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[Infographie] 10 ans de Creative Commons

vendredi 14 décembre 2012 à 18:30

Des early adopters aux géants du web, Owni vous retrace en une infographie 10 ans d’histoire de Creative Commons : ou comment un pari que d’aucuns jugeait pascalien a été remporté haut la main : proposer une alternative légale assouplissant la propriété intellectuelle pour favoriser le partage à l’heure du numérique.

Depuis la publication du premier set de licences en décembre 2002, cette généreuse et utile idée a fait son chemin sur les cinq continents, dépassant son cœur initial de cible, la culture, pour s’appliquer à d’autres domaines comme la science ou l’éducation.

Des dix années d’archives que nous avons parcourues, nous avons bien sûr retenu les étapes incontournables qui ont eu une large répercussion médiatique. Elles témoignent de l’évolution interne de l’organisation lancée par le juriste Lawrence Lessig mais aussi de sa réception et de la façon dont le public, qu’il s’agisse du milieu artistique, politique, médiatique, scientifique, etc, s’est emparé de l’outil. Pour en arriver là : plus de 100 affiliations travaillant dans plus de 70 juridictions.et 500 millions de contenus sous CC en 2011.


Cliquez sur les items pour avoir plus d’informations.


Design de l’infographie : Cédric Audinot et Loguy
Code : Julien Kirch
OWNI fêtera les dix ans de partage avec les Creative Commons à la Gaîté Lyrique ce samedi 15 décembre à partir de 14h.

Charte de confidentialité : des icônes pour informer

vendredi 14 décembre 2012 à 15:15

Lorsque vous téléchargez un logiciel sur votre ordinateur, une image, une typographie, de la musique, etc. vous vous retrouvez souvent nez à nez avec les fameux textes de “politique de confidentialité”. Je ne sais pas qui prend le temps de lire tout ceci mais les clauses de confidentialité sont en général bien complexes et écrites en corps 9 et en gris sur fond blanc.

Nous avons donc tendance à cliquer sur “oui j’accepte” sans avoir lu. Problème donc. Mais la longueur du texte, la présentation graphique et la complexité des conditions d’utilisations et des politiques de confidentialité n’est pas une excuse à notre laxisme et à notre laisser-aller. Ainsi, des designers, des citoyens et des experts en droit se préoccupent aujourd’hui de poser des questions autour de l’accessibilité de ces politiques de confidentialité et de trouver des réponses simples, adéquates, rapides et visuelles.

Des icônes

Parmi ces idées, voici les icônes du projet réalisé avec Mozilla, Ocupop et “Disconnect”.

Ces icônes ont été développées en partenariat avec un groupe de travail dirigé par Mozilla. L’idée ? Les icônes, c’est un travail en cours que vous pouvez améliorer, modifier et utiliser sur votre site. Cette iconographie de la vie privée en ligne est donc soutenue par une collection d’emblèmes destinés à informer les utilisateurs.

Informer / rassurer / partager

Les questions de confidentialité et de protection des données personnelles sur Internet étant très vastes, c’est un sujet qui continue de croître. Comment ces icônes peuvent rester accessibles, simples et limitées en nombre ? Evidemment, elles ne doivent pas être un jugement de valeur sur le site concerné mais une information supplémentaire. Difficile à faire passer mais si la simplicité de ces icônes est à la mesure de leur limpidité, l’internaute devrait pouvoir s’y retrouver.

Signification

Pour préserver cette simplicité, des flèches, des cercles et des pictogrammes ont été utilisés. La couleur joue elle aussi un rôle important. Pour finir, toutes les icônes prennent la forme d’un document, signifiant ainsi leur relation avec les données de l’utilisateur dans un sens plus large. Leur emplacement sera situé dans la barre d’adresse du navigateur en 16 pixels par 16 pixels.

Voici de quoi réviser vos fondamentaux :

Une image ne résoudra jamais les soucis d’exploitation des données et de confidentialité mais elle pourra être un excellent indicateur de la politique d’un site Internet et alors sensibiliser le grand public à ces questions. Ces icônes, vous les retrouverez peut-être à l’avenir sur de grands sites comme c’est déjà le cas sur cette liste dans laquelle on retrouve par exemple 01Net, Alexa, Paypal ou encore les différents services de Google.

Pour en savoir plus

Les Creative Commons hackent le droit d’auteur !

vendredi 14 décembre 2012 à 14:00

Les licences Creative Commons vont  bientôt fêter les dix ans de leur création ! La fondation Creative Commons a en effet été lancée en 2001, à l’initiative notamment du juriste américain Lawrence Lessig, et les premiers jeux de licences ont été publiés en décembre 2002.

Avant de souffler les bougies, fermons les yeux et essayons d’imaginer un instant à quoi ressemblerait Internet si les licences Creative Commons n’existaient pas… Nul doute que quelque chose d’essentiel nous manquerait, car les CC sont devenus un des standards de l’environnement numérique et la clé de voûte de la mise en partage des contenus culturels.

Durant ces dix années, l’arsenal de protection de la propriété intellectuelle n’a cessé de se renforcer et de se rigidifier, même si les rejets d’ACTA et de SOPA ont marqué cette année un premier coup d’arrêt à ce mouvement. Dans le même temps, les Creative Commons ont pourtant apporté la preuve qu’il était possible de penser le droit d’auteur autrement, sans attendre que les lois soient modifiées.

C’est sans doute ce qu’il y a de plus spectaculaire avec les CC. S’appuyant sur des contrats, qui sont la base même du fonctionnement du droit d’auteur, les licences Creative Commons ont introduit dans la sphère de la création générale le renversement copernicien que les licences libres avaient déjà opéré dans pour le logiciel. Elles y ont ajouté l’idée géniale d’une signalétique simple et claire des droits en ligne, sous forme de logos et de résumés simplifiés, favorisant l’appropriation des licences par les non-juristes.

Créés en dehors de l’action des États, les Creative Commons ont permis de “hacker” de l’extérieur le droit d’auteur pour donner une base juridique aux pratiques de mise en partage des oeuvres, de production collaborative de contenus et de réutilisation créative (remix, mashup). Partir des libertés plutôt que des restrictions pour diffuser leurs oeuvres, voilà ce que les licences Creative Commons permettent aux auteurs, à partir d’un système d’options qui offrent à chacun la possibilité de choisir le degré d’ouverture convenant à son projet.

En cela, les Creative Commons remettent l’auteur au centre du système et si l’on en croit les chiffres avancés dans la brochure The Power of Open, ce sont plus de 400 millions d’oeuvres par le monde qui ont été ainsi mise en partage par leurs créateurs, formant une galaxie de biens communs volontaires.

Les Creative Commons sont porteurs d’une révolution pour la conception du droit d’auteur et pour son adaptation aux exigences de l’environnement numérique. Le philosophe Michel Serres avait particulièrement bien expliqué les enjeux d’une telle évolution dans cette interview :

Dans une société, il y a des zones de droit et des zones de non-droit. La forêt était jadis une zone de non-droit infestée de malandrins et de voleurs. Un jour, pourtant, un voyageur traversant la forêt de Sherwood constata que tous les voleurs portaient une sorte d’uniforme ; ils portaient tous un chapeau vert et ils étaient sous le commandement de Robin Hood. Robin, qu’est-ce que ça veut dire ? Celui qui porte la robe du juge. Robin incarne le droit qui est en train de naître dans un lieu où il n’y avait pas de droit. Toutes les lois qu’on veut faire sur les droits d’auteur et la propriété sur Internet, c’est de la rigolade. Internet est un lieu de non-droit comme la forêt dont nous parlions. Or un droit qui existe dans un lieu de droit n’est jamais valable dans un lieu de non-droit. Il faut que dans ce lieu de non-droit émerge un nouveau droit. Dans le monde de demain doit émerger un nouveau droit. Si vous voulez réguler le monde d’aujourd’hui avec le vieux droit, vous allez échouer, exactement comme on a fait sur Internet. Il faut attendre que dans la forêt d’Internet on puisse inventer un droit nouveau sur ce lieu de non-droit. Plus généralement, dans cette crise qui fait entrevoir un nouveau monde, ce n’est pas le droit ancien qui va prévaloir.

Issus directement de la “forêt d’Internet”, les Creative Commons constituent l’un des pans de ce droit nouveau dont le système a besoin pour retrouver la paix et l’équilibre. On pourra d’ailleurs se rendre compte de la richesse et de l’étendue des propositions de l’organisation en lisant le compte rendu de l’audition par la mission Lescure de Creative Commons France.

Pour essayer de faire un bilan de l’avancement du projet Creative Commons à l’occasion de ces 10 ans, voici 10 points d’analyse : 3 réussites à souligner, 3 limites à dépasser, 3 défis à relever et un horizon à atteindre.

3 réussites à souligner :

1) L’épreuve du feu de la validité en justice

Les Creative Commons ne sont pas des “alternatives” au droit d’auteur, mais une façon de le faire fonctionner autrement, en jouant avec la logique contractuelle. L’un des défis majeurs pour les licences consistait à se faire accepter par les juridictions dans les divers pays du monde, alors même qu’elles étaient nées en dehors de l’action des États.

Pour l’instant, cette épreuve du feu de la validité  a été surmontée avec succès chaque fois que les Creative Commons ont été au coeur d’un litige soumis à un juge. Les Creative Commons ont ainsi été reconnues valides en Espagne, en Allemagne, aux Pays-Bas, en Belgique, aux Etats-Unis, en Israël.

Aucune affaire cependant en France n’a encore porté sur une oeuvre placée sous licence Creative Commons, ce qui permet parfois à certains juristes de continuer à faire planer le doute sur leur compatibilité avec le droit français ou d’entretenir la confusion avec l’expression “libre de droits“. Au vu des décisions rendues par d’autres juridictions en Europe, il n’y a pourtant pas lieu de penser que les Creative Commons ne seraient pas valables au pays de Beaumarchais.

On en vient à espérer qu’un procès survienne pour acter définitivement la compatibilité avec le droit français. Mais l’absence de contentieux prouve aussi la capacité des licences à assurer paisiblement et efficacement la régulation des échanges, sans provoquer de litiges.

2) L’adoption par de grandes plateformes des médias sociaux

La semaine dernière, la plateforme de partage de photographies 500px annonçait qu’elle offrirait désormais à ses utilisateurs la possibilité d’utiliser les licences Creative Commons. C’est la dernière d’une longue série et cette adoption par les médias sociaux a joué un rôle décisif dans la diffusion des licences.

Le fait que Flickr ait très tôt offert cette possibilité à ses utilisateurs a constitué un jalon important, qui en fait aujourd’hui un des carrefours de la mise en partage des contenus avec plus de  plus de 240 millions de photographies sous CC. D’autres sites importants comme Vimeo, Soundcloud ou Bandcamp ont suivi cet exemple. Le fait que la communauté de Wikipedia ait aussi choisi en 2009 de faire passer l’encyclopédie collaborative sous CC-BY-SA a également constitué un tournant essentiel. En 2011, c’est YouTube qui avait créé l’évènement en annonçant la mise en place de la possibilité de placer des vidéos sous CC. En moins d’un an, ce sont plus de 4 millions de fichiers qui ont été mis en partage par le biais des licences sur la plateforme de Google.

Cette inclusion progressive des licences Creative Commons dans l’écosystème des médias sociaux est incontestablement une réussite, mais elle rencontre certaines limites importantes. Des réseaux sociaux comme Facebook ou Twitter n’offrent toujours pas cette possibilité à leurs usagers (même si des applications non-officielles existent pour cela). En août dernier, il a fallu qu’un service tiers “force la main” à Instagram en utilisant son API pour que les utilisateurs de ce service puissent enfin placer leurs photos sous CC, avec des résultats mitigés.

Nul doute que l’articulation entre les Creative Commons et les CGU des grands médiaux sociaux constitue un point essentiel pour leur développement, ainsi qu’un facteur qui garantit une meilleure maîtrise pour les individus des droits sur leurs contenus.

3) La mise en place de modèles économiques convaincants

L’un des arguments utilisés pour dénigrer les Creative Commons consiste à affirmer que les licences impliqueraient nécessairement une diffusion gratuite et qu’elles empêcheraient les artistes de tirer bénéfice de leurs créations. C’est grossièrement faux et les Creative Commons ont apporté la preuve qu’elles pouvaient être utilisées au contraire pour mettre en place des modèles économiques innovants.

Grâce aux clauses NC (Pas d’usage commercial), les créateurs peuvent moduler l’ouverture des licences et continuer à monétiser certains types d’usages tout en laissant circuler leurs oeuvres. Ces modèles mixtes ont produit de belles réussites dans tous les domaines, qu’il s’agisse de musique, de livres, de photographies, de films ou de jeux vidéo .

L’articulation entre Creative Commons et crowdfunding ouvre également des pistes intéressantes aux artistes pour obtenir des financements tout en élargissant les droits de leur public. Une page spéciale du site américain Kickstarter liste les projets pour lesquels les auteurs ont proposé de placer leur création sous licence Creative Commons si le public  les aidait à rassembler les financements en amont. On retrouve le même principe sur d’autres plateformes comme Indiegogo, ou côté français Ulule et KissKissBankBank, tandis que le site espagnol Goteo propose exclusivement le financement de projets sous licences libres.

Par bien des côtés, ces pratiques annoncent sans doute les modèles économiques de demain.

3 limites à dépasser :

1) Remédier à l’imprécision de la clause non-commerciale

A l’occasion du passage à la version 4.0, un débat assez vif a divisé la communauté Creative Commons à propos de l’opportunité de maintenir la clause Non-Commerciale parmi les options proposées par les licences.

Il est clair que l’imprécision relative de cette clause fragilise la mise en oeuvre des Creative Commons, d’autant plus que les licences NC sont les plus utilisées. Le juriste Benjamin Jean estime que Creative Commons International a une part de responsabilité dans ce flottement :

j’accuse pour ma part Creative Commons de maintenir ce flou en ne souhaitant pas faire le choix d’une définition précise (le problème d’une telle définition est 1) qu’il n’emporterait pas l’unanimité et 2) qu’elle ne saurait être rétroactive…).

Pour la version 4.0, il semblerait que Creative Commons ait choisi de s’en tenir au statu quo et de maintenir cette clause en l’état, vu qu’aucun consensus ne se dégageait nettement concernant sa reformulation. Il faudra sans doute pourtant réouvrir tôt ou tard cette réflexion, qui touche à quelque chose d’essentiel dans la capacité des licences Creative Commons à servir de base pour le développement de modèles économiques. Il faudra néanmoins pour cela que la communauté arrive à s’accorder sur cette question épineuse, ce qui reste loin d’être évident…

2) Une meilleure application aux bases de données et à l’Open Data

Une des évolutions que Creative Commons n’a pas très bien négocié ces dernières années est celle de l’Open Data. On aurait pu penser que ces licences auraient pu être employées pour ouvrir les bases de données et libérer les informations publiques, mais des difficultés juridiques sont survenues qui ont limité l’application des Creative Commons dans ce domaine.

Les licences Creative Commons sont prévues pour s’appliquer aux droits voisins, mais la version 3.0 appréhende relativement mal le droit sui generis des bases de données tel qu’il existe en Europe. Par ailleurs, les licences Creative Commons n’étaient pas non plus prévues pour encadrer le droit à la réutilisation des informations, ce qui a pu conduire à des flottements en France dans le cdare du développement de l’Open Data.

Certains pays ont néanmoins choisi d’opter pour les Creative Commons pour diffuser leurs données (Autriche, Australie, Nouvelle-Zélande), mais d’autres comme l’Angleterre ou la France ont préféré écrire leurs propres licences. Les difficultés susmentionnées ont aussi conduit certains gros projets collaboratifs, comme OpenStreetMap à changer de licence, préférant l’ODbL, spécialement conçue pour les bases de données aux licences Creative Commons.

Il avait été envisagé que la version 4.0 des CC soit modifiée pour mieux prendre en compte le droit des bases de données et c’est sans doute un enjeu important pour que Creative Commons continuer à jouer un rôle dans le domaine de l’Open Data.

3) Développer la compatibilité avec la gestion collective des droits :

Un des facteurs qui freinent fortement l’adoption des Creative Commons par les artistes réside dans le fait que les sociétés de gestion collective n’acceptent généralement pas que les auteurs placent tout ou partie de leur répertoire sous licence ouverte. Les artistes sont donc réduits à choisir entre utiliser les Creative Commons ou renoncer à la gestion collective.

Pour autant, reprenant une formule qui avait déjà été testée en 2007 aux Pays-bas, Creative Commons a conclu fin 2011 un partenariat avec la SACEM en France pour monter une expérience pilote, afin d’ouvrir aux auteurs et compositeurs de musique la possibilité d’utiliser certaines des licences CC.

On peut considérer qu’il s’agit d’une avancée importante pour la reconnaissance des Creative Commons en France, mais cet accord a également soulevé de nombreuses critiques, notamment de la part des communautés du Libre, ainsi qu’a propos de la façon dont la SACEM entend redéfinir la définition du Non-Commercial de manière extensive.

Il est clair pourtant qu’il est crucial que les sociétés de gestion collective s’ouvrent aux licences Creative Commons, mais le défi consiste à organiser cette connexion sans que les licences subissent des altérations qui en dénaturent la logique.

3 défis à relever :

1) Une meilleure prises en compte par les mécanismes traditionnels de financement de la création

On peut s’étonner que les licences Creative Commons ne soient pas davantage utilisées dans certains domaines, comme le cinéma. Il existe des exemples dans le domaine du court métrage d’animation et le Film espagnol El Cosmonauta du producteur espagnol Riot Cinema avait constitué un exemple intéressant de combinaison du crowdfunding et des licences libres pour un projet ambitieux.

Mais il faut plutôt aller voir du côté des modes de financement et de distribution des oeuvres cinématographiques pour comprendre pourquoi il est très difficile pour des films sous CC de voir le jour. Le cinéma bénéficie en effet d’importantes subventions, comme les avances sur recettes du CNC. Or les oeuvres sous licences libres ne peuvent pas bénéficier de ces formes de financement, ce qui les coupent de leviers importants. C’est une situation qu’a souvent dénoncé le Collectif Kassandre en France, avant de décider de mettre fin à ses activités cette année.

Il est clair qu’un des moyens de favoriser le développement d’oeuvres sous licence Creative Commons serait d’organiser des filières particulièrement de financement et de distribution, par les organismes de soutien à la création que sont par exemple le CNC pour le Cinéma ou le CNL pour les livres. Cela pourrait d’ailleurs constituer un des axes de réflexion de la Mission Lescure pour favoriser le développement de l’offre légale.

C’est un enjeu majeur pour favoriser l’adoption des Creative Commons par les créateurs professionnels, au-delà des amateurs.

2)  Favoriser l’adoption des licences Creative Commons par les administrations

L’adoption des licences Creative Commons par les administrations est un facteur qui peut grandement contribuer à leur diffusion. Pour l’instant, les exemples restent cependant relativement rares. Le site de la Maison blanche est par exemple placé sous licence CC-BY, mais il est assez difficile de citer d’autres cas aussi emblématiques (hormis au niveau international : Banque Mondiale, UNESCO, OCDE). On assiste même parfois à des retours en arrière, comme au Brésil où le Ministère de la Culture a choisi en 2011 de retirer la licence Creative Commons de son site pour revenir à un régime de droits réservés.

The battle for copyright (La bataille du copyright) par Christopher Dombres (cc)

Pourtant il existe un intérêt réel pour les administrations et les services publics à entrer dans la logique de mise en partage et de collaboration que favorisent les licences Creative Commons. En France, la municipalité de Brest par exemple montre comment ont peut développer la dynamique participative et l’expression citoyenne au niveau d’un territoire à partir de sites et de plateformes placées sous licence Creative Commons.

Au niveau central, on pourrait espérer que le premier ministre par exemple prolonge la circulaire qui a été récemment publiée pour favoriser l’usage des logiciels libres dans les administrations par un  texte incitant les services à placer les contenus qu’ils produisent sous licence Creative Commons. Une telle démarche d’Open Content viendrait compléter celle qui est initiée actuellement au niveau de l’État en matière d’Open Data.

Dans cette optique, l’un des champs privilégiés serait le développement de ressources pédagogiques sous licence Creative Commons, ainsi que la mise à dispositions des résultats de la recherche scientifiques. La Californie aux États-Unis et la Colombie britannique au Canada ont récemment voté des textes de loi pour favoriser le développement de bibliothèques numériques de manuels d’enseignement Open Source, sous licence CC-BY. Le réseau européen Communia a également publié une déclaration importante la semaine dernière pour appeler les responsables de l’Union a rendre obligatoire non seulement l’Open Access aux articles scientifiques financés par des fonds publics en Europée, mais aussi leur passage sous licence CC-BY.

3) Peut-on rendre les Creative Commons Mainstream ?

Le défi majeur à mes yeux pour les licences Creative Commons consiste à savoir comment on peut en favoriser plus largement l’adoption, en dehors même du cercle des adeptes de la Culture libre.

Dans une chronique précédente, j’avais relevé par exemple que les 240 millions de photographies sur Flickr sous licence Creative Commons ne représentent au final qu’un peu plus de 3% des contenus du site. On retrouve à peu près les mêmes proportions sur la plateforme de partage de vidéos Vimeo. Même si en valeur absolue, l’adoption des Creative Commons par 3% des créateurs suffit à produire des masses de contenus réutilisables importantes, il est clair que l’on ne modifie pas un système en profondeur avec des pourcentages de cet ordre.

Dix ans après sa création, il est désormais essentiel pour Creative Commons de réfléchir à la manière dont les licences pourraient devenir “mainstream”. Une des pistes seraient peut-être de creuser les partenariats avec les grands médias. La BBC par exemple en Angleterre a conduit des expériences de diffusion de programmes télévisés sous licence Creative Commons, ainsi que pour ses archives. La chaîne d’information Al Jazeera est quant à elle engagée dans un usage avancé de diffusion ouverte de ses contenus, au sein de son Creative Commons Repository. En Hollande, c’est l’équivalent de l’INA qui valorise une partie de ses contenus sous licence Creative Commons sur la plateforme Images For The Future. Et la télévision norvégienne a déjà libéré certains de ses contenus sous licence CC, mais seulement pour des volumes limités.

En France, on peut déjà citzer quelques exemple, avec la plateforme Arte Creative ou le site de critiques de livres Non Fiction, mais il faut bien avouer que les Creative Commons sont encore en retrait dans les médias traditionnels. La piste des licences libres constituerait pourtant pour eux un moyen d’innover et de développer un rapport plus interactif avec le public.

Un horizon à atteindre

Au bout de 10 ans, les Creative Commons ont fait leur preuve quant à leur capacité à organiser la circulation et la réutilisation des contenus en ligne, tout en apaisant les relations entre les auteurs et le public. Certaines propositions de réforme du droit d’auteur vont à présent plus loin, en suggérant de placer tous les contenus postés sur le web par défaut sous un régime autorisant la réutilisation à des fins non-commerciales des oeuvres.

Une telle proposition avait été appelée Copyright 2.0 par le juriste italien Marco Ricolfi et elle aurait abouti dans les faits à faire passer par défaut le web tout entier sous licence CC-BY-NC. Pour revendiquer un copyright classique (tous droits réservés), les titulaires de droits auraient eu à s’enregistrer dans une base centrale.

On retrouve une logique similaire dans les propositions qui visent à faire consacrer la légalisation du partage non-marchand entre individus des oeuvres, qu’il s’agisse des Éléments pour la Réforme du droit d’auteur de la Quadrature du Net ou du programme du Parti Pirate.

Si de telles réformes venaient à être mises en oeuvre, c’est l’ensemble du système du droit d’auteur qui serait modifié dans la logique des Creative Commons. Le régime juridique de base d’Internet deviendrait grosso-modo la licence CC-BY-NC et les auteurs pourraient toujours choisir d’aller plus loin en employant des licences encore plus ouvertes (CC-BY, CC-BY-SA, etc).

Rendez-vous dans dix ans, pour voir si cet horizon a été atteint !


Toutes les illustrations par Christopher Dombres (cc-by)
OWNI fêtera les dix ans de partage avec les Creative Commons à la Gaîté Lyrique samedi 15 décembre à partir de 14h.

Offrez-vous un Owni

jeudi 13 décembre 2012 à 15:25

Depuis lundi, Owni a baissé le rideau pour offrir à ses lecteurs un espace d’échanges autour de la situation financière et de l’avenir du média. Cet échange a lieu via Twitter (#ownioupas), au travers de vos mails sur demain@owni.fr (merci à tous, nous vous répondons personnellement et individuellement), ou encore grâce à votre participation au wiki que nous avons mis en place pour vous faire participer à nos réflexions.

Nous avons communiqué nos charges : 90 000 euros par mois. Parallèlement, au coeur des soutiens les plus forts et parmi ceux qui se sont impliqués jusqu’à présent dans notre réflexion, ceux — très nombreux — qui nous proposent de s’abonner durablement à Owni. Reste donc à mesurer l’ampleur de votre engagement afin de déterminer si la souscription est un modèle viable pour votre média indépendant.

Sur le format de l’hypothèse, quittons les sentiers abattus de la normalité : tout le monde n’a pas envie s’engager avec Owni de la même façon, ni forcément tous les mois avec la même intensité. Vous pourriez avoir envie de soutenir davantage Owni le mois prochain parce qu’un article, un dossier ou une application de datajournalisme vous a particulièrement plu. Vous pourriez avoir besoin de payer moins aussi, par nécessité ou par choix. Donc innovons : soyez libre de fixer chaque mois le prix de votre abonnement ; faisons du “Pay What You Want” (prix libre).

En imaginant donc que nous retenions ensemble l’idée du pay wall, c’est-à-dire de réserver le contenu d’Owni — ou une partie de celui-ci — à des lecteurs s’engageant à verser chaque mois une contribution fluctuant au gré de leur volonté ; si cet abonnement était mis en place, quelle somme seriez-vous prêt(e) à verser pour nous lire chaque jour ?


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Merci à tou(te)s !
— l’équipe Owni

Google : chêne ou roseau?

jeudi 13 décembre 2012 à 15:15

“La presse peut faire plier Google. Les journaux belges viennent d’en apporter la preuve.” Ces deux petites phrases, extraites d’un article du Monde publié hier, ont suffi à mettre en branle le panzer de Mountain View. Billet de blog publié tard dans la soirée, conference call improvisée dans la matinée, équipe de com’ sur les dents : Google a déployé un véritable plan Vigipirate pour contrer les informations du journal du soir. Objectif : décorreller à tout prix l’accord trouvé du côté du plat pays avec les négociations toujours en cours par chez nous.

Google se paie la presse

Google se paie la presse

C'est la guerre ! Face au projet de loi de certains éditeurs de presse qui souhaitent faire payer Google dès qu'il ...

Google chez les Belges

Intitulé “Droit d’auteur : Google indemnise la presse belge”, l’article à l’origine du branle-bas de combat révèle le contenu d’un “accord secret [...] conclu, vendredi 7 décembre, entre les éditeurs francophones de quotidiens (les groupes Rossel, La Libre Belgique, L’Avenir), la Société de droits d’auteurs des journalistes (SAJ) et Google.” Ces derniers sont empêtrés depuis six ans dans une procédure judiciaire : Copiepresse, un représentant des éditeurs de presse belges, a attaqué en 2006 le géant américain pour violation du droit d’auteur sur son service Google News. Condamné en appel en 2011, Google avait fini par privilégier la voie de la négociation.

Et à en croire Le Monde, c’est lui qui sort grand perdant du deal enfin trouvé :

Le géant américain va verser une indemnisation conséquente, qui représente selon une source “entre 2 % et 3 % du chiffre d’affaires” de la presse belge francophone, soit près de 5 millions d’euros. Les journalistes devraient toucher une part de ce pactole par la SAJ.

Un “précédent qui pourrait faire boule de neige dans d’autres pays européens, à l’heure où les éditeurs français, allemands et italiens souhaitent faire payer au moteur de recherche un “droit voisin” au droit d’auteur”, poursuit le journaliste, en référence aux négociations houleuses en cours dans les pays voisins. Pourtant, ce même article conclut sur le fait que cet accord ne “semble” pas régler “la question des droits pour les années qui viennent”.

Lex Google pour les nuls

Lex Google pour les nuls

Si les éditeurs de presse français n'ont pas encore déclaré officiellement la guerre à Google, le manège y ressemble. ...

Or les revendications actuelles de certains titres, comme l’association des éditeurs de presse d’information politique et générale (IPG) en France, portent précisément sur la mise en place à l’avenir d’une contribution sonnante et trébuchante de la part de Google, au motif que le géant du web gonfle ses revenus publicitaires sur le dos de la presse. Et non, comme c’est le cas en Belgique, sur un conflit ouvert sur l’atteinte aux droits d’auteur de la presse dont Google pourrait être à l’origine. Alors même que selon des juristes, les titres français pourraient tout à fait se lancer dans ce genre de combat. Mais la bataille, en France, est différente.

Il n’en fallait pas plus pour Google pour contre-attaquer. “L’accord ne prévoit pas le paiement de redevances aux éditeurs et aux auteurs belges pour l’inclusion de leurs contenus dans nos services” martèle depuis hier son service de communication, appuyé dans sa tache par des représentants des éditeurs de presse outre-Quiévrains. De quoi calmer les ardeurs éventuelles des confrères français.

“La question d’un droit voisin n’a pas été abordée”, expliquait ce matin Francois le Hodey, président des Journaux francophones belges, qui dément avec Google les informations du Monde :

Nous n’avons jamais parlé [d'une rémunération en] pourcentage par rapport à un chiffre d’affaire.

Et de préciser :

L’accord couvre principalement les frais engagés par les éditeurs [...] mais aussi des partenariats commerciaux qui profitent à tout le monde.

Concrètement, cette alliance prend plusieurs formes : Google s’engage à acheter des espaces publicitaires aux titres de presse pour promouvoir ses produits, à les aider à optimiser leurs revenus publicitaires via Adsense et Adexchange ou à être plus facilement accessibles sur mobile.

Le tour de Gaule de Google

“Ca fait longtemps que Google est dans le coaching, le mentoring et l’accompagnement des médias”, commente Google, qui s’est dit prêt à déployer un accompagnement similaire aux autres titres de presse belges qui le souhaitent. En clair, Google est d’accord pour les coups de pouce, mais refuse toujours de donner une grosse enveloppe à la presse. “On ne paye pas pour un contenu qu’on n’héberge pas, c’est ce qu’à dit Eric Schmidt”. Une information que semble avoir bien intégrée les éditeurs de presse belges après six ans de combat. Ce matin, François le Hodey concédait ainsi au détour d’une phrase :

Il est inutile d’espérer un accord avec Google sur un concept de rémunération des contenus.

Une ligne que ne partagent pas les éditeurs de presse bien de chez nous, invités à la table des négociations. Selon nos informations, l’IPG serait encore bien décidée à aller gratter directement le trésor de Google plutôt que de les écouter prodiguer des conseils. “Amputer (un peu) ses bénéfices”, comme l’écrivait Laurent Joffrin, l’un des porteurs du texte de l’IPG. De vieux réflexes bien chevillés au corps de certains éditeurs de presse, habitués à être alimentés par un système de subventions.

Foutage de Google

Foutage de Google

Pas de surprise dans la lettre de mission du médiateur dans l’affaire Lex Google, envoyée aujourd'hui : elle confirme que ...

Contactés, Nathalie Collin, président de l’association en question, comme Denis Bouchez, son directeur, ne souhaitent faire aucun commentaire au cours de la médiation voulue par le gouvernement et entamée fin novembre. Les trois parties ont commencé à discuter, la dernière réunion datant du 11 décembre dernier.

Reste à savoir qui lâchera en premier. De son côté, l’IPG peut compter sur le soutien du gouvernement, qui menaçait il y a quelques semaines : soit la médiation aboutit, soit c’est une loi contraignant le géant du web à payer. Quant à Google France, la boîte ne lâche rien et prévient : “nous avons bien plus à gagner en travaillant ensemble qu’en se disputant.” Un message explicite, adressé aux “éditeurs du monde entier”.

Suivez mon regard.