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La Cour des comptes valide le recours aux logiciels libres au sein de l'État

mercredi 7 février 2018 à 17:29

Communiqué de presse, le 7 février 2018.

Dans son rapport public annuel 2018, la Cour des comptes valide la stratégie de la DINSIC (Direction interministérielle du numérique et du système d'information et de communication de l'État), notamment sur le recours aux logiciels libres, et émet des recommandations pour qu'elle soit amplifiée et relayée au sein des services de l'État.

La Cour des comptes a publié le 7 février 2018 son rapport public annuel 2018. Il s'agit pour la Cour de présenter, dans le tome I de ce rapport, « une sélection d’observations suivies de recommandations, mesures concrètes visant à améliorer l’utilisation des fonds publics et l’efficacité des services publics ». Tome I lui-même réparti en 15 chapitres, dont « amplifier la modernisation numérique de l’État » où elle appelle l'État à recourir au logiciel libre.

La Cour des comptes contrôle et analyse les actions de la DINSIC, dont elle salue le travail qu'elle appelle à amplifier et à relayer dans les autres services interministériels. On peut ainsi rappeler le récent appel à commentaires de la DINSIC sur la politique de contribution aux logiciels libres de l'État clos le 28 janvier 2018.

« La DINSIC a par ailleurs conçu une stratégie — « l’État plateforme » — qui repose sur le partage et l’ouverture des API (application programming interface), des données et des codes-sources ».

Dans ce rapport, la Cour des comptes accorde une grande importance au logiciel libre comme élément moteur de la modernisation des administrations publiques. Elle qualifie ainsi le développement libre comme un « puissant facteur d’efficience », notamment en guise de sécurité puisque « l’identification et la correction d’erreurs [sont] amplifiées par le nombre d’utilisateurs et le caractère public des relevés d’erreurs ».

« Le partage de développements libres apparaît désormais comme un puissant facteur d’efficience et d’influence. Il permet d’étendre la portée des mutualisations au-delà de la seule sphère de l’État ».

On observe ainsi dans les quatre recommandations de la Cour des comptes pour « amplifier la modernisation numérique de l’État » que la promotion du logiciel libre est considérée comme un levier permettant de « renforcer l'attractivité de l'État comme employeur ». La Cour signale d'ailleurs qu'il n’existait pas fin 2017 d’état des lieux du recours aux logiciels libres au sein de l’administration.

Notons enfin cette remarque univoque de la Cour des comptes sur les qualités intrinsèques du logiciel libre en termes de souveraineté informatique, qui trouve un écho particulier quelques mois seulement après le deuxième renouvellement de l'Open Bar Microsoft par le ministère des Armées et alors que l'on vient d'apprendre qu'en 2006 un rapport interne à ce ministère préconisant la migration vers les logiciels libres avait été approuvé par la ministre en poste :

« Le recours aux logiciels libres représente d’abord un enjeu de sécurité et de souveraineté. Il permet à leur utilisateur de s’assurer des actions réalisées par le logiciel, de se protéger contre les fonctions indésirables et éventuellement de le modifier en fonction des usages identifiés. À l’inverse, les solutions propriétaires ne permettent pas aux usagers de connaître l’ensemble des actions d’un logiciel ; ils sont distribués sans le code-source, qui reste le secret de l’éditeur ».

L'April salue cette prise de position sans ambiguïté de la Cour des comptes pour le développement d'une informatique libre et souveraine au service de l'intérêt général, et exhorte le gouvernement, en particulier le secrétaire d'État au numérique Mounir Mahjoubi, à se montrer à la hauteur de ces enjeux. Les ambitions numériques du gouvernement resteront lettre morte sans logiciels libres.

Migration vers le logiciel libre : volte-face de la Défense en 2007

lundi 22 janvier 2018 à 09:59

Communiqué de presse, le 22 janvier 2018.

Le site d'actualités Next INpact a publié un article intitulé « Open Bar Microsoft : quand la Défense jugeait le libre plutôt canon » révélant de nouveaux documents qui éclairent l'historique du dossier Open Bar Microsoft/Défense. L'article dévoile que madame Michèle Alliot-Marie, alors ministre de la Défense aurait approuvé les recommandations d'un rapport préconisant en 2005 la migration du ministère de la Défense vers le logiciel libre. Donc quelques années avant que le ministère choisisse de conclure un accord Open Bar avec Microsoft, sans procédure publique, ni mise en concurrence et contre l'avis des experts militaires.

Grâce à la publication de plusieurs documents, Next INpact révèle l'existence d'un rapport daté du 3 février 2005, signé du Contrôleur général des armées Jean Tenneroni, portant sur « les logiciels du ministère de la Défense : régularité et acquisition, politique d’acquisition et migration vers les logiciels libres ». Michèle Alliot-Marie, ministre de la Défense à l'époque, aurait approuvé les conclusions de ce rapport, à savoir une migration vers le logiciel libre.

L'article nous apprend aussi qu'un « contrat global avec Microsoft » aurait été signé dès 2001. Jean Tenneroni exprimerait dans son rapport des interrogations quant à la régularité de ce type de contrat, évoquant même des « clauses exorbitantes du droit commun » défavorables au ministère de la Défense. Ainsi, déjà dès 2005 un expert de la Défense remettait en cause le recours aux contrats globaux établis par Microsoft. Next INpact n'a pas encore réussi à se procurer le rapport.

Un autre document publié par Next INpact, une note du Conseil général des Technologies de l’Information (CGTI) datée de février 2006, évoque notamment le mouvement à l'époque dans les ministères en faveur de la suite bureautique libre OpenOffice. L'armée aurait par exemple décidé de migrer 90 000 postes vers OpenOffice.

L'article rappelle que la première directive de la Direction générale des systèmes d'information et de communication (DGSIC), créée en mai 2006 et qui élabore la politique d'ensemble des Systèmes d'information et de communication de ce ministère, engageait le ministère de la Défense dans une « politique volontariste vis à vis des logiciels libres ».

L'article se poursuit par un rappel de la prise de position du Premier ministre de l'époque, Jean-Pierre Raffarin, en faveur du logiciel libre pour réaliser des économies dans la gestion de l'État. Prise de position qui lui avait valu de recevoir un courrier, signé Christophe Aulnette, alors PDG de Microsoft France. Cette lettre, publiée par Next INpact reprend l'argumentaire habituel de Microsoft. Mais visiblement, au vu des autres documents publiés par Next INpact, on peut considérer que le gouvernement alors en place ne s'est pas montré très sensible au lobbying de Microsoft.

Contrairement au gouvernement qui lui a succédé en mai 2007, suite à l'élection de Nicolas Sarkozy à la présidence de la République et à la nomination d'Hervé Morin au poste de ministre de la Défense. Les arguments d'une firme monopolistique auraient, à ses yeux, plus de valeur que ceux des experts militaires, des directives ministérielles, et des anciens ministres ?

Plus spécifiquement concernant la Défense, le Canard enchaîné révélait en 2013 le rôle clé joué par l'OTAN pour imposer Microsoft. Rôle que semble confirmer Henri Verdier, directeur de la DINSIC (Direction interministérielle du numérique et du système d'information et de communication). Rappelons que la réintégration de la France dans le commandement intégré de l'OTAN a été annoncée par Nicolas Sarkozy en 2007.

Comme indiqué dans notre rappel chronologique la DGSIC souligne à partir de juin 2007 l'intérêt pour le ministère de la Défense d'établir avec Microsoft une « relation privilégiée » et lance les travaux qui se concluront par la signature du contrat Open Bar Microsof/Défense.

« Les révélations de Next INpact confirment une fois de plus qu'à partir de 2007 tout a été fait pour que Microsoft conforte sa position dominante. Le gouvernement français de l'époque a capitulé à chaque fois face à Microsoft. Sur le RGI 1 version 1, sur l'Open Bar Microsoft/Défense signé à l'arrivée d'Hervé Morin au ministère de la Défense » a déclaré Frédéric Couchet, délégué général de l'April

«  Un rapport d'experts militaires préconisait donc déjà en 2005 de mettre un terme aux accords globaux avec Microsoft, et de migrer vers le logiciel libre.. C'est pour le moins étonnant que ce rapport n'ait jamais été mentionné jusqu'à présent ; les ministres qui se succèdent depuis 2007 semblent pourtant bien enclins dans leurs réponses aux questions écrites parlementaires à faire valoir les études préalables à l'Open Bar... Un oubli loin d'être anodin. » remarque Étienne Gonnu, chargé de mission affaires publiques pour l'April.

Pour faire toute la lumière sur ce dossier, l'April appelle les collègues de la sénatrice Joëlle Garriaud-Maylam, secrétaire de la commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées du Sénat, à soutenir sa « proposition de résolution relative à la création d'une commission d'enquête sur les contrats cadres passés entre le ministère de la Défense et Microsoft » déposée en octobre 2017. L'April appelle également les membres de l'Assemblée nationale à se saisir de ce dossier.

Pour en savoir plus sur l'Open Bar Microsoft / Défense vous pouvez consulter notre page dédiée.

Open Bar Microsoft/Défense : l'April appelle les sénateurs et sénatrices à adopter la résolution visant à la création d'une commission d'enquête

mercredi 18 octobre 2017 à 14:27

Communiqué de presse, le 18 octobre 2017.

Quelques jours après la confirmation du renouvellement du contrat « Open Bar » Microsoft/Défense pour encore quatre années, la sénatrice Joëlle Garriaud-Maylam, secrétaire de la commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées du Sénat, a déposé le lundi 16 octobre 2017 une « proposition de résolution relative à la création d'une commission d'enquête sur les contrats cadres passés entre le ministère de la Défense et Microsoft ». Depuis le 24 octobre 2016, prenant acte des révélations de l'émission Cash Investigation, l'April appelle à la création de cette commission. L'association de défense du logiciel libre salue donc la proposition salutaire de la parlementaire et appelle l'ensemble de ses collègues à la soutenir.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION
Article unique

En application de l'article 51-2 de la Constitution, de l'article 6 de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires et de l'article 11 du Règlement du Sénat, il est créé une commission d'enquête composée de 21 membres tendant à analyser les conditions de passation et de renouvellement de l'accord cadre entre le ministère de la Défense et Microsoft et à formuler des propositions pour renforcer la souveraineté numérique et la cybersécurité de la France.

La sénatrice Garriaud-Maylam est à l'origine de plusieurs questions écrites interrogeant la régularité et l'opportunité politique du contrat « Open Bar » Microsoft/Défense (voir ici la dernière en date). Les réponses évasives qui lui ont systématiquement été adressées n'avaient qu'un seul but : chercher à donner du sens à une décision absurde.

Souveraineté informatique, respect du code des marchés publics, coût du contrat ou évitement fiscal, l'exposé des motifs de la proposition revient sur les enjeux et les zones d'ombres de l'accord passé entre la Défense et Microsoft. Une commission d'enquête, à la convocation de laquelle personne ne peut se soustraire, dans laquelle les auditions se font sous serment, dont les capacités de contrôle sont étendues, permettra enfin de faire toute la lumière sur les conditions de la signature et du renouvellement du contrat « Open Bar » ainsi que le rôle tenu par les différents acteurs de ce dossier.

« La Grande muette refuse toute transparence et n'accepte aucune critique au sujet de son addiction aux produits Microsoft. La création d'une commission d'enquête permettra au Parlement d'exercer sa mission de garant des politiques publiques et de faire la lumière sur les relations opaques et préoccupantes qui existent entre Microsoft et l'État français » a déclaré Frédéric Couchet, délégué général de l'April.

« Nous saluons la démarche de la sénatrice qui rappelle ici un des rôles essentiels du Parlement : le contrôle de l'action gouvernementale. Nous appelons l'ensemble des membres du groupe « Les Républicains » et plus généralement l'ensemble des sénateurs et sénatrices à soutenir cette proposition nécessaire et salutaire » a ajouté Étienne Gonnu, chargé de mission affaires publiques à l'April.

Pour plus d'informations, dont un bref historique des conditions de conclusion du contrat « Open Bar », vous pouvez consulter cette page dédiée au dossier.

Open Bar Microsoft/Défense : l'Armée et son système informatique victimes du syndrome de Stockholm

lundi 2 octobre 2017 à 14:02

Dans un courrier daté du 4 septembre 2017, la DGSIC (Direction Générale des Systèmes d'Information et de Communication) nous a informés qu'elle répondait favorablement à notre demande de communication du troisième contrat Open Bar/Microsoft souscrit par le ministère des Armées. Les documents reçus, malgré le caviardage, nous confirment que l’administration est déterminée à s'enfermer toujours davantage dans le silo technologique privateur de Microsoft en dépit des nombreuses critiques émises. Illustration, s'il en était encore besoin, de la nécessité d'une priorité au logiciel libre dans les administrations publiques.

Voici la liste des documents que nous avons reçus.

Ironie du calendrier, la communication de ces documents — par lettre datée du 4 septembre 2017 — a été l'un des premiers actes du nouveau DSI des Armées en poste depuis le 1er septembre, le vice-amiral d'escadre Arnaud Coustillière. Nomination que nous avions accueillie avec méfiance puisqu'il s'agit d'une des chevilles ouvrières du premier contrat Open Bar conclu en 2009.

En-tête du courrier envoyé par la DGSIC

En mai 2017, la journaliste Leïla Miñano a publié un article sur les relations entre Microsoft et l'État français. Article qu'elle a mis en ligne en « version augmentée » et librement accessible sur le site youpress.fr. Cet article nous apprenait que le renouvellement de l'Open Bar avait bien été acté. Nous avions alors demandé communication de ce contrat, de l'acte d'engagement pour le marché subséquent (« la commande initiale »), ainsi que de l'étude pré-contractuelle, dont la communication nous avait été refusée en décembre 2015 car elle était encore en cours d'élaboration.

L'Open Bar, un accord-cadre sans publicité ni mise en concurrence

Pour rappel, l'accord-cadre dit « Open Bar » Microsoft/Défense, passé en 2009 sans appel d'offres ni mise en concurrence, permettait au ministère de la Défense, pendant toute la durée du marché (4 ans), un droit d’usage d’un certain nombre de produits Microsoft et de services associés. Il avait été signé malgré de nombreux avis défavorables, au prix de l'abandon de nombreux principes relatifs aux achats publics et dans le plus grand secret. Accord renouvelé en 2013 pour une deuxième période de quatre ans. L'April en dénonçait déjà les dangers et la coupable absence de transparence.

Sur le fond, cette troisième version de l'accord est sensiblement identique aux précédentes, les modifications principales étant essentiellement dues au récent changement de la base juridique du droit de la commande publique. Le code des marchés publics à proprement parler ayant été remplacé par le décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 « relatif aux marchés publics ».

Détail intéressant, la nouvelle base juridique est plus spécifique sur les critères de recours à une procédure négociée sans publicité ni mise en concurrence. L'article 30-I-3-c du décret visant uniquement les situations liées au « droit exclusif », alors que l'ex article 35-II-8° du code incluait les « raisons techniques ».

Pour mémoire, le seul élément invoqué pour justifier cette « exclusivité » est une attestation fournie par Microsoft. Document dont l'April a demandé communication suite à l'annonce faite en ce sens par la ministre des Armées dans une réponse du 24 août 2017 à une question écrite.

Ce changement de base légale, sans remettre fondamentalement en cause le recours à la procédure négociée, doit rendre caduc tout argument attenant « à des raisons techniques », comme la compatibilité des formats et des logiciels avec le système en place.

Des documents encore amplement noircis

La DGSIC, qui nous a transmis ces documents occultés, invoque à cette fin l'article L311-5 du code des relations entre le public et les administrations, et plus spécifiquement le secret industriel et commercial.

Nous considérons que le niveau de censure appliqué est largement disproportionné. L'accès aux documents administratifs est un droit, le secret est une exception à ce droit. Toute occultation d'informations au titre du secret doit être faite de manière la plus circonstanciée possible afin que notre droit ne soit restreint que dans les limites de ce qui est strictement nécessaire. Nous avons communiqué cette position à la Commission d'accès aux documents administratifs.

Un accord maintenu dissimulé

Rappelons en premier lieu l'obligation de publier « l'avis d'attribution » dans le Bulletin officiel des annonces des marchés publics (BOAMP) et au Journal officiel de l'Union européenne. Des recherches sur ces bases de données publiques, portant notamment sur l'intitulé de l'accord, ne renvoient aucune information concernant cette troisième édition de l'Open Bar. Accord pourtant signé en 2016. Et si la ministre des Armées mentionne cette « notification » dans sa réponse à une question écrite de la sénatrice Joëlle Garriaud-Maylam, cela n’affranchit en aucun cas l'administration de cette obligation procédurale précieuse pour garantir contre des conflits d'intérêt et des délits de favoritisme.

Par ailleurs, au-delà des questions de droit, il ne nous parait pas anodin qu'un marché d'une telle ampleur, sur un registre aussi sensible que la souveraineté et la sécurité informatique de la Défense, malgré de nombreuses critiques, n'ait fait l'objet d'aucune forme de communication officielle. Si cet Open Bar, maintenant deux fois renouvelé, est un tel succès, qu'il n'y a aucune « raison objective » de ne pas le signer avec Microsoft Irlande, pourquoi se priver de communiquer sur un partenariat aussi profitable pour l'État et l'intérêt général ?

Une étude pré-contractuelle qui confirme in fine l'état de dépendance de l'Armée à Microsoft

L'argumentaire déployé dans ce document — ou du moins dans sa partie non censurée – est sensiblement le même que d'habitude et reste, comme à l'accoutumée, construit autour d'une incohérence fondamentale : le fait qu'une grande partie d'un système soit déjà soumise au silo technologique d'une entreprise comme argument pour justifier l'augmentation de cette dépendance, au titre d'une problématique de compatibilité. Raisonnement pour le moins contradictoire avec une saine gestion du denier public ou avec une quelconque forme de bon sens.

S'il est évident qu'il est coûteux et techniquement complexe de sortir de cette situation — c'est d'ailleurs le cœur des stratégies commerciales des GAFAM que de créer ces situations de dépendance forte — cela ne peut servir de justification pour se dispenser d'agir, et encore moins pour renforcer la mainmise de Microsoft sur les systèmes informatiques de l'Armée. Sortir de cette dépendance demande du courage politique et un débat réel sur les problématiques de souveraineté informatique. Plus on s'enferme dans le carcan technologique de Microsoft, plus il sera difficile d'en sortir. Ce que les experts militaires, saisis sur le premier Open bar et dont le rapport fut sommairement balayé sans justification, démontraient déjà en 2008 en traitant du risque associé au « coût de sortie ».

Pourtant, le document (§3.4) précise qu'en application d'une feuille de route interministérielle un objectif prioritaire serait la mise en place d'une « messagerie étendue », dans une logique de « socle technique commun », incluant solution de messagerie, agenda partagé, messagerie instantanée et transfert de fichiers volumineux. Et que, dans cet objectif de mutualisation et de convergence des outils, la solution retenue serait de s'appuyer sur des briques logicielles libres plutôt que sur « un dialogue compétitif en vue d'une acquisition globale ». Ce qui s'inscrit dans la même logique qu'une des principales revendications de l'April : la priorité au logiciel libre et aux formats ouverts dans les administrations publiques, centrales et territoriales.

On constate cependant rapidement que l'étude mentionne cet objectif seulement pour mieux défendre l’assujettissement maintenu à Microsoft. D'une part, « les ministères ayant choisi une solution marchande la conservent s'ils le souhaitent » et, d'autre part, le document précise que « la préparation d'une telle migration [vers des outils libres mutualisés] doit être anticipée. Le ministère ne pourrait donc envisager raisonnablement de converger à très court terme. Toutefois un ralliement, même partiel, à terme (avant huit ans) ne peut être écarté. » On devine ainsi facilement que le ministère de l'Armée prépare d'ores et déjà le terrain pour justifier non seulement la reconduction de l'Open Bar pour la période 2017-2021, mais aussi pour les quatre années suivantes.

« Finalement, alors qu'elle est censée justifier la reconduction de l'Open Bar Microsoft, cette étude préalable ne fait que confirmer l'ensemble de nos inquiétudes et de nos critiques ; un état de dépendance technologique très fort justifiant par lui-même son propre maintien. Un véritable syndrome de Stockholm », dénonce Étienne Gonnu, chargé de missions affaires publiques pour l'April.

L'April sera d'autant plus vigilante quant à la publication, en 2018, d'une « feuille de route pour le ministère des Armées, indiquant à la fois le calendrier et les applications pour lesquelles il serait pertinent de passer au logiciel libre », annoncée le 24 août 2017 dans la réponse à une question écrite évoquée plus haut.

L'enjeu de l'interopérabilité absent de l'accord et dévoyé dans l'étude préalable

L'interopérabilité est un enjeu essentiel, particulièrement en termes de souveraineté numérique. Cette notion, et la différence fondamentale avec celle de compatibilité, semblent pourtant complètement échapper aux défenseurs de l'Open Bar. L'interopérabilité est ainsi invoquée, comme dans l'étude préalable, pour justifier la nécessité d'augmenter la surface du système maîtrisé par Microsoft. Pire, elle est complètement absente des trois accords-cadres successifs. Le terme n'y est même pas défini.

L'April a relancé des demandes de documents administratifs inspirées de ces informations afin d'en savoir plus sur les modalités de renouvellement du contrat. L'association continuera, tant que nécessaire, à agir pour que la question de l'informatique des personnes publiques devienne enfin un véritable enjeu de politique publique, et non des négociations commerciales et vaguement techniques conduites derrière des portes closes. La lecture de ce nouvel accord confirme l'incapacité du ministère des Armées à entamer une sortie effective du silo privateur de Microsoft.

Comme le constate Frédéric Couchet, délégué général de l'April : « Il devient de plus en plus évident que la Grande muette n'a aucune intention de jouer le jeu de la transparence, ni de souffrir la moindre critique sur son addiction aux produits Microsoft. Le Parlement doit impérativement jouer son rôle de garant des politiques publiques et faire la lumière sur les relations opaques et préoccupantes qui existent entre Microsoft et l'État français. »

Pour rappel, depuis octobre 2016, l'April appelle à la création d'une commission d'enquête parlementaire sur les relations entre l'État français et Microsoft.

Un responsable de l'Open Bar Microsoft/Défense se voit confier la DSI des Armées

jeudi 31 août 2017 à 09:53

À compter du 1er septembre 2017, le vice-amiral Arnaud Coustillière — élevé au rang de vice-amiral d'escadre — prendra la direction générale des systèmes d'information et de communication du ministère des Armées. Il était, en 2008, membre du comité de pilotage chargé d'étudier la proposition « Open Bar » de Microsoft. Cette promotion et cette nomination, loin d'être anodines, confirment l'absence totale de prise en compte de l'intérêt général dans les décisions relatives au système d'information de la Défense française, et récompensent une personne qui avait marqué par son « je‑m'en-foutisme » grave et coupable face à la caméra de l'équipe de Cash Investigation.

Pour celles et ceux qui suivent le dossier Open Bar Microsoft/Défense le nom Arnaud Coustillière n'est pas inconnu, et rime généralement avec incompétence et « je-m’en-foutisme ». Alors officier général de la cyberdéfense française, Arnaud Coustillière était interrogé en octobre 2016 par Loïc Tanant, journaliste pour Cash Investigation, à propos de l'Open Bar et des risques en termes de sécurité et de souveraineté informatiques. Sa réponse témoigne d'une totale désinvolture face à ces enjeux, voire d'une incompétence coupable à un tel poste ; il se fout (sic) de ce « débat d’informaticiens ».

L'April avait transcrit leur échange, en voici un extrait : Arnaud Coustillière

Loïc Tanant : Il y a un groupe de travail qui a déconseillé de recourir à ce type de contrat global avec Microsoft. Ce n’est pas inquiétant ?

Arnaud Coustillière : Je vous le dis, en termes de sécurité, moi, personnellement, ça ne m’inquiète pas plus que ça. Après effectivement, Microsoft étant propriétaire des sources de ce logiciel, il est très difficile d’avoir la garantie qu’il n’y a pas de black doors (NdT, back doors), qu’il n’y ait pas de vulnérabilité cachée dans les produits Microsoft. Si vous voulez, c’est une balance des risques par rapport à un coût. Donc aujourd’hui il est considéré que ce n’est pas là que résident nos principales failles de vulnérabilité de sécurité.

Voix off : Mais oui, vous avez bien entendu. La Défense française aurait préféré faire des économies au risque de mettre en péril la sûreté de l’État.

Arnaud Coustillière : Aujourd’hui, je vous le dis, dans le domaine militaire, qui va m’espionner ?

Loïc Tanant : Pourtant l’affaire Snowden a révélé ces accords entre les services de renseignement américains et Microsoft.

Arnaud Coustillière : Oui, mais les accords entre le gouvernement américain et Microsoft, je ne les connais pas.

Loïc Tanant : Ce choix de Microsoft serait à refaire aujourd’hui ? En tant qu’expert de cybersécurité, est-ce que vous le referiez de la même façon ?

Arnaud Coustillière : Moi très franchement ? Vous voulez ma conviction ? Oui, je le referais. Oui. Dans le fond je m’en fous de ce débat-là. C’est un débat qui a plus de quatre ou cinq ans, ce truc. Pour moi c’est un débat d’informaticiens. C’est un débat qui est dépassé.

Divers articles de presse, une dizaine de questions écrites de parlementaires et, dès 2008, un groupe d'experts militaires saisi pour analyser les risques, tous unanimement critiques au sujet de ce contrat. Quel déplorable signal envoyé par le ministère des Armées qui confie les clefs de son système informatique à un homme qui balaie d'une pichenette la sécurité, la protection des citoyens et la souveraineté du pays ; il s'en fout !

Rappelons les propos d'un des acteurs de l'Open Bar recueillis par Mediapart en 2013 : « Dans ce dossier, nous avons bradé notre liberté, nous avons trahi notre pays. ».

Plus que jamais le temps est venu de la mise en place d'une commission d'enquête parlementaire que l'April appelle de ses voeux.