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La peur de travailler

lundi 5 mai 2014 à 14:39
peur_travail

J’ai peur. J’ai peur des autres, de leur regard. J’ai peur de faire une rencontre, de m’entendre demander :
— Et que faites-vous dans la vie ?

Rien. La honte absolue. Je suis devenu un fainéant, un profiteur. Je ne fais rien car je n’ai pas de salaire, je touche le chômage. Je rase les murs en espérant que personne ne s’en rende compte.

J’ai peur des contrôles, de l’administration. Il y a deux mois, j’ai travaillé pendant trois semaines à mi-temps. Même si ce n’était que trois semaines, j’ai sauté sur l’offre. Le contrat terminé, je suis redevenu chômeur. Le FOREM m’a dit que j’étais resté inscrit. Par contre, la CAPAC, l’organisme qui me verse mon chômage, m’a annoncé qu’il fallait se réinscrire immédiatement au FOREM après chaque période d’emploi, ce que je n’avais pas fait. J’ai passé le mois suivant en coups de fil, en envoi de formulaires papier et en convocations dans leurs bureaux. Ce mois ne me sera finalement pas payé. Le fonctionnaire responsable de mon dossier a décidé unilatéralement qu’il n’avait pas envie de me payer. Que, contrairement à l’avis du FOREM, il considérait que je ne m’étais pas réinscrit à temps.

Pour travailler ces trois semaines, j’ai accepté un salaire nettement inférieur à mon salaire précédant mon licenciement. Comme le chômage est proportionnel au dernier salaire, j’ai découvert que travailler ces trois semaines m’avait non seulement fait perdre un mois mais avait diminué de manière importante le montant de mes allocations.

J’ai peur d’accepter une prochaine offre. Je ne pourrais sans doute pas me le permettre financièrement.

Mais je veux me battre. J’ai décidé de me former, d’acquérir de l’expérience en travaillant comme bénévole un ou deux soirs par semaine dans une ASBL. Tout le monde est le bienvenu dans cette ASBL. Sauf les chômeurs qui doivent obtenir une autorisation de travail bénévole. J’ai rempli les papiers, j’ai demandé l’autorisation. Elle m’est arrivée cinq semaines plus tard avec une simple mention : « refusé ». Pas de justification, pas d’explication. Juste une case cochée. Un fonctionnaire a simplement décidé qu’il ne voulait pas que j’utilise mes soirées comme je l’entendais.

Le responsable de l’ASBL était désolé. Lui aussi il a peur. Les assurances, les contrôles. Une autorité invisible vient de me refuser mon droit au travail. Je n’ai pas le droit de décider, de disposer de mon temps.

Je ne baisse pas les bras. Je compte me lancer comme indépendant. Pour être honnête, j’ai coché les cases sur ma carte de chômeur pour les jours où j’ai commencé à travailler sur mon propre business. Cela a semblé bizarre. J’ai reçu des demandes d’explications. Certaines de mes cartes m’ont été renvoyées. Un contrôleur va s’occuper de mon cas.

J’ai peur. Et si je devais, comme une personne que je connais, rembourser près d’un an de chômage ?

Je suis en train de contacter des fournisseurs, de créer mon propre travail. Je pourrais en être fier. Mais j’ai peur. Peur de faire quelque chose de mal. Peur que, quelque part, un fonctionnaire décide que je ne respecte pas un obscur point du règlement. Peur de me faire définitivement exclure du chômage, peur d’être attaqué en justice pour fraude ou pour n’importe quoi.

J’ai des idées, j’ai un projet, de l’énergie, de l’ambition. Je veux travailler, créer. Mais j’en ai peur. J’ai peur. J’ai peur…

 

Ce texte est fictif mais les anecdotes ainsi que le sentiment général sont véridiques et proviennent de témoignages que j’ai recueillis auprès de différents chômeurs. Photo par Bruckerrlb.

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Le minibus et la discothèque

vendredi 2 mai 2014 à 14:22
minibus

Tous les matins, Gérard se mettait au volant de son minibus et parcourait les rues de la ville, depuis les lointains faubourgs aux quartiers chics du centre-ville. Lorsqu’un piéton lui faisait un signe de la main, Gérard s’arrêtait, embarquait le nouveau passager et continuait sa tournée. Lorsqu’il voulait descendre, étant arrivé à destination, le passager tapait sur l’épaule de Gérard et lui glissait un billet dans la poche.

Gérard était très fier de son métier. « Je permets à tout le monde de se déplacer, disait-il. Une vraie démocratie doit offrir à chacun le droit de se rendre où il veut. Sinon, ce n’est qu’une prison aux barreaux dorés. » Petits et grands, jeunes et vieux, tous bénéficiaient des services de Gérard.

À quelques kilomètres de la ville, dans une banlieue mal fréquentée, Janine avait ouvert une discothèque. Afin de faire venir du monde, elle contacta Gérard.

— Je te propose de mettre sur ton véhicule une grande affiche pour ma discothèque.
— Pourquoi ferais-je cela ? demanda Gérard.
— Sur l’affiche sera placé un code donnant droit à un prix d’entrée réduit dans ma discothèque. Pour toute personne utilisant ce code, tu toucheras 10% du prix de l’entrée. Et puis, ça ne te coûte rien.
— Et tu exiges autre chose de moi ?
— Absolument pas. Tu es entièrement libre de continuer à faire ce que tu as toujours fait. Tu vas où tu veux, comme tu veux.
— Alors, marché conclu !

À vrai dire, la publicité pour la discothèque de Janine ne modifia en rien le travail de Gérard. Tout au plus cela lui permettait de mettre un peu de beurre dans les épinards.

Et puis, comme toujours, le monde changea. Les mentalités évoluèrent. Le réchauffement planétaire avait transformé le climat de la ville qui baignait à présent dans un soleil permanent. Les habitants préféraient éviter autant que possible tout véhicule à essence. Le vélo et la marche à pieds redevenaient extrêmement populaires. Quelques habitués continuaient à faire appel à Gérard mais ils avaient tendance à oublier de verser un billet ou une petite pièce. Ils ne voyaient d’ailleurs pas pourquoi il était nécessaire de payer un trajet qu’ils auraient aussi bien pu faire à vélo.

Voyant le prix de l’essence augmenter et son compte en banque diminuer, Gérard s’assit un soir à sa table pour faire ses comptes. Il fut étonné de constater que ses revenus du vendredi étaient toujours nettement supérieurs à ceux du reste de la semaine. « Bizarre ! murmura-t-il. » Il comprit soudain. Le vendredi, il tournait dans le quartier mal-famé où se trouvait la discothèque de Janine. Il n’embarquait jamais beaucoup de monde le vendredi mais les habitants devait sans doute le voir passer et noter le code de réduction qu’ils utiliseraient le soir à la discothèque.

Ayant réalisé cela, Gérard décida de modifier sa tournée du mardi. Au lieu d’embarquer les personnes âgées de la maison de retraite pour les emmener au centre culturel, il décida d’aller tourner dans le quartier de la discothèque. Les personnes âgées étaient de toutes façons chiches et le mardi était son jour le moins rentable. Il n’embarqua pas un seul client ce jour-là et rentra chez lui, déçu.

Le lendemain, à sa grande surprise, il constata que Janine lui avait envoyé de l’argent. Plus d’argent que n’importe quel mardi !

Il décida alors de remplacer sa tournée du mercredi (les élèves de maternelle qui vont à la plaine de jeu et qui ne paient qu’en boutons de culotte) et sa tournée du jeudi (les travailleurs de l’usine qui vont chercher des frites sur le temps de midi). La stratégie s’avéra payante. Certes, ce n’était pas le Pérou. Mais, au moins, Gérard pouvait continuer à vivre. Mieux : en restant immobile quelques dizaines de minutes à différents endroits stratégiques du quartier près de la discothèque, il économisait de l’essence sans pour autant diminuer son impact sur les habitants. Ils avaient d’ailleurs plus facile à noter le code. Il pouvait même partir manger à midi en laissant son véhicule bien en vue !

Après quelques semaines, Gérard avait complètement abandonné ses tournées traditionnelles. Il se contentait de tourner en rond dans le quartier de la discothèque. Une présence permanente était devenue indispensable car il devait lutter contre la concurrence. D’autres véhicules avaient fait leur apparition. Ils portaient des codes différents pour la discothèque de Janine. Afin d’attirer l’attention sur lui, Gérard équipa son minibus d’un gyrophare et d’une sirène. Lorsqu’il croisait un piéton, il donnait un grand coup de klaxon et montrait le code désormais inscrit en lettres de néon clignotantes sur chaque côté du véhicule.
La dernière fois que je vis Gérard, il buvait une bière avec Janine à la terrasse d’un café. Gérard était amaigri, les traits tirés. Il semblait quémander quelque chose à Janine. Je m’approchai et, après les présentations d’usage, posai les questions qui me brûlaient les lèvres depuis plusieurs semaines.

— Dis-moi Janine, tu n’as pas l’impression de pervertir le travail de Gérard ?
— Mais pas du tout ! Je n’ai aucun contrôle sur ce qu’il fait, il est entièrement libre. C’est plus pour moi une manière de le soutenir. Son travail est important.
— En quoi est-ce tellement important ?

Gérard me darda un regard noir. Il posa son verre brutalement et déclara avec force :
— Je permets à tout le monde de se déplacer. Je suis un pilier de la démocratie car une vraie démocratie doit offrir à chacun le droit de se rendre où il veut. Sinon, ce n’est qu’une prison aux barreaux dorés. Si je disparais, c’est la fin de la démocratie !

J’acquiesçai poliment, réglai mes consommations et enfourchai mon vélo pour rentrer chez moi.

 

Photo par JosEnrique.

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La mort de la presse ? Tant mieux !

jeudi 24 avril 2014 à 22:39
Daily News.

La presse est en train d’agoniser. Et, entre nous, c’est une excellente chose.

Je tiens à différencier deux aspects très différents du journalisme : l’information et l’analyse. Il est évident que l’analyse n’est pas possible sans l’information. Et, historiquement, obtenir l’information était le plus difficile. C’est pourquoi le journalisme apportait de la valeur en fournissant principalement de l’information. Au point de parfois oublier la composante « analyse ». D’ailleurs, ne parle-t-on pas de consulter « les informations » ?

Le modèle de fonctionnement était le suivant :

Événements -> Correspondants locaux ou envoyés spéciaux -> Agences de presse -> Organes de publications -> Libraires -> Lecteurs

La valeur réelle du journalisme se trouvait dans toute la chaîne, conçue pour transmettre l’information depuis son origine à n’importe quel citoyen. Mais la monétisation n’arrivait qu’à la toute fin, dans les publications payées par le lecteur. Cela a conduit la plupart des journalistes à penser que ce qui avait le plus de valeur était la mission sacrée de la toute-puissante « rédaction » : choisir ce qui était pertinent ou non, la place sur le papier étant limitée.

Pour s’adapter à Internet, la presse a transformé les publications traditionnelles en sites webs. L’idée de base était de ne surtout rien changer et de faire payer une version électronique, un PDF du journal. Génial, on a trouvé un business model et, surtout, rien ne change. On fait même des économies sur le papier. Et sur les libraires. Mais eux, ce n’est pas très important. Tant que la sacro-sainte presse reste entière, pas de soucis.

Événements -> Correspondants locaux ou envoyés spéciaux -> Agences de presse -> Organes de publications -> Internet -> Lecteurs

Sauf que personne ne paie les versions électroniques. Du coup, les sites se sont remplis de pubs. Et qui dit pub dit course au clic. Au lieu de fournir des articles, il est devenu plus intéressant d’attirer le cliqueur avec des titres affriolants, des vidéos de chatons ou des infos peu importantes mais à caractère sensationnel.

Et, tant qu’à faire, exigeons des subsides du gouvernement ou de Google. Parce que, sans blague, le méchant Ninternet fait que les gens n’achètent plus nos journaux. Donc c’est la faute de Google.

Or la réalité est bien plus simple. Aujourd’hui, la chaîne de l’information c’est ça :

Événements -> Témoin équipé d’un smartphone -> Twitter ou Facebook -> Lecteurs

Twitter et Facebook ont remplacé toute la chaîne de l’information. Ce sont les plus grandes agences de presse du monde avec plus d’un milliard de correspondants et la gratuité de rediffusion de dépêches. Simple, non ?

Tellement simple que les journalistes ou les agences refusent de le voir. Mais il n’y a pas plus aveugle et réactionnaire qu’un humain dont le gagne-pain vient d’être rendu obsolète par la technologie. Le fait qu’ils s’en prennent à Google au lieu de Facebook ou Twitter prouve à quel point ils n’ont tout simplement rien compris. Ils s’accrochent à l’ancienne chaîne sans admettre que l’information se transmet sans eux. Pire : ils sont parfois les derniers informés, n’étant plus que des lecteurs comme les autres ! Du coup, ils publient des articles sur des choses que vous avez déjà lues dix fois sur les réseaux sociaux. La valeur du service rendu est donc nulle. Économiquement, c’est très logique : dans un monde où l’information est rare, elle a beaucoup de valeur. Dans un monde où nous sommes tous bombardés d’informations, elle a une valeur nulle voire négative. Le métier de « transmetteur d’information » doit donc être repensé de fond en comble.

Bien sûr, l’inertie du public fait que le cadavre est encore chaud et remue. Une entreprise zombie typique. Les lecteurs, surtout les vieux, s’abonnent par habitude aux journaux papiers histoire d’avoir de quoi emballer les pommes de terre. Les internautes vont sur les sites des noms historiques d’organes de presse parce que… pourquoi au fond ? Simple réflexe reptilien. Bref, la presse est une poule sans tête qui continue à courir. Mais elle est bien morte. La preuve ? Les journalistes se sentent obligés de défendre leur métier en disant que seuls les « pros » font du bon boulot et que l’état doit les subsidier et que, économiquement, ça mettrait plein de gens au chômage. Bref, on est dans l’archétype du déni et du processus de deuil. Posez-vous la question : quand votre journal favori a-t-il révélé une information importante qui n’existait pas ailleurs sur le web ?

Honnêtement, cela ne m’attriste pas du tout : profitant de son aura et de son audience, la presse est devenue majoritairement un outil anti-démocratique, inconsciemment au service du pouvoir en place, participant à la peoplisation des élites et fournissant du divertissement abrutissant sous forme de chiens écrasés. Car, oui, la majeure partie de l’information est aujourd’hui du divertissement qu’on consomme à la pause café au boulot car c’est socialement plus acceptable que de jouer à Flappy Bird. Les médias sont détenteurs d’un pouvoir de diffusion arbitrairement centralisé. Ils ne font qu’exploiter une splendeur passée et brandissent l’étendard du contre-pouvoir qu’ils ont été il y a tellement longtemps. Certes, ils ont été utiles quand il n’y avait rien de mieux mais, à l’ère d’Internet, ils sont devenus contre-productifs. Pas d’accord ? Citez simplement les propriétaires des groupes de presse pour vous faire une idée !

Pour les journalistes en mal de recyclage, il reste la voie de l’analyse, de la recherche ou de la curation intelligente. Malheureusement, cela demande un talent et un effort bien plus important. Et la concurrence est rude : n’importe qui peut faire de l’analyse sur le web, même sans diplôme de journalisme. Pire, le contenu produit est tout sauf publicliquable. Il est long, fastidieux à lire. La majorité de la presse vivant grâce à la pub, l’idée de faire de l’analyse a donc été le plus souvent abandonnée. Si vous pensez produire un travail journalistique de valeur, et heureusement il y en a, prouvez-le ! Produisez du contenu et demandez à être payé ! Ou proposez des projets et faites jouer le crowdfunding. C’est simple, non ? C’est exactement ce que des structures comme Mediapart font. Et les gens paient.

Les agences de presse et les rédactions traditionnelles disparaissent ? Je m’en réjouis. Par essence, un contre-pouvoir finit toujours par s’acoquiner avec le pouvoir, à l’incarner et le défendre. À ce moment là, il est nécessaire de trouver un nouveau contre-pouvoir. La fin de la presse traditionnelle ne sera jamais qu’un outil de propagande en moins pour une société de consommation et un système démocratique à bout de souffle. Quand aux journalistes, les plus talentueux n’auront aucun mal à s’adapter. D’ailleurs, certains profitent déjà pleinement de cette nouvelle liberté que leur offre le web. Au fond, il ne reste qu’une question à résoudre : dans quoi va-t-on emballer les patates ?

 

Photo par Florian Plag.

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Élections, demandez le programme !

mardi 22 avril 2014 à 16:00
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Les élections se rapprochent et les tests en ligne fleurissent, vous annonçant que vous êtes à 65% favorable à tel parti ou 43% à tel autre. Dans les médias, les candidats se gargarisent de leur programme et critiquent celui des autres.

Une manipulation de plus à mettre sur le compte des élections. Car rien n’est plus inutile, plus absurde, plus hypocrite qu’un programme politique.

L’impossibilité mathématique

En Belgique, le scrutin proportionnel rend l’exécution d’un programme politique strictement impossible. En effet, la majorité élue sera dans tous les cas composée de plusieurs partis qui auront forcément des éléments de programme incompatibles.

Pour qu’un parti aie la moindre chance de réaliser son programme, il faudrait qu’il obtienne la majorité absolue. Quand j’étais candidat pour le Parti Pirate, les gens dans la rue me demandait souvent notre programme. Je répondais : « Dans le meilleur des cas, nous aurons un élu. Vous voulez vraiment que je vous promette n’importe quoi ? Cela ne m’engage à rien, je sais que quoi qu’il arrive, je ne pourrai pas le remplir. »

Une fantaisie idéalisée

On pourrait croire que cela ne concerne que la Belgique. Mais la France nous démontre que même un scrutin majoritaire ne permet pas la réalisation d’un programme. Arrivé au pouvoir suite à une campagne intense, le politicien se verra brusquement confronté à la réalité. Quand bien même le nouvel élu était honnête et croyait sincèrement en son programme (accordons lui le bénéfice du doute), le voilà obligé de gérer les urgences du quotidien et les conflits internes, de réagir face à l’émotion d’événements imprévus, de revoir de fond en comble ce qu’il croyait être un programme parfait et immuable.

Imaginez-vous passer un entretien d’embauche durant lequel vous devez promettre de réaliser certaines choses durant 4 ou 5 ans ! Si vous êtes engagé à la suite de cet entretien, personne ne pourra vous virer, vous serez en poste. Il est bien entendu que promettre n’importe quoi à 4 ou 5 ans est complètement irréaliste. Mais bon, si c’est pour avoir le poste…

Une absurdité historique

Dans toute l’histoire de la démocratie moderne, aucun élu n’a jamais réalisé l’entièreté de son programme. Certes, beaucoup se targuent d’en réaliser une partie. Mais les programmes politiques sont devenus tellement vastes et complexes qu’il est statistiquement presqu’impossible de ne pas le réaliser du tout.

C’est aussi une réponse que je donne régulièrement quand on me parle du manque de programme du Parti Pirate : « Citez-moi le programme du parti pour lequel vous avez voté aux dernières élections ! ». Au fond, personne ne lit réellement les programmes politiques. D’ailleurs, la majeure partie du public ne sait pas exactement ce qui est en jeu. J’ai entendu parler d’immigration et d’emploi lors des élections communales. J’entends parler de la rénovation des trottoirs lors de ce scrutin européen.

Un outil de campagne

Parfois, on me dit que l’utilité d’un programme est d’illustrer les valeurs d’un parti. Ou de convaincre les électeurs. Mais, comme je l’ai dit, personne ne lit les programmes. Sauf… les candidats des autres partis. Les programmes servent donc à entretenir l’actualité et à alimenter les médias. Le parti X annonce une mesure qui coûtera autant de millions d’euros. Mais le parti Z a mis des spécialistes sur le coup qui ont estimé que l’impact serait en fait le double ou le triple. Gros débats sur les télévisions. Pour rien.

Car personne n’est dupe. Même le plus enthousiaste des téléspectateurs sait très bien qu’une telle mesure ne pourra jamais être mise en place, qu’elle n’a aucune chance de voir le jour avant des dizaines d’années et des aménagements conséquents. Et que, finalement, personne ne sera capable d’estimer le coût réel, même a posteriori. Bref, les programmes ne sont que d’extraordinaires machines à vent.

Nous avons besoin de souplesse

Dans le monde professionnel, on commence à comprendre que faire des prévisions et des plans quinquennaux n’a plus de sens. Il faut pouvoir s’adapter vite et bien. Les méthodes comme « Lean Startup » mettent l’emphase sur ce soucis permanent de s’adapter, d’avancer par itérations et de confronter ses croyances, son idéologie, à la réalité.

Et dans l’univers politique ? Il y a seulement deux législatures d’ici, Facebook et Youtube n’existaient même pas, vous aviez encore probablement un écran à tube cathodique sur votre bureau et dans votre salon. Lors des dernières élections européennes, il y a de grandes chances que vous ne saviez pas encore ce qu’était un smartphone. Vous aviez dans votre voiture un GPS de la taille d’un poing qui vous avait coûté le prix d’un smartphone haut de gamme actuel. Les voitures sans conducteur relevaient de la plus pure science-fiction. Aujourd’hui, on s’interroge sur la date de commercialisation de celles-ci et de leur impact sur la société. Oui, nous vivons dans le futur.

Ces évolutions très rapides ont un impact profond sur notre société. Quand il s’agit d’accepter ces changements et de s’y adapter, les politiciens se révèlent généralement la frange de la population la plus incapable. Les récents exemples à Bruxelles en sont la plus parfaite illustration.

Et vous voudriez que ces mêmes politiciens fassent des prévisions à 5 ans dans un monde où même les futurologues de Google se refusent à prédire les 6 prochains mois ? Vous souhaitez réellement que les personnes qui ne s’adaptent pas au présent vous pondent un programme politique précis duquel on ne s’écarterait pas pour la durée du prochain lustre ?

À ce stade, ce ne sont plus les politiciens qu’il faut critiquer mais bien les électeurs. Tant que les électeurs demanderont des « programmes » et des « promesses » en échange de leur voix, nous n’aurons au pouvoir que les politiciens les plus auto-suffisants, les plus hypocrites et les plus capables de dire avec aplomb « je vous promets de faire ça pour les prochaines 5 années, d’ailleurs, mes 5 dernières années ont été un succès ! ».

Peut-être qu’il y a parfois un candidat qui dit « Je ne sais pas de quoi l’avenir est fait. La société est en perpétuelle évolution, il ne faut pas essayer de la figer. Essayons simplement de trouver un processus pour vivre ensemble, un processus lui-même évolutif. Même si cela implique de changer fondamentalement nos habitudes. »

Mais ce candidat-là n’a jamais de voix. Car, à chaque fois, on lui réplique : « Oui, bon, d’accord. Mais c’est quoi ton programme ? »

 

Photo par Kygp.

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Lily & Lily à Ottignies

mardi 15 avril 2014 à 14:04
lilylily

Dans le strass et les paillettes du Hollywood des années 1930, la star sur le déclin Lily Da Costa remplit plus souvent les verres et les chroniques des journaux à scandale que les salles obscures et les plateaux de tournage. Sam, le brave imprésario dépassé par tous ses caprices, ne sait plus à quel saint se vouer. Entre un mari gigolo, un bagnard en cavale et des domestiques malhonnêtes, voici que débarque à l’improviste Déborah, la sœur jumelle de Lily, pleine de bonnes intentions. Mais l’enfer n’est-il pas pavé de bonnes intentions ?

Envie de connaître la suite ? Alors je vous invite à venir assister à l’une des représentations de Lily & Lily par les Comédiens du Petit-Ry à l’école primaire Saint-Pie X d’Ottignies-Louvain-la-Neuve :

Le prix des places est de 10€ et les réservations se font à l’adresse reservationscomry@gmail.com.

Outre le rire, les portes qui claquent, les amants sous les lits et dans les placards, Lily & Lily est également l’occasion de fêter les 30 ans d’existence de la troupe et les 25 ans de participation de Laure Destercke, qui jouera bien entendu Lily.

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 La troupe, en pleine répétition

À titre plus personnel, Lily & Lily représente ma première participation à la troupe. Lors de la lecture du texte, j’ai également eu la surprise de découvrir que la pièce a été montée en 1985 avec Jacqueline Maillan et… Francis Lemaire, mon oncle, décédé il y a un an déjà. C’est donc avec une pointe d’émotion et une certaine fierté que je monterai sur les planches en pensant à lui.

Tout cela fait beaucoup d’occasions de rire et de faire la fête. Alors prenez votre agenda, choisissez une date, faites suivre les événements, invitez vos amis et, comme Lily Da Costa, venez vous enfiler un godet avec nous durant l’entracte ! Avec les comédiens du Petit-Ry, l’ambiance est autant dans la salle que sur la scène !

Au plaisir de vous voir dans la salle un de ces soirs…

 

 

 

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