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Les mots de passe et la mort

lundi 14 juin 2021 à 17:43

J’ai publié sur mon compte Twitter un petit sondage dont les résultats m’ont étonné, et sur lequel je voudrais revenir ici sur ce blog, à tête reposée.

La question (mal) posée était la suivante : “Avez-vous fait un testament pour vos comptes informatiques ?”. Voici les résultats des réponses de 192 votants (la légende de l’image est destinée aux logiciels d’aide aux malvoyants)

Sondage réalisé par le compte Twitter Zythom le 8 juin 2021 :
Question : "Avez-vous fait un testament pour vos comptes informatiques ?"
Réponses :
- Mots de passe dans la tombe avec moi = 63%
- Mots de passe données à l'être aimé = 26%
- Oui, loi 78-17 article 85 = 9%
- Mot de passe oublié (au singulier) = 2%
– Mots de passe dans la tombe avec moi = 63%
– Mots de passe données à l’être aimé = 26%
– Oui, loi 78-17 article 85 = 9%
– Mot de passe oublié (au singulier) = 2%

Je m’attendais à plus d’équilibre entre les deux premières réponses, et à moins de votes sur la 3e réponse… Du coup, je me suis dit que ça pourrait faire l’objet d’un billet de blog pour présenter ma pratique en la matière.

La question est mal posée parce qu’on ne peut choisir qu’une seule des réponses possibles (c’est une limitation de l’option de sondage sur Twitter), et que le nombre de caractères est limité. Je préfère donc répondre dans ce billet à une question plus générale : comment avez-vous organisé la transmission de vos mots de passe pour après votre mort ?

Toutes les personnes ayant eu à gérer administrativement la disparition d’un proche savent que “c’est compliqué”. En France, les différents organismes à contacter sont légions, peu communiquent entre eux, et l’univers du “Château” de Kafka n’est jamais très loin. Constatant que la transition de la société vers un monde de plus en plus numérique génère la création d’un nombre toujours plus important de comptes informatiques, il convient à mon avis de préparer de son vivant la transmission (ou non) de cet héritage numérique.

Et la plupart du temps, cet héritage numérique est protégé par des mots de passe.

Les cercles de la vie privée

Je vous propose d’examiner par cercles successifs, mes interactions avec les autres (comme dans feu le réseau social Google+).

Le premier cercle, est celui dans lequel je suis seul. C’est celui de ma vie intime que je ne veux partager avec personne, pas même avec l’être aimé ou l’être suprême. Dans mon cas personnel, j’y consacre une partie spéciale du disque dur de mon ordinateur, dont la clef de chiffrement (ie le mot de passe) n’est connue que de moi seul. J’y place des données très personnelles, ne concernant que moi, et qui disparaîtront à ma mort. C’est mon jardin secret. Techniquement, j’ai fait le choix d’un container VeraCrypt mais chacun fait ce qu’il veut. Il est sauvegardé démonté, sur un système de sauvegarde lui-même chiffré.

Le mot de passe de ce premier cercle n’est écrit nul part, et ne ressemble à aucun autre mot de passe. Le seul moyen de le connaître est de l’intercepter lors de sa frappe sur le clavier (ce qui est possible, notez le bien), de le décrypter avec des moyens qui n’existent pas encore (mais qui existeront, notez le bien), de me torturer (je suis très douillet) ou de venir le lire directement dans mon cerveau (technique non encore parfaitement au point, surtout sur mon cerveau, où règne quand même un sacré bazar).

Le deuxième cercle est celui où s’ajoute Mme Zythom. Je partage avec elle des données personnelles que je ne souhaite pas partager avec d’autres personnes, ni même avec mes enfants. Dans mon cas, il s’agit de lettres non numérisées qui ne regardent que nous deux : pas de protection par mot de passe, pas de diffusion sauvage dans la nature au gré d’un virus informatique. Une simple boite qui ne devrait pas attirer le regard d’un cambrioleur. A ma mort, Mme Zythom en fera ce qu’elle voudra bien en faire. Et si avant que la mort ne nous sépare, nous signons une séparation de corps ou un divorce, alors peut-être que le romantisme maladroit de mes jeunes années apparaîtra au grand jour… Rien qu’un peu de pommade à égo ne saura réparer.

Le troisième cercle est le cercle familial proche : Mme Zythom et mes trois enfants. Je dispose depuis très longtemps d’un serveur de stockage familial (un NAS) sur lequel nos données individuelles et communes sont stockées. Chacun dispose d’un compte avec mot de passe, et y gère ses données. Et pour ma part, j’y ai placé le coffre-fort numérique contenant tous les mots de passe de mes différents comptes informatiques (hors cercle un et deux). Techniquement, j’ai fait le choix d’utiliser le logiciel KeePass (version portable), protégé par un mot de passe ET un fichier secret. L’ensemble est stocké sur le répertoire personnel de ce NAS auquel j’accède depuis tous mes ordinateurs, y compris sous GNU/Linux (avec Mono).

Cela fera peut-être sursauter les vrais experts en sécurité informatique, mais j’ai relié mon KeePass à mes navigateurs Firefox avec l’extension “Kee” pour éviter d’utiliser le service de synchronisation proposé par Firefox, et pour que les mots de passe soient renseignés automatiquement dans Firefox sans que celui-ci ne les mémorise (ils restent tous et uniquement dans KeePass). C’est rapide, pratique, et je ne connais quasiment aucun des mots de passe stockés dans mon KeePass car j’utilise beaucoup sa fonctionnalité de générateur automatique de mot de passe (112 mots de passe différents à ce jour).

Toutes les fois où c’est proposé, j’active la double authentification avec l’application FreeOTP sur mon smartphone (30 comptes à ce jour). Les comptes les plus sensibles sont protégés avec une clef physique YubiKey (compatible NFC).

Pour ce troisième cercle, j’ai donc confié à l’être aimé l’endroit où se trouve l’enveloppe cachetée dans laquelle se trouvent le mot de passe de mon compte NAS (pour accéder au dossier KeePass), celui pour déverrouiller mon KeePass, celui de l’accès à mon téléphone et où se trouve ma YubiKey. Le tout assorti du conseil de vite trouver un vrai informaticien pour exploiter tout cela (et continuer à faire fonctionner ce qui devra continuer à fonctionner après ma dernière révérence).

Après ma mort, si vous ne voyez rien venir sur ce blog ou sur les différents réseaux sociaux sur lesquels je sévis, alors c’est que ma procédure est nulle : il faudra alors contacter chaque organisme pour, au choix, débloquer la situation administrative, payer le serveur d’hébergement, faire fonctionner les sauvegardes, pouvoir les exploiter au cas où, convertir les éthers en euros…

Et vous, que pensez-vous de tout cela ? Qu’avez-vous prévu ? Que me conseillez-vous ?

L'image représente un canapé ensanglanté avec un cadre décroché dont le coin a percuté la tête d'une personne (absente de l'image, mais la forme de la tâche de sang la représente en pochoir). La légende indique "De toute façon, je comptais changer de déco".
Extrait de http://salemoment.tumblr.com/
avec l’aimable autorisation de l’auteur Olivier Ka

QR codes et pass sanitaire

lundi 24 mai 2021 à 19:48

J’ai été contacté par Jérôme Hourdeaux, journaliste de Médiapart, qui préparait un article sur le passage au Sénat du projet de loi de gestion de la sortie de crise sanitaire. Je me suis prêté au jeu des questions réponses, et il a accepté que je publie ici notre échange.

- Tout d’abord, est-ce que vous pourriez résumer comment fonctionne un QR Code ? Celui utilisé dans le cadre du pass sanitaire a-t-il des particularités ?
Le QR code est un type de code-barres bidimensionnel qui représente l'information à l'aide d'une grille de pixels, là où le code-barres classique utilise des barres et des espaces d'épaisseur variable.
Un QR code peut stocker plus de 4 000 caractères alphanumériques, bien plus que la capacité du code-barres classique (de 10 à 13 caractères). 
Le QR code peut donc facilement être utilisé pour stocker l'adresse d'un site internet, des informations de connexion à une borne Wifi, des informations permettant de faire un paiement direct avec son téléphone mobile, du texte libre, etc.

L'utilisation principale du QR code aujourd'hui est de permettre de transférer des informations vers un smartphone sans que l'utilisateur n'ait besoin de taper les informations lui-même (URL d'une vidéo, URL d'un site web présentant le menu d'un restaurant, etc.). Parfois même le smartphone enchaîne plusieurs opérations automatiquement : l'appareil photo détecte la présence d'un QR code, reconnait qu'il s'agit d'un site internet, ouvre le navigateur et se dirige sur le site internet. On imagine aisément ce qu'il peut se passer si le site est infecté.

Dans le cas du pass sanitaire français, le souhait du gouvernement est d'encourager les utilisateurs à centraliser les différentes informations du pass sanitaire au sein d'une application unique (controversée) TousAntiCovid.

3 transferts possibles vers le smartphone :
- le certificat de test virologique négatif (test RT-PCR et test antigénique)
- le certificat de rétablissement de la Covid-19
- l'attestation certifiée de vaccination

L'application TousAntiCovid devrait générer un QR code contenant ces informations, QR code à présenter pour entrer dans les lieux publics recevant un grand nombre de personnes.


- Quels sont les risques d’afficher son QR code comme vous l’évoquez sur Twitter ? Que peut-on y lire concrètement ? Et pourquoi flouter ne suffit pas ?

Le principal défaut d'un QR code est que les humains ne les lisent pas facilement : il faut un appareil ou une application pour les déchiffrer. Le risque quand on publie un QR code est donc de ne pas savoir ce que l'on publie (sauf si l'on a vérifié avant). L'utilisateur imprudent a l'impression de publier une image, alors qu'il publie de l'information potentiellement confidentielle.
Certains QR codes contiennent des informations telles que des codes d'annulation de billets d'avion, des codes individuels d'accès à un concert ou à une zone réservée.
Dans le cas du pass sanitaire, il s'agit d'informations relatives à sa santé.


- Peut-on forger un QR Code, par exemple pour s’attribuer un faux test négatif ou une preuve d'immunité ?

Il est très facile de générer un QR code, de nombreuses applications le permettent. Si les personnes publient des QR codes sur les réseaux, il devient facile de les récupérer pour fabriquer un faux et falsifier un document officiel. 


- A l’inverse, y-a-t-il un risque de voir apparaître dans l’espace public des faux QR Codes diffusant par exemple des virus, ou volant les données des téléphones ?

De la même manière qu'il ne faut pas mettre une clef USB inconnue dans son ordinateur, il ne faut pas flasher les QR codes à tout va. Il s'agit de faire une estimation de la confiance que vous avez et du risque que vous prenez. Malheureusement, beaucoup de gens font trop confiance et n'ont pas conscience des risques. Cela fait le lit des pirates. Imaginez l'impact d'un QR code malicieux placé près d'une zone souvent prise en photo.


- Concernant le pass sanitaire, recommanderiez-vous t’utiliser l’appli, ou une version papier ? D’une manière générale, avez vous des conseils de sécurité à formuler pour cette sortie d’état d’urgence sanitaire et les dispositifs de contrôle qui l’accompagne ?

L'application TousAntiCovid est mal conçue : elle n'est pas compatible au niveau européen, donc les touristes en sont exclus, elle est basée sur une technologie dont les informaticiens ont immédiatement indiqué qu'elle serait inefficace, elle coûte très cher au contribuable pour un résultat minime, elle collecte des données personnelles sensibles (les personnes que l'on rencontre), elle ne prend pas en compte les personnes n'ayant pas de smartphone... Bref, je ne recommande pas l'utilisation de cette application (mais chacun fait ce qu'il veut).

On peut scanner ses papiers et certificats en les prenant en photo, c'est plus pratique. Idem pour les anciennes attestations de déplacement : un simple lien suffisait pour les remplir et les conserver au format pdf sur son téléphone.

Les seuls conseils de sécurité informatique que je me sens capable de donner sont les suivants : soyez curieux du fonctionnement des technologies, essayez de les comprendre vous-même, démontez les appareils, méfiez-vous des raisonnements simplistes ou alarmistes, ne donnez pas votre confiance éternellement (à un dispositif, à une personne politique...), soyez critique et autocritique, méfiez vous des systèmes trop automatiques, et surtout ne soyez pas trop naïf.

Concernant les QR codes, utilisez de préférence une application qui se contente de les déchiffrer et de vous afficher leur contenu. Vous pourrez faire un copier/coller ensuite dans l'application appropriée, en toute connaissance de cause.

Une partie de cet échange a été utilisé par Jérôme Hourdeaux pour son article publié dans Médiapart et intitulé “Le Sénat tente d’encadrer le passe sanitaire” (réservé aux abonnés).

Je le remercie pour son autorisation de publication de nos échanges sur ce blog.

Souvenir du premier trailer du jeu vidéo Grand Theft Auto IV

J’ai été Vincent – conclusion

lundi 19 avril 2021 à 15:36

Avant toutes choses, je voudrais remercier les organisateurs de cette expérience, à commencer par Kozlika qui m’a encouragé à y participer. J’imagine mal le temps qu’ils vous a fallu pour mettre en place tous les aspects du projet, mais je suis sur qu’il a été immense. BRAVO pour le résultat \o/

A titre personnel, c’est la première fois que je me lance dans l’exercice de l’écriture. Tenir un blog sur sa vie est une chose, inventer une histoire et la faire vivre en est une autre. Pour l’anecdote, je me suis d’abord inscrit sous mon pseudonyme de blogueur, pour venir ici faire vivre une histoire à mon pseudonyme… Kozlika m’a gentiment suggéré de prendre un autre prénom pour faciliter la création. Je l’ai même laissé choisir le prénom de mon personnage, c’est dire le désarroi dans lequel j’étais.

Le bilan de l’expérience est positif, tant j’ai appris de choses (pas toujours à mon avantage). La plus grande difficulté a été de comprendre la différence entre mon MOI IRL, mon MOI comme auteur, mon personnage et mon MOI comme commentateur (j’utilisais alors mon pseudonyme de blogueur). Cela a fait beaucoup de personnes dans ma petite tête. Surtout quand Kozlika m’a expliqué que je commentais avec la même adresse email que celle utilisée pour m’enregistrer comme auteur, alors que je commentais sous mon pseudonyme de blogueur, ou que je répondais à un commentateur d’un de mes billets en tant qu’auteur de mon personnage… Bref, il m’a fallu beaucoup de temps pour comprendre cette multiplicité d’identités.

En tant qu’auteur débutant, sans formation littéraire, j’étais déjà bien à la peine à gérer une histoire qu’il fallait raconter à travers l’écriture du personnage dans son carnet intime, tout en lisant tous les autres carnets intimes (mais sans pouvoir en tenir compte, mais quand même un peu beaucoup)… Cela explique aussi que j’ai peu commenté les billets du projet, tant j’avais peur d’apparaître sous l’identité de Vincent Mem. Le projet est toujours en ligne sur son site dédié : l’auberge des blogueurs. et j’y ai lu tous les billets, avec plaisir, surprise, et une pointe de jalousie pour leur auteur(e).

J’ai eu aussi du mal à proposer des interactions, parce que j’ai eu beaucoup de mal à construire une histoire et à la découper pour essayer de la rendre intéressante. Je voudrais remercier tous les auteurs qui m’ont proposé une interaction, et ce n’était pas facile car le personnage que j’ai créé ne s’y prête pas trop (de ce point de vue, il est un peu à mon image), son histoire non plus, pas plus que la narration que j’ai choisie. MAIS les auteurs viennent aussi discuter sur le forum des interactions possibles de leurs personnages. MAIS du coup, cela crée une difficulté supplémentaire pour un auteur débutant : discuter avec les auteurs qui sont aussi des lecteurs, sans dévoiler les retournements de situation prévus (ou pas).

Écrire les résumés de chaque texte a également été un exercice délicat : résumer sans dévoiler !

J’ai pris beaucoup de plaisir à découvrir les difficultés de l’écriture et à me frotter à la construction d’une histoire. Merci à vous de l’avoir lu, et merci à Kozlika et son équipe d’avoir organisé cet exercice littéraire et de m’avoir permis de réaliser un rêve de beaucoup de personnes : écrire une histoire.

Je voudrais enfin présenter des excuses à ceux que l’histoire de Vincent Mem a fait souffrir en faisant remonter des souvenirs douloureux. Ce n’était évidement pas l’objectif et ce n’est que maladresse de ma part de ne pas y avoir pensé en concevant l’histoire.

Un blog ne serait pas un blog s’il ne renvoyait pas à un moment ou à un autre vers tous ceux qui ont rendu possible cette aventure. Voici donc ceux que j’ai nommé LES ORGANISATEURS tout au long de mes “explications de texte” précédentes.

Le site : l’Auberge des Blogueurs

Les aubergistes :

Franck Paul
Kozlika
Pep

* Franck Paul et Pep étaient les Frères Molette, nos mécanos de compétition.
* Graphisme et intégration du blog : Kozlika.

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Les contributeurs :
Hors modos et orga. Dont les contributeurs non joueurs*

Ezelty (menus)
Lola* (relecture règles du jeu)
Luce* (accessibilité du site)
Marion* (aspects légaux)
Noé dit Lomalarch (tests blog)
Stéphane* (carte de situation, accessibilité du site)
Tomek (tests blog)

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La Direction (aka les modérateurs)

Franck Paul 
Jonathan-Clovis / Nuits de Chine
Kozlika 
Philippe / Dissitou

Les auteurs : https://auberge.des-blogueurs.org/pages/les-auteurs

Les personnages : https://auberge.des-blogueurs.org/personnages

Les blogueurs qui en ont parlé (liste non exhaustive) :
* Cunégonde (Claire) http://www.banalitescunegonde.fr/post/2 … -blogueurs
* Dissitou (Lucien) https://www.dissitou.org/post/Auberge-d … lap-de-fin
* Franck (Henri) qui https://open-time.net/post/2020/10/01/A-l-ombre
* Garfieldd (Côme)
    – https://garfversion2.wordpress.com/2020 … blogueurs/
    – https://garfversion2.wordpress.com/2020 … aby-blues/
* Gilda (Mme Danchin) https://gilda.typepad.com/traces_et_tra … C3%A0.html
* Gilsoub (Eric Javot) http://www.legaletas.net/blog/index.php … -est-finis
* Kozlika (Jeanne, Joseph) http://www.kozlika.org/kozeries/tag/aub … -blogueurs
* Laurent (Paul)
    – https://desfraisesetdelatendresse.blogs … ueurs.html
    – https://desfraisesetdelatendresse.blogs … -cafe.html
    – https://desfraisesetdelatendresse.blogs … indon.html
* Luce (Natou) http://lucecolmant.com/carnet/post/2020 … u-et-merci
* Nééa (Margaux) https://neealemeur.wordpress.com/2020/0 … t-cet-ete/
* Noé (Artus, Vernon) https://www.noecendrier.fr/misc/post/20 … -l-adresse
* Nuits de Chine (Émile) https://www.nuitsdechine.org/index.php/ … /09/18/819
* Obni (Mela) http://www.obni.net/dotclear2/?post/202 … log(u)eurs
* Orpheus (June, Livia)
    – http://orpheusonline.com/blog/a-l-auberge-1-3.html
    – http://orpheusonline.com/blog/a-l-auber … e-2-3.html
    – http://orpheusonline.com/blog/a-l-auber … a-3-3.html
* Raphaël Isla (Mattéo) http://www.famille-isla.net/raphael/blo … -blogueurs
* Sacrip’Anne (Calliste, Alexeï) https://sacripanne.net/post/2020/09/21/voila-c-est-fini
* Tomek (Colin) https://www.envisagerlinfinir.net/post/ … ns-le-jura
* Zythom (Vincent) https://zythom.fr/tag/auberge-des-blogueurs/

Merci aux lecteurs habituels de mon blog d’avoir enduré la publication de mes textes et des explications qui les accompagnaient. Vous savez que je n’en fait ici qu’à ma tête.

Et finalement, qu’en avez-vous pensé ?

Le mendiant de l’amour 9/9

dimanche 18 avril 2021 à 11:02

Résumé du texte qui suit : Le rôle du cahier, et la lettre écrite pour Sylvie.

5 juillet

Comme mon arrivée à l’auberge, le lundi 15 juin, me semble loin. Ce cahier que j’ai trouvé dans la chambre m’avait ouvert ses pages. Pourtant, je me suis méfié : je n’y ai rien écrit le jour de mon arrivée, mais comme dans les romans de mon adolescence, j’ai glissé un de mes cheveux dans la première page… C’est comme cela que j’ai su que quelqu’un lisait ce carnet intime.

J’écris donc aujourd’hui une dernière fois à celui ou celle qui lit discrètement les pages de ce cahier. Est-ce vous Léandre, l’homme de chambre indiscret de l’auberge ? Si oui, sachez que je ne vous en tiens pas rigueur. Pour une raison simple : je me suis servi de vous.

Les premières pages écrites dans ce cahier racontaient une histoire noire que vous vous êtes empressé sans doute de raconter au reste du personnel de l’auberge. Ce qui fait que quand ma femme Sylvie a téléphoné pour savoir si j’avais bien réservé une chambre, l’accueil téléphonique, non content de répondre par l’affirmative, a ajouté “ah oui, le monsieur triste qui ne parle à personne”.

Était-ce le fruit de vos lectures indiscrètes, ou simplement le constat d’un fait évident, je ne le saurai pas. Pas plus que je ne saurai si vous avez lu ce dernier texte puisque vous partez comme moi aujourd’hui.

Ma maladie s’appelle avant tout le mal de vivre, la perte de sens, la routine.

La dépression.

Et Sylvie, l’amour de ma vie, l’a parfaitement compris en laissant tout tomber pour me rejoindre ici.

Bien sûr, il a fallu que je lui donne quand même des indices, pour l’inquiéter et la faire venir. J’ai avant tout pensé à moi avant de penser à nous. Je savais qu’elle viendrait, et je lui ai écrit une lettre pour tout lui expliquer, et elle m’en a tenu rigueur un quart d’heure. Peut-être dois-je mon bonheur à cet homme, Mattéo, qui est intervenu au moment critique ? Ou à cette inconnue qui m’a serré dans ses bras dans le couloir ?

J’espère bien vivre cette passion le plus longtemps possible.

Donnez moi de la tendresse, surtout pas d’argent.
Gardez toutes vos richesses, car maintenant
Le bonheur n’est plus à vendre. Le soleil est roi.
Asseyez-vous à ma table, écoutez-moi.
On est tous sur cette Terre des mendiants de l’amour,
Qu’on soit pauvre ou milliardaire, on restera toujours les mêmes,
Ces Hommes extraordinaires, ces mendiants de l’amour.
Moi, j’ai besoin de tendresse chaque jour.
(extrait du “Mendiant de l’amour” d’Enrico Macias)

Je laisse ce cahier là où je l’ai trouvé le jour de mon arrivée. Qui que vous soyez, faites-en ce que vous voulez : brûlez-le, complétez-le, arrachez-en les pages, lisez-le, rendez-le public.

Je glisse dans les pages la lettre que j’ai écrite à Sylvie et qu’elle a lue le jour de son arrivée à l’auberge.

Vincent

——————— oOo ——————-

Vendredi 19 juin 2020

Mon amour,

Je ne peux pas me résoudre à voir notre amour devenir calme et raisonnable avec l’âge.
Je ne veux pas vieillir à tes côtés en me calant confortablement contre toi, le soir au coin d’un feu doux et ronronnant.
Je veux un feu de joie, ardent, brûlant et déraisonnable.
Je veux retrouver nos 20 ans, notre passion impétueuse magnifiée par l’expérience et la connaissance.
Je veux redécouvrir nos corps, décrasser la calamine de notre couple.
Je veux que l’on trouve de nouveau le temps de ne rien faire, de faire l’amour, de se parler, de se taire ensemble.
Je veux couper le lien avec le monde, oublier les outils numériques.
Je veux t’attirer ici et t’isoler de ton comité de direction.
Je veux t’offrir les plus beaux souvenirs de moi que tu puisses avoir.
Je te veux pour moi seul comme si je n’avais plus que six mois à vivre.
Je voudrais tant que toi aussi tu aies envie de tout cela…

Et si l’on s’offrait six mois de pure folie ?

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Commentaire de Vincent-auteur, écrit sous le billet d’origine, et qui pour moi fait partie du projet et conclut le texte :

Je suis content que tous les lecteurs aient considéré que Vincent a menti sur sa maladie, alors qu’il indique seulement avoir su que son cahier était lu, et qu’il avait besoin de se servir du personnel pour convaincre sa femme de le rejoindre.

Il écrit que sa maladie est “avant tout” le mal de vivre, etc. et fait deux fois référence aux six prochains mois dans la lettre écrite à Sylvie.

Donc, quel est le sens exact de la phrase “Je te veux pour moi seul comme si je n’avais plus que six mois à vivre.” ?

Et si finalement, il voulait toujours cacher la réalité de sa maladie ET vivre pleinement ses six derniers mois, sans en parler à sa femme, ET tout en faisant en sorte que celle-ci ne regrette pas d’avoir AUSSI pleinement profité des six derniers mois de son mari…

Je rappelle que l’avant dernier texte se terminait par “Ce sera l’apothéose de mon crépuscule.” Je voulais finir sur un mini coup de théâtre, l’exploitation du cahier par Vincent, qui sait qu’il est lu par un membre du personnel de l’auberge. Mais le carnet terminé, refermé et abandonné, ne pouvait pas clore complètement l’histoire : j’ai donc trouvé cette astuce d’intervenir dans les commentaires en jouant sur l’ambiguïté Vincent-auteur/Vincent-personnage. Car enfin, le fond de mon idée était de laisser le doute sur le comportement de Vincent : a-t-il menti tout au long de son récit dans le carnet pour raviver la flamme de sa passion avec Sylvie, comme le personnage du film “Le Zèbre“, ou est-il réellement malade et veut vivre heureux ses six derniers mois, sans regret, tout en faisant en sorte que ses proches les vivent heureux également, sans commisération.

Le penchant naturel des lecteurs du projet et des auteurs qui ont commenté était clairement en faveur d’une fin heureuse. Mais la vie est une pièce tragique et comique qui se termine par une catastrophe.

Le billet suivant sera le bilan personnel de cette expérience d’écriture.

Raviver la flamme ^^

La passion du Roi 8/9

samedi 17 avril 2021 à 13:20

Résumé du texte qui suit : Le temps passe et la passion s’émousse.

3 juillet

Vivre son métier comme une passion, c’est ce que je souhaite à tout le monde. Pourtant, comme toute passion, elle doit s’entretenir, résister aux assauts du temps, aux déceptions et à l’usure du corps. A 56 ans, je suis un informaticien bousculé par la pression de la transformation numérique sur la société : tant de monde à former, à défendre, à protéger dans ce domaine initialement réservé aux experts. La société se transforme, laissant du monde au bord de la route. À commencer par les plus faibles.

J’ai vu tant d’images et de films sur les atrocités humaines dans le cadre de mes expertises judiciaires : pédopornographie, massacres à la machette, exécutions sommaires, pendaisons… Je n’y étais pas préparé, mais qui peut l’être complètement ? Certains utilisent les outils numériques pour partager et collectionner des images et des films tellement violents que ma foi en l’humanité vacille.

Avant de venir me réfugier à l’auberge, j’ai revu le film “Des hommes d’honneur” avec Jack Nicholson et Tom Cruise. Il y a à la fin du film une scène d’anthologie où le personnage joué par Jack Nicholson craque et parle “vrai”. Je n’ai pas résisté à l’envie de me projeter dans ce personnage et de détourner des morceaux de cette scène :

Nous vivons dans un monde qui a des murs, et ces murs doivent être gardés par des hommes en armes. Qui va s’en charger ? Vous ? Je suis investi de responsabilités qui sont pour vous totalement insondables. Vous avez le luxe d’ignorer ce que moi je sais trop bien. Et mon existence, bien que grotesque et incompréhensible pour vous, sauve des vies. Vous ne voulez pas la vérité parce qu’aux tréfonds de votre vie frileuse de tout petit bourgeois vous ME voulez sur ce mur, vous avez besoin de moi sur ce mur. Notre devise c’est “Honneur, Code, Loyauté”. Pour nous ces mots sont la poutre maîtresse d’une vie passée à défendre des bastions. Chez vous ces mots finissent en gag. Je n’ai ni le temps ni le désir de m’expliquer devant un homme qui peut se lever et dormir sous la couverture d’une liberté que moi je protège et qui critiquera après coup ma façon de la protéger. J’aurais préféré que vous me disiez merci et que vous passiez votre chemin ou alors je vous suggère de prendre une arme et de vous mettre en sentinelle postée.

Le temps passe et la passion s’émousse. La magie de l’informatique, règne des experts, laisse place à la facilité du numérique, accessible au plus grand nombre. Qui aura une pensée pour les gardiens du mur ?

Le temps passe et la passion s’émousse. Les enfants quittent le nid familial et vous voilà fier de leur envol, et en même temps privé d’une partie de votre raison d’être.

Le temps passe et la passion s’émousse. L’implication dans la vie de la commune, initialement vue comme l’envie de mettre ses compétences au service de tous, devient un fardeau sous les coups de boutoir des administrés qui trouvent en vous l’incarnation des “autres” qui ne font rien pour eux. L’idéal du bien commun s’effondre.

Le temps passe et la passion s’émousse. Ma femme Sylvie est devenue ma seule vraie raison de vivre. Elle est la bouée à laquelle je m’accroche pour éviter de me noyer. Mais elle a déjà tant fait pour moi et tant d’énergie à donner à son métier de directrice générale… Qu’elle est loin l’époque radieuse de notre rencontre où je me sentais son centre du monde.

C’est pourquoi je savoure ces deux dernières semaines. Je suis de nouveau son Roi et elle est ma Reine. Je sais qu’elle prépare en douce une fête avec les enfants à l’auberge pour demain après-midi.

Ce sera l’apothéose de mon crépuscule.

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Commentaire de l’auteur :

Il y a dans ce texte beaucoup plus de Vincent-auteur/Zythom que de Vincent-personnage, même si le récit reste inventé. La passion doit résister aux assauts du temps, aux déceptions et à l’usure du corps.

Vincent-personnage a vu des choses horribles dans son travail, et n’a tenu qu’avec cette idée de servir de rempart aux plus faibles. J’aime beaucoup le passage que je cite (hors contexte) du film “Des hommes d’honneur” qui m’avait fait forte impression.

Sur le passage du temps.
Le sujet central du mémoire de DEA de mes jeunes années était : “La prise en compte du temps en intelligence artificielle” (j’avais programmé une extension du langage Prolog pour intégrer des opérateurs temporels tels que “A avant B”, “A pendant [t1, t2]” ou “A dure t”). Ma thèse de doctorat traitait du sujet des réseaux de neurones récurrents, c’est-à-dire d’un type de réseaux de neurones permettant nativement la prise en compte du temps. Les livres de science-fiction que je préfère tournent autour de la notion de temps : le cycle des Fondations, La Guerre Éternelle, Dinosaure plage, Tau Zéro… C’est dire l’importance du temps dans mes préoccupations.

L’anaphore basée sur la phrase “Le temps passe et la passion s’émousse” est l’effet de style qui m’a semblé le plus pertinent dans ce contexte.

“Ce sera l’apothéose de mon crépuscule”.
Arrêtons-nous un peu sur la définition donnée par le Larousse du mot “crépuscule” : Ce qui décline, ce qui est proche de disparaître ; déclin, fin : Le crépuscule de la vie. Nous y reviendrons dans le commentaire du prochain texte.

Le titre du billet est un clin d’œil au livre de Jean Castarède sur Gabrielle d’Estrées, amour-passion d’Henri IV.

Le billet suivant sera le dernier texte et s’appellera “Le mendiant de l’amour”.

Extrait d’une œuvre de Nick Veasey exposée au musée de la photographie de Stockholm