organisation de ce type d’événements.

Le lendemain, le directeur de la boîte de production vous appelle pour demander un rendez-vous. Une fois dans vos bureaux, il demande les raisons de votre refus. Vous les exposez. Le directeur vous annonce alors qu’il a découvert que le festival dont vous parlez est organisé par un de vos amis. Et que c’est dommage de favoriser ses amis.

Vous êtes estomaqués ! Vous ne favorisez pas vos amis. C’est juste que son festival a demandé les subsides avant, des subsides deux fois moins importants et qu’il a lieu chaque année. N’est-ce pas suffisant ?

Le directeur de la boîte de production propose alors de racheter la société organisant le festival actuel. Vous organisez donc une réunion avec votre ami et ce directeur.

Votre ami argue que la structure actuelle est une organisation sans but lucratif. Le directeur propose alors de racheter les droits à l’image et le nom pour 50.000€. Votre ami sera également engagé par la société comme organisateur et touchera un bon salaire. Vous placez alors le fait que votre neveu est également employé par l’association. Le directeur vous promet de l’engager.

L’affaire est conclue et vous participez à la mise en place de tout ce processus, en dehors de vos heures de travail. Le directeur vous demande alors d’envoyer vos factures pour vos heures prestées sur ce dossier. Le directeur lui-même veut bien payer « jusqu’à 200h de travail ». Vous créez en catastrophe une société avec votre époux afin d’établir cette facture au tarif de 100€ de l’heure.

L’année d’après, vous découvrez que le subside demandé est passé à 200.000€. Mais le festival a grandi, c’est normal, vous l’accordez.

Comme vous avez gagné 20.000€ avec le festival précédent, vous prenez conscience que vous êtes doué. Le tarif n’est-il pas proportionnel à la compétence ? Dire qu’il vous fallait un an pour gagner une telle somme auparavant ! Enfin, vous avez trouvé votre voie, votre talent ! Vous proposez alors à votre ami d’organiser le lancement d’un autre type de festival afin d’également revendre le concept. Cette fois-ci, vous créez une société directement avec votre ami. Mais votre ami crée une ASBL qui sous-traitera l’organisation à la société en question. Parce qu’on ne peut pas donner de subsides à une société. Votre société s’appelle donc désormais « Festival Consult ».

Votre ami démissionne officiellement pour continuer à occuper les mêmes fonctions qu’avant mais cette fois en faisant facturer ses heures via Festival Consult. Une excellente idée. De plus, cela lui permet de payer moins d’impôts. La grande société vous demande également des conseils dans l’organisation de plusieurs autres festivals et vous pouvez facturer votre expertise.

Une feuille de chou à sensation s’empare soudain de l’affaire et vous découvrez que vous êtes accusé de corruption. Corruption ! 
Vous ? Jamais ! Quel scandale ! Vous n’avez fait que mettre vos compétences dans vos heures de loisir au service de l’organisation de festivals musicaux.

Vous ne comprenez même pas ce que qu’on vous reproche. Vous ne pouvez qu’être innocent. D’ailleurs, qu’est-ce que la corruption ? Si c’était à refaire, vous ne voyez même pas ce que vous pourriez changer ! En toute honnêteté, comment auriez-vous pu agir autrement ?

 

Photo par Coolmonfrere.

Merci d'avoir pris le temps de lire ce billet librement payant. Prenez la liberté de me soutenir avec quelques milliBitcoins, une poignée d'euros, en me suivant sur Tipeee, Twitter, Google+ et Facebook !

Ce texte est publié par Lionel Dricot sous la licence CC-By BE.

Flattr this!

La fin de la publicité chez Apple ?

samedi 28 février 2015 à 18:20
7178643521_c0b1e40ec2_z

À moins de vivre sur une autre planète, vous ne pouvez avoir manqué l’annonce faite par Tim Cook lors de la dernière keynote d’Apple. Le moins que l’on puisse dire c’est qu’Apple s’y entend pour créer le buzz. Et que vous soyez un Apple fanboy ou, au contraire, profondément indigné par cette annonce, force est de constater que nul ne peut rester indifférent.

Car, malgré un chiffre d’affaire record, l’année 2016 était placée par de nombreux analystes comme l’année de tous les dangers pour la firme de Cupertino.

Après le rachat définitif de Cyanogenmod par Microsoft et le mode compatibilité annoncé dans Windows 11, Android s’est installé définitivement comme la plateforme mobile de référence, depuis les montres aux télévisions géantes en passant par les liseuses et les ordinateurs. Après les Chromebooks de Google, les Kindle Amazon et les télévisions Samsung, c’est au tour de Microsoft de se rendre 100% compatible avec les applications Android.

Une aubaine pour les développeurs qui ne doivent plus développer que pour une seule plateforme ? Non car une plateforme résiste encore et toujours à l’envahisseur : Apple, jadis la préférée des développeurs, elle est aujourd’hui subtilement délaissée. Il n’est plus rare de trouver des applications tournant sur Android mais sans équivalent sur Iphone, chose impensable il y a seulement deux ans.

Apple en difficulté et en perte de vitesse ? Même si la faiblesse est toute relative, Google ne pouvait laisser passer l’occasion de porter un coup fatal à son adversaire. Rompant la trêve tacite de non-aggression, les avocats du géant de Mountain View ont donc décidé de porter plainte contre Apple pour utilisation illégale de plusieurs brevets. Brevets majoritairement dédiés à l’affichage de publicités dans les applications mobiles et les app stores. L’idée est très simple : priver Apple d’une partie substantielle de ses revenus tout en forçant le paiement d’une amende salée.

Mais la réponse de Tim Cook avant-hier a laissé Internet sans voix.

Désormais, les publicités ne seront tout simplement plus acceptées dans les applications sur l’App Store. Safari intégrera par défaut un bloqueur de publicités. Un ouragan dans le monde du mobile. Une véritable révolution pour toute l’industrie du logiciel.

« Apple a pour mission d’offrir la meilleure expérience à ses utilisateurs. Une expérience de confort, de luxe et de productivité, a déclaré Tim Cook, évitant toute référence directe au litige en cours. La publicité ne répond pas à ces critères. Pire, la plupart des applications embarquant de la publicité le font dans le but de dégrader l’expérience afin de convaincre l’utilisateur de passer à la version payante. »

Mais la firme ne compte pas s’arrêter là.

« Nous allons progressivement mettre en place un abonnement qui donnera accès gratuitement à toutes les applications de l’app store, sans aucune restriction. Les auteurs des applications toucheront un pourcentage de cet abonnement en fonction du nombre d’utilisateurs et de l’usage de ces applications. Nous espérons de cette manière mettre en place un système plus égalitaire et plus intéressant pour les petits développeurs mais également plus simple et plus efficace pour les utilisateurs, qui peuvent installer et désinstaller en fonction de leur besoin. Nous poursuivons donc la logique Pay Once and Play mise en place en 2015. »

Pour la plupart des éditeurs de contenus vivant de la publicité, la nouvelle est une catastrophe. Certains organismes de presse envisage même d’attaquer Apple en justice. Mais comme l’a expliqué Tim Cook, les alternatives existent.

« Depuis des années, les produits Apple bloquent automatiquement les tentatives d’intrusions et d’installations de logiciels malveillants. Techniquement, la publicité peut être perçue comme l’installation d’un logiciel malveillant dans le cerveau de l’utilisateur. D’un point de vue éthique, une société qui a la vocation de servir ses utilisateurs ne peut pas ne pas les bloquer. »

« Quand aux sites webs qui vivent de la publicité, nous les encourageons à developper une application dédiée. Cela leur permettra de toucher un pourcentage sur les abonnements à l’App Store souscrit par leurs utilisateurs. Ils pourront donc se concentrer à satisfaire leurs utilisateurs et non plus les intermédiaires du monde de la publicité. »

Sur Twitter, les messages se déchainent et les plus cyniques ont bien entendu relevé l’hypocrisie du fait qu’Apple est une entreprise au marketing particulièrement rodé dont les publicités sont dans toutes les grandes villes. Le compte Twitter officiel d’Apple y a d’ailleurs répondu :

There’s a thin line between informations and advertising.

(La frontière est floue entre l’information et la publicité)

Our goal is to ensure that our communication is like our product : efficient, elegant, useful and never intrusive.

(Notre objectif est que notre communication soit comme nos produits : efficace, élégant, utile mais jamais intrusif)

Quoiqu’il en soit, voici une nouvelle qui va certainement faire bouger les choses et qui, à termes, pourrait s’avérer bénéfiques pour les utilisateurs.

 

Photo par Mike Deerkoski.

Merci d'avoir pris le temps de lire ce billet librement payant. Prenez la liberté de me soutenir avec quelques milliBitcoins, une poignée d'euros, en me suivant sur Tipeee, Twitter, Google+ et Facebook !

Ce texte est publié par Lionel Dricot sous la licence CC-By BE.

Flattr this!