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Plan d'action logiciels libres et communs numériques : le Gouvernement avance, à son rythme

lundi 15 novembre 2021 à 17:53

Mercredi 10 novembre 2021, dans le cadre du salon Open source Experience, Amélie de Montchalin, ministre de la Transformation et de la Fonction publiques, a annoncé le plan d'action du Gouvernement en matière de logiciels libres et communs numériques dans l’Administration. Si on est encore loin d'une priorité effective au logiciel libre, qui doit être la ligne de mire de toute politique publique ambitieuse sur le sujet, le plan d'action pose des bases encourageantes pour une administration tournée vers les logiciels libres, et les communautés qui les font vivre. Un pas de plus dans la bonne direction, dans la continuité de la circulaire Castex d'avril 2021, accompagné de quelques annonces concrètes.

Lors de la présentation du plan d'action, la ministre a précisé l'engagement du Gouvernement pour le logiciel libre, rappelant notamment qu'il s'agit d'un vecteur intrinsèque de transparence et de confiance, donc d'un enjeu de démocratie essentiel. D'une logique de consommateur passif de logiciels, comme produits finis, le Gouvernement semble ainsi vouloir inscrire l'État comme utilisateur et contributeur de logiciel, en faire un acteur des projets logiciels en tant que communs informationnels au service de l'intérêt général. Un signal politique bienvenu qui rompt avec les quatre premières années du quinquennat. Le soutien à l'initiative Blue Hats et au socle interministériel des logiciels libres est à saluer.

Dans son discours1 la ministre a également annoncé qu'elle avait décidé de « renforcer dans le budget proposé au Parlement en 2022 les équipes de mon ministère chargées de la promotion et l’animation interministérielle en matière de logiciel libre et de communs numériques ». On apprend ainsi dans la presse que le pôle « logiciels libres et communs numériques » de la direction interministérielle du numérique compte désormais 4 personnes contre une auparavant.2. Ce pôle, ainsi renforcé, se voit confier le pilotage de ce plan d'action. Des signes encourageants, les enjeux des moyens et de la conduite effective de la politique étant des considérations déterminantes de réussite.

Le plan d'action logiciels libres semble avant tout traduire une démarche pragmatique pour une meilleure prise en compte du logiciel libre dans les pratiques des administrations — ce qui est une bonne chose –, mais ne constitue pas un changement profond de paradigme comme l’appelle par exemple le député Latombe lorsqu'il propose d' « imposer au sein de l’administration le recours systématique au logiciel libre en faisant de l’utilisation de solutions propriétaires une exception »3. Quelques mesures concrètes ont été annoncées, comme la mise en ligne officielle des portails web code.gouv.fr 4 et communs.numerique.gouv.fr, l'ajout des licences Eclipses et UEPL à la liste des licences libres autorisées5, ou encore l'engagement d'une partie du budget du plan de relance, 30 millions d'euros, pour le développement de solutions libres pour les collectivités.

Un signal est envoyé à « l'écosystème » du logiciel libre avec la création d'un conseil d'expertise réunissant administrations et « représentants de l’écosystème ». Si ce genre de conseil n'est en rien une garantie en elle-même d'ouverture et de dialogue réel, la démarche est cohérente avec les volontés annoncées de transparence et d'engagement vers les communautés du logiciel libre. La pratique montrera le poids politique effectif de ce conseil, et les moyens – notamment en termes d'informations – qui lui seront accordés. Sollicitée par le cabinet de la ministre, l'April y participera.

Des points de vigilance :

Dans son discours, la ministre dresse de manière pertinente les enjeux : interopérabilité, mutualisation, « décloisonnement », etc. Mais le plan d'action annoncé suffira-t-il à bousculer l'inertie qui règne actuellement au sein de l'État sans opérer un changement de paradigme radical en faveur du logiciel libre ? Quoi qu'il en soit, l'April accueille positivement ces annonces et salue le changement de discours ; elle se prêtera à l'exercice du « dialogue partenarial » proposé. Occasion pour l'association de rappeler qu'une action ambitieuse doit impérativement adresser la question de la commande publique – en posant un principe normatif de priorité au logiciel libre – et œuvrer résolument contre les situations d'Open Bar dans certains ministères fortement dépendants des solutions privatrices de Microsoft.

Ouverture de libreavous.org, le site web dédié à l'émission de radio de l'April sur les libertés informatiques

lundi 8 novembre 2021 à 15:01

Lundi 8 novembre 2021, communiqué de presse.

Depuis 2018, l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre, propose une émission de radio intitulée Libre à vous !, diffusée le mardi de 15 h 30 à 17 h sur la radio Cause Commune (91.3 sur la bande FM et en DAB+ en Île-de-France et sur le site web de la radio). Notre émission informe sur les façons de prendre le contrôle de ses libertés informatiques, permet de découvrir les enjeux, l'actualité du libre ainsi que des moyens d'action. Pour mettre en valeur ces émissions et les rendre plus visibles, un site web dédié à été mis en place.

Notre émission est diffusée chaque mardi de 15 h 30 à 17 h en direct sur la radio Cause Commune (91.3 sur la bande FM et en DAB+ en Île-de-France et sur le site web de la radio). C'est une action importante pour la promotion et la défense des libertés informatiques, notamment parce qu’elle permet de toucher un très large public. Pour chaque émission sont mis à disposition le podcast de l'émission complète et un podcast pour chacun des sujets traités dans l'émission. La transcription est aussi disponible.

Le site web de l'émission est géré avec le système de gestion de contenu libre Spip 1. Près de 120 émissions, découpées en plusieurs sujets disponibles individuellement (d'une dizaine de minutes à une heure), sont ainsi accessibles pour en apprendre plus sur les enjeux des libertés informatiques.

L'April aura le plaisir d'animer sa première émission en public, en direct du salon Open Source Experience mardi 9 novembre 2021 de 15 h 30 à 17 h (le studio mobile sera sur le stand n° B03). Nous remercions l'organisation du salon pour son accueil et la radio Cause Commune pour la mise à disposition des moyens techniques et de diffusion. Nous serons à votre disposition sur notre stand pendant les deux jours du salon (n° A10 mardi 9 et n° B03 mercredi 10 novembre) .

La mise en place d’un site dédié à Libre vous ! est l’occasion de proposer de nouvelles fonctionnalités.

Le lecteur audio des podcasts

Le lecteur audio des podcasts propose deux fonctionnalités utiles :

La gestion des chapitres vous permet d’accéder directement à l’un des sujets traités dans l’émission.

Le paramétrage de la vitesse de lecture permet par exemple :

Une adresse courte pour accéder à une émission

Vous pouvez accéder directement à la page consacrée à une émission avec juste le numéro de l’émssion. Par exemple, si on dit qu’on a parlé du lecteur multimédia libre VLC dans l’émission n°42 du 29 octobre 2019, vous pouvez écouter le podcast sur la page libreavous.org/42 Pratique non ?

Commenter et noter

Il est possible de commenter les émissions, et même mettre une note sur 5 étoiles si on le souhaite. Les personnes qui écoutent une émission peuvent donner leur avis sur le contenu, nous faire des retours pour nous améliorer ou encore des suggestions. Il est important pour nous d'avoir des retours car, contrairement par exemple à une conférence, nous n'avons pas un public en face de nous qui peut réagir. Et cela nous ferait chaud au cœur de recevoir des témoignages (d’amour) de celles et ceux qui nous écoutent.

Et pendant la diffusion en direct, un salon web est disponible pour réagir aux propos tenus.

Flux RSS et lettre d'actus

Abonnez-vous au flux de données du podcast de l’émission, toutes les nouvelles diffusions sont notifiées automatiquement sur votre appareil de lecture (ordinateur, téléphone mobile…).

Et pour connaître les nouvelles concernant l’émission Libre à vous ! inscrivez-vous à la lettre d’actus depuis la page de contact. Vous y recevrez régulièrement les actualités concernant l’émission : annonce des podcasts, des émissions à venir et de toute autre actualité en lien avec l’émission.

Merci

Nous tenons à remercier chaleureusement les bénévoles qui ont permis la mise en place de ce site : Antoine Bardelli, Jean Galland et Vincent Calame.

Merci aussi aux bénévoles qui contribuent à la réussite de Libre à vous ! par exemple en proposant des chroniques mensuelles mais aussi en traitant et en découpant les podcasts des émissions .

Un grand merci également aux bénévoles de la radio. L’April est fière de participer à cette belle aventure que représente la radio associative Cause Commune « la voix des possibles » .

Rapport Latombe : systématiser le recours au logiciel libre dans les administrations, un enjeu de souveraineté numérique

mercredi 4 août 2021 à 09:43

Nous recevrons le rapporteur Philippe Latombe le mardi 7 septembre 2021 dans l'émission Libre à vous !.

La mission d'information « Bâtir et promouvoir une souveraineté numérique nationale et européenne », conduite par le député et rapporteur Philippe Latombe, a abouti avec la publication de son rapport le 12 juillet 2021. En ce qui concerne le logiciel libre, le rapporteur n'y va pas par quatre chemins et suggère d'« imposer au sein de l'administration le recours systématique au logiciel libre, en faisant de l'utilisation de solutions propriétaires une exception ». Une prise de position que l'April salue car elle rejoint sur le fond celle d'une priorité au logiciel libre historiquement portée par l'association.

Lire le rapport

Le rapport Latombe propose une grille de lecture globale des enjeux relatifs à la « souveraineté numérique ». À travers 65 propositions, dont « 30 propositions clés », le rapport explore notamment l'importante question du hardware (les composantes matérielles), fait le lien avec l'indispensable enjeu de la formation et, plus largement, avec la question de l'émancipation individuelle, rappelle le rôle de levier de la commande publique et la nécessité pour les pouvoirs publics de soutenir un « écosystème d’entreprises du numérique ». Parmi les 30 propositions clés, la proposition n° 52 appelle à systématiser le recours au logiciel libre au sein de l'administration.

Proposition n°52 : Imposer au sein de l’administration le recours systématique au logiciel libre en faisant de l’utilisation de solutions propriétaires une exception.

Lors de son audition 1, Stéfane Fermigier, coprésident du CNLL (Union des entreprises du logiciel libre et du numérique ouvert), s'exprimant sur les enjeux autour de l'informatique à distance, a fait remarquer les « niveaux de maturité variables selon les administrations » et que, malgré les annonces politiques sur la notion de souveraineté numérique, « de plus en plus d’acteurs se tournent vers des fournisseurs de cloud américains. Les contraintes qui en découlent risquent de contrecarrer à terme l’expansion des éditeurs de logiciels libres, mais aussi de l’industrie européenne du cloud ». Constat visiblement partagé par le rapporteur puisqu'il précise que « c’est dans cette optique [qu'il] souhaite faire du recours au logiciel libre une obligation au sein de l’administration, le recours aux solutions propriétaires devant devenir progressivement une exception ».

« Le recours au logiciel libre au sein des administrations publiques doit être fortement encouragé et devenir un principe ne souffrant que d’exceptions dûment justifiées. »

Le rapport présente explicitement la proposition n° 52 comme « l’aboutissement de la politique menée en ce sens par l’État ces dernières années ». Il cite ainsi la circulaire du Premier ministre Jean-Marc Ayrault de 2012 sur le bon usage du logiciel libre dans l'administration 2, l’article 16 de la loi du 7 octobre 2016 pour une République numérique (malgré son manque de portée normative 3) et la récente circulaire du Premier ministre Jean Castex qui pose des bases intéressantes pour le logiciel libre 4. Mais ne nous y trompons pas, le rapporteur estime clairement qu'il est nécessaire d’aller plus loin qu'un simple encouragement à l'usage de logiciels libres. En appelant à systématiser le recours au logiciel libre, le rapporteur propose une nouvelle ambition, à la hauteur des enjeux.

Cette prise de position en faveur du logiciel libre n'est par ailleurs pas un cas isolé. Elle fait ainsi écho – tout en poussant plus loin l'ambition – au rapport Bothorel de 2020 sur l'ouverture des données, des algorithmes et des codes sources 5, base de la circulaire Castex, qui voyait notamment dans le logiciel libre « le moyen de créer enfin du partage et de la mutualisation dans le secteur public », et au rapport sénatorial de 2019 sur la souveraineté numérique qui soulignait l'urgence d'engager la réflexion sur le recours aux logiciels libres au sein de l'État 6. Si la parole politique semble généralement admettre que les administrations doivent davantage recourir aux logiciels libres, cela semble donc parfois difficilement se traduire en actes. Il est, à ce titre, particulièrement intéressant que la proposition du rapporteur intervienne dans une sous-section intitulée « faire du recours au logiciel libre un principe effectif au sein des administrations publiques ».

« Faire du recours au logiciel libre un principe effectif au sein des administrations publiques »

En appelant à systématiser le recours au logiciel libre, de manière effective, le rapport pose comme principe structurant que les libertés informatiques répondent à un impératif d'intérêt général – ici la « souveraineté numérique » – et correspondent à ce titre à des besoins impérieux des administrations. Ce qui en résulte est clair : lorsqu'une administration se procure une solution logicielle, il ne lui sera possible de se priver d'une ou des libertés informatiques (d'usage, d'étude, de modification, de partage) que si elle peut démontrer que son choix a été raisonné et que sa décision résulte d'une juste mise en balance de ses besoins dans le cadre de sa mission de service public.

Poser ainsi les choses permet de sortir d'un rapport strictement technique à l'informatique, qui opposerait deux solutions logicielles sur la seule base d'une performance qui serait à définir. C'est réaffirmer que le logiciel libre est une considération d'intérêt général, une considération politique, non un simple choix de « modèle économique » face auquel les administrations devraient rester neutres. C'est rappeler que les pouvoirs publics peuvent, doivent, poser le cadre de ce que revêt l'intérêt général, notamment dans la conduite de leur mission de service public. Le principe posé, la règle connue de tous permettra, le cas échéant, à l'ensemble des acteurs de concourir aux marchés publics dans le respect du principe d'égalité 7.

On pourra cependant regretter que le document ne précise pas davantage les modalités de mise en œuvre de cette proposition, ou qu'il n'explicite pas en quoi le logiciel libre répond à un enjeu de souveraineté numérique, si ce n'est que la proposition s'inscrit dans une section « une ambition de souveraineté qui implique des choix ambitieux ». Le rapport ne manque pas, toutefois, d'apporter des pistes de réflexion intéressantes sur les moyens à la disposition des pouvoirs publics pour répondre aux enjeux en cause, particulièrement le levier de la commande publique et le soutien aux « écosystèmes » des entreprises françaises. Si elles ne visent pas spécifiquement le logiciel libre dans le texte, elles peuvent matériellement aisément s’inscrire comme levier efficace d'une priorité effective au logiciel libre.

Le levier de la commande publique : mieux allotir et réformer l'UGAP

Dans une partie dédiée au soutien du « développement de l'écosystème deeptech français et européen », le rapporteur précise qu'il « considère donc que la commande publique doit davantage être prise en compte par l’État comme un outil de stimulation de l’offre privée et de soutien à la création d’un écosystème d’entreprises du numérique. » Le rapport aborde cet aspect essentiellement sous l'angle d'une préférence nationale et européenne, pour soutenir les tissus économiques locaux – dans lesquels s'inscrivent de fait une large partie des entreprises du logiciel libre, majoritairement de petite et moyenne taille. Dans cette perspective, le rapporteur note que « l’information sur les outils permettant de privilégier le recours aux acteurs français, à droit constant, doit ainsi être renforcée ». Il mentionne par ailleurs que « le recours plus large à l’allotissement pourrait ainsi, dans l’immédiat, être une piste à privilégier ». Reprenant les propos d'une des personnes auditionnées, le rapport souligne que « l’allotissement géographique et technique, sous réserve qu’il ne soit pas incohérent, est de nature à favoriser la candidature de PME implantées localement, tout en pouvant réduire l’intérêt des plus grands opérateurs à candidater ».

Proposition n° 28 : Créer un guide d’information des acteurs publics sur les outils de la commande publique, afin d’encourager, notamment, la pratique de l’allotissement, le recours par les collectivités au « dialogue compétitif » en matière de numérique et l’usage de la mention « Spécial France », toutes mesures qui permettront de rendre plus systématique le recours aux acteurs français au sein de la commande publique.

Parallèlement, le rapport pose que « les pratiques de l’Union des groupements d’achats publics (UGAP) sont également sources d’interrogations ». L’UGAP est une centrale d’achat qui a un rôle structurant dans la manière dont les acteurs privés accèdent aux marchés publics et dans la manière dont les administrations acquièrent des logiciels. Interroger ses pratiques semble donc en effet une piste essentielle. Or, le rapport constate que « l’UGAP privilégie les solutions prêtes à l’emploi, limitant la place des jeunes entreprises, dont les solutions innovantes sont en cours de développement. » Et, de la même manière, cette pratique limite l'accès des entreprises proposant de la prestation sur des logiciels libres. C'est ainsi que « pour [le] rapporteur il ne fait pas de doute que l’UGAP doit s’attacher à modifier ses pratiques de référencement afin de permettre un accès accru des entreprises françaises du numérique à la commande publique. » Indirectement cela semble pouvoir bénéficier à « l'écosystème » du logiciel libre en France, mais il l serait intéressant de pousser de pousser la réflexion sur le rôle que pourrait avoir l'UGAP dans l'objectif d'un recours prioritaire aux logiciels libres par les administrations.

Proposition n° 27 : Exiger de l’Union des groupements d’achats publics (UGAP) des délais raisonnables dans le traitement des demandes de référencement des acteurs de l’offre numérique française

L'enjeu du pilotage politique

Un des axiomes du rapport est la nécessité de conduire la « transformation numérique des administrations ». Il interroge, dans cette logique, la gouvernance et le pilotage de cette transformation numérique, en soulignant l'importance de cette question par le constat que « la crise sanitaire a fait la démonstration du recours massif […] des administrations publiques aux solutions américaines. »

Après un rappel des évolutions institutionnelles depuis 2011, de la création de la DISIC (Direction interministérielle des systèmes d’information et de communication de l’État) à celle de la DINUM (Direction interministérielle du numérique), présentées comme des « progrès notables […] en faveur de la transformation numérique de l'État et de la gouvernance des politiques numériques », le rapport fait des recommandations pour en améliorer le pilotage. Il reprend notamment la proposition de créer « un ministère du numérique de plain-pied, doté d’une administration et de moyens propres, qui aurait pour mission de porter les politiques numériques au niveau national, européen et international. ».

Proposition n° 45 : Créer un ministère du numérique, doté d’une administration et de moyens propres, et chargé de porter les politiques numériques aux niveaux national, européen et international.

Quelle qu'en soit la traduction institutionnelle possible, l'enjeu d'un pilotage efficace et d'une stratégie de long court des politiques publiques relatives aux systèmes d'information de l'État apparaissent indéniablement comme un enjeu déterminant. De ce point de vue, si la récente circulaire Castex sur l'ouverture des données et des codes sources donne des signes encourageants en termes d'ambition politique vis-à-vis du logiciel libre, l'actualité récente de la DINUM – avec la publication d'un catalogue de logiciels truffé d'erreurs et d'approximations 8 et des conditions de travail dégradées 9 – questionne fortement sur la volonté de la direction actuelle de mettre en œuvre correctement cette circulaire et, plus largement, de sa capacité à assurer le pilotage des politiques numériques de l'État.

Un enjeu d'« émancipation »

Alors que le débat autour de la souveraineté numérique semble souvent se focaliser sur les considérations industrielles et économiques, le rapporteur prend soin d'y inscrire l'enjeu de « l'émancipation individuelle ». Le premier titre de la partie consacrée à « bâtir une souveraineté numérique » rappelle que la politique menée en ce sens doit être « au service du citoyen ». Comment en effet, dans une société qui se veut démocratique, penser la souveraineté numérique sans penser l'impact des technologies sur nos libertés fondamentales et leur place dans notre construction en tant que citoyennes et citoyens, émancipé⋅es et pleinement en mesure d'exercer nos libertés et notre pouvoir d'agir politique.

Partant de ce constat, à travers plusieurs propositions, le rapport pointe l'importance de la formation dès le plus jeune âge aux « savoirs numériques fondamentaux » : « Il est en effet indispensable que l’appareil de formation français soit en capacité de transmettre de façon efficace et actualisée les savoir-faire permettant aux citoyens de garder la maîtrise de leur vie en ligne et de ne pas subir l’apparition de nouveaux usages. » Si, à nouveau, on peut regretter qu'aucun lien direct ne soit fait avec l'impératif d'user de logiciels libres – en tant qu'outils informatiques comme en tant qu'objet d'enseignement – , l'approche du rapport reste intéressante en ce qu'il semble en faire une question éminemment politique. Rappelons d'ailleurs ici que seul le logiciel libre permet l'apprentissage d'une relation libre et éclairée aux outils technologiques, plutôt qu'un formatage à des usages imposés par des logiciels privateurs. Sur ce point, le rapport aurait sans doute également gagné à étudier la situation de ce qui est généralement appelé le marché des Eductech qui semblent aiguiser l'appétit insatiable d'un certain nombre de multinationales de l'informatique privatrice, souvent intéressées par les données personnelles des élèves. Important enjeu de souveraineté s'il en est !

Proposition n° 17 : Former aux compétences numériques dès le plus jeune âge et tout au long de la scolarité et de la vie professionnelle.
Proposition n° 18 : Former les citoyens aux gestes barrières face au risque cyber.
Proposition n° 19 : Développer l’apprentissage du code à l’école pour doter les élèves des fondamentaux de cet alphabet du monde numérique.

Pour une ambition à la hauteur des enjeux : priorité au logiciel libre!

Pour conclure, le rapport Latombe offre un état des lieux et une réflexion intéressante sur la situation actuelle en termes de pratique des administrations, de leur autonomie et de leurs dépendances, il pointe les rapports de force et souligne l'importance d'une formation émancipatrice de l'informatique, etc. Mais surtout, en appelant à systématiser le recours au logiciel libre, le rapport marque une véritable rupture avec une certaine tendance actuelle à l'inaction, notamment au sein de la Direction numérique de l'État. Sans remettre en question la stratégie mise en place par la circulaire Castex en matière de logiciel libre, qui propose des choses intéressantes, le rapport montre la voie en direction de politiques publiques beaucoup plus ambitieuses, avec un changement de paradigme radical : l'informatique libre doit être la règle, le logiciel privateur l'exception.

Le constat est donc dressé : une administration souveraine – un service public fondé sur l'intérêt général – utilise prioritairement des logiciels libres. Ce gouvernement et cette législature seront-ils celui et celle qui concrétiseront ce principe en lui donnant valeur normative et en posant les bases réglementaires de sa mise en œuvre ?

Nous recevrons le rapporteur le mardi 7 septembre 2021 dans l'émission Libre à vous !.

Catalogue de solutions de la DINUM : se proclame logiciel libre qui veut

lundi 17 mai 2021 à 12:53

Lundi 17 mai 2021, communiqué de presse.

Le site Acteurs Publics a révélé mercredi 12 mai 2021 l'existence d'un catalogue proposé par la DINUM (Direction interministérielle du numérique), listant des logiciels recommandés aux administrations. Ce catalogue pose plusieurs problèmes, notamment parce qu'il présente comme libres des logiciels qui ne le sont pas. De plus, l'existence de ce catalogue questionne fortement sur la volonté de la DINUM de mettre en œuvre correctement la circulaire du Premier ministre sur la « politique publique de la donnée, des algorithmes et des codes sources ».

Dans un article le site Acteurs Publics a révélé l'existence d'un Catalogue GouvTech : « des solutions numériques pour les services publics ».

Ce catalogue est mis en place par la mission LABEL de la DINUM1 : « LABEL : labelliser des solutions et des outils numériques de qualité pour faciliter leur emploi par les porteurs de projets publics ».

Pourtant, sur chaque fiche du catalogue il est écrit :

« Le contenu de cette fiche a été élaboré par l’offreur et n’engage pas l’avis de la DINUM sur la fiabilité des informations qui y sont portées ou sur la qualité de la solution. »

Les Conditions générales d'utilisation du catalogue vont encore plus loin :

« Le contenu des Fiches Solution est élaboré par l’Offreur et n’engage pas l’avis de la DINUM sur la fiabilité des informations qui y sont portées ou sur la qualité des Solutions. Il appartient aux Administrations d’effectuer toutes recherches et vérifications de toutes natures qu’elles jugeront utiles et de faire appel le cas échéant à des professionnels et/ ou d’experts afin de recueillir tous conseils et préconisations adéquates. »

Ainsi, un catalogue qui annonce « labelliser des solutions » publie des fiches, explique-t-on, remplies par des acteurs privés eux-mêmes, pour lesquelles l'avis de la DINUM n'est pas engagé, et, en plus, ce sera aux administrations elles-mêmes de faire recherches et vérifications. À quoi ce catalogue sert-il dans ce cas ? Y a-t-il un processus de validation des fiches ? Sur quels critères ? Rien ne l'indique !

D'autant que pour les solutions référencées comme libres on pouvait s'attendre à ce que la DINUM ait fait les vérifications de base, c’est-à-dire se soit assurée que les solutions proposées sont réellement libres. Mais ce n'est pas le cas, toutes ne le sont pas !

Ce catalogue recense des solutions. Si on coche « Solution opensource » dans « Distribution » on obtient 15 solutions proposées actuellement.

L'utilisation de la terminologie opensource (sans espace entre open et source ! sic) pose question : la DINUM aurait-elle peur de l'expression, pourtant parfaitement française, de « logiciel libre » ? On peut aussi se demander si la DINUM a lu la circulaire du Premier ministre Jean Castex qui parle spécifiquement de la création d'une mission dédiée à l'animation et la promotion interministérielles en matière de logiciel libre ; ainsi, il aurait été cohérent d'utiliser le terme « logiciel libre ».

La DINUM sait-elle ce dont il s'agit exactement, quand elle parle d'opensource. Pour rappel, le terme « Open Source » fait normalement référence à l'Open Source Initiative (OSI). Cependant, aujourd'hui il est aussi souvent utilisé dans un sens erroné pour qualifier des produits ne répondant pas aux critères de l'OSI, qui ne sont donc pas des logiciels libres ou open source (selon les critères de l'OSI).

Ceci dit, quand on regarde la liste des solutions proposées par le catalogue, le terme open source est finalement compréhensible vu que certaines solutions n'ont rien de libre. En tout cas, on ne trouve aucune info qui confirmerait le côté libre de la solution.

Par exemple, REMOcRA est sous licence CC BY-NC-SA qui n'est pas une licence de logiciel libre.

D'ailleurs, 17 solutions étaient présentées comme libres lors de la publication de l'article d'Acteur Publics. Ce lundi, il n'y en a plus que 15. La solution Mon Service Mairie a été passée dans la catégorie « Solution propriétaire basée sur des briques opensource » et la solution Calenco dans la catégorie « Solution propriétaire ».

Nous n'avons pas vérifié toutes les fiches, après tout c'est censé être le travail de la mission LABEL de la DINUM !

On notera d'ailleurs que sur les fiches il n'y a aucune information concernant la licence des solutions indiquées comme libres, ni de lien vers leurs sources.

On peut s'étonner que le référent logiciels libres de la DINUM ait pu laisser passer de telles bourdes sur le référencement de solutions pas libres. A-t-il été consulté sur ce projet ?
On peut aussi s'interroger sur le fonctionnement de la DINUM : la mission LABEL fonctionne-t-elle en silo, étanche à l'expertise des autres missions de la direction ? On pense ainsi à la mission Etalab à l'origine d'outils de grande qualité comme la politique de contribution aux logiciels libres ou le Socle Interministériel des Logiciels Libres. Le SILL, contrairement au catalogue de la mission LABEL, liste des solutions libres éprouvées et des informations fiables, validées par des agents publics, et s'avère, en cela, infiniment plus utile aux administrations pour répondre à leurs besoins logiciels.

Il n'est pas sérieux de s'aventurer dans la publication d'un tel catalogue au moment même où le Premier ministre signe une circulaire annonçant une mission logiciel libre. Mais peut-être que monsieur Nadi Bou Hanna, directeur de la DINUM, n'a pas été destinataire de la circulaire ou qu'il ne l'a pas lue.

Circulaire données et codes sources : un premier pas dans la bonne direction qui doit être confirmé

jeudi 29 avril 2021 à 09:18

29 avril 2021, communiqué de presse.

Le Premier ministre a signé une circulaire posant les bases d'une « politique publique de la donnée, des algorithmes et des codes sources ». Si elle ne promet pas de rupture importante dans les pratiques, elle formule toutefois certaines propositions intéressantes dont la création d'une mission interministérielle du logiciel libre. Un premier pas dans la bonne direction qui devra être confirmé et détaillé.

La circulaire 1, signée le 27 avril 2021 par le Premier ministre Jean Castex, a pour objet la politique publique « de la donnée, des algorithmes et des codes sources » au sein de l'ensemble des administrations de l'État, centrales et déconcentrées. Charge aux différents ministres, ministres délégués, secrétaires d'État et préfets de région de la mettre en œuvre. Elle s'appuie notamment sur le rapport « Pour une politique publique de la donnée » remis en décembre 2020 par le député Éric Bothorel2.

La circulaire précise que l'ambition de cette politique publique implique « un renforcement de l'ouverture des codes sources et des algorithme publics, ainsi que de l'usage de logiciel libre et ouvert ». Une déclaration avec laquelle il est difficile d'être en désaccord… mais qui était déjà l'ambition d'une circulaire de 2012 du Premier ministre Jean-Marc Ayrault sur « le bon usage du logiciel libre dans les administrations »3. Depuis il ne semble guère y avoir eu de rupture en termes de pratiques dans les directions des systèmes d'information des administrations, du moins pas de manière systémique, pas plus qu'à la suite de la loi pour une République numérique de 20164. L'April rappelle donc la nécessité d'un principe politique et normatif fort : la priorité au logiciel libre. Une priorité qui doit guider l'action des administrations et servir de pilier à une stratégie globale sur l'utilisation, la publication et la contribution aux logiciels libres.

La circulaire ne s'arrête toutefois pas au simple affichage de cette ambition de renforcement de l'usage du logiciel libre ; elle reprend une des principales propositions du rapport Bothorel sur le logiciel libre : « la création d'une mission dédiée à l'animation et la promotion interministérielles en matière de logiciel libre et de communs numériques ». Peu de précisions sur le périmètre de son action – si ce n'est qu'elle s'exercera au sein de la DINUM (Direction interministérielle du numérique) – ou sur les objectifs qui seront les siens, et aucune mention des moyens alloués à cette mission. Si c'est évidemment un signe encourageant que le Premier ministre reprenne à son compte la proposition du rapport Bothorel, que l'April avait elle-même portée lors de la consultation publique proposée dans le cadre de la mission du député5, une telle mission ne pourra produire d'effets utiles sans moyens dédiés, particulièrement des moyens humains. Le rapport parlementaire recommandait d'ailleurs que la mission « pourrait être constituée par exemple d’un responsable et de deux à trois chargés de mission (3 à 4 ETP) » (ETP = équivalent temps-plein). L'officialisation de la création de cette mission est donc de bon augure, mais il faudra être particulièrement vigilant quant aux moyens réellement accordés et veiller à ce qu'il ne s'agisse pas d'une simple nouvelle compétence attribuée par décret à la DINUM à moyen constant, sinon l'ambition affichée restera lettre morte.

L'April voit également comme un signe encourageant l'annonce de la mise en place d'un site code.gouv.fr, mis en œuvre par la mission précitée. À condition bien sûr, comme l'appelait l'April lors des travaux de la mission Bothorel, qu'il s'agisse d'une véritable forge logicielle publique, accueillant les codes sources produits par les administrations et librement accessible, et non pas d'un simple portail listant les liens vers des codes hébergés sur des forges extérieures.

« L'année 2021 doit poser les fondements d'une politique ambitieuse de la donnée, des algorithmes et des codes sources » annonce la circulaire. La ministre de la transformation et de la fonction publique – en charge du « développement et l'amélioration des usages et services numériques ainsi que la politique d'ouverture et de circulation des données » – doit remettre au Premier ministre une stratégie interministérielle pour la filière numérique d'ici le 15 mai 2021. Les autres ministres devront élaborer d'ici le 15 juillet une feuille de route pour détailler la stratégie de leurs propres ministères, qui sera publiée d'ici le 15 septembre 2021. Feuilles de route qui devront « intégrer systématiquement des objectifs relatifs au pilotage, à l'ouverture, à la circulation et au partage des données, des algorithmes et des codes sources ». Il sera, à ce titre, particulièrement intéressant de voir comment le ministère des Armées ou de l'Éducation nationale, pour ne citer qu'eux, parviendront à concilier ces objectifs avec leur dépendance historique très forte à certains éditeurs de logiciels privateurs, Microsoft en tête. Nous attendons d'ailleurs toujours la publication d'une étude sur la mise en place du poste de travail entièrement libre qui serait menée au sein du ministère des Armées.

À ce titre, l'April rappelle qu'il existe déjà de très bonnes initiatives au sein même de l'administration qui peinent visiblement à être amplifiées. Ainsi, mentionnons à titre d'exemple le Socle Interministériel des Logiciels Libres (SILL6) ou la politique de contribution au logiciel libre de l'État7… mise en place par des agents de la DINUM.

Hasard de l'actualité, nous apprenons dans le même temps que la Commission d'accès aux documents administratifs rejette la demande d'accès8 du collectif SantéNathon aux codes sources du Health Data Hub, la plateforme invoquant l'exception « sécurité des systèmes d'information des administrations », pour la communicabilité des documents administratifs (dont les codes sources). Exception que l'April avait fermement combattue lorsqu'elle a été votée dans la loi pour une République numérique en la qualifiant de contresens technique et en rappelant notamment que l'existence d'une faille de sécurité, et son utilisation à des fins malveillantes, est indifférente au fait que le code soit ouvert ou opaque. Une exception qui traduit ainsi surtout une méfiance vis-à-vis du public. Comme l'a très bien résumé le député Éric Bothorel dans son rapport : « en réalité, les acteurs faisant valoir la sécurité des systèmes d’information semblent méconnaître la possibilité de renforcer leur résilience offerte par la démarche d’ouverture des codes sources ». Démonstration dans les faits de l'important frein que représente cette exception à l'ouverture des codes sources, donc à la politique publique décrite dans la circulaire.

Concernant l’ouverture des données et codes sources dans les territoires, le Premier ministre souhaite la nomination d'une personne référente « données, algorithmes et codes sources » auprès de chaque préfet de région, ce qui serait une bonne chose, ainsi qu'une animation de la coopération entre l'État et les collectivités, via notamment l’Agence nationale de la cohésion des territoires.

La circulaire donne des signes encourageants, certes, mais l'inertie actuelle au sein de l'État où l'opacité et les fonctionnements en silos semblent toujours être la règle nous incite à la réserve tant que des décisions concrètes ne seront pas prises. Un premier pas dans la bonne direction qui doit donc être confirmé.