PROJET AUTOBLOG


Ploum

source: Ploum

⇐ retour index

Gigas chocottes chez les opérateurs téléphoniques

mardi 8 avril 2014 à 17:03
zombiephone

Depuis des années, les opérateurs téléphoniques s’evertuent à proposer des plans tarifaires d’une complexité post-relativiste soit disant pour être plus adaptés à vos besoins : 15 centimes la minute en heures creuses les jeudis de pleine lune, 3000 SMS par semaine de quatre jeudis, gratuité pour les appels vers les numéros qui sont un nombre premier et… 20 Mo de transfert par mois. Youpie !

Sauf que j’envoie à tout casser 15 SMS et que je passe 10 coups de fils de moins d’une minute par mois. La seule chose qui compte pour les utilisateurs comme moi ? Le prix du Giga ! C’est pour ça que je prends le plan 15€ de Mobile Vikings, qui me met le Giga à 7,50€ (et que je ne prends pas les plans à 25€ ou 50€).

Le Giga-octet est infacturable

Pour les opérateurs, un problème de taille se pose. Le Go n’est pas du tout intuitif. Dès qu’on sort du milieu geeko-geek, le client n’a aucune idée de ce qu’est un Go. Certains ont 20Mo par mois. D’autres 1 Go. Et ils ne comprennent pas la différence ni ce qu’ils peuvent faire avec ça. Au final, beaucoup bloquent la 3G, par crainte de payer sans comprendre.

Mais même pour un technicien, le Go n’est pas contrôlable. Vous pouvez toujours surveiller la durée d’un appel et raccrocher. Ou arrêter d’envoyer un SMS. Mais vous ne pouvez pas contrôler, en cliquant sur un lien, si votre navigateur va télécharger une version haute-résolution d’une photo ou une version optimisée. Sans compter les publicités qui, en plus de vous corrompre le cerveau, vous coûtent directement de l’argent !

Actuellement, la plupart des services de nos smartphones reposent sur la possibilité d’un accès permanent à Internet. Parfois, un bug ou une application mal codée entraine un pic de connexions. Pourriez-vous être tenu responsable des connexions de votre smartphone et vous voir infliger une facture astronomique ? La plupart des fois où ce problème s’est posé, l’opérateur a préféré poser « un geste commercial » plutôt que d’aller en justice.

Bref, le Giga est, en temps que tel, infacturable.

La mort de la compétition

Ce n’est pas tout ! La complexité des offres entretenait la compétition. Personne n’y comprenant rien, on se retrouvait finalement chez celui qui avait les vendeurs les plus persuasifs. Avec le « tout-au-net » que nous sommes en train de vivre, la concurrence se fait uniquement sur le coût du Giga. Plus besoin d’un doctorat en mécanique quantique pour comprendre quelle offre est la plus intéressante !

Pour les opérateurs, se battre pour les prix implique de rogner sévèrement sur les marges. Et cela risque d’entraîner la disparition progressive de la concurrence. Au final, tout le monde sera chez le moins cher qui pourra, par économie d’échelle, baisser encore un peu plus le prix de son Giga.

La neutralité du net

C’est pour lutter contre ces deux énormes failles dans leur business model que les opérateurs souhaitent avec tant d’insistance pouvoir discriminer les paquets du réseau en fonction du site et du contenu. Histoire de pouvoir offrir des abonnements « Facebook illimité et 3h de vidéo Youtube par mois ».

Cette discrimination permettrait de garder artificiellement une complexité sur un produit devenu trop simple, de maintenir la concurrence (tel opérateur est meilleur si tu es beaucoup sur Facebook mais sinon utilise untel) et de ne pas mettre au chômage cette armée de commerciaux qui nous concoctent chaque année ces formules ultra complexes mais tellement adaptées à mon usage quotidien que mes dents blanchissent et que je saute en l’air ! (C’est en tout cas ce que promettent les pubs)

Bien sûr, mettre à mal la neutralité du net pourrait avoir des conséquences dramatiques en termes de censure, de liberté d’expression et de démocratie. Cela renforcerait un réseau à plusieurs vitesses où quelques acteurs auraient le contrôle absolu. Mais, aux yeux des opérateurs, ces considérations sont accessoires face à la remise en question de leur business model. Surtout que ce sont eux qui seraient au pouvoir.

Je n’aimerais pas être un opérateur

Ce que j’aime beaucoup avec cette histoire, c’est qu’il s’agit d’un exemple particulièrement édifiant de la manière dont Internet remet en cause un business bien implanté. Pour l’utilisateur comme vous et moi, Internet bon marché et partout est une bénédiction. Plus de soucis à communiquer avec une personne qui se trouve à l’autre bout du monde. Pas d’obligation de couper les données mobiles dès qu’on s’approche trop près d’une frontière. Plus de limitations arbitraires dans la manière dont nous communiquons. Un choix clair et évident pour un service bon marché.

Si on se met à la place des opérateurs, ces bienfaits deviennent des fléaux. On comprend mieux le lobbying intensif contre la neutralité des réseaux. On perçoit la peur de disparaître dans les menaces à peine voilée « sans nous, il n’y aura plus d’infrastructure, plus d’investissements ». On réalise tout l’intérêt économique que représente toutes les frontières qui justifient le roaming dès qu’on s’en approche. Bref, les opérateurs téléphoniques sont devenus des adversaires de leurs propres utilisateurs. Ils se battent pour que nos vies ne deviennent pas meilleures !

Mais, pour une fois, et cela fait plaisir de le souligner, le monde politique ne s’y est pas laissé prendre. Le Parlement Européen soutient la neutralité du net et une interdiction des frais de roaming.

Bien sûr, la victoire est loin d’être acquise. Mais les opérateurs téléphoniques sont désormais officiellement en train de faire leur deuil. Et, contrairement à de nombreuses industries zombies, on dirait que, cette fois, les politiques ne vont pas faire dans l’acharnement thérapeutique.

Bref, sortez les popcorns. Les années qui viennent vont être giga passionnantes !

 

Photo par Pete.

Merci d'avoir pris le temps de lire ce texte. Ce blog est payant mais vous êtes libre de choisir le prix. Je vous invite à me soutenir via Flattr, Patreon ou virements IBAN, Paypal et bitcoins. Merci de partager ce texte autour de vous et de me suivre sur Twitter !

Ce texte est publié par Lionel Dricot sous la licence CC-By BE.

flattr this!

J’ai vendu mon âme pour un Chromebook

dimanche 6 avril 2014 à 13:18
chromebook

Depuis quelques mois, je me surprends à utiliser de moins en moins mon ordinateur en faveur de ma tablette. D’ailleurs, la majeure partie de mes documents est accessible via des services en ligne. Mais la tablette a un inconvénient majeur : elle ne dispose pas d’un clavier.

J’ai beau garder, à portée de main, un clavier facile à brancher, la tablette me décourage d’écrire. C’est avant tout un outil de consommation de contenu. Existe-t-il un outil similaire dédié à la production de contenu ? C’est pour le tester, et aussi par pure curiosité, que j’ai décidé de plonger dans l’univers Chromebook.

La tranquilité de l’esprit

Ce qui frappe avec la première prise en main d’un Chromebook, c’est la rapidité et la légèreté du processus. Vous ouvrez votre nouveau Chromebook, vous entrez votre identifiant Google et c’est tout.

Vous pouvez l’emporter partout sans risque ni soucis : si vous perdez ou cassez votre Chromebook, il suffit d’en racheter un et vous serez immédiatement sur votre bureau avec votre fond d’écran, vos icônes et tous vos services.

Entre transporter un Chromebook à 300€ et un ordinateur quatre ou cinq fois plus cher dont le dernier backup remonte à plusieurs semaines, le choix est vite fait. Rien que pour cette tranquilité d’esprit, le Chromebook est un excellent produit.

La dépendance à Google

Bien sûr, cette tranquilité a un prix. Et ce prix est important : une dépendance totale vis-à-vis de Google. Personnellement, je suis convaincu depuis longtemps par le principe d’un client léger vers les services clouds. Malheureusement, les services clouds libres (comme Owncloud) ont encore beaucoup de retard et il me semble raisonnable, en attendant, d’utiliser des services propriétaires comme Dropbox.

Sauf que, dans ce cas précis, Google abuse de sa position dominante pour intégrer le Chromebook directement avec Google Drive sans laisser la possibilité d’utiliser une alternative.

Cette impossibilité d’utiliser un service autre que Google Drive pour accéder simplement à ses fichiers laisse en bouche un goût amer. Utiliser un Chromebook, c’est vendre définitivement son âme à Google. Autant le savoir.

L’écosystème

Les principales critiques du Chromebook portent sur le manque d’applications :  pas de Photoshop, pas possible d’installer un environnement de développement, etc.

Mais il faut garder à l’esprit que l’univers Chrome est encore jeune. Passer à Chrome, c’est un peu comme passer de Windows à Linux il y a 10 ans. Il faut accepter de changer certaines habitudes. Personnellement, j’ai été très surpris de constater la richesse de l’écosystème des applications Chrome. Des applications comme Pixlr Touch Up comblent parfaitement mes maigres besoins en retouche d’image et plus simplement qu’un Gimp, dans lequel j’ai toujours été perdu.

Développer sur Nitrous.io est encore fort limité ? Il n’y a pas l’application exacte pour répondre à mon besoin précis ? Pas moyen d’ouvrir ce fichier zip ? Je pense qu’il s’agit d’une question de temps avant que des solutions durables apparaissent ou que des nouveaux usages rendent obsolètes certains besoins.

La mauvaise gestion du mode hors-ligne

Si le manque de fonctionnalités n’est pour moi pas un réel problème, j’ai été surpris par l’incroyable échec que représente le mode hors-ligne.

Soyons réalistes : dans le monde actuel, nous sommes souvent déconnectés. Le mouvement dans le train empêche une connexion 3G stable, le wifi dans l’avion reste une exception, les pannes des fournisseurs de service sont courantes sans oublier les connaissances qui n’ont pas de Wifi chez eux.

Avec Google Drive et Google Musique, Google a prouvé qu’ils étaient capables de gérer efficacement le mode hors-ligne : en fonction de l’espace disponible sur votre appareil, ces applications vont tenter de mettre en cache les fichiers dont la probabilité est la plus grande que vous souhaitiez y accéder. L’application Dropbox sur Android permet, dans la même optique, de marquer des répertoires accessibles hors-ligne.

Mais le Chromebook n’obéit pas à cette logique. Google Drive, qui est votre disque dur principal sur votre Chromebook, ne permet l’accès hors-ligne qu’aux fichiers de type Google Doc ! Si vous êtes en train de travailler hors-ligne sur un fichier texte ou une image et que vous fermez, par mégarde, l’éditeur, vous serez obligés de vous reconnecter pour réouvrir le-dit fichier. (EDIT: en fait, le mode hors-ligne marche aussi avec les fichiers textes mais ils doivent être marqués individuellement et il n’y a pas d’intelligence comme pour les google docs)

Face à cette critique, certains fanatiques de Google préconisent l’emploi de solutions Google uniquement. Exemple : transformer tous les fichiers texte en note Google Keep.

Sauf que même sur ses propres applications, Google peut se tromper lourdement. Google Keep, par exemple, ne se synchronise que s’il est lancé. Si vous avez des notes modifiées hors-ligne, il ne faudra pas oublier de relancer Keep une fois la connexion réétablie afin d’effectuer une synchronisation. Et, sans raison, Google Drive ou Google Keep vous avertiront parfois de faire une copie de votre contenu et de rafraichir la page, les modifications n’ayant pu être sauvées. Le mode hors-ligne de Gmail est également tellement différent du mode connecté que je me retrouve à préférer trouver une connexion à tout prix plutôt que de l’utiliser.

S’agit-il d’erreurs de jeunesse du Chromebook ou, au contraire, d’une volonté délibérée pour renforcer le besoin d’être partout et tout le temps connecté ? Quoiqu’il en soit, cette dépendance à une connexion va à l’encontre de la tranquilité d’esprit totale que je voyais comme l’argument majeur du Chromebook.

L’efficacité presque totale

Mais s’il y a une chose que je retiens de ma première semaine presqu’exclusivement sur un Chromebook, c’est la sensation d’avoir une véritable machine dédiée au travail.

Depuis vingt ans que j’utilise un ordinateur quotidiennement, l’administration de la machine représente une charge de travail non négligeable. Il faut en permanence effectuer les mises à jour, faire du nettoyage, installer un nouveau logiciel et désinstaller un ancien. Il y a tant de choses à faire sur un ordinateur qu’on peut y passer sa journée tout en ayant l’impression d’être productif.

Durant cette dernière décénnie, ces tâches ont été ma plus grande source de procrastination. Combien de fois n’ai-je pas remis à plus tard un travail urgent parce que je voulais tester la dernière version du logiciel X ? Combien de fois n’ai-je pas décidé de « nettoyer mon disque dur afin d’être plus productif » ? Et même lorsque j’étais motivé, combien de fois n’ai-je pas été interrompu par un popup me rappelant de faire une mise à jour ?

Le Chromebook m’a mis dans un autre univers. Lorsque j’ouvre la machine, je me rends compte que je n’ai rien à faire si ce n’est les tâches de ma todo-list. Une seule touche passe n’importe quelle application en mode plein écran et je peux me consacrer entièrement à une seule et unique idée. Même le clavier, qui fait enfin disparaître les absconses touches de fonction, et le touchpad, bourré de raccourcis pratiques, semblent n’avoir été conçus que dans un seul objectif : me faciliter la vie.

Une machine qui m’aide à être productif, qui se met en dehors de mon chemin, que je n’ai pas peur de casser ou perdre. C’est le prix auquel j’ai vendu mon âme. Ajoutez-y un réel support transparent du mode hors-ligne et je vous la vendrai une seconde fois avec un emballage cadeau.

 

Photo par Morid1n.

Merci d'avoir pris le temps de lire ce texte. Ce blog est payant mais vous êtes libre de choisir le prix. Je vous invite à me soutenir via Flattr, Patreon ou virements IBAN, Paypal et bitcoins. Merci de partager ce texte autour de vous et de me suivre sur Twitter !

Ce texte est publié par Lionel Dricot sous la licence CC-By BE.

flattr this!

Vos observables tuent-elles votre valeur ?

jeudi 20 mars 2014 à 13:24
green_red_car

Dans le lointain pays d’Observabilie, il n’existe plus que deux types de voitures. Les rouges, chères, aux formes aérodynamiques, et les vertes, bon marché, plus fréquentes.

En Observabilie, la sécurité routière est un véritable problème. En effet, une loi interdit l’utilisation de tout type de radar. Les chauffards n’ont que faire des limitations de vitesse.

Cependant, un statisticien renommé a démontré que près de 95% des excès de vitesse étaient commis par une voiture rouge. Les explications possibles sont multiples : les conducteurs agressifs préféreraient le rouge. Les voitures rouges sont plus rapides. Elles sont également plus chères et leur conducteur veut rentabiliser son achat avec des sensations fortes. Au fond, peu importe. La corrélation semble claire !

L’administration Observabilienne met donc immédiatement en place des détecteurs de chauffards qui se basent sur la couleur du véhicule. Si un véhicule rouge passe devant le détecteur, une photo est prise et une amende envoyée au propriétaire.

Bien sûr, certains propriétaires de véhicules rouges seront injustement punis. Et certains chauffards en véhicules verts pourront impunément rouler dangereusement. Mais l’étude statistique montre que ce sont des cas marginaux. Faut-il vraiment s’en préoccuper ?

La corrélation imparfaite entraîne une décorrélation totale

Comme je le disais dans mon article « Méfiez-vous des observables », une forte corrélation (ici 95%) ne permet de tirer aucune conclusion valable. Seule une corrélation absolument parfaite est pertinente lorsqu’on cherche à mesurer une valeur.

Mais il y a pire. En Observabilie, après l’entrée en vigueur de cette mesure, un phénomène étonnant a été observé. Les conducteurs des petites voitures vertes se sont soudain senti le droit de ne pas respecter les limitations de vitesse. Après tout, celles-ci ne concernaient que les voitures rouges. Les vendeurs de voiture de sport ont eux observé une demande pour des voitures rapides et vertes. Les conducteurs n’aimaient pas le vert mais peu importe. Certains frimeurs ont décidé de garder des voitures rouges et de poster fièrement sur Internet leurs contraventions comme preuve de leur manière virile de conduire. Certains jeunes n’ayant pas l’argent pour une voiture de sport ont été vus peignant leur petite voiture verte en rouge juste pour pouvoir également poster des contraventions sur le net et donner une impression de richesse et de vie trépidante.

Que nous dit cette histoire ? Et bien que si une corrélation entre une valeur et une observable n’est pas parfaite, le fait de mesurer l’observable va modifier le système et accroître cette imperfection. Naturellement, le système va tendre vers une maximisation de l’observable en oubliant complètement l’objectif premier, à savoir la maximisation de la valeur.

L’exemple du travail

Dans notre société, l’un des exemples les plus frappants est le modèle du travail. On considère que le travail est une production de valeur et qu’un employé doit être rémunéré en fonction de la valeur qu’il produit. Or, la mesure de cette valeur est très complexe, différente pour chacun et souvent subjective. Il a donc été décidé assez universellement de payer les travailleurs à l’heure, en se basant sur l’affirmation que plus on passe du temps à travailler, plus on produit de la valeur.

Si cette affirmation est vraie dans une usine Fordienne où l’employé n’a aucun contrôle et accomplit mécaniquement des tâches rythmées par une machine, il n’en est évidemment rien dans la plupart de nos emplois actuels.

Par définition, toute entreprise où les employés sont payés à l’heure va donc tendre vers une inefficacité maximale. Chaque employé va avoir une tendance, consciente ou non, à faire durer chaque tâche le plus longtemps possible voir à créer des tâches, à mettre en place des réunions interminables afin de justifier des heures supplémentaires. Le tout en étant parfaitement convaincu de travailler vu que le travail est défini par le fait de passer des heures au bureau.

De même, le système rend implicite qu’un employé mieux payé apporte plus de valeur. Or le salaire ne dépend généralement que des capacités de négociation de l’employé lors de son embauche. Inconsciemment, les managers vont avoir tendance à récompenser les employés qui coûtent plus chers et qui font beaucoup d’heures. La réelle valeur ajoutée est complètement ignorée.

Mon expérience au FOREM relève du même principe : inconsciemment, chaque employé du FOREM, même le plus compétent, sait qu’il ne doit son travail qu’au fait qu’il existe des chômeurs. Tout le système va donc tendre vers une maximisation inconsciente du nombre de chômeurs pour éviter le spectre, irrationnel mais néanmoins effrayant, du plein emploi.

La production de contenu sur le web

Le web est un autre domaine où la décorrélation devient dramatique. Pour beaucoup de créateurs de contenu, seule la publicité s’est avérée un business model relativement rentable. Or, la publicité rémunère à la vue ou au clic.

Il s’ensuit que les producteurs de contenu ne cherchent plus des lecteurs mais bien des cliqueurs. Inconsciemment, tout leur contenu va tendre vers un seul et unique objectif : attirer un maximum de clic et leur faire quitter immédiatement la page via la publicité. Ce qui fonctionne : un titre accrocheur qui donne envie de cliquer suivi d’un contenu très court. Avoir un contenu de qualité devient même un inconvénient : on risque que le lecteur oublie de cliquer sur la publicité ou soit trop bas dans la page pour la voir. Le simple fait que les publicitaires aient arbitrairement choisi une observable « nombre de clics » a suffit pour faire du web une gigantesque machine à générer du contenu de piètre qualité.

Cependant, même le taux de clic n’est pas une observable idéale. Mais on peut estimer qu’il existe une corrélation, même imparfaite, entre le taux de clic et les pages vues. Et entre les pages vues et le page rank sur Google ou le nombre de fans sur votre page Facebook. Il s’ensuit toute une industrie fournissant des moyens d’améliorer des observables qui s’avèrent peu ou prou corrélées avec des observables qui sont elles-mêmes peu ou prou corrélées avec votre objectif de base.

Facebook exploite cette décorrélation à merveille en offrant directement les observables et un bouton pour les augmenter en payant. Lorsque vous administrez une page Facebook, le nombre de vue en dessous de chaque post est affiché. Un simple paiement Paypal et ce chiffre augmente immédiatement. Est-ce utile pour votre business ? Peut-être. Peut-être pas. Mais au fond, ce que vend Facebook, c’est le simple plaisir de voir un chiffre augmenter. Ce n’est jamais qu’un Candy Crush un peu élaboré, l’utilité importe peu.

Que faire ?

Au cours de ma carrière, j’ai vu un nombre impressionnant d’entrepreneurs se perdre dans des observables complètement décorrélées de leur business. Les Google Analytics, les statistiques Facebook et les rapports SEO ont un effet quasi-hypnotique. Ils apportent une satisfaction rapide, comme une friandise. Il est extrêment difficile d’en décrocher.

Gardez à l’esprit qu’un client satisfait qui vous paie avec plaisir vaut mieux que 100.000 fans sur Facebook ou un million de clics sur votre page. Concentrez-vous sur votre objectif, votre spécialité. Produisez de la qualité, partagez de la valeur ! Construisez vos propres observables : combien de mails de remerciement ou de félicitations ai-je reçu ce mois-ci ? À combien de personnes ai-je apporté de la valeur ? Combien d’actions ai-je réalisées qui rendent le monde un tout petit peu meilleur ? Ai-je agi conformément à mes valeurs ?

Vos valeurs personnelles sont centrales. Quand vous les aurez identifiées, vous pourrez tenter de trouver des observables parfaitement corrélées. Ou bien vous passer complètement d’observable, ce qui est préférable que d’en utiliser des mauvaises. Lorsque vous doutez, souvenez-vous qu’en Observabilie, un détecteur de couleur paraissait une excellente idée pour punir les excès de vitesse.

Quels que soient vos objectifs ou votre business, je suis à peu près sûr qu’un chiffre dans Google Analytics, dans Facebook ou sur une pointeuse n’est pas représentatif de votre valeur. En tout cas, pas plus que la couleur de votre voiture.

 

Photo par Motorito.

Merci d'avoir pris le temps de lire ce texte. Ce blog est payant mais vous êtes libre de choisir le prix. Je vous invite à me soutenir via Flattr, Patreon ou virements IBAN, Paypal et bitcoins. Merci de partager ce texte autour de vous et de me suivre sur Twitter !

Ce texte est publié par Lionel Dricot sous la licence CC-By BE.

flattr this!

Printeurs, livre 1 : La fin de l’innocence

samedi 15 mars 2014 à 13:18
printeurs_livre_1_la_fin_de_l_innocence_banniere

Dans un monde où les publicités s’affichent directement dans vos lentilles de contact et où les voitures automatiques vous conduisent immédiatement à votre destination, Nellio et Eva vont tenter de mettre au point une imprimante 3D d’un tout nouveau type. Une invention qui risque fort de remettre en question le fragile équilibre entre une classe sociale inactive qui rêve de travail et le monde lointain des stars de cinéma et de la finance. Mais, entre un ciel constellé de drones et des rues tapissées de caméras, Nellio et Eva ne s’attaquent-ils pas à plus fort qu’eux ? Et l’équilibre social est-il bien la seule chose que leur imprimante remet en cause ?

Voici, en deux mots, résumé l’histoire de Printeurs dont vous avez pu lire les 19 premiers épisodes sur ce blog. 19 épisodes qui forment une première partie, « La fin de l’innocence », que je vous invite à (re)découvrir sous forme de livre électronique.

Sketch145114420 (3)

 Format .epub - Format .pdf

Sans votre présence, vos partages et vos relectures attentives, Printeurs n’existerait pas. Je n’ai qu’un seul mot : merci ! Merci pour vos messages d’encouragements, vos signalement de fautes, votre impatience à lire la suite. Un merci tout spécial à François Martin, qui a honoré Printeurs de son encyclopédique connaissance orthographique, et à Roudou, qui a réalisé la couverture de cette première partie en moins de 48h !

Comme tous mes écrits, Printeurs est payant. Mais le prix est libre. Si vous appréciez Printeurs, n’hésitez pas à soutenir librement son écriture. Grâce à la suggestion d’un lecteur, vous pouvez également vous abonner à Printeurs sur Flattr. Il suffit de cliquer deux fois pour m’envoyer, chaque mois, un Flatt.

Quant à la seconde partie ? Et bien je vous invite à la découvrir dès la semaine prochaine sur ce blog.

Bonne lecture !

Merci d'avoir pris le temps de lire ce texte. Ce blog est payant mais vous êtes libre de choisir le prix. Je vous invite à me soutenir via Flattr, Patreon ou virements IBAN, Paypal et bitcoins. Merci de partager ce texte autour de vous et de me suivre sur Twitter !

Ce texte est publié par Lionel Dricot sous la licence CC-By BE.

flattr this!

La voiture, premier front de la guerre à l’innovation

mercredi 12 mars 2014 à 14:26
car_bike

Un véritable conflit de société est sur le point d’éclater entre, d’une part, la génération numérique et sa soif de progrès et, d’autre part, les tenants du pouvoir actuel qui, loin de rattraper leur retard, s’enfoncent chaque jour un peu plus dans le déni et le conservatisme aveugle. Si Internet et son économie de l’abondance menace l’industrie de la culture, si le Bitcoin peut se révéler le premier clou dans le cercueil du système bancaire, il semblerait que le premier réel coup de feu de cette guerre d’un nouveau genre aie été tiré sur un tout autre front : celui de la voiture.

La voiture, un symbole destructeur

Oui, la voiture est réellement utile. Contrairement aux nombreux systèmes de transports en commun, la voiture permet une granularité temporelle et spatiale particulièrement fine. Je pars à la seconde souhaitée, j’arrive à l’endroit désiré.

Si la voiture n’était qu’un outil fonctionnel, nous roulerions joyeusement dans des automobiles anciennes et bon marché. Mais le marketing en a décidé autrement. Durant des siècles, le déplacement était un luxe réservé à une classe de nobles dont le nom même était issu de leur moyen de locomotion : les chevaliers. Le cheval était un symbole de richesse, de pouvoir. Jouant sur cette filiation, les vendeurs de voiture ont très tôt donné à leur produit un caractère extraordinaire, le rendant complètement indispensable. Quel chef d’entreprise, quel ministre, quel homme riche oserait rouler dans une petite voiture cabossée ? Dans un absurde retournement de situation comme seul peut en créer un bon marketing, la classe moyenne s’est endettée afin de pouvoir rouler dans « une voiture de riche ».

Depuis tout enfant, nous admirons les voitures, nous connaissons les marques, les modèles, nous allons même à des salons ou des expositions pour voir ce qui n’est, finalement, qu’un parallélépipède de métal qui va nous coincer dans les bouchons 2h par jour. Pire, la voiture est extrêmement nocive pour l’environnement et pour la santé. Mais oser critiquer le dieu Voiture relève du blasphème. Toute tentative de toucher à la voiture vaudra immédiatement un lynchage collectif, raison pour laquelle aucun politicien n’ose aborder le problème autrement que par des mesurettes et des périphrases. Le marketing a vaincu la politique, la voiture est le symbole suprême de l’ancien monde.

Une obsolescence prévisible

Pourtant, la voiture est condamnée à disparaître dans sa forme actuelle. À partir du moment où les voitures seront autonomes, et nous n’en sommes pas loin, il ne faut pas être grand clerc pour deviner que posséder son propre véhicule deviendra inutile. Comme je le décrivais, il suffira de cliquer sur son smartphone et une voiture se tiendra devant chez vous en quelques minutes, vous amenant à destination sans que vous ayez à chercher une place de parking.

Actuellement, la majorité du parc automobile est immobilisé la majeure partie du temps. Votre voiture ne roule que lorsque vous vous déplacez, ce qui représente moins de 10% du temps. Les voitures autonomes permettraient d’optimiser cela en gardant les véhicules en activité la plupart du temps. Moins de production de véhicules, moins de déchets. Un grand plus pour l’environnement.

Sans le savoir, les services comme Uber et Djump nous préparent à ce bouleversement. Certes, les voitures sont encore conduites par des chauffeurs humains, ce qui rend le service relativement onéreux et accessible uniquement dans les grandes villes. Néanmoins, le principe est là : un clic sur son smartphone, embarquement dans la voiture, débarquement à destination sans se préoccuper de quoi que ce soit, le paiement se faisant via l’app.

J’aime particulièrement Djump qui pousse le vice jusqu’à laisser les voyageurs fixer eux-mêmes leur prix. Le prix libre appliqué à un service !

Une coalition des entreprises et de l’état

Le coût total d’une voiture, lorsqu’on prend en compte l’achat, les assurances, l’entretien, les changements de pneus, l’essence ou les petites réparations est astronomique. Il est probable que votre voiture vous coûte entre 10% et 20% de votre budget mensuel. Une évolution vers des voitures partagées autonomes est donc entièrement bénéfique aux citoyens qui verront le coût global de déplacement diminuer. C’est également un réel confort de vie. Les heures actuellement perdues en déplacement pourront être passées à travailler, à lire, à communiquer, à se distraire. Le gain écologique sera également phénoménal : les voitures électriques pourront se généraliser car elles seront assez intelligentes pour se recharger dans les heures creuses. Sans compter la diminution drastique du nombre d’accidents.

Malheureusement, toutes ces innovations bénéfiques, toutes ces améliorations de nos vies individuelles et de notre société sont une menace envers le symbole de la voiture individuelle. Les entreprises zombies et les états se sont donc lancés dans une guerre ouverte envers tout ce qui pourrait remettre en cause le monopole de la voiture.

Aux États-Unis, trois états interdisent les voitures électriques Tesla, qui confortent pourtant le symbole de la voiture individuelle mais le font subtilement évoluer. Le prétexte de cette interdiction ? Les voitures sont vendues directement par le constructeur et non pas par un vendeur intermédiaire.

À Paris, les voitures Uber devront attendre 15 minutes avant d’embarquer un client pour préserver le monopole des taxis. À Bruxelles, les véhicules d’Uber ont tout simplement été saisis et l’association des taxis bruxellois a porté plainte contre Djump.

djump

À l’approche des élections, chaque parti aura à cœur de rajouter dans son programme quelques lignes pour la préservation de l’environnement, le désengorgement des grandes villes et l’encouragement au covoiturage. Mais, dans les fait, dès qu’une solution réelle se dégage, elle est immédiatement étouffée dans l’œuf.

Ce qui est extraordinaire dans tous ces événements, c’est que ni les entreprises de l’ancien monde ni l’état ne cherchent à camoufler leurs actions en inventant un quelconque intérêt pour le client. Il s’agit, de la manière la plus ouverte possible, d’artificiellement préserver des business models obsolètes en allant à l’encontre de l’intérêt des citoyens ou de la société. Il n’y a aucun argument, aucune discussion. Il s’agit d’une véritable guerre contre l’innovation.

Paul Graham, fondateur de l’incubateur de startups Y combinator, n’hésite pas à parler de corruption. Et comment appeler autrement cette situation où l’état se met de la manière la plus directe possible au service d’intérêts privés ?

paulgraham

Nous sommes dans la situation absurde où les gens que nous avons nous-même élus se battent contre nos propres intérêts, contre notre propre avenir, contre les jeunes entrepreneurs qui ont investi leur temps, leur argent et leur énergie pour créer un service utile et en tout point de vue bénéfique.

À votre avis, combien de temps un tel système peut-il encore tenir et faire des dégats ?

 

Photo par Wizardhat.

Merci d'avoir pris le temps de lire ce texte. Ce blog est payant mais vous êtes libre de choisir le prix. Je vous invite à me soutenir via Flattr, Patreon ou virements IBAN, Paypal et bitcoins. Merci de partager ce texte autour de vous et de me suivre sur Twitter !

Ce texte est publié par Lionel Dricot sous la licence CC-By BE.

flattr this!