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GAFAM-Nation : un rapport éclairant sur le lobbying des GAFAM en France

lundi 19 décembre 2022 à 11:30

Mardi 13 décembre 2022, l'Observatoire des multinationales a publié un rapport très complet sur les pratiques de lobbying des GAFAM (Google, Amazon, Facebook, Apple et Microsoft) en France. Un document éclairant et particulièrement utile tant il y a peu de données disponibles sur ces pratiques au niveau français.

Lire le rapport (29 pages)

L'Observatoire des multinationales se définit lui-même comme « un média en ligne sur les grandes entreprises et plus généralement sur les pouvoirs économiques, ainsi que sur leurs relations avec le pouvoir politique. » Partant du constat que le lobbying des GAFAM était mal documenté en France, alors qu'il l'est relativement bien au niveau européen1, l'Observatoire a mené une enquête sur les pratiques de ces entreprises au niveau français. Ce rapport de 29 pages en est le résultat. Pour mener leurs travaux les deux journalistes, Chiara Pignatelli et Olivier Petitjean ont conduit plusieurs entretiens, notamment avec Étienne Gonnu, chargé de mission affaires publiques pour l'April.

Un des points les plus marquants du rapport est la très forte augmentation des dépenses déclarées de lobbying des GAFAM en France. Elles ont été multipliées par trois entre 2017 et 2021, pour atteindre environ 4 millions d'euros annuels, « au même niveau que les plus actifs des groupes du CAC40 ». Au-delà du montant lui-même, le rapport pointe que les GAFAM s'appuient sur de nombreux cabinets de lobbying, investissent les associations professionnelles du numérique ainsi que des think tanks, développent leurs relations avec les médias, etc. En plus du lobbying « classique », les journalistes pointent la façon dont ces multinationales développent un véritable soft power2, « infusent la société et pèsent sur le débat public ». Une véritable guerre des imaginaires visant à faire de leur silo technologique la norme.

Le rapport s'intéresse également au rôle des responsables politiques. D'une part dans le faible niveau de transparence sur les pratiques de lobbying. Les journalistes prennent notamment à titre d'exemple les agendas publics des ministres Le Maire et Barrot3, particulièrement avares, pour ne pas dire muets, en informations. D'autre part, le rapport parle d'un « lobbying passif » et de la « servitude volontaire » de l'État et des services publics. Le document décrit ainsi une situation à la fois de dépendance technique, mais également de dépendance idéologique. Le modèle des GAFAM apparaît, pour de nombreux responsables, comme un horizon indépassable et les politiques publiques ne semblent que trop rarement définies dans une perspective qui aille au-delà de ce cadre de référence imposé. Enfin, les deux journalistes mettent en évidence une pratique malheureusement bien connue et très mal encadrée, celle des portes tournantes ou portes-tambour. Il s'agit de situation où une personne travaille, alternativement, pour le compte de personnes publiques et pour le compte d'entreprises, dans un champ d'expertise similaire.

Dans sa conclusion, un des objectifs affichés du rapport est un plaidoyer pour un renforcement de l’encadrement du lobbying en France. Renforcement qui doit notamment passer par des données plus précises et des moyens de contrôle bien plus conséquents, notamment à la Haute Autorité pour la Transparence de la Vie Publique (HATVP). Le rapport souligne également la faiblesse et l'incohérence du discours sur les enjeux de « souveraineté numérique ». Les journalistes proposent d'ailleurs une définition de cette notion parfaitement en phase avec l'éthique du logiciel libre, dans un des paragraphes conclusifs. Paragraphe qui résume, en quelques mots, toute l'importance du travail qu'il et elle ont mené :

La « souveraineté numérique », c’est avant tout notre capacité à décider collectivement et démocratiquement des usages que nous souhaitons faire des outils numériques, et dans quelles conditions, et de ne pas subir les usages dont ne nous voulons pas. C’est précisément cette capacité que la toile d’influence des GAFAM contribue à réduire. Son principal ressort est de nous faire croire – ou au moins de faire croire à nos dirigeants politiques – que leur expansion est inarrêtable, et que le monde qu’ils nous préparent est inéluctable.

Poste de travail internet libre au ministère des Armées : une décision a-t-elle été prise ?

jeudi 7 avril 2022 à 15:00

Entre novembre 2020 et mars 2021, le ministère des Armées a conduit une étude sur l'opportunité de s'équiper en système libre sur le périmètre des postes de travail internet pour « réduire l'empreinte du fournisseur Microsoft en utilisant des solutions libres ». Un document dont l'April a finalement réussi à obtenir communication et qui confirme la faisabilité d'une telle migration. L'April demande au ministère des Armées d'indiquer quelle décision a été prise concernant la poursuite des travaux sur le poste de travail internet libre, notamment en ce qui concerne le scénario qui envisageait un déploiement à horizon début 2022.

Télécharger l'étude du ministère des Armées

Depuis janvier 20201, on savait que le ministère des Armées avait décidé la conduite d'une étude sur l'opportunité de s'équiper en système libre sur le périmètre des postes de travail internet. Cette étude a donc été conduite entre novembre 2020 et mars 2021 autour de deux scénarii complémentaires, et a conclu à la faisabilité opérationnelle d'une migration vers des systèmes libres sur les postes concernés. Il n'est pour l'heure pas possible de savoir si une décision relative à ces hypothèses a été prise.

Concrètement, l'étude s'est appuyée sur un certain nombre d'acteurs (Atos, Cap Gemini, Gfi/Inetum, Econocom, Linagora, Sopra Steria, Smile, Alter Way, T Systems) et concerne 15 000 postes (estimation) en « libre-service » (soit dédiés à une personne, soit partagés donc situés dans un espace commun). Les usages visés sont notamment la navigation internet libre, les besoins bureautiques simples, le transfert de fichiers depuis une clé USB et la prise en charge des principaux formats d'image/audio/vidéo. Le socle logiciel conseillé est Ubuntu.

Le premier scénario envisagé prévoit le remplacement des postes sous système privateur Windows par des postes libres sous Ubuntu, avec un déploiement à horizon début 2022 et une gestion en local. Le deuxième scénario envisage le déploiement des postes mais avec une infrastructure de gestion dédiée et donc la création d'un marché dédié et la conduite d'études supplémentaires. « Le scénario 1 permet un démarrage plus rapide du projet avec un investissement modéré. En cas de retour positif et d'une orientation stratégique / priorisation sur le périmètre internet, le scénario 2 pourrait être mis en œuvre dans la continuité du scénario 1 : une infrastructure dédiée permettrait d'optimiser la gestion de ces postes libres et une sortie plus marquée du modèle Microsoft en remplaçant les annuaires Microsoft Active Directory par un annuaire libre. » L'étude, en juin 2021, énonçait qu'en cas de décision sur la poursuite des travaux il faudra réaliser d'une part un MVP (un produit minimum viable en français) et « lancer un inventaire détaillé ». Qu'en est-il de cette décision ? Notamment en ce qui concerne le scénario 1 qui tablait sur un déploiement à horizon 2022 ? L'April espère obtenir réponse à cette question dans un délai raisonnable…

Au-delà de ces scénarii, un point saillant du bilan de l'étude est qu'il conclut à la faisabilité d'une migration vers un système libre, techniquement et fonctionnellement, c'est-à-dire pour les besoins des utilisateurs et utilisatrices des postes concernés : « un socle logiciel libre basé sur des technologies libres peut adresser la majeure partie des besoins sur le périmètre des postes internet ». Cette affirmation est loin d'être anodine, notament dans le contexte du « plan d'action logiciels libres et communs numériques » lancé par le gouvernement en novembre 2021 pour renforcer l'usage du libre au sein des administrations 2.

L'étude ne fait nulle part mention des postes de travail de la Gendarmerie nationale, dont 80 000 sont sous Ubuntu. Le retour d'expérience de la Gendarmerie serait pourtant fort utile pour le ministère 3.

Sur le prisme économique, le commentaire dans le bilan de l'étude est très révélateur. Sans disqualifier une éventuelle migration, le bilan est que « l'intérêt économique n'est pas avéré à ce stade, les hypothèses sont approximatives du fait d'un manque de données internes consolidées (vision détaillée de l'existant, charge de gestion actuelle des postes) ». Autrement dit, pas d'inventaire détaillé et consolidé des postes du périmètre concerné par l'étude ni de connaissance des coûts de gestion actuels (sous un système Windows de Microsoft). Un désordre donc — on peut d'ailleurs se demander à quoi sert l'accord Open Bar avec Microsoft 4 – qui nécessitera un effort financier en conséquence pour y remédier. L'étude note d'ailleurs que « sur ce périmètre restreint de 15 000 postes sur le réseau Internet, la migration sous un système "libre" demandera au ministère un financement important et imposera surtout un effort très conséquent en ressources humaines pour l'exploitant DIRISI 5 dans un contexte déjà très tendu dans ce domaine ». Plutôt que d'y voir une opportunité d'investir sur le long terme pour assainir la situation, ce commentaire sur « l'intérêt économique » pose la question de la volonté d'engager des changements systémiques en profondeur. Il est par ailleurs regrettable que la « vision financière » de l'étude ait été entièrement noircie, elle ne semble en effet relever d'aucun secret protégé 6.

En complément de la question des ressources, l'un des enjeux pour le ministère semble être la maintenance de postes de travail libres. L'étude note que « les offres libres entièrement managées sur étagère n'existent pas sur le marché français. En effet, les fournisseurs se positionnent plutôt sur des activités plus traditionnelles de conception et n'ont pas l'habitude de gérer le service de bout en bout. Il est donc difficile d'envisager un service complètement externalisé ». Elle poursuit en considérant que « cette faible maturité du marché explique pourquoi seulement deux acteurs ont répondu à la sollicitation ».

C'est une très bonne chose que le ministère des Armées prenne acte de sa dépendance à Microsoft et pose les bases de sa décontamination. Si une approche progressive, par étape, a généralement du sens, la mainmise de Microsoft sur le système d'information du ministère, concrétisée par 15 années d'accord Open Bar entre l’administration et la multinationale, doit poser la question d'une action systémique complémentaire beaucoup plus large, particulièrement dans un contexte de tension budgétaire et de « ressource humaine ». Cela passera notamment par un effort de transparence bien plus important, par une volonté politique d'engager les investissements nécessaires et, si la « maturité du marché » du logiciel libre peut être un enjeu, par le levier de la commande publique. Et plus particulièrement, donc, par la mise en œuvre d'une priorité au logiciel libre.

Déclaration de Strasbourg : les États membres affirment leur intention de promouvoir le logiciel libre dans leurs administrations respectives

mardi 5 avril 2022 à 11:20

Jeudi 17 mars 2022 les ministres en charge de la fonction publique des 27 États membres ont signé une déclaration commune « sur les valeurs et défis communs aux administrations publiques européennes ». Construite autour de trois axes de travail, la déclaration annonce l'intention des ministres chargés de la fonction publique « de promouvoir les logiciels open source au sein des administrations publiques ainsi que leur partage ». Un texte qui inscrit le logiciel libre comme vecteur de mutualisation et de souveraineté et qui reconnaît l'enjeu d'une plus juste « redistribution de la valeur créée ».

Télécharger la déclaration (PDF).

Dans le cadre de la présidence française de l'Union européenne (du 1er janvier au 30 juin 2022), les ministres des 27 États membres chargés de la fonction publique ont signé une déclaration commune « sur les valeurs et défis communs aux administrations publiques européennes ». Cette déclaration est de portée générale et ne vise pas spécifiquement les enjeux numériques.Trois axes de travail sont détaillés. L'axe portant sur « des services publics numériques de qualité, inclusifs qui respectent les valeurs européennes » inscrit spécifiquement le logiciel libre comme une valeur commune à promouvoir.

Ce document est une déclaration d'intention politique. Il ne pose donc aucun cadre contraignant ni détail opérationnel, ce n'est pas son but. Il n'en est pas moins utile dans sa forme comme objet politique et demeure globalement bienvenu sur le fond par les constats qu'il pose. Il est en effet loin d'être anodin que l'ensemble des États membres signe une position commune sur la place du logiciel libre au sein de leurs administrations. La France en particulier, dans le cadre d'une présidence française, est symboliquement encore davantage engager par sa signature. C'est sous ce prisme qu'il convient d'appréhender cette déclaration, sans en exagérer les attentes quant à ses traductions dans l'ordre juridique et politique français et sans minimiser sa portée.

Les ministres chargés de l’administration, la transformation et la fonction publiques, avec le soutien de la Commission européenne, déclarent leur intention : […] De promouvoir les logiciels open source au sein des administrations publiques ainsi que leur partage, en :

  • Reconnaissant le rôle majeur joué par les solutions open source sécurisées dans la transformation des administrations publiques, qui permettent de mutualiser les investissements entre de multiples organisations, offrent une transparence et une interopérabilité par défaut et garantissent une maîtrise sur les technologies utilisées ainsi qu’une plus grande indépendance technologique ;
  • tirant parti des solutions open source pour renforcer la collaboration entre les administrations publiques, en favorisant le partage de telles solutions créées ou utilisées par les administrations au sein de l’Union européenne ;
  • promouvant une redistribution équitable de la valeur créée par les solutions libres, notamment pour ceux qui produisent et partagent du code source ouvert.

Le logiciel libre, reconnu comme vecteur de mutualisation et de souveraineté

Avec cette déclaration, les États membres semblent placer l'enjeu d'un plus grand engagement vers le logiciel libre sur un meilleur partage des investissements et des connaissances logiciels : « mutualisation des investissements », « renforcer la collaboration entre les administrations ». Si l'on peut regretter que l'idée de contribution au logiciel libre – en tant que commun informationnel – ne soit pas explicitement affirmée, la construction d'une position autour des notions de partage et de mutualisation entre les administrations, plutôt que de la seule utilisation, est une chose à saluer.

Dans la continuité de cette logique, la déclaration évoque une notion essentielle, et pourtant jusque-là majoritairement absente du discours politique : la « redistribution équitable de la valeur créée ». Cette mention aurait sans doute gagné à être explicitée, cependant on peut y lire une prise en compte bienvenue de certaines réalités économiques du logiciel libre. Les logiciels libres ont souvent beaucoup de valeur – économique et d'usage –, pour beaucoup de monde, mais ce ne sont pas toujours les personnes qui produisent cette valeur qui en tirent le plus grand bénéfice. Si répondre à cet enjeu nécessitera une approche systémique profonde, il est notable qu'il ait été identifié comme un enjeu politique dont les pouvoirs publics doivent se saisir. Et cela pose entre les lignes la question de la contribution aux logiciels libres par les administrations, soit directement en produisant du code, soit en s'appuyant sur le levier de la commande publique.

En introduction, la déclaration inscrit son ambition dans le contexte de l'enjeu de « souveraineté industrielle et numérique », et elle soulignera à plusieurs reprise l'importance de renforcer l'interopérabilité des outils numériques au niveau européen. Il est donc particulièrement intéressant qu'elle souligne que les logiciels libres « offrent une transparence et une interopérabilité par défaut et garantissent une maîtrise sur les technologies utilisées ainsi qu’une plus grande indépendance technologique ». De là à dire que le logiciel libre doit devenir la règle…

Une ambition politique à davantage affirmer ; de l'importance du choix des mots

Les administrations publiques ne peuvent plus se contenter de « promouvoir » le logiciel libre. Elles doivent s'engager plus résolument pour le libre. C'est une question d'intérêt général et sans cela il ne sera pas possible de renverser des rapports de force encore largement favorables aux grandes multinationales de l'informatique privatrice. La puissance publique doit « donner priorité » ou « systématiser » le recours aux logiciels libres, l'affirmer est une condition qui lui permettra de s'en donner les moyens, d'autant plus s'il s'agit d'enjeux déterminants comme ceux mis en avant dans la déclaration, à savoir la souveraineté et la mutualisation (donc de substantielles économies d'échelle).

Il est regrettable que le document utilise les expressions « open source » ou « code source ouvert » plutôt que logiciel libre ; cela réduit une partie de la portée politique de la prise de position. Dans une déclaration politique le choix des mots est déterminant : ce qu'ils portent comme charge symbolique, comment ils sont perçus et compris auprès des différents profils des personnes qui reçoivent le message – les personnes familières des distinctions sémantiques, celles qui ne le sont pas – à quels imaginaires politiques ils renvoient, etc. Tout cela joue. Ainsi, utiliser une formule anglo-saxonne plutôt que française, évoquer l'ouverture (du code) plutôt que la liberté (des utilisateurs et utilisatrices), tout cela est significatif car s'inscrivant dans des imaginaires politiques, qu'ils participent à leur tour à construire, ou non.

L'April accueille positivement la signature de cette déclaration commune, particulièrement la mise en avant de la notion de partage et l'inscription comme ambition politique d'une plus juste « redistribution de la valeur créée ». Elle sera vigilante dans les mois à venir sur sa traduction en politique publique effective ainsi que sur les arbitrages opérationnels à venir au sein des administrations.

Libre en Fête : découvrir les logiciels libres à l’arrivée du printemps

jeudi 3 mars 2022 à 16:28

Jeudi 3 mars 2022, communiqué de presse.

Initiée et coordonnée par l’April, l'initiative Libre en Fête revient pour la 21ème année consécutive. Pour accompagner l’arrivée du printemps, des événements de découverte du logiciel libre et de la culture libre en général sont proposés partout en France autour du 20 mars. L'édition 2022 du Libre en Fête aura lieu du samedi 5 mars au dimanche 3 avril.

Bannière du Libre en Fête 2022

Les logiciels libres sont des logiciels que chaque personne peut utiliser, étudier, copier, modifier et redistribuer à volonté et en toute légalité. De la même façon, chaque personne et organisation peut s’emparer des services en ligne basés sur des logiciels libres, les adapter à ses besoins, les héberger en éditant ses propres règles ou demander à une structure de confiance de le faire.

En participant aux événements du Libre en Fête, le grand public est invité à découvrir les avantages du logiciel libre : son inscription dans une logique de bien commun accessible à toutes et à tous, son aptitude à favoriser la diffusion et le partage de la connaissance, ses valeurs d'entraide et de coopération, comme en témoigne une communauté vivante prête à accompagner les personnes souhaitant s’émanciper informatiquement.

À ce jour, près de 50 événements sont déjà référencés dans le cadre du Libre en Fête, notamment des ateliers d'initiation à un logiciel ou à un service libre, pour apprendre à libérer son informatique dans ses pratiques quotidiennes comme dans des usages plus spécifiques. Mais aussi : des projections de films libres ou sur le Libre, des fêtes d'installation1, de la cartographie participative, des ateliers pour apprendre à mieux protéger son intimité sur Internet, des soirées d'échanges autour des enjeux de l'informatique libre…

Pourquoi devrions-nous nous laisser enfermer dans des solutions opaques, privatrices de libertés, qui aspirent nos données personnelles, quand il existe des alternatives libres, loyales, respectueuses des utilisateurs et utilisatrices et de leurs données ? Grâce à la variété des acteurs impliqués et des activités proposées partout en France, le Libre en Fête se veut justement une occasion pour de nouveaux publics de découvrir et de s’initier aux logiciels et services libres, brique essentielle pour le contrôle de nos équipements informatiques et de nos données à l’ère numérique » , rappelle Isabella Vanni, coordinatrice de l’initiative Libre en Fête.

La Commission européenne s'engage, timidement, dans l'ouverture de ses codes sources et dans la contribution aux logiciels libres

jeudi 16 décembre 2021 à 15:13

Dans la continuité de sa stratégie en matière de logiciels libres pour la période 2020-20231, annoncée en octobre 2020, la Commission européenne a formalisé ses intentions, et ses pratiques, dans une décision « sur l’octroi de licences open source et la réutilisation des logiciels de la Commission ». Un document important puisqu'il engage la Commission et lui est donc opposable. Si, à l'image de la stratégie précitée, la décision n'affiche pas une grande ambition politique, elle pose des bases utiles et confirme la volonté de la Commission d'amplifier son recours et sa contribution aux logiciels libres. Quelques points de vigilances demeurent, notamment sur les définitions retenues.

Télécharger la version française de la décision (PDF)

L'objet de la décision apparaît avant tout comme l'encadrement de la publication sous licence libre des logiciels produits par les services de la Commission. Bien sûr cela n'est pas neutre politiquement, le poids de cette administration lui donnant une place de choix pour inspirer par l'exemple. Malheureusement, comme elle l'avait déjà fait dans sa stratégie de 2020, la Commission affaiblit elle-même ce qui apparaît comme une volonté sincère d'amplifier son recours et sa contribution aux logiciels libres. Le principe général posé à l'article 3 de la décision est ainsi faible et décevant ; « les services de la Commission peuvent choisir de mettre les logiciels de la Commission à disposition en vue de leur réutilisation ». D'autant plus que l'article 5 ouvre un large champ d'exceptions à l'application de la décision, notamment l'exception pourtant infondée de « risque pour la sécurité des systèmes d'information ». Une stratégie ambitieuse devrait poser que la diffusion en logiciel libre doit être le principe par défaut, et la non diffusion l'exception dûment motivée.

Cette forme de timidité de la Commission vers un engagement politique fort est parfaitement résumée par l'ouverture de son communiqué : « La Commission a adopté aujourd'hui de nouvelles règles sur les logiciels libres, qui permettront d'ouvrir l'accès à ses solutions logicielles lorsqu'il existe des avantages potentiels pour les citoyens, les entreprises et les services publics ». Jauger de la pertinence de l'ouverture à l'aune de ce qui pourra être réalisé est un contre-sens. C'est bien en elles-mêmes que les libertés d'accès, de modification et de réutilisation doivent être promues et défendues. Non seulement car elles relèvent d'un impératif démocratique, mais aussi car elles permettent la plus large expression des talents et des créativités.

Ces critiques de fond ne doivent pas empêcher de prendre acte des avancées du texte qu'il conviendra de confirmer. D'une part la décision inscrit, dans son article 9, que les services de la Commission sont autorisés à participer et à contribuer à des projets logiciel libre externes. Cette autorisation explicite est à saluer. D'autre part la décision prévoit l'utilisation d'un « répertoire faisant office de point d’accès unique, afin de faciliter l’accès aux logiciels de la Commission et leur réutilisation. » Il s'agira de suivre quelle forme prendra ce répertoire 2. Notons que la Commission serait pleinement dans son rôle en créant et en maintenant une forge publique, qui pourrait d'ailleurs être ouverte aux administrations des États membres qui dépendent parfois – comme en France – de forges maintenues par des acteurs privés (à des fins commerciales ou non).

Enfin, des interrogations demeurent, particulièrement à l'endroit de certaines définitions retenues (article 2)3. La notion de « réutilisation » correspond bien à la définition des quatre libertés et autorise les réutilisations à des fins commerciales, mais les définitions de « licence » et surtout celle de « licence open source » introduisent des flous et des conditionnalités qui risquent d'ouvrir la voix à des interprétations dommageables. De plus, pourquoi ne pas avoir spécifiquement mentionné les référentiels de la Fondation pour le logiciel libre (Free Software Foundation)4 et de l'Open Source Initiative 5 largement reconnus comme seuls standards pour la définition de ce qui relève ou non d'une licence libre ? La vigilance est d'autant plus de mise que cette décision formalise, dans le temps, ces définitions comme étant celles de la Commission. L'April prendra le temps d'une analyse plus approfondie sur ces questions.