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“Nous ne voulons pas payer pour un contenu que nous n’hébergeons pas”

lundi 5 novembre 2012 à 18:13

Portrait d'Eric Schmidt, PDG de Google par Paul Livingstone (CC-bync)

Lex Google : état des lieux

Lex Google : état des lieux

Oh, les jolis sourires crispés ! Ce lundi 29 octobre, François Hollande, accompagné des ministres Aurélie Filippetti ...

Entre Google et la presse, la situation se décante lentement. L’appel à l’apaisement, lancé dans les deux camps suite aux crispations des dernières semaines, semble avoir été entendu, dans l’attente de l’entame des “négociations” récemment souhaitées par François Hollande. Du moins en apparence. Car de son côté, Google continue tranquillement d’avancer ses pions. Et de camper sur ses positions.

“Nous ne voulons pas payer pour un contenu que nous n’hébergeons pas” a ainsi affirmé Eric Schmidt au New York Times, suite à sa tournée européenne. Bien sûr, le patron de Google garde une certaine mesure, assurant que les discussions avec François Hollande ont été “bonnes”. Mais fait aussi comprendre que le Président français n’est pas seul maître à bord. Et qu’il entend faire peser la voix de Google :

A chaque fois qu’il y a une négociation avec un gouvernement, il faut être très clair sur ce que l’on fera et ce que l’on ne fera pas. Et nous ne voulons pas payer pour un contenu que nous n’hébergeons pas. Nous sommes très clairs là-dessus.

Lex Google pour les nuls

Lex Google pour les nuls

Si les éditeurs de presse français n'ont pas encore déclaré officiellement la guerre à Google, le manège y ressemble. ...

Et le journal américain de commenter : “si la rhétorique de Google est toujours amicale, sa position est tout aussi ferme”. Le projet de loi soutenu par certains éditeurs de presse français et européens, qui demandent à Google de payer pour signaler leurs articles par des liens hypertexte, ne fait pas exception. Pour Eric Schmidt, c’est non. Le patron de Google a beau envisager une “sorte d’accord d’ici la fin de l’année”, rejoignant ainsi le souhait de François Hollande, il pose d’abord ses conditions. Et les expose dans la presse. Ses interlocuteurs sauront en apprécier l’ironie.

Certes subtiles, ces déclarations n’en tranchent pas moins avec les communiqués publiés par l’Elysée et Google suite à la rencontre de leur deux boss. D’un côté comme de l’autre, très peu d’informations avaient filtré. Encore aujourd’hui, il est difficile de connaître les modalités du “dialogue” et des “négociations” que François Hollande veut voir “rapidement s’engager et être conclusives d’ici la fin de l’année.”

Du côté de Google d’ailleurs, on affirme ne pas avoir connaissance d’un éventuel calendrier de discussions. Rien de tel n’aurait été “annoncé”, déclare-t-on à Owni. Et de seriner les éléments de langage d’usage : “Google discute depuis longtemps avec les éditeurs de presse”. Le mode de discussion resterait à les en croire inchangé.


Portrait d’Eric Schmidt, PDG de Google par Paul Livingstone [CC-bync] bidouillé par O.Noor pour Owni.

Ouvrez, ouvrez la cage au Wi-fi

lundi 5 novembre 2012 à 17:55

L’Electronic Frontier Foundation – célèbre ONG américaine défendant depuis plus de 20 ans la liberté d’expression sur Internet – vient de lancer une campagne de sensibilisation autour de l’idée d’ouverture des réseaux Wi-fi : l’Open Wireless Movement.

L’enjeu : défendre un accès public au réseau via les nombreux routeurs Wi-fi présents tout autour de nous, en particulier dans les zones urbaines. Petites entreprises, particuliers, fournisseurs d’accès, l’appel s’adresse à tous ceux qui pourraient rendre partiellement public leur accès au réseau en partant du principe que la majeure partie des connexions Wi-fi est sous-utilisée.

Une démarche qui a notamment du sens dans des circonstances exceptionnelles comme le passage de l’ouragan Sandy sur la côte Est des États-Unis.

Les communications sont essentielles en temps de crise, et Internet est le moyen le plus efficace d’envoyer et de recevoir des informations. Avec des réseaux facilement disponibles, les représentants de l’État pourraient utiliser des outils comme Twitter pour diffuser rapidement de l’information, les rapports envoyés par les citoyens permettraient de concentrer l’aide là où elle est la plus nécessaire et des mises à jour via les réseaux sociaux pourraient rassurer les proches – laissant ainsi les réseaux de téléphonie mobile libres et disponibles pour les urgences.

Cette campagne insiste sur deux points majeurs : la protection de la vie privée (au sens de la privacy anglo-saxone) et l’innovation que permettraient des réseaux ouverts et disponibles à tous les coins de rues.

Nous imaginons un monde où partager sa connexion internet sera la norme. Un tel monde favorisera le respect de la vie privée, permettra l’innovation et bénéficiera au plus grand nombre en offrant à tous un accès au réseau dès que nous en avons besoin.

La notion de protection de la vie privée étant expliquée avec le raisonnement suivant :

En utilisant de multiples adresses IP à chaque changement de réseau Wi-fi, il sera plus difficile pour les publicitaires et les agences de marketing de suivre vos traces sur le réseau sans utiliser des systèmes de cookies. Les activistes peuvent mieux protéger leur anonymat en utilisant des réseaux Wi-fi ouverts (même si l’utilisation de Tor reste recommandée).

Bien conscient des critiques qui peuvent émailler une telle démarche, notamment autour des risques liés au sempiternel “piratage” si cher à notre fière Hadopi, les questions de responsabilité en cas d’utilisation malveillante d’un réseau Wi-fi par quelqu’un d’autre que son propriétaire sont débattues sur une page dédiée, partant d’un principe simple : “il n’y a pas de raison de s’inquiéter”.

Au total, le projet regroupe 9 organisations en plus de l’EFF : Fight for the Future, Free Press, Internet Archive, NYCwireless, l’Open Garden Foundation, OpenITP, l’Open Spectrum Alliance, l’Open Technology Institute et le Personal Telco Project.

L’opengov, nouvelle frontière de la Palestine

lundi 5 novembre 2012 à 13:54

Depuis 2005, l’Autorité palestinienne travaille à la numérisation de son administration. Aidé par les organisations internationales et certains gouvernements, le ministère des Télécommunications chapeaute un des dispositifs de gouvernement numérique (e-gov) et d’Open Data les plus ambitieux du monde arabe. Aussi bien dans ses objectifs que dans les freins qui s’opposent à sa réalisation.

Invitée pour la réunion de la commission Moyen-Orient—Afrique du Nord de l’OCDE, la ministre des Télécommunications, Dr Safa Nasser Eldin, a accordé une interview à Owni pour détailler la genèse et les développements d’un projet qui, dans les coursives techniques de Ramallah, a survécu aux secousses politiques et guerrières de Gaza et de la Cisjordanie. Ancienne conseillère en charge des services infrastructure, interopératibilité, sécurité et législation des services de e-government de l’autorité, elle travaille désormais à rendre accessible à tous les citoyens palestiniens les services et données publics, via une architecture ouverte et décentralisée.

Comment a débuté l’initiative d’Open Government de l’Autorité palestinienne ?

Au départ, notre projet portait seulement sur du e-government. Nous souhaitions mettre en place du partage de données. Avec l’aide de l’OCDE, nous avons pu prendre contact avec d’autres partenaires pour affiner notre projet : en 2011, douze représentants de l’Autorité palestinienne se sont rendus en Italie pour mieux comprendre le principe de l’opengov et le travail à réaliser pour le mettre en place.

L’autorité palestinienne a également travaillé avec l’Estonie, dont l’opengov est particulièrement développé. En quoi a consisté votre partenariat ?

Nous avons travaillé avec le e-government estonien sur l’architecture de notre système. E-Estonia dispose d’une colonne vertébrale (backbone) décentralisée nommée x-Road autour de laquelle sont articulés tous les dispositifs de gouvernance numérique : partage de données, e-administration, sécurité informatique… Nous avons élaboré avec eux le Palestinian x-Road sur lequel repose notre propre système. Il s’agissait de la première phase de notre projet. Nous avons depuis commencé a travaillé sur la sécurité informatique, en envoyant certains membres de notre équipe se former là-bas. Et, aujourd’hui, nous passons à l’intégration des services en ligne.

Comment avez-vous amené votre administration à jouer le jeu de l’e-government et de l’Open Data ?

L’e-government ne se décrète pas, c’est un processus lent. Nous avons commencé par former des gens dans chaque administration et inviter chaque ministre à disposer de son propre site et de partager autant de données que possible. Il y a eu une vraie réticence sur les données. Pour les sites, le ministère des Télécommunications se charge de l’hébergement, de l’acquisition des noms de domaine et du développement… Au départ, nous avons fait une étude pour chaque administration, que nous leur avons soumise avec des suggestions. Par la suite, une fois mise en place la structure, chacun gère la création des e-mails et la mise en ligne des données ainsi que des formulaires administratifs.

Quelles ont été les conséquences de ce processus pour les citoyens palestiniens ?

Nous avons pu alléger de nombreuses démarches administratives. Le principal problème en Palestine, c’est la circulation. Avant l’e-gov, obtenir un permis de conduire nécessitait de se présenter chez le médecin, au ministère de l’Intérieur, à celui du Transport… ce simple papier pouvait prendre des mois à faire ! Avec l’e-gov, nous avons réussi à centraliser tout sur le site du ministère des Transports, qui est lui-même en contact avec le ministère de l’Intérieur. Résultat, la demande et la délivrance du permis peuvent être faits en une seule journée. Idem pour les passeports. Même si c’est moins populaire, nous avons également pu réaliser un système de paiement des amendes par Internet, là encore en connectant les différents ministères concernés. Au ministère des Télécommunications, nous assurons également un suivi téléphonique des plaintes : si vous déposez une réclamation à propos d’un opérateur téléphonique, vous pouvez vous connecter sur notre site et récupérer un numéro de téléphone où vous serez informé de l’état d’avancement de la requête.

Comment les fonctionnaires bénéficient-ils de la mise en place de e-Palestine ?

Nous étudions actuellement les modalités par lesquels nous pouvons aider les membres du gouvernement à communiquer ensemble, en se basant sur l’esprit des réseaux sociaux. Pour inciter les fonctionnaires à partager, il faut d’abord qu’ils partagent entre eux. Nous cherchons donc des moyens pour faciliter la prise de contact entre les fonctionnaires avec des formulaires de contact et des liens pour qu’ils puissent se joindre directement par chat, mail ou Skype. À l’extérieur, nous avons obtenu de la plupart des ministres aient des pages Facebook. Certains ministères disposent même de deux pages : l’une à destination du public et l’autre à destination des fonctionnaires.

Comptez-vous intégrer les citoyens dans la réflexion sur les politiques publiques ?

Nous travaillons sur un dispositif de concertation publique. Pour certains projets, nous envisageons de mettre le dossier législatif à disposition sur notre site Internet et d’appeler par mail des groupes d’intérêts ou des individus à se prononcer, avec l’idée de publier les contributions sur le site et de les transformer en amendements une fois validés.

En quoi le conflit avec Israël impacte-t-il cette initiative ?

L’une de nos principales difficultés, c’est le secteur des télécommunications lui-même. Nous ne pouvons pas investir dans davantage d’infrastructures et l’équipement que nous souhaitons importer pour améliorer notre réseau est bloqué par Israël. Sur le plan des fréquences, nous sommes également bloqués : nous ne disposons que d’une fraction de bande passante en 2G et pas du tout de 3G. Tout cela complique terriblement nos tentatives de communications par Internet.

Comment couvrez-vous les frais occasionnés par l’e-gov ?

La plupart des ministères couvrent leurs propres frais, ainsi que certaines villes, mais certains ont des accords. Nous avons obtenu quelques financements de l’US Aid, tandis que l’Intérieur a noué des accords avec une ONG allemande. Pour la coopération avec l’Estonie, les Estoniens eux-même ont financé une partie du projet.

Quels sont les développements à venir pour votre initiative ?

Notre principale préoccupation désormais, c’est d’utiliser l’e-gov pour les services publics. Avec la plupart des administrations centralisées à Ramallah, nous souhaitons mettre en place un système de one-stop-shop en nous appuyant sur le réseau des bureaux de poste à travers la Cisjordanie et Gaza. L’idée serait de permettre aux citoyens palestiniens de pouvoir mener leurs démarches depuis un point de contact unique. Nous préparons une “e transaction law” afin de créer un cadre juridique à l’action de l’e-government. Enfin, nous continuons de travailler avec l’Estonie sur les questions de cybersécurité, avec pour objectif la mise en place d’une Computer Respond Team, qui puisse prendre en charge la lutte contre les cyberattaques dont nous sommes l’objet. Pour garantir la bonne marche de l’e-government, c’est devenu une priorité.


Illustration par Cédric Audinot pour Owni /-)

Wikipédia (toujours) prof de raison

lundi 5 novembre 2012 à 12:56

L’ombre du vandalisme se projette sur les controverses de Wikipédia. Dans l’exemple de la page sur la précarité, présenté dans l’épisode précédent de notre chronique, avant qu’une solution ne soit trouvée il aura fallu que le soi-disant contributeur catholique soit accusé d’avoir “usurpé” et “défiguré” l’article en question.

Afin de mettre un terme à ses modifications non sollicitées, les contributeurs d’obédience marxiste ont dû déposer auprès des développeurs de Wikipédia une demande de semi-protection de la page en question, assimilant de facto toute expression de contestation à un acte de vandalisme.

Personnellement, j’avais des réticences vis-à-vis de cette conclusion, mais elle ne me surprenait point. Ce sont des accusations courantes dans le contexte de Wikipédia. Certaines des disputes qui s’y élèvent ne peuvent tout simplement pas être réglées publiquement.

Lorsque les opinions sont par trop clivées, les comportements deviennent violents. C’est à ce moment que la négociation échoue et le dénigrement des adversaires s’installe. Selon les dires du sociologue Nicolas Auray :

Alors que les crispations ou escalades dans la polémique ne parviennent que difficilement à se “reverser” dans une confrontation raisonnée d’arguments, il semble que le mécanisme adopté par Wikipédia soit de tenter d’imputer à une “faute” personnelle, commise par un fauteur de trouble ou un persécuteur, la responsabilité du dérapage.

Prenons cet exemple : en 2010, sur la liste de diffusion Wiki-research a été diffusée une base de données des pages les plus “reversées” (revenues à une version précédente après que des changements ont été révoqués). Nous sommes là face à un corpus des plus intéressants. Pour chaque article de Wikipédia, le ratio de réversion (à savoir : la proportion entre les changements invalidés et le nombre total des modifications) est un indicateur fiable du taux de vandalisme. Une analyse rapide fournit un bon aperçu du profil des vandales qui s’attaquent à la célèbre encyclopédie libre.

Categories of top 100 Wikipedia articles by reverts ratio

Les pages les plus ciblées relèvent de certaines catégories assez prévisibles, tels le sexe (16%), les excréments (7%), et les insultes (7%). Le genre d’humour puéril qui nous amènerait à penser que le vandalisme sur Wikipédia est circonscrit aux adolescents et aux jeunes adultes. Et le fait que les années 1986-1992 soient les plus “reversées” semble tout autant corroborer cette hypothèse. Il semblerait que les usagers éprouvent une forte envie de vandaliser leur propre année de naissance… Toutefois, parmi les principales cibles nous trouvons des articles tels “Incas” ou “renaissance italienne”. N’étant point les thèmes de choix de blagues pipi-caca, ces sujets nous aident à avancer une autre explication : les pages qui font l’objet de l’attention des vandales coïncident avec des contenus qu’ils croisent quand ils compulsent l’encyclopédie à la recherche de matériel à copier/coller pour leurs devoirs. Il existe un lien entre le comportement turbulent des 18-24 ans utilisateurs de Wikipédia et une certaine frustration culturelle, marque de la socialisation scolaire (et universitaire).

Ce qui conduit à un autre résultat frappant. Parmi les usagers anglophones, la plus forte concentration de contributeurs troublions (dans la mesure où leur nombre est proportionnel aux articles avec le plus haut ratio de réversion) est aux États-Unis. “Amérique” est le numéro 1 des articles vandalisés pour sa catégorie (40,9%). Neuf des dix articles les plus vandalisés dans la catégorie “batailles”, ont trait à des événements historiques qui ont eu lieu aux États-Unis ou au Canada. Parmi les “pages de discussion” les plus ciblées, celles des célébrités (Zac Efron, les Jonas Brothers…) ou des personnages historiques (Benjamin Franklin, George Washington…) Nord-américains.

Portrait-robot

Alors, qui sont-ils, ces vandales de Wikipédia ? Leur portrait-robot se dessine peu à peu : ils sont jeunes, ils ont de bien solides références culturelles américaines, ils sont assez geek sur les bords. Ils fréquentent les sections de l’encyclopédie dédiées aux sciences et aux mathématiques plutôt que celles des sciences humaines. Ils bataillent sur des listes de sujets tels les dessins animés, les jeux vidéo, les nombres premiers, et ainsi de suite.

Quel sens donner à ces résultats ? L’article “Vandalisme” du Wikipédia anglais met beaucoup d’emphase sur l’argument avancé par Pierre Klossowski selon lequel leur sabotage pourrait être considéré comme une sorte de guérilla culturelle contre une hégémonie intellectuelle oppressante. Le vandale, je cite, “n’est lui-même que l’envers d’une culture criminelle”. Pourtant cette notion de “d’envers”, bien que conceptuellement liée à celle de “réversion”, ne signifie pas seulement un opposé dialectique. Le vandalisme est également une image en miroir du consensus général sur lequel les articles de Wikipédia sont bâtis. En un sens, les vandales – en tant que groupe contribuant de sa manière perturbatrice à la construction sociale de la connaissance au sein de l’encyclopédie en ligne – peuvent et doivent être considérés comme un double renversé des wikipédiens dans leur ensemble.

En guise de conclusion, j’avancerai la supposition éclairée que les préoccupations culturelles, la composition démographique et les intérêts des utilisateurs s’adonnant à des actes de vandalisme, ne diffèrent pas considérablement de ceux de contributeurs réguliers. Si les utilisateurs de Wikipédia, comme l’affirme Michael D. Lieberman, dévoilent leurs intérêts, leurs coordonnées géographiques, et leurs relations personnelles à travers leurs modèles de contribution, cela vaut également pour leurs homologues vandales.

Wiki prof de raison

Wiki prof de raison

Wikipédia effraie les enseignants. Qui l'accusent de se tromper et de ne pas stimuler l'esprit critique. Comme si Wikipédia ...

Vigilance participative

La liste des pages les plus reversées publiée sur Wiki-research pourrait nous aider à voir comment le vandalisme s’accumule au fil des sujets, la façon dont il se structure, offrant ainsi un panorama ô combien utile, des préférences culturelles (et des biais culturels correspondants) de la communauté Wikipédia dans son entièreté.

Le vandalisme ne représente pas nécessairement une contre-culture en lutte face à une puissante élite de sysadmins et d’éditeurs-vigiles. Nous pouvons admettre que Wikipédia, à un degré plus élevé que d’autres projets encyclopédiques, encourage la réflexivité dans la mesure où il montre que la connaissance n’est pas une collection de notions, mais un processus de collaboration en formation continuelle. Plusieurs acteurs participent à ce processus et contribuent à cette réflexivité par la négociation, par la controverse, par la sensibilisation, et (à mon avis) par le vandalisme. Visiblement, le rôle du vandalisme est généralement éclipsé par des comportements pro-sociaux. Mais en fait, le vandalisme stimule ces mêmes comportements pro-sociaux.

Considérez ceci : en moyenne, sur Wikipédia un acte perturbateur reste impuni pour à peine une minute et demi. Après ce bref laps de temps, les articles “défacés” finissent vraisemblablement par attirer l’attention des éditeurs, qui s’empressent d’annuler les modifications problématiques, rétablir la version précédente des pages vandalisées et possiblement les mettre sur leur liste de suivi. Peut-être, à ce point-là, les vandales vont-ils se désister. Ou peut-être continueront-ils. Quoi qu’il en soit, ils auront obligé les éditeurs à se pencher sur les articles ciblés. Ils auront contraint d’autres wikipédiens à réagir, à corriger, à organiser les contenus.

En fin de compte, les vandales auront accompli la fonction essentielle de susciter auprès des autres utilisateurs cette “vigilance participative” que Dominique Cardon identifie comme le moteur de la gouvernance de Wikipédia. Par leurs modifications provocatrices ou destructrices, ils revivifient l’attention pour des sujets depuis longtemps figés, ils stimulent les discussions en sommeil, ils réveillent les consciences. Ainsi, ils obtiennent le résultat paradoxal de favoriser la coopération par l’abus, la participation par la discorde – et la connaissance par l’ignorance.


Article publié en anglais sur Bodyspacesociety, le blog d’Antonio A. Casilli (@bodyspacesoc).
Illustration d’origine par Loguy pour Owni /-)

Trafics d’audience

vendredi 2 novembre 2012 à 18:13

La nouvelle mesure de l’audience sur Internet, présentée le 30 octobre par Médiamétrie, met en évidence la fabrique de l’audience de plusieurs grands sites de presse qui ont pris l’habitude d’agréger des visiteurs uniques de manière un peu opaque.

Fierté

Répondant à l’appellation trompeuse de co-branding, la technique qu’ils utilisent consiste à gonfler artificiellement l’audience d’un site média en y additionnant, sans trop le dire, celles réalisée par des sites de jeux, de voyages ou de rencontres, entrés dans le giron de ce média – pour vendre davantage de publicité.

Une nouvelle mesure d’audience du web

Une nouvelle mesure d’audience du web

Ce mardi, Médiamétrie a dévoilé les mécanismes de son nouveau système de mesure de l'audience des sites. Le système ...

Ainsi, Le Figaro, Le Parisien ou L’Express et bien d’autres, pour voir grimper leur courbe dans les classements Médiamétrie n’hésitent pas à agréger des visiteurs uniques de sites qui n’ont rien à voir avec leur contenu éditorial.

Le Parisien récupère les visites de clubdeal.com, un site qui permet de profiter “des meilleures adresses afin de pimenter votre quotidien”, mais aussi celles de trucdegrandmere.fr, pubeco.fr, cartesfrances.fr, monsieur-biographie.com et d’autres. Yahoo! dans le classement Médiamétrie fait apparaitre les visiteurs du site assurland.com, ceux du Bondy Blog (associé de fait au site Yahoo! Actualités) et les visiteurs du célébrissime site de partage de photos en ligne Flickr. Le Figaro mise lui sur le site leconjugueur.com et sur le très fréquenté evene.fr.

Des astuces de récupération d’audience plutôt porteuses, même si la conjugaison n’a que peu de rapport avec l’information que proposent ces sites médias. Il est davantage question de recettes publicitaires que de fierté.

Quelques-uns ne succombent pas complètement à ces manières. C’est le cas du groupe Le Monde, qui fédère de manière transparente sur le site de son quotidien les autres titres de presse qu’il commercialise – le Huffington Post, Télérama ou Courrier International, tout en proposant son propre service de conjugaison.

La régie publicitaire du NouvelObs, elle, se targue de commercialiser l’audience de Rue89, de Challenges.fr, de Le Plus ou de Sciences & Avenir, mais son site vedette oublie de préciser qu’elle prend en compte également les internautes qui évitent des fautes de français grâce à laconjugaison.fr (grand concurrent de leconjugueur.com).

Source : classement Médiamétrie, annexes des sites et co-branding

Source : classement Médiamétrie, annexes des sites et co-branding

Le 30 octobre, Médiamétrie a présenté son classement des sites Internet français pour le mois d’août 2012. Les résultats obtenus par les groupes de presse se révèlent naturellement liées à ces diverses opérations d’agrégation.

Pour en mesurer plus précisément les effets, nous avons cherché à comparer l’audience de ce mois d’août dernier avec celle réalisée l’an passé à la même période. Aussi, nous avons voulu voir qui avait perdu ou gagné des places dans le classement en montrant qui avait acheté de l’audience. Le résultat ci-dessous montre les gains de place(s).

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Parmi les gagnants, France Télévisions qui a acheté curiosphere.tv ; Le Figaro qui a acquis evene.fr et sport24 ; Le Nouvel Observateur qui s’est offert Rue89 et Le Parisien qui gère maintenant clubdeal.com, trucdegrandmere.fr, pubeco.fr, cartesfrances.fr et monsieur-biographie.com.

Ces résultats font apparaître deux perdants : TF1 et Doctissimo, qui tous deux n’ont aucun nouveau partenariat significatif par rapport au mois d’août de l’année 2011.

Loin de nous de tirer des conclusions hâtives, mais chez Médiamétrie, on confie que :

ça [le principe de "co-branding", ndlr] a pu jouer oui, logiquement ça apporte de l’audience…

Jeux

Mais Médiamétrie souhaite règlementer un peu plus ces systèmes de partenariats qui permettent de gonfler l’audience : dès le 1er septembre, de nouvelles règles sont entrées en vigueur. Au programme de ce changement, l’impossibilité pour les marques de faire entrer dans leurs statistiques plus de deux sites “partenaires“. De même confie une responsable de chez Médiamétrie :

Quand il n’y a pas de lien capitalistique, l’apport exclusif d’audience est passée à 30% contre 50% auparavant et limité à deux co-brandings par site. De même, il y a des règles graphiques à respecter, ne serait-ce que qu’on passe d’un site à l’autre. La barre de navigation doit être la même par exemple.

Questions jeux, leur part est à partir du 1er septembre limitée à 30 %. De nouvelles méthodes de calcul, l’entrée en vigueur de limites de ce principe, Médiamétrie semble mettre quelques barrières dans les comptes d’audience des médias. Jusqu’à ce que soient trouvées de nouvelles techniques pour améliorer son nombre de visiteurs uniques.


Illustrations par Pixel Fantasy [CC-byncsa] édition O.NOor pour Owni /-)
Infographie réalisée sur easel.ly