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Bye bye banquise

vendredi 28 septembre 2012 à 17:33

D’ici 3 ans, l’Arctique pourrait devenir un océan comme les autres.

Les derniers relevés du National Snow and Ice Data Center (NSIDC hebergé par l’université du Colorado) et la Nasa faisaient état d’une chute à 3,41 millions de kilomètres carrés de banquise au Pôle Nord (16 septembre dernier), soit 18% sous le précédent record en septembre 2007 (4,4 millions de km2). Mais surtout, moins de la moitié de mer gelée qu’à la fin des années 1970, aux premières mesures. Selon le glaciologue Peter Wadhams du département de physique de l’Océan polaire de l’université de Cambridge, l’accélération du phénomène pourrait mener à la disparition pure et simple de cet océan gelé non pas à l’horizon 2070, comme le prévoyait le Giec en 2007, mais en… 2015-2016.

L’ampleur du phénomène est difficile à se figurer en se postant sur un pôle (exercice peu courant sous nos latitudes). La quantité de mesures réalisées (et mises à disposition en ligne) par le NSIDC permet néanmoins de constater l’évolution générale du phénomène. Comme toute étendue de glace (terrestre ou marine), la banquise arctique gèle et fond au rythme des saisons, suivant un yoyo d’une amplitude de plusieurs millions de kilomètres carrés de patinoire. Un graphique de ce cycle prenant en compte toutes les données mises à disposition par le centre depuis les premières mesures en 1978 ne met guère en évidence phénomène qui alarme les scientifiques (voir le graphique ci-dessus).

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En revanche, en relevant les minimas de chaque année (généralement au mois de septembre), le rétrécissement de la banquise arctique apparaît comme brutal et récent (voir le graphique ci-dessus). Entre 1978 et 2000, la surface ne dépasse pas les 7,6 millions de kilomètres carrés et ne descend jamais sous 5,6. A partir de 2001, elle n’excèdera plus les 6 millions de kilomètres carrés et approchera même 4 millions de kilomètres carrés en 2007.

Un datagif qui glace le sang

Rapportés à un carte, le constat n’est pas si évident : coincée entre le Nord de la Russie et le champs clairsemé des îles canadiennes, la régression est visible mais pas spectaculaire. A la manière de Skytruth, nous avons transposé la surface de ces étendues glacées aux contrées tempérées de notre luxuriante Europe. Les relevés géographiques mensuels des contours de la banquise de NSIDC, une fois projetés sur Google Earth, font apparaître l’effondrement (voir notre carte en .gif ci-dessous). Dans les années 1980, c’est toute l’Australie que l’on aurait pu cacher sous les glaces arctiques tandis que depuis 2007, seuls les Etats membres de l’Union européenne y trouveraient leur place…

Faute de relevés géographiques, nous avons du nous contenter pour le record de 2012 d’une projection. Le plus bas de 2012 étant de 18% inférieur à celui de 2007, les contours représentés sur la carte représentent, à proportion, la diminution de la surface minimum de la banquise. Au 16 septembre 2012, la partie gelée de l’Arctique représentait seulement 3,41 millions de kilomètres carrés, soit l’équivalent des surfaces ajoutées de 16 pays européens (Allemagne, Autriche, Belgique, Espagne, France, Irlande, Italie, Norvège, Pologne, Portugal, Pays-Bas, Royaume-Uni, Suède et Suisse, en se basant sur les données géographiques de la Banque mondiale).

Plongée dans la mer, la banquise se comporte comme un glaçon dans un verre : l’eau issue de sa fonte n’entraîne pas, ni n’entraînera directement la montée des eaux. Elle représente cependant un “stock” de froid qui influence la température des courants marins et aériens, dont l’évolution pourrait influer sur notre climat si ce stock venait à disparaître. Si la banquise arctique n’est pas la fièvre elle-même, elle constitue un thermomètre efficace du bouleversement climatique qui s’opère. Mais un thermomètre qui disparaît à vue d’oeil et ne sera bientôt plus qu’une goutte d’eau dans l’océan.


Nos données

Toutes les données utilisées sont tirées du Sea Ice Index du NSIDC (à l’exception des données de surface des pays, récupérées sur le site de Banque mondiale) :
-l’intégralité des mesures de l’étendue de la banquise arctique depuis le 26 octobre 1978 (Google fusion table) ;
-les minima et maxima de surface de 1979 à 2010 (Google Drive). Les mesures n’étant pas complètes pour l’année 1978, nous avons préféré l’exclure de ce tableau.


Photos par StormPetrel et Jeff Huffman sous licences Creative Commons, remixées par Ophelia Nor pour Owni /-)
Carte et gif : Sylvain Lapoix et Nicolas Patte. La carte a été réalisée grâce à Qgis et Google Earth.

Les petits bidouilleurs en open source

vendredi 28 septembre 2012 à 16:41

Atelier soudure au Chaos Communication Camp de Berlin, août 2011, (cc) Ophelia Noor

Joey et Sylvia sont des petits monstres. Des petits monstres de générosité, qui portent haut, du bout de leurs bras de 14 et 11 ans les valeurs de l’open source hardware. Pour eux, partager la recette de leurs créations avec d’autres enfants est naturel car cela ne présente que des avantages. Un credo qu’ils ont développé ce jeudi lors de leur conférence à l’Open Hardware Summit à New York, un grand meeting annuel réunissant les figures de proue de ce mouvement.

Vidéos pédagogiques

Le duo n’a pas fait dans les grands discours incantatoire mais s’est exprimé en connaissance de cause. Sur son site, baptisé “Look what’s Joey is making” (“regarder ce que Joey fait”), l’adolescent affiche son slogan :

Ne vous ennuyez pas, faites quelque chose !

On trouve sur sa page le mode de construction de son bouclier Arduino en forme de cube fait avec des LED et ses vidéos pédagogiques pour apprendre à se servir d’un oscilloscope ou bien encore le fonctionnement des LED.

En dépit de son jeune âge, Joey a déjà son (tout petit) business, incarnant en cela la figure américaine du maker, le self-made-man américain qui a fait construit son pays grâce à sa créativité et sa volonté Pour 15 dollars, il est possible d’acquérir son cube Arduino. Après, on ne soupçonnera pas le gamin de se payer des packs de 8°6 avec. Sa marotte, c’est plutôt d’assister à des Maker Faire, ces grandes foires à la bidouille organisée par le magazine américain Make et qui ont essaimé partout dans le monde. Magazine auquel il contribue.

Ses réalisations sont même parvenues aux oreilles de Barack Obama : le président américain a eu droit à une démonstration de son Extreme Marshmallow Cannon dans le cadre de la fête de la science organisé à la Maison Blanche, au cours duquel il a annoncé des fonds pour financer la formation des professeurs de sciences. Si le président est tenté de le faire, le guide est sur Make.

Sans attendre une impulsion d’en haut, Joey a commencé un club de science dans son école pour partager son savoir-faire avec les autres enfants.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

“Super-Awesome” Sylvia n’est pas en reste : pour la troisième année, elle fait une émission sur YouTube avec son père “TechNinja”, Sylvia’s Super-Awesome Maker Show. Pas d’atelier Barbie ou Hello Kitty DIY mais des tutoriels pour utiliser Arduino, le très populaire micro-contrôleur open source, construire des fusées ou faire de la couture. Le tout avec le label Make Magazine. Comme Joey, Maker Faire est son Disneyland, au point de crowdfunder, avec succès son voyage à l’édition new-yorkaise ce mois-ci.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Mitch Altman, apôtre de longue date de l’open hardware, transmetteur inlassable de son savoir-faire à des enfants (et leurs parents) dans des ateliers, détaille les atouts de ce process :

Quand l’open hardware est disponible, les gens vont apprendre grâce à lui. En particulier quand la documentation est écrite avec des visées pédagogiques en tête, comme par exemple toute celle de mes projets et de ceux d’Adafruit (une plate-forme communautaire de vente et de partage dédiée à l’électronique, ndlr).

J’ai souvent dirigé les gens vers ma documentation quand ils demandent comment apprendre sur les différents aspects des micro-contrôleurs. Et ils m’ont souvent répondu qu’ils appréciaient vraiment ma documentation bien écrite car elle les aide beaucoup à apprendre.

Beaucoup de projets open source ont des communautés d’utilisateurs (et même leur propre forum) avec des niveaux de compétence variés et qui s’entraident en ligne ou en personne. Cela est beaucoup plus difficile à réaliser quand des avocats de projets propriétaires veulent empêcher les gens d’apprendre à utiliser leur “propriété intellectuelle”(plutôt que de la partager).

Initiatives individuelles peu soutenues

Pourtant, l’école ne semble pas avoir pris la mesure du mouvement. Derrière leur côté “petits cracs du DIY coachés par leurs parents” qui peut agacer, Joey, Sylvia et d’autres, mettent en œuvre une vision de l’apprentissage que n’épouse pas forcément le système éducatif occidental, reflet d’une société façonnée par les logiques propriétaires. Lorsqu’on lui demande si son école encourage l’open hardware, Joey répond par la négative. L’adolescent qui affirme “ne pas être un grand fan de l’école” démontre pourtant que c’est une voie très fructueuse.

James Carlson, créateur de School factory, une association américaine qui développe des espaces éducatifs communautaires du type makerspace, renchérit :

Les écoles sont de plus en intéressées par l’open hardware mais elles sont en retard. De façon individuelle, des professeurs mettent en place des ateliers dans le domaine des STEM (Science, Technologie, Engineering et Math, ndlr) et apprennent aux enfants à créer en recourant à l’open hardware mais ils ne sont souvent pas soutenus. C’est nouveau et donc mal compris.

Une telle démarche surprend, à commencer par la maman même de Joey :

Il ne voulait faire que de l’open source. Il aime que, quoi que les gens fassent, tu puisses apprendre de leurs créations, et  compléter, c’est vraiment la meilleure façon d’apprendre. Je n’ai pas compris au début mais maintenant oui… c’est la seule façon d’avancer !

Le privé en renfort

Faute que l’école s’empare de l’opportunité, James souligne que des communautés et des associations se sont mises sur le créneau, comme les makerspaces/hackerspaces. La dernière génération est un terreau propice, qu’il faut cultiver :

Elle est davantage encline à partager ses idées. Je pense qu’elle réalise que nous profitons tous de plus d’ouverture et de collaboration.

En même temps, nous avons la responsabilité d’enseigner aux jeunes générations ce que la transparence et l’ouverture peut leur apporter, ainsi qu’à la société.

Parmi les initiatives dans ce sens, l’incontournable Make se montre très actif. Cet été, il a organisé un Maker camp, “un camp DIY virtuel” à l’attention des enfants qui ne partent pas en vacances. Le concept ? Chaque matin, une figure de l’open source hardware explique comment fabriquer un projet, donne ses petites astuces Le soir, ce “conseiller” revient avec les participants sur la réalisation du projet et peuvent montrer leurs photos. Parmi les intervenants, Joey, Limor “Ladyada” Fried, la fondatrice d’Adafruit, le CERN et Dale Dougherty en personne. Le tout avec le soutien de Google.


Photographie Ophelia Noor (Atelier soudure au Chaos Communication Camp de Berlin, août 2011.)

J’irai graffer sur ton wall

vendredi 28 septembre 2012 à 11:11

Bonjour et bienvenue sur Vendredi c’est Graphism ! :)

Il y a quelques semaines, cette vidéo a fait beaucoup d’émois avec 107 000 vues. Ironique et pleine d’humour, elle dénonce, critique, provoque les différents médias sociaux que nous utilisons. Ironique ? Oui, je l’ai justement vue publiée sur Facebook et sur Twitter. Ce film et cette peinture (réalisée en cinq jours) ont été réalisés au festival “GALORE”  de Copenhague, au Danemark, et se présente comme un time-lapse composé de plus de 9 000 photos.

#MyLifeSucks

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Son auteur témoigne :

Les gens me regardent comme si j’étais sur une autre planète quand je leur dis que je ne suis pas sur les médias sociaux comme Facebook, Twitter ou Instagram. Aux yeux des médias sociaux, je suis fortement dépassé, je suis perdu et pas connecté. En ne prenant pas part aux médias sociaux mentionnés ci-dessus je fais de moi un étranger pour la société qui sacralise ces médias sociaux. Je ne peux pas m’empêcher d’observer les gens autour de moi qui semblent être consommés et accro au fait de se tenir au courant des statuts de leurs amis sur les médias sociaux.

Nous vivons dans une vie au rythme ridiculement rapide où l’information est échangée si rapidement qu’il nous fait nous sentir inadéquat et détruit notre capacité d’attention.

Street-art déconnecté ?

Le street-art semble donc avoir une dent contre les réseaux sociaux ? En effet, la création street art repose sur la rue, sur les murs, le mobilier urbain, les arbres, que sais-je encore, mais se situe en général plutôt loin de l’écran (à quelques exceptions près comme le Graffiti Research Lab). Cependant, le graffiti n’a jamais été aussi reconnu et suivi par le grand public depuis l’avènement des réseaux sociaux. En effet, combien de fois sommes-nous surpris par un beau graff publié sur Instagram ? Une photo “Regarde le ciel” publiée sur Twitter ou encore un panneau détourné publié sur Path ?

En tous cas, les réseaux sociaux influencent le street art et ce ne sont pas les initiatives qui manquent. Par exemple, avec ces collages qui nous racontent Facebook dans la rue.

Facebook est dans ta rue


(source)

Dépendance culturelle

Ne nous voilons pas la face, nous passons peut-être, une deux trois heures – voire toute la journée – sur Facebook, et notre compte Facebook est souvent ouvert, même si la fenêtre est minimisée sur notre ordinateur. Accro à Facebook ? C’est sur ce constat que la street-artiste 2wenty, située à Los Angeles, dépeint graphiquement notre  dépendance culturelle aux médias sociaux. Sur l’affiche ci-dessous, on voit clairement un paquet de cigarettes marqué au doux nom de Facebook et aux couleurs du réseau social.

Je fais des oeuvres sur ce qui me tracasse [...] Les gens sont toujours sur Facebook au travail et même en marchant dans la rue. Je compare Facebook à la cigarette pour attirer l’attention sur nos dépendances culturelles. Mais voulons-nous vraiment cesser de fumer?

Bien que le travail 2wenty dénote d’une attitude pessimiste envers le réseau social, ce n’est pas vraiment la preuve que l’artiste de rue est anti-Facebook, en effet elle-même possède sa propre page Facebook dans laquelle elle publie régulièrement des messages et des liens vers son travail.

Des murs sur Facebook

D’autres oeuvres de rue, souvent anonymes, se présentent sous de nombreuses formes différentes comme des collages, des pochoirs, des graffitis, des autocollants ou encore des peintures. Les supports sont nombreux, les idées pour parler des réseaux sociaux aussi.

Tweet tweet tweet

Enfin, il n’y a pas que Facebook qui inspire les street-artistes. Comme le montre la vidéo du festival GALORE en début d’article, Twitter est également source d’inspiration. Pour le colleur d’images Jilly Ballistic, c’est l’opportunité d’attirer l’attention du citoyen et d’aller contre le trop plein de publicité en faisant “court”, très court. Ci-dessous, il colle donc un tweet publié par lui-même, @JillyBallistic, avec pour simple message: “S’il vous plaît continuez à ignorer cette publicité. Merci.” Ce tweet collé restera affiché pendant plusieurs jours sur l’abribus M15 à St Allen & St Stanton, à New-York.


(source)

Questionmarc

Un autre artiste du nom de “Questionmarc” s’xprime sur les murs les d’un bâtiment en mettant en avant le petit oiseau de Twitter (l’ancienne version, pas la nouvelle). Son tweet ? “Just bombin’ a wall” est très simple et je serais ravi de voir jusqu’où il pourrait aller avec ce petit oiseau et ces tweets.

Et les mèmes dans tout ça ?

Enfin, les réseaux sociaux ne sont pas les seuls à inspirer les street-artistes, en effet la culture Internet n’est pas en reste avec cet exemple ci-dessous réalisé par Thierry Jaspart, en Belgique. Il a décidé de réaliser une fresque mettant en scène nos amis connus d’Internet, j’ai nommé Rage Faces, Pedobear, Long Cat, Keyboard Cat, etc.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Le street-art et les réseaux sociaux font finalement bon ménage

Enfin, pour conclure il se trouve que tant que le street-art existera, il perdurera sur les réseaux sociaux, sur Twitter, Instagram, Path, Facebook, Pinterest, que sais-je encore. Ainsi, j’ai décidé de vous faire une petite liste par réseau, de là où vous pouvez dénicher des oeuvres de street-artistes :-)

Sur Twitter

Sur Facebook

Sur Pinterest

Sur Instagram

Excellente fin de semaine et à la semaine prochaine !

Geoffrey

Valls hésitation de la vidéosurveillance

vendredi 28 septembre 2012 à 10:43


C’est assez rare en France pour être souligné : une municipalité française, Amiens, a publié [pdf] un audit sur l’efficacité de la vidéosurveillance sur la voie publique. À la demande de l’adjointe à la sécurité Émilie Thérouin, référent sécurité au sein de la commission Justice EELV, la nouvelle majorité de gauche au Conseil municipal avait commandé une étude indépendante. Préalable à une éventuelle extension du parc, après un moratoire posé en 2008 suite aux élections.

Vidéosurveillance : ce que révèle la Cour des comptes

Vidéosurveillance : ce que révèle la Cour des comptes

De nombreux systèmes de "vidéoprotection" ont été autorisés... en violation de la loi, mais avec l'aval des préfets. ...

Le cabinet Althing, qui opère sur le très porteur marché des études de sécurité, a analysé ce système de 48 caméras installées progressivement à partir des années 80.

Il s’agissait de leur première étude sur le sujet. Un outil mis en place à l’origine pour aider “au contrôle des flux urbains sur l’hypercentre”, soulignent les auteurs, et en particulier les bornes rétractables.

Leurs conclusions sont pour le moins contradictoires puisqu’elle préconisent le développement des caméras alors même qu’ils constatent que le système ne sert à rien.

De manière générale, les études sur le sujet montrent l’impact limité des caméras sur la voie publique, à commencer par celle de la Cour des comptes publiée l’année dernière :

Les caractéristiques de la délinquance sur le territoire justifient le besoin de vidéoprotection, en fonction des objectifs assignés. [...]

La vidéoprotection sur voie publique n’a pas un impact important sur ce type de délit (les vols à l’étalage, ndlr) : les commerces sont bien souvent déjà équipés de vidéo, les auteurs dissimulent leurs visages, etc.

Face à ce besoin malgré tout, il est honnête de constater que le dispositif de vidéoprotection existant ne répond pas pleinement aux attentes : le très faible nombre de réquisitions émises par la Police Nationale traduit le faible impact de l’outil. Les raisons de cette inefficacité sont doubles :

  • Les opérateurs sont insuffisamment concentrés sur leurs missions de prévention de délinquance et de tranquillité publique ; la gestion des bornes nuit à leur attention et à la disponibilité des effectifs sur les créneaux à risque.
  • Le partenariat avec les services de Police Nationale est à repenser.

Gel jusqu’en 2014

Quoi qu’il en soit, les caméras ne se multiplieront pas avant les prochaines municipales puisqu’un accord entre la majorité PS et ses alliés écologiques stipule que le moratoire court jusqu’en 2014. En attendant, une partie des 1 800 000 euros de crédits prévus pour l’extension a été gelée tandis que l’autre a été utilisée pour l’audit vidéo et le diagnostic intercommunal de sécurité d’Amiens métropole.

Toutefois, “le parc ne peut pas rester en l’état, il bougera à la marge, nous a précisé Émilie Thérouin, il sera redéployé.” Mais à long terme, ce gel ne durera pas, estime-t-elle, alors que le nouveau gouvernement affiche une position ambiguë sur le sujet : Manuel Valls, Bauer boy convaincu, est à la tête du ministère de l’Intérieur, symbole d’une gauche “décomplexée” sur les sujets de sécurité. De plus, Amiens a connu cet été des violences dans les quartiers nord très médiatisées.

Il y a une incertitude après 2014, avec la pression des événements et le retour de la gauche au pouvoir. La métropole fait aussi pression, on pourrait se retrouver avec un CSU (centre de sécurité urbaine) intercommunal.
Je préfère qu’on fasse du zèle sur les policiers municipaux et les médiateurs.

Les heurts cet été n’ont pas tant fait bouger les lignes, juge l’élu :

Les opposants ont été confortés puisque les caméras n’ont servi à rien, elles étaient coupées à 22 h 30. Et les pro en ont demandé plus, comme il y a de la délinquance.

Deux longues années

Il aura fallu deux ans pour que ce projet soit mené à son terme. Deux longues années qui témoignent d’un tabou français sur la vidéosurveillance, alors que de nombreuses villes sont équipées ou continuent de le faire en dépit d’une efficacité contestée. Récemment, un élu, pourtant opposé aux caméras sur la voie publique, expliquait :

C’est un audit qui parle du matériel de sécurité, cela ne se divulgue pas. Je ne vais pas donner les détails des caméras qu’il faut revoir : cela reste secret, c’est normal.

L’élue verte avait elle-même exprimé sa frustration dans une réponse agacée à une question orale de l’opposition :

L’étude fut conduite, non sans mal, entre 2010 et 2011. Les derniers éléments nous sont parvenus fin 2011 ; le rapport final fut présenté au maire en décembre dernier.

Très enthousiasmée à l’idée de partager les conclusions de l’étude et de décider de l’avenir de la vidéosurveillance dans notre ville, mon ambitieux calendrier prévoyant une communication début 2012 fut contrarié, puisqu’il m’a été suggéré de ne pas polluer les campagnes électorales successives. Message reçu 5 sur 5.

“Les élus sont dans la croyance”

Ce retard à l’allumage pose le problème de la validité de ce travail, puisque les partenariats avec la police ont par exemple évolué entre-temps. Pour autant, les 17 000 euros de l’étude n’ont pas servi à rien. La jeune femme veut croire que d’autres municipalités suivront l’exemple d’Amiens :

Nous avons eu le mérite de poser la question, il y a eu un débat intéressant en conseil municipal. Les élus sont dans la croyance, on continue d’en installer partout. Actuellement, on ne peut pas avoir un débat serein sur la prévention de la délinquance et l’effet de la technologie dessus

Une délégation d’élus de gauche et de techniciens de Blois nous a rendu visite pour savoir comment évaluer, faire le cahier des charges.

Nous sommes dans une période de restrictions budgétaires, alors investissons là où ça fonctionne. Les crédits du fonds interministériel de prévention de la délinquance ne vont pas être illimités.

Nouvelles caméras à lyon

Faire des études, oui, mais pas n’importe comment. Un audit indépendant externe, avec une méthodologie scientifique est une condition sine qua non. Le sociologue Laurent Mucchielli, spécialiste des questions de sécurité, a consacré un article à celle d’Amiens, au titre éloquent : “Vidéosurveillance à Amiens : le degré zéro de l’expertise”.

Dans le genre, l’étude de 2009 faite à la demande de l’Intérieur reste un modèle de contre-exemple. Il s’agissait de “mettre à disposition [...] des arguments propres à soutenir  l’adhésion [des élus locaux]“ à la vidéosurveillance, “priorité du ministre”.

Autre écueil souligne Émilie Thérouin : “il ne faut pas instrumentaliser les études pour faire taire les opposants. Et il faut être logique, ne pas lancer une étude tout en annonçant de nouvelles caméras”.  En septembre de l’année dernière, le maire socialiste de Lyon Gérard Collomb, a annoncé une évaluation, et quelques mois plus tard, l’installation de nouvelles caméras était votée. Jean-Louis Touraine, l’adjoint PS à la sécurité, avait justifié :

L’efficacité de la vidéoprotection est largement prouvée, [elle permet] une plus grande rapidité d’intervention des secours et une modération du développement de la délinquance.

Une situation qui illustre le rapport ambigu du PS avec cet outil : prisonnier de son complexe sur la sécurité, ce parti n’a de cesse de démontrer qu’il est aussi responsable que la droite.

La doctrine de Manuel Valls ?

Des vidéosurveillants un peu schizos

Des vidéosurveillants un peu schizos

Un rapport du Comité interministériel de prévention de la délinquance, achevé le 14 avril dernier mais largement ignoré ...

Récemment, Émilie Thérouin a publié dans Le Monde une tribune intitulée “Associons les communes à la politique de sécurité”. “La vidéosurveillance est un tabou à gauche” nous a-t-elle dit, déplorant que les préfets, en dépit du changement de majorité, soient toujours “les VRP de la vidéosurveillance”, et continuent de “faire pression”.

Au jeu des alliances PS-Verts, la vidéosurveillance est dans le domaine de la sécurité ce que le nucléaire est dans le domaine des énergies : un sujet de clash où les étiquettes politiques reprennent des couleurs. En août, Jean-Vincent Placé, sénateur EELV, avait posé une question au ministre de l’Intérieur “sur l’investissement dans la vidéosurveillance et son efficacité”, reprenant les chiffres qu’Owni avait calculés :

Face à ces investissements très coûteux, en pleine période de difficulté budgétaire, nous ne bénéficions que de très peu de détails sur l’atteinte des objectifs et l’impact de ces dispositifs attentatoires aux libertés publiques. [...]

Il lui demande quelle est sa doctrine en matière de vidéosurveillance. Il lui demande également s’il envisage d’intégrer des indicateurs d’efficacité dans les prochains projets annuels de performance (PAP) et s’il compte engager une étude scientifique indépendante sur les apports véritables de la vidéosurveillance en termes de sécurité.


Illustré avec des photos de Takeshi Horinouchi pour Ars Electronica (CC-byncnd)

Dur dur d’expliquer Internet

jeudi 27 septembre 2012 à 15:30

“Il faut secouer le cocotier !” C’est la mission confiée par Jean-Paul Delevoye, le président du Conseil Economique, Social et Environnemental, à la rencontre On vous explique Internet (OVEI), qu’il recevait hier entre ses murs. Chapeauté par la député UMP Laure de la Raudière, l’évènement a réuni une petite centaine de personnes, “internautes” autoproclamés, experts, attachés parlementaires et quelques (rares) élus, invités à papoter autour de grandes problématiques du Net : gouvernance, déploiement du très haut débit et éternelle question de la place du droit sur le réseau. Dans l’espoir d’enfin “assurer le dialogue entre les geeks et les institutions de la République”. Un bon début, même si la République, elle, n’était pas toujours au rendez-vous.

Internet, c’est l’enfer

Seuls trois parlementaires ont ainsi fait le déplacement. Parmi eux, le doyen de l’Assemblée. Des assistants parlementaires, des membres du CSA, de l’Arcep, de l’Hadopi et de la fameuse mission Lescure ont aussi répondu présents. Mais aucun membre du gouvernement. “Internet c’est diffus, ça se retrouve dans tous les domaines d’intervention des élus. Du coup, c’est compliqué de mobiliser les élus”, explique Laure de la Raudière.

Pourtant, tous s’accordent sur la nécessité de ce genre d’initiative. “Internet, ça apparaît comme l’enfer derrière une porte. Mais une fois qu’on l’a ouverte, on ne peut plus s’en passer !”, a lancé Jean-Paul Delevoye, qui appelle à “changer les choses de l’extérieur”. De l’extérieur précisément, Benjamin Bayart, président du FAI associatif FDN et tribun toujours efficace de la cause du Net, s’est directement adressé aux élus en guise de préambule :

Vous ne pouvez pas éviter de prendre des positions idiotes à cause de deux écueils : la peur d’Internet, parce que c’est inconnu, donc ça fait peur, et la technique.

Par analogies concrètes, l’ingénieur télécom a tenté de démontrer l’absurdité de certains réflexes sur Internet :

Demander le filtrage d’Internet, c’est comme exiger l’invention d’un asphalte qui empêche les excès de vitesse. Structurellement. Sauf pour les voitures de flic. Là, on a quand même l’intuition qu’il y a certaines barrières.

C’est sur ce ton pédagogique mais décomplexé que les trois ateliers ont suivi dans des salles au format réduit, pour une meilleure distribution de la parole. Bertrand de La Chapelle de l’Icann (organisation américaine qui attribue les noms de domaine sur Internet), Mathieu Weil de l’Afnic (qui gère les .fr) et Nicolas Arpagian de l’INESJ (Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice), expliquant la tension entre l’ordre normatif vertical des Etats et celui plus horizontal des sites Internet ; Eric Freyssinet (chef de la division de lutte contre la cybercirminalité de la Gendarmerie nationale) et Paul Da Silva (web entrepreneur) animant la réflexion sur l’application de la loi sur Internet ; Antoine Darodes de l’Arcep, Raphaël Maunier (opérateur, co-fondateur de France-IX) et Julien Rabier (opérateur, FDN) évoquant avec élus et usagers le laborieux déploiement de la fibre optique sur le territoire. Témoignages, expériences, doutes, craintes : “il n’y a pas de questions naïves dans OVEI”, a rassuré Laure de la Raudière.

En 2012, Internet n’existe pas

Si les participants semblaient enthousiastes, restent tous ceux qui ne sont pas venus. “C’est un succès nuancé”, concède Gaël Bielecki, co-organisateur, avec Bruno Spiquel, de l’événement :

La mobilisation des élus et des cabinets est toujours très complexe.

Evénement trop modeste ou à l’intérêt limité ? Pour Jean-Paul Delevoye, il y a aujourd’hui un “problème” :

Les politiciens sont des machines de pouvoir. Quand ils s’emparent d’une question, ils la tuent. Ils ne s’intéressent plus à la pertinence de cette question mais au croche-pied qu’ils pourront faire au camp d’en face.

“En 2012, Internet n’existe pas”. C’est la conclusion que nous avions tirée d’une enquête de plusieurs mois sur la place du numérique dans la campagne présidentielle de l’UMP et du PS. Pas assez clivant, le sujet n’est pas un appeau à électeurs. Pourquoi alors l’investir ? C’est à ceux qui comprennent Internet auquel il appartient de bouger les choses, estime Jean-Paul Delevoye :

Comment pouvez-vous nous aider à réveiller les citoyens plutôt qu’à chatouiller les électeurs ?

[visu] En 2012, Internet n’existe pas

[visu] En 2012, Internet n’existe pas

Visualiser en un coup d’œil les propositions des candidats sur le numérique. C'est ce que OWNI vous propose en ...

Laure de la Raudière a souhaité un dialogue ouvert, suivant “un esprit républicain et neutre”, qui tranche avec “ce qui se passe au Parlement”. “Sans lobby aussi”, a-t-elle insisté : “si on veut bien comprendre Internet, il faut le faire sans eux !” Et en effet, aucun intérêt commercial n’était directement représenté dans le panel d’intervenants, même si la fondation Free a financé, avec l’Afnic, une partie de l’évènement.

Il semble néanmoins difficile de réaliser un débat transpartisan. Sur Internet aussi, le jeu politicien reprend ses droits : l’élue UMP fait aussi peut-être les frais d’une simple guéguerre droite-gauche, opposition-majorité, en particulier suite au dépôt de sa proposition de loi sur la neutralité du Net. Interrogé par Owni sur l’absence de Fleur Pellerin, la ministre de l’économie numérique, à l’événement, son cabinet explique qu’elle est en déplacement à Marseille. Difficile en revanche de connaître la raison des défections des autres membres du ministère. Hasard, ou boycott politique. Qu’on espère derrière OVEI pour sa prochaine édition.


Toutes les interventions ont été enregistrées et on fait l’objet d’un compte-rendu, à retrouver sur le site de l’OVEI.

Photos sous licences Creatives Commons par D.Clow (CC-bync) et Pierre Beyssac (CC-by) (merci à lui!), remixées par Ophelia Noor pour Owni