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Bienvenue dans le futur

mardi 31 décembre 2013 à 16:04
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Je me souviens d’une époque où je rêvais de pouvoir me passer des encombrants CD et écouter directement la musique stockée sur mon ordinateur depuis mon divan. J’expérimentais avec des écrans tactiles afin de réaliser une interface confortable. Je réfléchissais à la meilleure manière de câbler un appartement ou une maison. Je me renseignais sur les serveurs de stockage à installer chez moi. Le concept de domotique existait mais était définitivement hors de portée de mon budget.

Au même moment, je travaillais sur les GPS fournis avec les voitures. Nous réfléchissions à la meilleure manière de mettre à jour correctement les cartes et nous rêvions de pouvoir obtenir, en temps réel, les infos trafic. Pour ma part, je réfléchissais à la meilleure manière de synchroniser ma musique, celle que j’écoutais dans mon salon, avec le GPS de la voiture. Mais, de toutes façons, ces systèmes étaient réservés aux voitures haut de gamme. Des options à plusieurs milliers d’euros. Je n’en profiterais pas avant plusieurs dizaines d’années.

À propos de GPS, j’allais parfois courir avec un Tomtom gros comme un poing, pesant plusieurs centaines de grammes. J’imaginais écrire un logiciel qui sauvegarderait mon trajet afin d’établir une carte de mes parcours. Les fabricants de cardiofréquencemètres en parlaient pour leurs prochains modèles haut de gamme. Alléchant mais très cher.

Parlons de calendrier justement. J’avais testé le calendrier électronique sur le Nokia N700 puis sur le N800. Je jonglais avec un calendrier électronique interne au boulot, mais, pour finir, je revenais malgré tout à mon bon vieil agenda papier. L’agenda électronique n’était définitivement pas pratique.

Tout cela se déroulait il y a… 6 ou 7 ans !

Alors que l’année s’achève, je réalise que, pour quelques centaines d’euros, mon téléphone me permet aujourd’hui d’écouter toute ma collection musicale n’importe où dans le monde. Grâce à un adaptateur Bluetooth à 25€, je profite du son sur les enceintes de la chaîne hi-fi du salon. Et grâce à un câble à 2€, je peux également l’écouter dans la voiture. D’ailleurs, dans ma voiture, mon GSM fait également office de GPS, avec cartes mises à jour et informations sur le trafic en temps réel.

Quand je vais courir, mon téléphone sauvegarde mon parcours, mes meilleurs temps et me permet de partager tout cela avec mes amis. Un GSM qui me sert également de calendrier, me rappelle les anniversaires. Il a remplacé mon appareil photo, mon scanner, ma console portable, mon carnet de notes, mon réveil, mon agenda.

Il est facile d’oublier, de considérer comme acquises toutes les innovations qui nous entourent. Mais en gardant un regard frais, naïf, notre monde peut devenir une source continuelle d’émerveillement.

Bienvenue dans le futur !

 

 Photo par Danka & Peter.

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Pour une alimentation intellectuelle saine et variée

mercredi 18 décembre 2013 à 19:39
legumes

Ces dernières années, de plus en plus de personnes ont pris conscience que tout n’était pas bon à manger, qu’il était nécessaire d’avoir une alimentation équilibrée et, si possible, saine. Notre corps évolue sur base de ce que nous mangeons. Il n’est donc pas étonnant que la « malbouffe » ait entraîné de nombreux troubles physiologiques. Obésité et diabète sont les plus visibles mais d’autres, plus pernicieux, sont probablement également favorisés par notre régime alimentaire moderne. Citons le cancer et la dépression.

Mais si vous faites attention à ce qui rentre dans votre corps, qu’en est-il de votre esprit ?

Notre cerveau, notre intelligence s’adapte et évolue en fonction de la nourriture que nous lui donnons. Mais faites-vous réellement attention à ce que vous consommez intellectuellement ?

Les toxiques

Dans la nourriture, il y a des ingrédients qui sont fortement indésirables comme les pesticides, les conservateurs chimiques, les colorants. Personne ne souhaite en manger mais beaucoup se résignent en les considérant comme un mal nécessaire ou en minimisant leurs effets.

Pour notre cerveau, l’équivalent est frappant : il s’agit de la publicité. Les publicités nous influencent bien au-delà de ce que nous pouvons imaginer. Elles transforment notre esprit et notre intelligence pour façonner un abrutissement convenu. Les publicitaires eux-mêmes ont à peine conscience des incroyables dégâts qu’ils sont en train de nous infliger.

Il n’est pas possible de supprimer toute la publicité (la définition de publicité étant floue, ce n’est d’ailleurs pas souhaitable). Mais il est de notre devoir de s’en protéger lorsque c’est possible.

Prétendre que bloquer les publicités cause un tort aux producteurs de contenus sur le net revient à dire qu’arrêter de fumer est irresponsable vis-à-vis des pauvres petits planteurs de tabac dans des pays en voie de développement. Surtout qu’ils n’ont rien d’autre à cultiver.

Les friandises

Sucreries et fast-food sont un type de nourriture que nous devrions idéalement proscrire ou, en tout cas, consommer avec une grande modération. Pourtant, nous avons du mal à résister et nous tombons souvent dans l’excès. Contrairement aux toxiques, il s’agit ici d’une consommation volontaire mais souvent compulsive.

Le parallèle avec les journaux et les « news » est frappant. Proust disait « Ce que je reproche aux journaux, c’est de nous faire faire attention tous les jours à des choses insignifiantes tandis que nous lisons trois ou quatre fois dans notre vie des livres où il y a des choses essentielles. »

Prenez une seconde pour réfléchir et soyez honnête : quand une nouvelle a-t-elle eu une influence réelle sur votre vie, vos décisions ou votre manière de voir le monde ? Il est probable que vous puissiez compter ce genre de nouvelles sur une seule main. Et que même si vous n’aviez jamais lu le moindre journal de votre vie, cette nouvelle vous serait parvenue, d’une manière ou d’une autre.

Et pourtant, nous consacrons chaque semaine plusieurs heures de notre vie « à nous tenir informés ».

Bien entendu, être informé n’est pas complètement inutile. C’est important en ce qui concerne votre domaine professionnel et c’est également une source de discussion avec les autres. Mais, convenons-en, l’utilité est plus que limitée pour un coût temporel énorme.

Pire : le format des courtes nouvelles, tout comme un snack ou un hamburger, est facile à mâcher, pré-digéré et forme notre cerveau à ce type d’informations, rendant la lecture de longs articles ou de livres de plus en plus difficile, de plus en plus rare. Tout comme le fast-food, les actualités n’apportent pas un réel plaisir. Passez une heure à lire des sites de nouvelles, vous en sortirez légèrement écœuré mais avec le besoin, l’envie, de continuer. Le plaisir d’avoir lu un long article très intéressant ou le chapitre d’un livre est incomparable.

Les bonnes choses

Pour développer son intelligence et ses capacités, il n’y a pourtant pas de secret : il faut lire. Warren Buffet y voit le secret de son succès et pose cette question : « Connaissez-vous une seule personne qui soit intellectuellement brillante et qui n’aime pas lire ? » Pour le général américain James Mattis, qui a commandé les forces de l’OTAN, ceux qui ne lisent pas sont condamnés à tout apprendre par essais et erreurs. Pour lui, en tant que militaire, une erreur signifie généralement la vie de soldats.

Mais que lire ? Comme nous l’avons vu, il ne suffit pas de lire des courtes nouvelles, des « breaking news » sur des sujets dont nous n’avons, au fond, que faire. Il faut savoir faire le tri, repérer les produits bios, les petits producteurs de qualité.

Pour cela, je vous propose de faire nôtre l’adage populaire : « Les petites gens parlent des personnes, les gens normaux parlent des événements et les gens brillants parlent des idées ».

Une question se pose avant une lecture : « Est-ce que ce texte contient des idées ? » Si oui, je peux me lancer dans la lecture. Et une fois que j’ai compris l’idée principale, je me pose la question de savoir s’il est utile de poursuivre la lecture jusqu’au bout. Si le texte est très court, il ne contient généralement pas d’idée. Et s’il s’agit d’une vidéo, l’idée, si idée il y a, est très certainement diluée.

En ce qui concerne la fiction, je rejoins Neil Gaiman : elle est nécessaire, indispensable. Une fiction, c’est un concentré d’idées, d’expériences. À travers une fiction, vous pouvez former votre esprit à rencontrer des situations imprévues. Vous développez votre imaginaire, votre créativité.

Conclusion

« Faire attention à équilibrer mon régime intellectuel », ne serait-ce pas une excellente résolution pour 2014 ? J’ai d’ailleurs déjà décrit ma méthode personnelle pour lire de longs articles intéressants.

Bien entendu, il ne faut pas devenir extrémiste. Il s’agit plutôt d’une prise de conscience : si la vidéo que je vais regarder ou l’article que je vais lire s’intitule « Les 10 choses les plus… » ou « Vous devez regarder cette vidéo » ou « Vous allez pleurer/rire », il s’agit plus que probablement d’une anecdote. Le contenu est peut-être très bien mais, comme un fast-food, il sera vite digéré et oublié, ne vous apportant rien.

Rien ne sert de s’exposer en permanence aux dernières nouvelles, au dernier buzz, à vouloir suivre en direct. Laissez le temps agir et attendez quelques jours ou quelques semaines qu’une article récapitule le tout en développant les idées. Si ce n’est pas le cas, c’est que l’anecdote n’en valait pas la peine. Laissez les autres faire le tri pour vous et consommez ce genre de choses à petites doses.

Profitez de 2014 pour reprendre goût aux longs articles détaillés et aux briques de fiction ! Les livres et les longs articles, c’est un peu comme le sport : quand on n’a plus l’habitude, cela nous semble un calvaire. Mais, après chaque séance, on se sent bien et un peu plus fort qu’avant.

 

Photo par Brett.

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Le Cadeau réutilisable

mercredi 11 décembre 2013 à 17:19
giftbox

Vous ne savez pas quoi offrir à Noël ? L’idée de vous entasser dans des centres commerciaux surchauffés vous donne des boutons ? Après une journée de shopping en ligne, vous vous sentez sale et souillé à cause de tous ces emails de spam qui remplissent déjà votre boîte et de tous ces suppléments livraisons/garanties/arnaques diverses qui surchargent votre carte bleue ?

Pourquoi ne pas faire comme des milliers de hipsters à travers le monde et opter pour le ForeverGift ? Le ForeverGift, c’est la sensation de cet hiver 2015. Tout San Francisco se l’arrache ! Pourtant, beaucoup restent dubitatif sur ce concept que certains n’hésitent pas à qualifier d’arnaque pure et simple.

« ForeverGift est un enfant de la crise » nous confie Pablo Sanchez, son concepteur. « Il est né dans une Espagne attachée à ses traditions mais où la crise économique et un taux de chômage de 50% dans la tranche des 20-30 ans rend le moindre achat extrêmement difficile. »

Pour être honnête, le Madrilène ne s’attendait pas à un tel succès. Il est parti d’un constat pourtant simple et maintes fois observé.

« Nous n’avons plus les moyens, ni économiques ni écologiques, de nous payer des biens matériels. Mais la technologie les rend également obsolètes. La vraie richesse, de nos jours, c’est de vivre léger, avec le matériel strictement nécessaire. Nous virtualisons tout ce qui peut l’être. À quoi bon offrir un livre ou une bande dessinée ? C’est un gaspillage de papier ! Quant à un CD ou un DVD, n’en parlons même pas. Du coup, afin de garder un budget cadeau raisonnable, nous avons tendance à offrir des babioles, des petits gadgets parfaitement inutiles. Ces cadeaux étant inutiles, ils sont eux-mêmes offerts l’année d’après ou revendus sur des sites de seconde main. Quand ils ne finissent pas tout simplement à la poubelle après un passage plus ou moins long dans un grenier poussiéreux. Malgré cela, il est impensable de ne pas offrir un cadeau à Noël ou lors d’un anniversaire ! C’est un symbole important. »

Un constant que les grands du web ont bien compris, tentant d’attirer le marché avec des bons d’achat sur Google Play, iTunes ou Amazon. Mais pour Pablo Sanchez, ce n’est pas la même chose. Un bout de papier avec un code ne remplace pas un cadeau. Sans compter que, la crise aidant, la plupart de ses amis se fournissent en livres électroniques, musique, films et logiciels sur les circuits pirates. Un peu moins pratique mais gratuit.

« Totalement à court d’idées pour le réveillon de Noël de l’année passée, sans un sous, j’ai décidé d’offrir à chacun une belle boîte avec un bel emballage. La boîte était vide mais j’avais collé une étiquette dessus. »

Cette étiquette est désormais devenue célèbre et est la marque de fabrique de ForeverGift :

« Ce cadeau est un cadeau réutilisable. Il peut vous sauver de l’embarras. Gardez-le précieusement afin de l’offrir lorsque vous n’aurez pas d’idée de cadeau. »

Alors qu’il avait peur de vexer ses amis, Pablo Sanchez est étonné de l’accueil fait à son cadeau réutilisable. Le succès est tel qu’à peine trois semaines plus tard, il reçoit, pour son anniversaire deux ForeverGift qu’il avait lui-même conçus et qui avaient déjà voyagé de main en main. Grâce à l’aide d’un ami, il monte un site de vente et commence à livrer ses ForeverGift dans le monde entier, tout en se diversifiant.

« Je me suis rendu compte que tout le monde n’avait pas la même idée de la valeur idéale d’un cadeau. Certains aiment offrir des petites choses à 5 € ou 10 €. D’autres, au contraire, considèrent qu’un cadeau doit être au minimum de 50 €. Du coup, j’ai créé des ForeverGift de différentes tailles, pour satisfaire tous les goûts. Inconsciemment, nous accordons beaucoup d’importance au volume d’un cadeau. C’est d’ailleurs, à mon avis, l’une des raisons de l’échec des cartes Google Play/iTunes/Amazon. »

Si le succès commercial est au rendez-vous, les critiques s’élèvent. Beaucoup voient en Pablo un arnaqueur qui vend des boîtes vides à 50 €. D’autres tentent de copier le concept.

« Je ne suis pas un arnaqueur. Les gens savent très bien ce qu’ils achètent, il est marqué en grand sur le site que les boîtes sont vides. Je ne suis pas un vendeur de boîtes : je vends un service, le confort de ne plus devoir se prendre la tête avant de faire un cadeau. D’ailleurs, n’importe qui peut faire la même chose avec une boîte et de l’emballage. Mais le logo ForeverGift a acquis de l’importance. Lorsqu’on reçoit un ForeverGift, on sait que, directement ou non, la personne qui nous l’offre a fait une dépense. Si vous recevez une bête boîte en carton avec une copie de ma lettre, cela fait un peu radin. »

Le coût d’un cadeau serait donc un élément essentiel. ForeverGift ne serait que la cristallisation de ce concept sociétal.

« Pendant des millénaires, les biens matériels ont été un signe de richesse, poursuit Pablo. Ces dernières décennies ont vu un véritable bouleversement de nos codes de valeur. Lorsque vous voyez une maison de milliardaire à la télé, ce qui frappe c’est l’espace, le vide, la place. Si par contre vous voyez une maison remplie à ras bord d’objets et de biens matériels, vous savez inconsciemment que vous êtes chez des gens relativement pauvres. Un bien demande de l’entretien, de la place. Il faut de plus en plus payer pour s’en débarrasser. La véritable richesse, c’est le vide. Au fond, ForeverGift, c’est un symbole, c’est le cadeau du 21e siècle. »

ForeverGift, idée du siècle ou arnaque ?

« Si vous pensez que c’est une arnaque et que vous recevez un ForeverGift, mettez-le au recyclage directement. Tant pis. Mais vous verrez. Vous serez très tenté de le garder pour une occasion où vous n’aurez pas d’idée. À ce moment-là, vous changerez peut-être d’avis ! »

 

Photo par Asenat29. Relecture par François Martin.

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Le web, ce pulp ultime

samedi 16 novembre 2013 à 16:23
pulps

Où l’on compare le parcours des auteurs du siècle passé avec les opportunités et les outils de la future décennie. Et où l’on intronise pompeusement le « lectauteur ».

Glorieux passé

J’ai grandi dans les remugles poussiéreux des vieux recueil de science-fiction. Ma bibliothèque est chargée des collections presque complètes des magazines Galaxie et Fiction. En les feuilletant, je me prenais à rêver être né plus tôt, lors de cette époque bénie.

Comme Asimov, Van Vogt ou d’autres, dont le nom a été oublié, j’aurais soumis mes nouvelles à toutes les revues possibles et imaginables. J’aurais essuyé des refus. J’aurais reçu des conseils. À force de persévérance, j’aurais bien fini par être publié. Le public seul aurait ensuite jugé si mon nom méritait de passer à la postérité comme écrivain ou si, et il sont nombreux dans ce cas, je serais tombé dans l’oubli comme rédacteur de quelques nouvelles sans grand intérêt.

La disparition de ces revues me donnait le goût amer de voir l’accès au métier d’écrivain désormais barricadé par quelques comités de lecture aux goûts forcément arbitraires. Je regrettais cet âge d’or où il ne m’aurait coûté que quelques timbres pour soumettre et resoumettre mes nouvelles. Glorieux passé !

Étonnant présent

Hier, fêtant le succès de la moitié de mon NaNoWriMo, je mettais sans trop y penser une nouvelle dans ma liste de lecture Pocket. Une nouvelle que Saint-Epondyle avait publié sur son blog pour inaugurer son challenge des Écrinautes. Nouvelle que je décidai de lire sur ma liseuse Kobo suite à la mise à jour. Ce fut un véritable déclic !

Cette nouvelle, je venais de la lire avec un confort de lecture similaire à tous les romans que j’ai lu ces derniers mois. Je venais de lire un véritable livre, pas une page web ! Saint-Epondyle s’était immiscé, excusez du peu, entre Proust, Pratchett et Jean Ray !

Je réfléchis un instant et réalisai que je publiais moi-même des nouvelles. Qu’elles me rapportaient même un peu d’argent ! Que j’avais, avec un certain succès, réussi à faire passer des émotions littéraires via le web. Que j’avais commencé ce qui avait toutes les caractéristiques d‘un roman feuilleton des plus classiques.

Sans nous en rendre compte, nous sommes en train de façonner le web pour en faire un énorme pulp, un magazine littéraire à l’échelle mondiale où nous sommes tous à la fois auteurs, lecteurs et éditeurs. Comme les pulps en leurs temps, le web n’est pas considéré comme « de la vraie littérature », il est déprécié, évité voire rejeté par les « vrais ». Peu importe car, comme le dit Thierry Crouzet, il change l’écriture. Le futur jugera !

Enthousiasmant futur

À l’époque des pulps, les auteurs étaient payés au mot. Asimov est célèbre pour avoir commencé à écrire dans le but de financer ses études. Mais être payé au mot n’a plus aucun sens sur le web. Être payé à la nouvelle ? Au chapitre ? Au livre ? Finalement, c’est à peine moins absurde qu’être payé au mot. Et si les auteurs étaient tout simplement payés au plaisir ? À la satisfaction qu’ils apportent aux lecteurs ? S’ils laissaient le choix du prix aux lecteurs ?

Tout ceux qui n’ont jamais essayé de faire confiance aux lecteurs vous diront que c’est utopique, que cela ne peut pas fonctionner.

Pourtant, placé sous le signe du NaNoWriMo, ce mois de novembre semble démontrer exactement le contraire et confirmer le témoignage d’un Cory Doctorow pour qui la gratuité et le partage sont non seulement indispensables mais aussi générateurs de ventes. En effet, les candidats se sont bousculés pour accueillir et nourrir Pouhiou durant son périple d’écriture. Moi-même, j’ai eu l’insigne honneur d’être soutenu dans mon NaNoWriMo au delà de toutes mes espérances. Je me surprends à relire ce message d’un contributeur m’offrant, par son don, de me libérer du travail pendant quelques heures afin que je puisse me consacrer à l’écriture.

De manière particulièrement intéressante, l’auteur Neil Jomunsi profite également de ce mois de novembre pour se remettre en question. Et si le piratage était une bonne chose ? Et si, aussi incroyable que cela puisse paraître, Flattr rapportait plus que les ventes Amazon ?

Et si le futur du livre n’était qu’une simple page web ? Une liseuse toute simple reliée à un service libre comme Poche avec possibilité de faire des dons automatiquement à la fin de votre lecture ? Une liberté totale de partage et de soutien ! (Ne serait-ce pas enthousiasmant de crowdfunder une telle liseuse et de convaincre vos auteurs favoris ?)

Mais après ? Quelles œuvres passeront à la postérité ? Quels sont les auteurs dont la biographie enrichira Wikipédia ?

C’est à vous et vous seuls d’en décider. Ce ne sont ni les éditeurs ni les pseudo jurys de prix littéraires qui écrivent le futur de la littérature mais vous, nous, les lectauteurs. Car, après tout, est-ce encore utile de différencier auteurs et lecteurs dans ce gigantesque pulp qu’est internet ?

 

Photo par Felix Nine.

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Je suis passé à la télé !

mardi 12 novembre 2013 à 11:09
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Vous savez ce que je pense de la télévision. Mais je suis toujours curieux. Aussi, quand s’est profilée l’opportunité de participer à une émission grand public, j’ai tout de suite accepté, histoire de découvrir l’envers du décor.

Mais la télévision n’accepte pas n’importe qui, même s’il s’agit d’aller taper anonymement des mains dans un public béat. Première étape obligée : le casting.

Le casting, en soi, est simple. Quelques minutes de discussion face à deux personnes qui savent certainement ce qu’elles veulent. Mais le plus passionnant reste les rencontres dans la salle d’attente. Ceux qui ont fait plusieurs heures de trajet juste pour se rendre à ce casting. Ceux qui stressent et pour qui cette participation potentielle représente un point culminant, un sommet. La télévision reste le point central de la vie de beaucoup de citoyens. Ils sont éduqués, bien habillés. Ils ont un travail, un smartphone, une tablette. Ils ont l’air intelligents et sympathiques. Mais la télévision reste pour eux un concept mythique, magique, supérieur à tout. Je me sens étranger, comme un athée qui, au milieu d’un pélérinage à Lourdes, déclarerait « Ben c’est une grotte et des robinets de flotte ».

Enfin, après réception de mon acceptation et signature de documents cédant mon droit à l’image et m’engageant à ne pas révéler d’informations confidentielles (ce que je ne ferai donc pas dans ce billet), le jour du tournage arrive.

Le rendez-vous est à 18h au studio, une collation est prévue. En fait, les 150 participants auront droit à une centaine de sandwichs qui seront épuisés vers 18h15. S’en suit une longue attente, entrecoupée uniquement par le passage unique d’une caméra demandant à chacun de se présenter. Histoire de rire un coup, je m’invente un personnage complètement farfelu. Ce n’est que vers 20h30, le ventre gargouillant, que nous pouvons enfin prendre place dans les gradins du studio. Gradins qui tremblent d’ailleurs sous nos pas. Tout est fait pour paraître beau et brillant mais n’est en fait qu’échafaudage et contre-plaqué. Le lumineux tunnel d’arrivée des stars ? Un simple drap noir constellé d’ampoules digne du spectacle de l’école de quartier. Pourtant, à l’image, tout cela respirera le luxe, le rêve, les paillettes.

L’émission à laquelle je participe est une première. Un régisseur « chauffeur de salle » nous l’explique et s’excuse pour le retard. L’organisation n’a pas encore le temps d’être rodée.

Nous sommes là à attendre et j’aperçois des employés grimpant sur des échelles de spéléo pour aller s’installer dans les cintres, à côté des gros projecteurs. Le détail à son importance pour la suite.

Les caméras entrent en action et le régisseur nous fait tourner des séquences d’applaudissements, de rires et de huées. Je suis abasourdi : il n’y a rien devant nous et il arrive à faire applaudir 150 personnes comme si le plus beau spectacle se déroulait sous leurs yeux. Enfin, 149. Détestant être manipulé de cette manière, je fais mon pisse-froid blasé et croise les bras.

Les animateurs entrent finalement sur le plateau. Il nous est demandé de les applaudir comme des héros. L’animateur principal commence immédiatement avec « Bienvenue à cette troisième émission. Comme la semaine passée, blabla… ». Interloqué, je me fais la remarque qu’il s’agit du premier enregistrement. Un ami qui m’accompagne trouvera l’explication la plus probable : le premier tournage n’étant pas rôdé, l’émission n’est généralement pas la meilleure et, pour la première, mieux vaut mettre le paquet afin d’accrocher les téléspectateurs. Un univers de carton-pâte…

Néanmoins, je ne pourrai m’empêcher de tiquer à chaque fois que, durant le cours de l’émission, référence sera faite à la semaine passée ou aux émissions dont l’enregistrement n’a pas encore eu lieu.

L’enregistrement se déroule, lentement. C’est long, c’est très long. Le présentateur bute sur un mot ? N’est pas satisfait de sa phrase ? On la refait ! Tout semble correct ? Le réalisateur intervient pour dire que les lumières n’étaient pas correctes, on la refait. Je me rends alors compte que le métier de présentateur n’est pas une sinécure. Il a dû préparer un texte, un scénario précis mais terriblement ennuyeux. Il le joue et le rejoue. Il force son sourire et son entrain. La présentatrice s’assied un moment près de mon équipe. En aparté, elle nous raconte quelques anecdotes des répétitions. Elle semble épuisée mais dégainera un sourire radieux au moment où les caméras entreront en action. J’admire son énergie et son professionnalisme.

Je fais partie des « candidats ». Officiellement, je participe à l’émission. Je peux voter grâce à une télécommande, mon visage apparait sur un écran. Mais, très vite, je me rends compte que tout cela n’est qu’un prétexte pour me faire applaudir. Le régisseur nous motivera plusieurs fois avec ces mots magiques : « Donnez tout. N’oubliez pas que vous passez à la télé ! ». J’ai honte de me prostituer de cette manière. Seule l’idée d’écrire ce billet me sert de prétexte pour me justifier et tenir le coup.

Le temps s’écoule lentement. Le morceau de sandwich n’est plus qu’un lointain souvenir. De plus, en tant que candidat, un spot est en permanence braqué sur mon visage et je commence à trouver cela très inconfortable. J’ai faim, j’ai soif, je dois faire pipi, j’ai mal à la tête et, surtout, je m’ennuie à mourir. Il est bientôt une heure du matin et nous avons eu en tout et pour tout trois ou quatre petites pauses pour aller aux toilettes.

Ce genre d’émissions m’ennuie profondément au bout de trente secondes, même dans des conditions idéales. Alors imaginez subir cela pendant près de quatre heures. Je craque, je ne fais même plus semblant d’applaudir, je dors, je lis et me désintéresse complètement du spectacle.

Tout semble terminé, l’émission est dans la boîte. Non ? Le régisseur annonce que l’on va tourner la scène d’introduction. Il nous supplie de produire un dernier effort, d’applaudir. Et, force est de constater que, chez les autres, ça fonctionne très bien. Le public est enthousiaste, ces gens ont une énergie hors du commun. Les présentateurs se lancent dans un discours de bienvenue expliquant le concept de l’émission. Il est près de deux heures du matin, je suis une loque humaine, je déteste tout le monde, je râle, je grogne et j’assiste à la performance de deux présentateurs qui présentent le concept d’une émission dont j’ai été le témoin durant plus de quatre heures. La fatigue aidant, cette scène sera refaite cinq fois avant la libération finale.

Ankylosé, je me dirige vers la sortie du studio lorsque je vois descendre les éclairagistes. Depuis plus de cinq heures, ils sont coincés dans leur perchoir à côté de projecteurs brûlants. Il ne se plaignent pas, ils ne râlent pas et ils recommenceront la semaine prochaine.

Nous savons tous, intellectuellement, que la télévision est le royaume du faux, du rêve en conserve. C’est une chose de le savoir, c’en est une autre de le constater de ses propres yeux. La télévision, c’est avant tout des dizaines de personnes qui font un travail pénible, éprouvant, avec des horaires complètement absurdes. C’est long et intellectuellement pas toujours gratifiant.

Tout cela pour, au final, offrir un divertissement sans le moindre intérêt culturel entre deux publicités. Le tout payé par le contribuable lorsqu’il s’agit du service public (ce qui était le cas ici, j’en reparlerai). Mais le but est atteint : lui faire passer le temps, rendre son cerveau disponible pour la publicité et le faire rêver du jour où lui aussi aura la gloire d’être un « candidat ».

Une gloire éphémêre, inutile, sans aucun mérite. Une gloire à la portée de tous sans le moindre effort. Une gloire à laquelle nous pouvons tous aspirer sans bouger nos fesses ou nos neurones, sans dépenser la moindre goutte de sueur. Une gloire petite, misérable et sans ambition. Au fond, il est bien triste le rêve que nous vend la télévision…

 

Photo par Chris Brown.

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