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Un Pompidou virtuel… et verrouillé

mercredi 10 octobre 2012 à 13:18

C’était un événement très attendu dans le champ culturel : le Centre Pompidou a lancé officiellement la semaine dernière son nouveau site internet, baptisé le Centre Pompidou Virtuel (CPV).

La communication institutionnelle qui a accompagné ce lancement a mis en avant les aspects innovants du site, comme l’usage des technologies du web sémantique, le recours aux logiciels libres ou la volonté de s’engager dans une démarche de co-construction avec les usagers, par l’intermédiaire des réseaux sociaux.

Alain Seban, le président du Centre, insiste sur le fait que ce nouveau site s’inscrit dans une logique “d’ouverture” et dans une stratégie d’intégration du “web collaboratif“.

Nous faisons un grand bond en avant en ouvrant à tous les internautes les contenus du Centre. C’est la première fois qu’un musée ouvre ainsi ses contenus sur son site, au lieu de se limiter à fournir des contenus créés spécifiquement pour internet.

Les médias reprennent ce discours, en écrivant que le Centre Pompidou a “ouvert” ses contenus aux internautes. Il est vrai qu’une vaste entreprise de numérisation des collections a été conduite, avec la mise en ligne de plus de 75 000 reproductions d’œuvres désormais accessibles gratuitement sur le CPV.

Mais entre “rendre accessible” et “ouvrir”, il y a une différence de taille. Sans minimiser l’importance des efforts déployés pour diffuser ces contenus (notamment la négociation des droits, car la très grande majorité des collections de Pompidou sont toujours protégées par le droit d’auteur), on peut s’interroger sur la réalité de cette politique d’ouverture.

Des critiques ont d’ailleurs fusé sur les réseaux sociaux après le lancement du site, au point qu’Emmanuelle Bermès, chef du service multimédia du Centre Pompidou, a pris la peine d’écrire un billet sur son blog pour s’expliquer :

Bien sûr ma communauté d’intérêt favorite, informée de l’événement sur Twitter, s’est jetée sur le nouveau joujou à la recherche du RDF… et en est revenue toute dépitée.

La déception peut en effet être forte, notamment lorsqu’on dépasse les communiqués de presse pour se plonger dans les mentions légales du site, qui détaillent les conditions d’utilisation. Il en ressort l’impression une certaine confusion et un décalage avec le discours affiché sur l’ouverture.

Il ne s’agit pas ici de tirer sur une ambulance, ni de mettre en doute les intentions réelles des porteurs de ce projet, mais le Centre Pompidou Virtuel n’en reste pas moins très représentatif des contradictions de la politique culturelle conduite dans ce pays.

L’ouverture n’est pas seulement un argument marketing et s’engager dans une telle politique nécessite de mettre en oeuvre des actions concrètes. En l’état actuel, si l’on respecte le sens des mots, ce site n’est pas ouvert : il est “sous verre” et les objets culturels qu’ils diffusent restent prisonniers sous une épaisse glace numérique et juridique, que l’on peut voir comme un prolongement des vitrines du musée physique. De telles restrictions soulèvent de réelles questions sur la place accordée à la culture numérique par l’institution muséale et sur la manière dont elle entend s’y articuler.

Une curieuse conception de l’Open Source

A la question “En quoi le nouveau centrepompidou.fr est-il ouvert ?“, Emmanuelle Bermès répond dans cette interview en évoquant en premier lieu l’utilisation des logiciels libres :

Le nouveau centrepompidou.fr est résolument ouvert, jusque dans sa conception qui repose entièrement sur des logiciels libres. Cela signifie que le site pourra évoluer tout au long de sa vie, sans autre contrainte technique que celle de s’adapter à l’usage des publics. La liberté de ce mode de développement permet également d’envisager la diffusion des principes techniques de ce site auprès d’autres institutions qui auraient besoin d’une solution équivalente.

Il faut bien entendu se réjouir que le CPV ait fait le choix des logiciels libres, mais un passage par les mentions légales du site laisse un peu dubitatif quant à la mise en oeuvre effective de cette option :

Le Centre Pompidou met à disposition un site internet conçu sous licence libre. L’utilisation des éléments du site internet se fait sous réserve de la licence spécifique à celui-ci, en accord avec le Centre Pompidou et les équipes ayant développé l’élément en question.

Cette formulation est singulièrement maladroite et elle s’avère même contradictoire. On nous dit que le site est “sous licence libre”. Fort bien, mais laquelle ? Il ne suffit pas d’affirmer que l’on est sous licence libre pour que les logiciels deviennent effectivement réutilisables. Encore faut-il indiquer avec précision la (ou les) licences utilisées. Le texte indique qu’il existerait “une licence spécifique [au site]“. Est-ce à dire que le Centre Pompidou a rédigé sa propre licence (ce qui irait à l’encontre des bonnes pratiques en matière de prolifération des licences) ?

Plus loin, on bascule même franchement dans l’étrange, puisqu’on nous dit que l’utilisation des éléments du site, non seulement doit se faire dans le respect de la licence (normal), mais aussi “en accord avec le Centre et les équipes ayant développé l’élément en question“. Plaît-il ? Les logiciels sont “sous licence libre”, mais il faut l’accord du Centre et des équipes pour les réutiliser ? Si une autorisation reste nécessaire, c’est tout simplement que la structure du site… n’est pas sous licence libre, contrairement au discours affiché ! Espérons qu’il ne s’agisse que d’une maladresse de rédaction, mais ces ambiguïtés jettent déjà un premier doute sur la stratégie d’ouverture du site.

Du web sémantique, mais pas de données ouvertes

C’est sans doute sur ce point que la déception est la plus forte. Le Centre Pompidou Virtuel met en avant le fait qu’il utilise les technologies du web sémantique et les possibilités étendues de navigation par mots-clés entre les différents types de contenus l’attestent effectivement. Alain Seban insiste sur le fait qu’il s’agit d’une “révolution technologique” qui va permettre à l’internaute “de naviguer par le sens” au sein des collections.

Tout ceci est excellent, mais il ne s’agit pas pour autant d’une démarche d’ouverture des données, comme l’explique Emmanuelle Bermès sur son blog :

Oui, c’est vrai, le Web sémantique est au cœur de la machine mais on ne le diffuse pas pour l’instant. Comme je l’expliquais à l’IFLA cet été, nous n’avons pas fait du Linked OPEN Data mais du Linked ENTERPRISE Data. C’est-à-dire que nous avons appliqué les technologies du Web sémantique à nos propres données afin de construire notre propre service.

Cela signifie que le Centre Pompidou Virtuel a bien fait passer ses métadonnées sous les formats nécessaires au déploiement des technologies du Web sémantique, mais qu’il ne s’est pas engagé dans une démarche d’Open Data, en permettant la réutilisation de ses données par le biais d’une licence ouverte.

Certes, il est parfaitement vrai que le Linked Data et l’Open Data constituent deux choses différentes. Cependant, qui peut contester que le web sémantique et l’Open Data entretiennent des liens très étroits ? A quoi bon développer des technologies permettant de lier des données si c’est pour maintenir la barrière juridique qui les laisse enfermées dans des silos ? Utiliser en interne le web sémantique pour faire communiquer ses propres jeux de données et développer de nouveaux services, c’est bien, mais permettre à des tiers d’utiliser les données pour les connecter avec des ressources externes, c’est l’objectif final de la démarche, qui ne peut être atteint que par le biais d’une politique d’Open Data. Le web sémantique n’est pas qu’une simple technologie, il s’appuie sur un projet global, au sein duquel l’ouverture tient une place centrale.

Ici, tel n’est pas le cas, même si on nous explique que cette évolution pourrait voir le jour dans une prochaine étape :

La deuxième étape sera de développer des mécanismes permettant à d’autres de réutiliser nos données, et d’y associer la licence ouverte qui va bien. Je l’ai dit plusieurs fois dans des conférences, c’est une suite logique, et cela s’inscrit complètement dans l’ADN du projet qui est par nature ouvert.

Pourtant, il existe déjà des précédents en France d’usage de licence ouverte pour les données dans le champ culturel (l’exemple de la Bibliothèque nationale de France avec data.bnf.fr, placé sous la Licence Ouverte d’Etalab, également employée par la Bibliothèque Nationale et Universitaire de Strasbourg). Ces réalisations montrent que l’ouverture des données culturelles est possible, à condition de le vouloir politiquement.

Les métadonnées (contrairement aux reproductions des œuvres dont il sera question plus loin) constituaient des éléments sur lesquels le Centre Pompidou était détenteur des droits. Il aurait donc pu juridiquement embrasser une politique d’Open Data pour tout ou partie de ses données. Le secteur culturel est très largement en retard en France en ce qui concerne l’Open Data. On aurait pu attendre que le Centre Pompidou Virtuel fasse un pas dans cette direction dès maintenant, pour envoyer un signal fort notamment en direction des musées qui demeurent encore largement à l’écart du mouvement d’ouverture des données.

Exposition d’art très libéré

Exposition d’art très libéré

Les licences libres elles-mêmes productrices d’œuvres, d'images, d'installations artistiques. Qui n'existeraient pas sans ...

Un appel à l’intelligence collective, sans réciprocité…

Cette fermeture concernant les données a des répercussions fortes sur les relations que le site entend nouer avec les internautes. Car  bien que ne permettant pas la réutilisation de ses données, le Centre Pompidou Virtuel fait appel au public, dans l’esprit du web collaboratif, afin qu’il vienne consacrer son temps, ses connaissances et sa bonne volonté pour les enrichir.

L’interface permet en effet à l’usager d’ouvrir un espace personnel pour “contribuer” de différentes manières : en ajoutant des mots clés sur les notices des oeuvres, en proposant des liens entre les différentes ressources du site ou en soumettant des enrichissements éditoriaux. Tous ces contenus produits par les utilisateurs seront remployés, grâce aux technologies sémantiques déployées sur le site, afin d’améliorer la navigation au sein des contenus. Mais les informations résultant de ce travail de “petites mains”, réalisé bénévolement par les internautes, deviendront aussi des données publiques et tomberont sous le coup de l’interdiction de réutilisation maintenues pour l’instant par le Centre Pompidou.

Sur ce point, l’appel lancé à l’intelligence collective ne paraît pas équitable, car il ne comporte pas d’élément de réciprocité. La stratégie de communication parle de co-construction du contenu du site avec les internautes, mais en l’état actuel des choses, cette démarche “collaborative” conduit à une appropriation exclusive des informations par l’institution. On est très loin d’un site comme Wikipédia où la licence libre employée, couvrant à la fois les contenus et les données, garantit que les contributions des individus resteront bien réutilisables et ne pourront pas être “appropriées”.

L’institution met d’ailleurs également en avant un partenariat avec Wikipédia :

[...] ce partenariat permettra aussi bien d’engager une réflexion conjointe sur la co-construction, par l’intermédiaire de l’organisation d’événements tels que des conférences, que de produire des contenus à travers l’animation d’ateliers qui déboucheront à la fois sur l’enrichissement de Wikipédia et sur la création de textes potentiellement réutilisables pour le Centre Pompidou.

La démarche est sans doute intéressante, mais employer la communauté des Wikipédiens pour produire des contenus, les réutiliser et ne pas dans le même temps s’engager a minima dans une politique de réutilisation de ses données, c’est avoir une conception bien déséquilibrée des rapports qu’une institution peut entretenir avec son environnement numérique.

Des œuvres accessibles, mais coupées de l’écosystème du web

Au-delà de ces restrictions sur la réutilisation des données, d’autres formes de limitations importantes pèsent sur les œuvres elles-mêmes diffusées par le site. Mais elles ne peuvent cette fois être imputées au Centre lui-même, car elles découlent du fait que les collections du musée sont dans leur grande majorité encore protégées par des droits d’auteurs.

Pour pouvoir les numériser et les mettre en ligne, le Centre Pompidou a dû négocier des autorisations auprès des titulaires de droits (artistes eux-mêmes, ayants droit, sociétés de gestion collective, type ADAGP ou SAIF). On ne doute pas que sur un tel volume de dizaines de milliers d’œuvres, cette étape ait pu s’avérer complexe et coûteuse, car même pour une diffusion gratuite en ligne, les ayants droit sont fondés à demander une rémunération.

Le problème, c’est que ces autorisations ne concernent que l’accès aux œuvres sur le site et non leur réutilisation, qui reste empêchée au titre du droit d’auteur. Les mentions légales sont à nouveau très claires sur le sujet :

Le Centre Pompidou met à disposition des internautes des contenus numériques, protégés dans leur utilisation par les lois en vigueur. Leur réutilisation par les internautes est soumise à une demande préalable directement auprès des ayants-droits. Faute d’autorisation, toute reproduction ou représentation totale ou partielle, toute utilisation, toute adaptation, toute mise à disposition ou modification de ces éléments est strictement interdite et constitue un délit de contrefaçon au sens du code de la propriété intellectuelle.

Par ailleurs, certains titulaires de droits ont visiblement refusé d’accorder des autorisations de mise en ligne des œuvres, ce qui conduit le Centre Pompidou Virtuel à proposer des notices vides. C’est le cas pour des artistes importants, comme Henri Matisse :

Imaginerait-on un musée qui présenterait aux visiteurs des cadres vides dans ses salless ? C’est pourtant ce qui se passe pour le Centre Pompidou Virtuel. On notera en revanche dans le cas de Matisse que les mêmes ayants droit qui refusent la mise en ligne gratuite par le Musée acceptent par contre que cette notice vide contienne un lien vers des produits dérivés à acheter dans la Boutique…

Mais même quand le CPV a obtenu une autorisation de diffusion, des restrictions importantes continuent à s’appliquer . On peut relever par exemple que le clic droit est désactivé sur toutes les images diffusées par le site (alors qu’il permettrait d’effectuer des actes de copie privée des contenus, parfaitement légaux). Il n’est pas possible non plus d’effectuer d’embed (intégration) à partir des vidéos figurant sur le site.

Plus caricatural encore, bien qu’une fonctionnalité de partage soit intégrée sur toutes les pages présentant des œuvres, voilà ce qui se passe concrètement lorsque l’on essaie de partager sur Facebook une œuvre du Centre Pompidou Virtuel :

On n’exporte que le titre, un lien en retour vers le site et… un gros logo de l’institution ! Bon courage pour développer une réelle politique de médiation numérique en direction des réseaux sociaux avec des contenus verrouillés de la sorte…

Ces restrictions découlent certainement d’exigences imposées par les titulaires de droits et non d’une volonté de l’établissement de figer les contenus sur le site. Mais elles aboutissent à dresser une barrière entre le Centre Pompidou Virtuel et l’écosystème global du web dans lequel il pourrait s’insérer. Elles isolent aussi les œuvres des pratiques numériques créatives qui sont devenues monnaie courante.

Face à une telle situation, on mesure l’urgence de faire évoluer les exceptions au droit d’auteur en faveur des institutions culturelles comme les musées, afin qu’elles puissent réellement devenir des médiateurs de la culture dans l’environnement numérique. Par ailleurs, l’introduction d’une exception pour le remix, voire d’une légalisation du partage non-marchand, permettraient aussi aux internautes de réutiliser de tels contenus mis en ligne, plutôt que d’être cantonnés dans le rôle de spectateurs passifs.

Incidences fortes du modèle économique sur l’ouverture

Mais les œuvres protégées issues des collections ne forment qu’une partie des contenus figurant sur le site du Centre Pompidou Virtuel. L’établissement propose également des éléments  produits par ses services et apportant une valeur ajoutée indéniable pour les internautes, comme le précise encore Emmanuelle Bermès :

En tant que centre de ressources, le site internet proposera un accès aux œuvres de la collection du Centre Pompidou, aux archives de l’établissement, aux captations audiovisuelles de conférences, à des interviews d’artistes et de commissaires d’exposition, des affiches, bandes-annonces, dossiers de presse et dossiers pédagogiques

Sur ces éléments, le Centre Pompidou dispose d’une bonne partie des droits et aurait pu être en mesure de négocier afin de permettre la réutilisation, notamment en les faisant passer sous des licences de libre diffusion, comme les Creative Commons.

Pourtant,  des raisons juridiques sont invoquées pour expliquer que les contenus les plus élaborés produits par le Centre ne pourront être diffusés gratuitement :

Pour des raisons également juridiques, lors de son lancement, le nouveau centrepompidou.fr diffusera les contenus bruts (reproduction des œuvres de la collection si accord des ayant droits, notices, captations de conférences…) mais ne pourra pas offrir gratuitement les contenus spécifiquement produits et éditorialisés tels qu’un parcours audioguide ou le catalogue d’une exposition.

Par ailleurs, pour être en mesure de rembourser une partie des sommes nécessaires à l’élaboration du site (12 millions d’euros), le Centre Pompidou Virtuel va devoir conduire une politique de commercialisation de contenus, comme des applications mobiles ou des livres numériques.

On comprend que dans le contexte budgétaire actuel, la question des ressources propres puisse être épineuse, mais quelle place un établissement culturel comme le Centre Pompidou peut-il faire à une ouverture réelle de ses données et de ses contenus,  en étant soumis à ce type d’impératifs financiers ?

Des données culturelles à diffuser

Des données culturelles à diffuser

La libération des données est loin d'être complètement acquise en France. Si le portail Etalab est une première étape, ...

Une violence symbolique envers la culture numérique ?

Les contradictions dans lesquelles se trouve placé le Centre Pompidou Virtuel sont représentatives des ambiguïtés de la politique culturelle actuelle. La diffusion de la culture française en ligne se heurte à une conception rigide et inadaptée de la propriété intellectuelle. La pression exercée sur l’auto-financement des établissements les éloigne également de la mise en place d’une réelle politique d’ouverture, en dépit du discours affiché. Le plus contestable est la manière dont le Centre a récupéré la rhétorique de l’ouverture a des fins de communication, pour faire de l’Institutional Branding, alors que la réalité est différente. Il faut qu’une porte soit ouverte ou fermée, dit-on, il faut aussi qu’une donnée soit ouverte ou fermée !

Les musées ont parfois été accusés d’être des lieux où s’exerçait une forme de violence symbolique. En l’état, on peut considérer que le Centre Pompidou Virtuel véhicule une telle violence symbolique envers ce qui est le propre de la culture numérique. Le site place l’utilisateur dans une position de passivité vis-à-vis des œuvres, découlant des contraintes juridiques et techniques imposées par la plateforme. La même passivité se retrouve vis-à-vis des données, que l’utilisateur ne peut réutiliser, quand bien même il est sollicité pour les enrichir par crowdsourcing.

Le propre de la culture numérique est de mettre en capacité les individus de réutiliser de manière créative les contenus culturels, pour devenir acteur à part entière de la culture. En laissant ainsi les données et les œuvres “sous verre”, le Centre Pompidou Virtuel manque clairement l’objectif affiché de s’inscrire dans les pratiques contemporaines, qui ne peuvent se satisfaire de la seule logique de l’accès.

Mais les choses peuvent évoluer. Le groupe Open GLAM a publié en septembre dernier un rapport comportant une série de recommandations en faveur de l’ouverture des données et des contenus culturels. Il est urgent que ces revendications soient écoutées, si l’on veut dépasser la situation de blocage actuelle.


Photo CC by-nd Hans Splinter

Collégien suréquipé édition limitée

mercredi 10 octobre 2012 à 08:30

Le Conseil général du Val-de-Marne a chouchouté ses élèves de sixième cette année en leur offrant à leur entrée au collège un ordinateur portable. Un netbook d’un peu plus d’un kilo pour les accompagner tout au long de leur scolarité de collégien. Et peu importe qu’ils en possèdent déjà un. Dans le texte, l’intention est au premier abord plutôt sensée :

Une action destinée à favoriser le développement des usages des Technologies de l’information, de la communication et de l’éducation. En quatre ans, les 50 000 collégiens du Val-de-Marne seront ainsi tous équipés !

Liberté, égalité, tous connectés : louable certes.

Avec l’intention de “favoriser l’autonomie, l’émancipation et la liberté d’information des élèves”, ce partenariat avec l’Éducation nationale pèse avant tout la bagatelle de 25 millions d’euros sur quatre ans de dispositif. En plus des 13 millions d’euros déjà budgétés dans le cadre de l’équipement informatique des collèges. L’objet (1,3 kilo) possède une session élève et une session parent, une clef USB et un système antivol qui rend l’ordinateur inutilisable dès qu’il est déclaré volé. Pour accompagner les parents, une hotline au “prix d’un appel local”. Le véritable kit pour pousser les parents à mettre le nez dans l’Internet et les nouvelles technologies. Quant aux enseignants, équipés eux aussi, ils pourront – en théorie – recevoir une formation dispensée par l’Education nationale.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

La vidéo de présentation d’Ordival – le petit nom du programme d’offre de ces ordinateurs – à destination des enfants le dit clairement : 205 tableaux numériques installés dans les collèges du département, toutes les classes de tous les collèges reliés à Internet d’ici fin 2013, 40 logiciels installés sur chaque ordinateur, un contrôle parental et une protection antivol sur toutes les “machines”. Et à destination des parents et de la presse, le discours est le même, petit moment M6 Boutique en bonus en début de vidéo. Sur les 13 300, Patrick Hervy, l’un des responsables du programme au Conseil général précise que “6 à 7 000 ordinateurs ont été pour le moment distribués. D’une valeur de 340 euros pour les collégiens et 540 pour les enseignants.”

Mais en ont-ils vraiment TOUS besoin ?

Pour Patrick Hervy, l’équipement de tous les collégiens, indépendamment de leurs conditions sociales était indispensable :

Nous souhaitons niveler du bas vers le haut. Les mêmes équipements pour tout le monde. Si l’on prend l’exemple de Saint-Maur [commune aisée du département, ndlr], les familles sont peut-être déjà équipées mais l’ordinateur n’est pas nécessairement destiné à être un outil de travail. Ils contiennent en outre une médiathèque qui n’est pas installable sur un ordinateur lambda. C’est un principe d’égalité d’école républicaine qui prévaut.

Peu importe que l’enfant en possède déjà un et que la famille soit assez aisée. L’essentiel étant qu’il puisse l’emmener au collège si et quand le prof le demande. “Aucun établissement n’a décidé de faire en sorte qu’il y ait 30 gamins devant leur ordi 8 heures par jour !” explique Patrick Hervy.

M. François, adjoint du principal du collège de Valenton est enthousiaste :

La distribution a eu lieu ce samedi et la réception a été plutôt bonne. Les professeurs vont travailler avec les élèves sur ordinateur et ça va améliorer la pédagogie. On leur a dit qu’ils avaient de la chance d’en avoir un chacun.

Le collège – classé en ZEP – étant expérimental possède déjà des tableaux numériques interactifs dans chaque salle de classe.

Moins d’enthousiasme dans un autre collège du département. Une principale, qui a préféré rester anonyme explique que l’initiative du Conseil général est très bonne mais qu’elle implique beaucoup de choses. “C’est un gros budget, mais la technologie pourra être très vite dépassée. En cas de pépin, perte ou vol c’est le collège qui va gérer.”, explique-t-elle.

La question de la distribution à tous se pose aussi pour la principale :

Est-ce que ça se justifie ?

Questions techniques et questions de pratiques

Côté technique, l’Ordival est sous Windows 7 avec la possibilité d’acheter les licences des logiciels propriétaires. Mais sont installés des logiciels libres pour les outils de base. À la question de l’autonomie, Patrick Hervy répond que “les ordinateurs ne sont pas fait pour rester allumés pendant 8 heures de cours et que la batterie [neuve] a une autonomie de 7 heures”. Visiblement, nul besoin d’équiper les classes en multiprises. La première année en tout cas.

À un parent qui a posé la question lors d’une distribution dans un collège, l’un des techniciens présent a répondu que “s’il était chargé tout le temps sur secteur, il ne tiendra[it] pas un an”. Difficile de mesurer de quelle façon les collégiens s’en serviront, d’autant que “l’astuce technique” n’est précisée nulle part. À nouveau matériel, nouvel usage technique à acquérir.

La principale d’un collège d’une commune aisée précise :

Les enseignants sont plus ou moins réticent déjà. Ensuite, nous n’avons pas de prises dans les salles, [pas assez pour brancher plus de deux ordinateurs, ndlr], comment faire quand certains auront oublié de charger leur ordinateur la veille ? Même question s’ils oublient leur ordinateur tout court ?

Pour cette principale, la réussite de l’opération va aussi passer par “la motivation des enseignants”. Que répondre à un professeur qui lui explique “qu’il préfère sa plume et son papier, même si on est pas au XIXème siècle” ?

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Et ailleurs ?

L’initiative n’est pas nouvelle mais elle est la plus coûteuse – pour des raisons de déploiement et de proportion notamment. En septembre 2010, le Conseil général des Hauts de Seine avait pourvu chacun de ses collèges de deux iPad. Montant de l’opération : 133 collèges avec 2 iPad = 185 000 euros pour l’un des départements les plus riches de France.

Dans les colonnes de Libération à l’époque, Antoine Tresgots, délégué national du syndicat des enseignants de l’Unsa déclarait :

Quand la collectivité décide de balancer du matériel sans aucun lien avec les demandes des enseignants, ça n’a aucun sens. C’est une magnifique opération de communication.

Même type d’opération mais de plus grande envergure cette fois – de l’ordre de celle du Val-de-Marne, collectivité territoriale différente -, la distribution d’ordinateurs portables par la région Languedoc-Roussillon à ses 32 000 élèves de seconde à la rentrée 2011. Budget alloué : 15 millions d’euros sur trois ans. Le programme LoRdi a récemment été au centre d’une polémique au sein de la région puisque 12 ordinateurs avaient été retrouvés en vente sur “Le Bon Coin” et autres sites de vente d’occasion en ligne.

Motifs invoqués par les lycéens vendeurs ? Besoin d’argent et inutilité de l’objet. Un adolescent interrogé par le Midi Libre explique surtout que :

On ne peut quasiment pas s’en servir au lycée et il y a même certains profs qui y sont allergiques. Enfin, la plupart d’entre nous en avaient déjà un avant, bien meilleur.

Tandis qu’une autre lycéenne (vendeuse) précise que l’ordinateur leur a été distribué “sans [leur] demander [leur] avis, sans explication, comme on [leur] sert des frites à la cantine :

À aucun moment un prof nous a demandé de l’utiliser. Je ne vois pas pourquoi je ne le vendrais pas. Il m’encombre.


Photo par Kalexanderson [CC-by-nc-sa] remix O.Noor pour Owni

Les data en forme

mardi 9 octobre 2012 à 17:28

Data vedette

Rennes, ou un nouvel acteur du territoire plongeant dans le grand bain de la visualisation de données grand public. Les responsables de Rennes Métropole ont eu la bonne idée de se pencher sur celles et ceux qui peuplent leurs communes. Non pas qu’ils ne le fassent déjà depuis de nombreuses années mais, cette fois-ci, ils ont ouvert leurs outils de réflexion, à savoir les données, aux habitants eux-mêmes.

Grâce au travail de Dataveyes, société spécialisée dans la visualisation de données, tout le monde, rennais ou non, peut aujourd’hui visualiser la répartition des différentes couches de la population sur cette partie du territoire breton via la web-application : “Qui sommes-nous ?”

L’interface vous permet de définir votre profil (âge et sexe), vous pouvez ensuite facilement parcourir les données sur chaque commune en filtrant notamment par activité, profession et/ou état civil. Sans oublier le clic sur une commune qui vous permet d’afficher les data dans le détail.

Tous ces chiffres sont issus du recensement effectué par l’Insee en 2009 et son mises en scène grâce à la désormais célèbre librairie D3.js. Reste à étendre la pratique à l’ensemble du territoire et nous aurons un joli data-joujou.


Mise en veille


 

Titre : Juncker, 30 ans d’engagement politique
Source : wort.lu
Auteur(s) : Raphaël da Silva et Dominique Nauroy
Technique : infographie interactive codée avec les doigts
Note : Pas évident de penser une interface efficace pour visualiser 30 ans de vie politique, c’est pourtant le challenge qu’a relevé la rédaction du quotidien luxembourgeois Wort.lu grâce aux journalistes-codeurs Raphaël da Silva et Dominique Nauroy. L’objectif était de donner à voir, en un coup d’oeil, la carrière politique de Jean-Claude Juncker, actuel premier ministre du Luxembourg. Au final : 500 photos et autant de clics possibles qui permettent de suivre les jalons de cet homme sur ses 30 années.



 

Titre : Britain’s Royal Navy in the First World War (La Royal Navy au coeur de la première guerre mondiale)
Source : Guardian
Auteur(s) : Simon Tokumine
Technique : cartographie animée, CartoDB
Note : Mise en avant sur le site du Guardian, cette infographie animée présente des données pharaoniques crowdsourcées par la communauté Old Weather : la localisation de chaque navire de la flotte de la Royal Navy au cours de la première guerre mondiale. Le résultat est donc bien sûr une cartographie des mouvements de ces vaisseaux sur les océans du globe. Seul bémol : une fois l’animation lancée, aucun bouton “pause” ni même “stop” n’est disponible pour agir sur la visualisation.



 

Titre : Is Barack Obama the President ? (Barack Obama est-il le Président ?)
Source : Visual.ly
Auteur(s) : Guardian et Real Clear Politics
Technique : infographie interactive
Note : Les visualisations liées au futur scrutin outre-atlantique sont bien évidemment pléthores depuis quelques semaines et pour encore quelques unes d’ici au 6 novembre. Le Guardian et Real Clear Politics proposent ici une approche graphique ludique, en mode ballons-fête-foraine (coucou la politique spectacle), pour visualiser les derniers sondages état par état. Ça change des cartes et ça fait le job, merci à eux.



 

Titre : La peine de mort dans le monde
Source / Auteur(s) : France Diplomatie
Technique : cartographie interactive
Note : Une fois n’est pas coutume, la diplomatie française a développé sur son site une carte permettant de visualiser les pays appliquant ou non la peine de mort dans le monde. Certes, on pourrait rêver une approche graphique un peu plus travaillée mais l’objectif est atteint : les données sont intéressantes et lisibles d’autant qu’elles sont recoupées avec les résultats du vote de la résolution “Moratoire sur l’application de la peine de mort” qui a eu lieu lors de la 65ème Assemblée générale des Nations unies en 2010).



 

Titre : Géoportail
Source : Quoi.info
Auteur(s) : Insee
Technique : cartographie
Note : Géoportail n’est bien évidemment un service nouveau mais depuis une semaine c’est le portail carto de l’Insee offre de nouveau services. Grâce à la bonne veille de l’amie Marie Coussin, on découvre ainsi que le site s’est notamment doté d’un nouveau moteur de cartographie proposant tout pleins de sympathiques fonctionnalités : affichages des cadastres, des PLU (Plan Local d’Urbanisme), des vieilles cartes de Cassini entre autres. On y découvre aussi cette astuce bien utile : les cartes sont superposables et l’on peut jouer sur l’opacité de chacune d’elle séparément, de quoi faire des visualisations comparatives en peu de temps. D’autant que les fonctions de partage ont elles aussi été améliorées, mais attention les conditions de réutilisation sont loin de la licence Creative Commons.



 

Titre : The Beatles : Song keys (Beatles : les tonalités de leurs morceaux)
Source : ChartingTheBeatles.com
Auteur(s) : Michael Deal
Technique : infographie
Note : Les Beatles, sans doute l’un des groupes le plus datavisé de tous les temps. En attendant la visualisation des visualisations, voici une nouvelle visualisation sur les scarabées d’outre-Manche. Les données présentées ici sont l’ADN musical du groupe : les tonalités principales de chaque morceau de leur 13 principaux albums. Où l’on apprend donc que les Beatles étaient un groupe principalement “Majeur” notamment en sol, la et mi.


BONUS : Data que l’on touche

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Titre : emoto – Installation
Source : Nand.io
Auteur(s) : Nand.io, Moritz Stephaner, Drew Hemment
Technique : tout pleins de matériaux tous plus physiques les uns que les autres.
Note : Durant l’été, au temps de feu les Jeux Olympiques de Londres 2012, nous avions déjà été émus par les données présentées sur la plateforme Emoto et surtout par leur mise en scène. La fine équipe qui s’est attelée à ce projet en a fait une installation physique interactive présentée lors de l’exposition WEPLAY. Au cœur de cette installation deux objets : une sculpture en mousse de polyuréthanne répartie en 17 modules visualisant les quelques 12.5 millions de tweets collectés et documentés au cours des J.O. Une data-sculpture sur lesquelles sont projetées des informations contrôlables par le visiteur qui souhaite fouiller les données en profondeur. Second objet : un sentigraph (graph de sentiments) de 9,5 mètres de long présentant d’une façon différente ces mêmes données.


Tous les épisodes précédents des Data en forme.
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Et PAF YouTube !

mardi 9 octobre 2012 à 16:18

Dur dur d’être une chaîne de télé en France. Outre la course au renouvellement (et à la sainte audience) perpétuelle, voilà le PAF qui se fait méchamment boulotter par des outsiders. Hier, c’était double lame : premiers pas de D8, feu Direct 8, doté d’un gros budget de 120 millions d’euros annuels, mais aussi lancement, plus discret et sans Roselyne Bachelot certes, de 13 chaînes thématiques françaises sur YouTube. Doctissimo, le groupe AuFeminin (dont le site Marmiton) ou encore l’agence Capa : beaucoup d’acteurs du web mais aussi quelques producteurs de contenus qui s’improvisent chaînes de télévision. Mais sur Internet.

A l’heure où les Cassandre, Pierre Lescure et ministre de la Culture en tête, redoutent une arrivée dévastatrice d’écrans connectés pourtant bien présents dans nos salons depuis le début du Net, ne serait-ce pas plutôt l’arrivée des e-trublions sur le territoire de la télé à papa qui incarne cette “télé connectée” qui fait trembler politiques, institutions et antennes ?

Pas un big deal

“YouTube nous permet de faire quelque chose qu’on attend depuis longtemps”, explique Claire Leproust, chargée des développements numériques chez Capa. Le lancement sur le web de programmes via des acteurs du web. Pour le moment, ce n’est pas un big deal qui va nous rapporter grand chose, mais plus un pari sur l’avenir.” TF1, M6 et compagnie n’ont donc selon elle aucun souci à se faire :

C’est une toute petite chaîne ! On n’est pas D8 !

Programmes courts, décalés, sans direct et gratuits, Capa, comme les autres acteurs qui ont suivi YouTube dans l’aventure, ne cherchent pas à se muter en antenne traditionnelle, en reproduisant les formats vus sur le PAF. Mais ne visent pas moins une qualité et un façon de travailler certifiée “comme à la télé”.

“On a la volonté d’apprendre ce qu’est la production vidéo, explique Valérie Brouchoud, présidente de Doctissimo, l’un des plus gros acteurs du web français. On essaie d’obtenir une qualité télé, vous verrez. Je suis très contente de ce qu’on a fait !” Bye-bye passion mohair et autres exotismes du genre qui ont fait le succès du site Doctissimo et de ses incontournables forums ?

Forcément, le ton web et le ton télé ne sont pas les mêmes. On fera quelque chose à mi-chemin, en essayant de garder une proximité très forte avec les internautes, en les recevant dans nos émissions. Après, sur les forums, c’est de la libre expression… Ici, on drivera les émissions…

Sans un regard de Google, ajoute par ailleurs la présidente de Doctissimo : “on reste complètement indépendant sur l’ensemble de nos programmes !” Des programmes répartis entre magazines santé, grossesse, du coaching mais aussi de la fiction, et accessibles dès le 15 octobre prochain. Ils seront produits en interne et au sein de deux boîtes de production.

Un modèle également suivi par Capa, dont l’activité historique est précisément… la réalisation et la production de séries et de magazines pour le compte de chaînes de télévision au sens classique du terme. La société de production devient donc à son tour éditeur de programmes. Ce qui fait rire Claire Leproust :

Oui, on se glisse dans la peau d’une chaîne !

Début de l’histoire

Pour autant, hors de question pour Capa d’abandonner son cœur de métier : l’extension sur le Net ne vient pas rivaliser avec la relation entretenue depuis des années avec les antennes. “On se dit que ce n’est pas demain la veille que l’édition d’une chaîne YouTube sera le Graal, poursuit Claire Leproust. On s’y met parce qu’il faut voir qu’une audience est en train de se constituer sur Internet, avec un comportement qui n’a rien à voir avec celui de l’audiovisuel.” Même son de cloche chez Doctissimo :

J’adorerais devenir une chaîne de télé, mais il est trop tôt pour le dire ! On n’en est pas là. On en est au tout début de l’histoire.

Mais de l’histoire de quoi précisément ? Si les acteurs du web se défendent pour l’instant de vouloir concurrencer le PAF historique, leur démarche s’inscrit bien dans un renouvellement de ce paysage. Chez Doctissimo, sa présidente explique “négocier avec certains acteurs comme Orange pour être présent dans leur box.” Ainsi qu’avec des “équipementiers”. Comprenez par là, “Philips ou LG, afin d’être dans leurs téléviseurs”.

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La stratégie de ces nouveaux diffuseurs semble s’inscrire dans l’émergence tant redoutée de la télévision connectée. Ce que reconnaît d’ailleurs Valérie Brouchoud, qui affirme qu’elle “ne voulait pas avoir un train de retard” dans ce domaine. L’enjeu de ce cataclysme audiovisuel annoncé serait donc moins dans la commercialisation et l’adoption d’écran de TV branché au réseau, qui comme l’explique très bien notre chroniqueur Laurent Chemla, trône dans nos salons depuis un bail, mais bien plus l’adoption des acteurs du web et de leurs contenus dans nos écrans. Téléviseurs stricto sensu, poste d’ordinateur, téléphone, tablette entre autres spécimens du bestiaire consacré.

Côté YouTube, on se garde bien aussi d’évoquer une compétition directe avec les antennes françaises. “C’est plus une démarche complémentaire que concurrentielle”, confiait ce matin Christophe Muller, directeur des partenariats YouTube Europe du Sud, de l’Est et Moyen-Orient à Owni. “Ces nouvelles chaînes sont des chaînes thématiques telles qu’il en existe déjà beaucoup sur YouTube. Il n’y a pas de programmes linéaires ou live…” Une grille et du direct, des caractéristiques spécifiques aux chaînes du PAF.

Difficile néanmoins de savoir ce que ces dernières en pensent. Contacté à plusieurs reprises, M6 a précisé ne pas souhaiter s’exprimer sur la question. Et du côté de TF1, on reste tout aussi mutique. Google assure quant à lui discuter avec toutes les chaînes. Même si “le marché français est peut-être plus difficile que les autres”, concède Christophe Muller.

Exception culturelle Googlienne

Ce qui est sûr c’est que la plate-forme vidéo du géant américain passe la vitesse supérieure. Certes, comme le rappelle son représentant, cela fait un bail que YouTube permet à ses utilisateurs la création d’espaces thématiques. “Nous avions déjà un embryon de chaîne sur YouTube”, rappelle d’ailleurs la présidente de Doctissimo. Des chaînes telles que BFM TV ou Direct 8 travaillent également déjà avec YouTube, précise de son côté Christophe Muller, qui concède néanmoins : “pas toutes, certes…”

Ce qui change aujourd’hui, c’est la volonté du géant de Mountain View de contribuer à la création. YouTube participe en effet au financement des chaînes en leur offrant une avance sur les recettes publicitaires. On avance une fourchette comprise en 10 000 et 100 000 euros par chaîne. Impossible néanmoins de connaître le détail des versements, qui fait partie des clauses du contrat : Capa et Doctissimo n’ont pas voulu en dire plus, même si ce dernier confirme se situer quelque part dans cet intervalle. Une fois l’avance remboursée, ces mêmes gains seront distribués entre YouTube et les chaînes, selon le système de répartition mis en place à l’internationale par la plate-forme.

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Un système qui n’est pas sans rappeler celui, historique, du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) : l’avance sur recettes, remboursée par les résultats d’exploitation des films soutenus par le Centre. “Vous n’êtes pas la première à me le dire, sourit Christophe Muller. Après, pour être parfaitement honnête avec vous, cette initiative est partie des États-Unis, donc il est difficile de dire que c’est une copie du système du CNC. Tout est parti d’une question : ‘Que peut-on faire, en tant que YouTube, pour stimuler la création ?’”

Une volonté qui vaut pour le monde entier. Lancée il y a près d’un an aux États-Unis, la création de chaînes sur YouTube touche aujourd’hui l’Allemagne, la Grande-Bretagne et la France. Et ce n’est pas fini : “nous voulons nous étendre à d’autres pays en 2013″, confirme Christophe Muller. Après la France, voici venue l’ère de l’exception culturelle Googlienne.


Photo par XRayDeltaone (CC-BY-SA)

Nouvelle pirouette sur l’Internet iranien

mardi 9 octobre 2012 à 10:13

La République islamique n’en finit pas de bloquer Internet, de rétropédaler, pour finalement trouver de nouveaux moyens pour limiter toujours plus la pénétration d’informations en Iran. Depuis le 4 octobre, le gouvernement d’Ahmadinejad a trouvé une nouvelle lubie : le son et la vidéo. Les fichiers sons (mp3 uniquement), vidéos (mp4, avi) et au format flash (swf) ne sont plus consultables en Iran, même s’ils sont hébergés à l’extérieur du pays.

L’Internet (verrouillé) made in Iran

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Les autorités iraniennes avancent et rétropédalent depuis des mois sur leur projet d'Intranet géant. Hier, le ministre de ...

Cette ligne Maginot est une nouvelle étape de la drôle de guerre de Téhéran pour le contrôle d’Internet. Il y a deux semaines, le ministre délégué aux Communications, Reza Taghipour, annonçait tout feu tout flamme la coupure prochaine de Gmail, le service de messagerie de Google, ainsi que la version sécurisée du moteur de recherche.

Officiellement, les autorités voulaient couper l’accès au film “L’innocence des musulmans”, diffusé sur YouTube. Ou du moins surfer sur cette vague. En creux, l’objectif était plus de diminuer encore les possibilités d’échanger avec l’extérieur. Patatra. Devant la grogne de certaines personnalités politiques, Gmail a été débloqué à peine une semaine après.

Pirouette

De la même façon qu’au printemps lorsque le protocole https, utilisé pour les connexions sécurisées (donc les emails), a été bloqué, le gouvernement est vite revenu en arrière. Le secteur bancaire notamment n’avait pas du tout apprécié d’être ainsi entravé dans sa communication vers l’extérieur. Cette fois-ci, l’insigne honneur d’exécuter la pirouette est revenu au porte-parole du pouvoir judiciaire. Dans le journal iranien Mellat Ma, Gholamhossein Ejeï a déclaré le 2 octobre :

Comme une partie du film anti-Islam avait été diffusé sur le site YouTube et que ce site avait été acheté par Google, en filtrant YouTube il y a eu des perturbations techniques dans l’usage de Google et Gmail.

Circulez, rien n’est censuré. Sauf YouTube, toujours inaccessible. Et même Internet dans son ensemble pour les administrations. Reza Taghipour, aujourd’hui plus ministre du minitel que des Communications, avait aussi annoncé l’ouverture d’un intranet géant pour les institutions.

Contre Stuxnet et la rue

Les menaces redoutées par le régime ont deux noms : cyberattaques et manifestations. Depuis la révolte de juin 2009 après la réélection contestée de Mahmoud Ahmadinejad, Téhéran limite au maximum la circulation de l’information. Par peur qu’un nouveau mouvement naisse sur les réseaux. Ces jours derniers, l’effondrement de la monnaie nationale a provoqué des protestations, jusqu’au bazar de Téhéran, l’un des poumons économiques de la capitale.

Une récente étude (PDF) sur la consommation des médias en Iran, menée dans quatre grandes villes iraniennes, laisse penser que le phénomène a été largement surestimé ou a depuis périclité. Les résultats du sondage, réalisé par l’université de Pennsylvanie, montre que 96% des sondés utilisent d’abord la télévision pour s’informer. Internet n’arrive qu’en quatrième position. Certes, les jeunes (surtout les 18-28 ans) ont plus recours à Internet que leurs aînés, mais le classement n’est pas bouleversé.

C’est en tout cas suffisant pour Téhéran qui n’en finit pas de cadenasser Internet. Par peur aussi de subir de nouvelles cyberattaques. Lundi, un officiel de l’Iranian Offshore Oil Company a affirmé que les systèmes de communications de plusieurs plateformes pétrolières étaient attaqués ces dernières semaines.


Photo par Khalid Albaï [CC-by] via flickr