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Petite presse en ligne deviendra grande (ou pas)

vendredi 19 octobre 2012 à 08:00

La journée de la presse en ligne du Syndicat de la presse indépendante d’information en ligne (Spiil) commence tout juste ce matin et compte bien mettre sur la table l’inutilité des aides et subventions à la presse, notamment à travers un manifeste pour un nouvel écosystème de la presse numérique. Aurélie Filippetti, ministre de la Culture, était quant à elle auditionnée mercredi sur le projet de loi de finances 2013 (PLF 2013) à la Commission des affaires culturelles. Et si beaucoup des questions et des réponses ont tourné autour de l’avenir de France Télévisions ou du budget rogné de la Hadopi, seul Michel Françaix, le rapporteur de la mission Médias, Livre et industrie culturelle, option rapport sur les médias, glissait quelques mots sur “le problème de la presse en ligne”. Et expliquait que la presse (en général) rencontrait des difficultés depuis 30 à 35 ans, quand les aides, elles, augmentaient de plus en plus. “On a jamais donné autant d’argent par rapport au nombre de journaux vendus cette année”, expliquait le rapporteur.

Petite presse en ligne dans le PLF 2013

L’idée pour Michel Françaix : recentrer les aides vers ceux qui en ont besoin et redéfinir le taux de TVA selon les types de presse, qu’elle soit citoyenne ou qu’elle soit “autre”. Avant que le rapporteur ne livre ses conclusions la semaine prochaine, nous avons épluché le volet “aides à la presse” du projet de loi de finance 2013. Le principe des aides à la presse, en ligne ou papier, repose sur une volonté du gouvernement précisée dans le projet de loi de finances 2013 :

S’agissant du secteur de la presse, la stratégie de l’État poursuit deux objectifs fondamentaux : le développement de la diffusion de la presse et la préservation de son pluralisme et de sa diversité.

[App] Subventions à la presse: le Juste pris

[App] Subventions à la presse: le Juste pris

Retour ludique sur les subventions accordées par le Fonds d'aide à la modernisation de la presse à travers une application ...

Aider la presse à coups de versements d’aides et de crédits de quelques millions d’euros pourrait être l’intention la plus louable possible. Seulement comme Vincent Truffy (journaliste pour Mediapart) le montrait sur Owni en décembre 2010 dans l’application “Le juste pris”, deux ans après les états généraux de la presse écrite, des députés constatent que les éditeurs de journaux se sont, le plus souvent, contentés d’aller à la pêche aux subventions sans remettre en question leur fonctionnement.

Faire l’économie d’une remise en question du fonctionnement est sans doute plus simple pour les éditeurs de presse. La presse, qu’elle soit papier ou numérique, est notamment aidée par les injections de milliers d’euros du fonds stratégique de développement de la presse, le FSDP.

En 2013, ce sont donc 516 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement qui sont budgétés, les aides directes étant 22% plus élevées après les États généraux de la presse de 2011.

Dans le détail, l’AFP recevra 119,6 millions d’euros (en hausse de 2 millions par rapport à 2012). S’ajoutent 19,7 millions pour accompagner la modernisation sociale de la fabrication de la presse quotidienne et 4 millions pour la modernisation des diffuseurs. Et encore 18,9 millions pour l’aide à la distribution. Le plus gros poste : 320 millions d’euros pour le plan d’aide au développement du portage, l’aide à la SNCF pour le transport de quotidiens et 12 millions pour le pluralisme des quotidiens nationaux à faibles ressources. Dans ces 320 millions, il faut aussi compter sur les 249 millions pour l’aide au transport postal de la presse dont une compensation du manque à gagner pour La Poste de 32,4 millions.

Les 33,5 millions pour la modernisation et la presse en ligne paraissent bien petits dans les répartitions.

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L’ancien fond SPEL, aujourd’hui section II du FSDP, va donc profiter de quelques milliers d’euros pour aider la presse en ligne. Ce qui pour Maurice Botbol, président du Spiil – qui organise aujourd’hui la 3e journée de la presse en ligne – et fondateur du groupe de presse Indigo (publiant entre autres La lettre A) n’est pas le problème de fond. La position du Spiil sur le sujet est claire, il faut supprimer les aides directes (subventions) qui sont, selon lui :

contre-productives, inefficaces et qui n’ont jamais été aussi élevées, comparées au nombre de lecteurs. Le système est à bout de souffle et il faut le réadapter. Inutile de continuer les aides sous perfusion.

Pure players dans la jungle

“Le fonds SPEL, en 2012, c’est un peu moins de 10 millions d’euros, les aides à la presse en ligne ne représentent presque rien, quand l’ensemble avoisine le milliard”, précise le fondateur d’Indigo. Et dans ce même fond, moins de 5% des aides est distribué aux pure players, c’est aussi parce “qu’ils n’ont pas l’habitude de remplir des dossiers d’aides contrairement à la presse traditionnelle”. Le montant maximum des subventions d’un pure player ? 200 000 euros. Contre 1 million à 1,5 million pour la presse papier.

Autre cause de cette moindre attribution, les délais de réponse. “Les délais sont longs par rapport au rythme du numérique. Et les demandes peuvent se dérouler sur 6 à 8 mois parfois”. Dernier frein mais non des moindres, le fonds SPEL refuse de subventionner le développement interne :

Ils exigent que le développement logiciel soit sous-traité. Or ne pas faire appel à un prestataire est rédhibitoire. Sauf que les pure players ne vont pas faire appel à des SSII alors qu’il est possible de le faire en interne !

Au FSDP, on confirme, “les dépenses internes n’ont jamais été prises en compte”.En plus de ce fossé entre le fonctionnement d’un pure player et l’administration chargée de distribuer les subventions, il reste ce petit détail de l’application de la TVA à 19,6 pour les pure player contre 2,1 pour le papier. Taxer différemment un contenu parce que le support de lecture n’est pas le même, une des meilleures façons d’appuyer ce que pérorent les réfractaires au journalisme web ou comment dire : si c’était vraiment la même chose, sous-entendu “aussi bien”, il n’y aurait aucune différence.

Rappelons qu’Aurélie Filippetti déclarait dans Polka en juillet dernier :

Si la presse abandonne la qualité, il n’y aura plus de différence entre les journaux, les magazines payants et la presse gratuite, notamment sur le Net où rien n’est éditorialisé.

Selon les administrations, ces aides indirectes – un taux très bas pour la presse papier – ne pourraient pas être applicables à la presse en ligne. Nicolas Sarkozy, lors des États Généraux de la presse en janvier 2009, déclarait que la France “allait poursuivre le travail de conviction engagé de ses partenaires européens pour que les taux réduits de TVA soient étendus à la presse en ligne”. Une directive européenne de novembre 2006 [pdf] précise que les taux de TVA ne peuvent être inférieur à 15% au sein de l’Union européenne, à quelques exceptions près notamment le taux de TVA à 2,1% de la presse papier. Ou le livre à 5,5 ou 7%.

En novembre 2011, la Commission européenne attirait la France vers le taux réduit pratiqué sur le livre numérique (le même que pour les livres papiers). Début juillet 2012, la Commission ouvrait une procédure contre la France et le Luxembourg pour infraction au droit communautaire. Taxer différemment un même contenu selon le support sur lequel il est lu semble pour certains éditeurs de presse (Arrêt sur images, Médiapart et Indigo) assez aberrant pour appliquer le taux réduit à 2,1% sur les ventes de leurs productions numériques. Avec pour argument les principes de neutralité fiscale et technologique. Maurice Botbol explique : “deux produits équivalents ne peuvent pas subir deux taux de TVA différents”. Raison pour laquelle il applique le taux de TVA réduit.

Mais visiblement, du côté des députés français, on s’active et un amendement au PLF 2013 [pdf] a été déposé le 4 octobre dernier. Il a notamment pour objet :

de faire bénéficier la presse en ligne du taux “super-réduit” de TVA actuellement appliqué à la presse imprimée. Actuellement, le taux de TVA appliqué à la presse imprimée est de 2,1 %, tandis que les services de presse en ligne se voient appliquer le taux “normal” de 19,6 %. Or, l’égalité de traitement fiscal est nécessaire pour accompagner la migration de la presse imprimée sur les supports numériques ainsi que l’émergence d’une presse exclusivement en ligne.

Un moyen de réduire la fracture entre la presse en ligne et presse papier.


Photo de Visualpun.ch [CC-bysa] et photo d’Aurélie Filippetti par Richard Ying [CC-by-nc-sa] remixées ~~~=:) ONoor

Google se paie la presse

jeudi 18 octobre 2012 à 18:38

Mise à jour (19h)
Forcément, après la salve de Google, la réplique ne s’est pas faite attendre.

Laurent Joffrin a immédiatement dégainé un édito sur le site du Nouvel Obs pour dénoncer la “censure” que menace d’appliquer le géant du web sur la presse française. Et de conclure, vibrant, sur : “il appartient maintenant au gouvernement et aux élus français de dire si la confection des lois reste l’apanage de la République ou bien si elle est abandonnée au pouvoir de fait d’une féodalité multinationale.”
Même agacement du côté de la ministre de la Culture, qui aurait déclaré à l’AFP : “Ce n’est pas avec des menaces qu’on traite avec un gouvernement”.

De son côté, Google diffuse ce même message auprès des rédactions : “nous pensons qu’une loi telle que celles proposées en France et en Allemagne serait très dommageable pour Internet. Ce n’est pas un secret, cela fait maintenant trois ans que nous le disons publiquement”.

Au-delà des diatribes, reste le fond du problème : comment obliger Google à ne pas déréférencer la presse ?


La presse en guerre contre Google. Et vice-versa. Au cœur : la “Lex Google”. Le projet de loi vise à faire payer la firme américaine pour l’indexation des articles de presse français dans son moteur de recherche. La confrontation s’annonce plus sanglante que jamais.

Tout désindexer

L’affaire a été relancée hier : à l’Assemblée nationale, la ministre de la Culture Aurélie Filippetti s’est déclarée favorable à l’idée de créer un “droit voisin pour les éditeurs de presse” :

Parmi les outils qu’il me semble important de pouvoir développer, je pense qu’il y a cette idée de créer un droit voisin pour les éditeurs de presse – ce que l’on a appelé un peu facilement la « Lex Google » – qui me semble extrêmement pertinente.

Suite à la réaffirmation de son intérêt pour la “Lex Google”, Owni a cherché à savoir où en était vraiment le gouvernement. Et Google.

Résultat : chacun campe sur ses positions. Selon nos informations, l’Exécutif serait bien conscient de la complexité de ce mécanisme, et des problèmes qu’il serait susceptible de soulever. Mais serait prêt à tenter sa chance malgré tout, même si une une étude de faisabilité est toujours en cours.

Du côté de Google, on se dit prêt à entrer en campagne. En menaçant, précisément, de désindexer les sites de presse en ligne qui voudraient lui imposer ce dispositif. Estimant qu’il va à l’encontre de la nature du moteur de recherche du géant américain. Et qu’il n’appartient qu’à la presse française d’assumer ses choix, en récupérant le trafic perdu chez Google du côté d’autres services populaires sur le web : Facebook ou Twitter. Sans compter qu’a priori, rien ne peut forcer la boîte américaine à signaler ou non un site Internet. Les moyens pour faire plier Google sont donc limités.

Des informations que semble confirmer l’audition des équipes du géant américain, le 10 octobre dernier, auprès de la mission Lescure (vidéo). L’un des lobbyistes de la boîte, Francis Donnat, se voulait alors très clair (74e minute) :

Interdire le référencement non rémunéré est inutile et inopportun. [...] Cela va directement à l’encontre du modèle de l’Internet basé sur les liens hypertextes. C’est la remise en cause de l’existence même des moteurs de recherche si on doit payer à chaque fois qu’on référence. [...]
Les contenus en langue française seront les seuls pénalisés, car sur la toile, ne pas être référencé c’est tout simplement sortir du radar. La presse française y perdrait.

Sans compter que Google aurait mis bien ses menaces à exécution. Hasard du calendrier, l’AFP a affirmé dans l’après-midi avoir consulté une “lettre” adressée à différents ministères, dans laquelle Google expose clairement son intention de désindexer les sites de presse français en cas de mise en place du dispositif. Lettre qui ressemblerait plus à une note, transmise début octobre, et qui reprend les grandes lignes exposées lors de l’audition de Google à la mission Lescure. Signe qu’il ne s’agit pas seulement de paroles en l’air.

Aberration

Il faut dire que le projet des éditeurs de presse a tout pour étonner quiconque se balade un peu sur Internet.

Le nouvel observateur de tes mails

Le nouvel observateur de tes mails

Dans son dernier éditorial pour Le Nouvel Observateur, Laurent Joffrin déplore que l'État ne puisse pas vérifier ...

Concrètement, il consiste à étendre le Code de la propriété intellectuelle aux articles de presse publiés en ligne. Telerama, qui a publié fin septembre le contenu du projet de loi, explique que cette extension du droit d’auteur s’accompagne aussi de la volonté de sanctionner “le simple fait de faire des liens hypertextes” vers les articles en cas de non rémunération.

Le document est porté par la toute jeune association “de la presse d’information politique et générale” (IPG). A sa tête, on retrouve Nathalie Collin, la coprésidente du directoire du Nouvel Observateur et collaboratrice de longue date (déjà à Libération) d’un certain… Laurent Joffrin, dont on connaît l’amour qu’il porte au Net.

Le texte a d’abord fait l’objet d’une certaine prudence de la part de la Culture. “En l’état, ça ne va pas être possible”, confiait alors la rue de Valois à Telerama. De même, lors de l’installation de la mission Lescure, Aurélie Filippetti se montrait moins catégorique sur la question :

Il faut analyser cette proposition de créer des droits voisins pour la presse. Mais aussi être vigilants pour que les sites français ne soient pas déréférencés.

La perspective d’un tel dispositif avait fait hurler jusque dans les rangs des gratte-papiers. Particulièrement ceux rompus à la pratique du Net, qui dénoncent dans ce projet une incompréhension profonde du réseau et de ces mécanismes.

“Cette loi, c’est une idée un peu délirante” avait notamment confié Johan Hufnagel, rédacteur en chef de Slate.fr, un site membre du Syndicat de la presse indépendante d’information en ligne (Spiil), à Libération. Et de poursuivre :

On en arrive à une aberration totale : les sites dépensent des fortunes pour être mieux référencés que le voisin sur Google, et ils voudraient que Google leur reverse de l’argent ? C’est une rhétorique qui n’a aucun sens. Ou alors, c’est une simple opération de lobbying.

Presse contre Google, Google contre presse : ce qui est sûr, c’est que chacun saura trouver le temps pour aller plaider sa cause du côté des ministères. On ne souhaite qu’une chose : qu’ils ne cassent pas notre Internet.


Lescure, Pellerin et Filippetti dans un sac de noeuds

jeudi 18 octobre 2012 à 18:00

“Le bug Facebook saisi par Fleur Pellerin qui renvoie la balle à la Cnil, elle-même concernée par des rumeurs de rapprochement avec l’Hadopi qui était déjà mentionnée dans le projet de fusion CSA-Arcep, dont le sort devrait être aussi tranché par la mission Lescure qui…” Ouf ! Reprenons notre souffle dans ce qui pourrait ressembler à une boutade, mais qui n’en est pas une. Enfin, pas complètement.

Car quiconque tente aujourd’hui de dégrossir les différents dossiers ouverts par le gouvernement dans le domaine du numérique se retrouverait, comme nous, face à un drôle de jeu de pistes. Un embrouillamini à tiroirs, où s’enchevêtrent thèmes et responsabilités, délais à géométrie variable et avis tout aussi fluctuant selon les personnalités en charge, le calendrier voire le mouvement des astres. Bref, un bon gros sacs de noeuds, pour reprendre le titre de notre infographie – sans être grossière. Reste à savoir comment on va bien pouvoir le démêler. Et sur ce point, c’est pas gagné.

Internet en fusion

Internet en fusion

En lançant une réflexion sur le "rapprochement" de l'Arcep et du CSA, le gouvernement ressuscite un serpent de mer qui ...

Fil d’Ariane

Et encore ! Nous n’avons pris comme repères que trois chantiers : rapprochement des autorités des télécoms (Arcep) et de l’audiovisuel (CSA), installation de la mission Pierre Lescure et réflexions sur la fiscalité du numérique. Régulation, création à l’heure du numérique et taxation des acteurs du Net : trois thèmes présentés comme intimement liés par les acteurs impliqués dans le bouzin.

Dès le lancement du projet de “rapprochement entre le CSA et l’Arcep” par le Premier ministre les connexions se sont très vite établies en filigrane : le but principal de l’opération est la recherche, encore et toujours, de nouvelles formes de financements de la création. A ce sujet, Internet et antennes (télé ou radio) ne sont pas logés à la même enseigne et il faut que ça cesse. Alors hop, on change la régulation ! Et on met dans la boucle la mission Lescure aux côtés de Fleur Pellerin (ministre de l’économie numérique) et Aurélie Filippetti (Culture).

Même logique du côté de la mission dite Colin et Collin (du nom de ses rapporteurs), chargée de plancher sur la fiscalité du numérique. A l’occasion de l’installation officielle de sa mission, Pierre Lescure a été également prié de s’en rapprocher par la ministre de la Culture. Comme on vous le dit : le fil d’Ariane, ici, est cousu d’or.

Problème : qui dit plein de dossiers gérés par une tripotée de personnes dit forcément quelques hic dans l’organisation. Et c’est un euphémisme. Prenez le calendrier : les premières conclusions des ministres sur le dossier CSA-Arcep sont attendues d’ici fin novembre. Celles de Colin et Collin, d’ici fin décembre. Mais la mission Lescure elle, a jusqu’à mars 2013.

Cliquer pour voir l'infographie

Matignon à la tranche

Du côté de Bercy, on assure que ce n’est pas un problème et que la mission Lescure participera dans les temps aux missions annexes qui lui ont été confiées. Son de cloche différent chez le voisin, qui devrait bel et bien donner toutes ses conclusions au printemps prochain. Qui aura donc le dernier mot ?

“On a le sentiment d’un manque de coordination, réagit Édouard Barreiro, de l’association de consommateurs UFC Que Choisir. Qui poursuit :

Sans compter que les discours sont très différents selon les interlocuteurs. Est-ce qu’à un moment ces gens vont se réunir autour d’une table pour se mettre d’accord ? Parce que là, on ne comprend rien !

Qu’on se rassure : la lumière devrait venir de Matignon. C’est aux équipes du Premier ministre qu’il reviendrait en effet de trancher dans le vif. Et cela bien avant la fin de la mission Lescure. Si du côté de Matignon, on semble bien avoir conscience de l’enchevêtrement des dossiers, il y a aussi la volonté d’avancer. Les gendarmes des télécoms et de l’audiovisuel devraient donc voir leur sort fixé d’ici la fin de l’année. Pour être gravé dans la loi sur l’audiovisuel, au début de l’année prochaine. Même tempo pour la fiscalité du numérique, appelée à être tranchée dès janvier.

Mission Lescure impossible

Mission Lescure impossible

La guerre serait-elle déjà déclenchée ? A peine installée, la mission Lescure, qui planche sur l'avenir de la culture ...

Le pas de marche est donc confirmé. Et tant pis pour ceux qui appellent à la prudence. Ou qui s’inquiètent de voir les dossiers ouverts les uns après les autres, sans que la mesure de chacun semble avoir été prise. Le régulateur des télécoms, qui, il y a quelques jours à peine, plaidait pour une réflexion “mûrement réfléchie” dans le cas d’un rapprochement avec le CSA devrait par exemple en être pour ses frais. Selon nos informations, le gouvernement veut agir pour ensuite réfléchir : faire évoluer les appareils avant de s’attaquer au type de régulation souhaité. Car trancher cette question semble irréaliste dans les délais fixés. Et le calendrier est prioritaire.

INTERNET !

Croisons les doigts pour que le Net français n’en ressorte pas trop égratigné. Car le rapprochement des régulateurs n’est pas qu’une simple affaire de tambouille institutionnelle : la forme qu’on lui donnera déterminera les règles qui s’appliqueront au contenu audiovisuel. Et comme le rappelle l’Arcep, la neutralité du net et la liberté d’expression sont en jeu. Rien que ça.

Sans compter que d’autres dossiers épineux s’ajoutent à ceux déjà évoqués. Les lois de la gravité semblent aussi s’appliquer à ce sac de noeuds numériques. N’en prenons qu’un : la volonté de certains éditeurs de presse, Laurent Joffrin en tête, de faire cracher Google au bassinet. En créant un droit voisin pour la presse, qui obligerait la boîte américaine à payer pour indexer les articles sur son moteur de recherche. Le fameux projet de “Lex Google” qui pourrait même aboutir, selon Telerama, au fait de sanctionner pénalement la création de liens hypertextes qui n’auraient pas fait l’objet d’une rémunération. Une fois encore, le gouvernement va et vient sur le sujet : Aurélie Filippetti jouant d’abord la prudence sur le dossier, pour y revenir de plus belle, hier. Une fois encore, ce projet pourrait sérieusement bousculer le Net français. Une fois encore, nous allons prendre une aspirine, respirer un grand coup et essayer de comprendre tout ça.

Croisons les doigts.


Pour comprendre ce gros sacs de noeuds, nous vous proposons cette infographie.

Nous y avons glissé quelques surprises, nos easter eggs maison. On a pensé à Laurent Chemla, qui détruit les confortables mythes de la télé connectée et de l’exception culturelle française, ou à Manach, notre dino du web, depuis longtemps poil à gratter de la Cnil et des histoires de vie privée. On a aussi glissé quelques sujets annexes, tel que le bug Facebook ou le mouvement des pigeons, qui sont venus un peu plus embrouiller les plans numériques du gouvernement. Ça nous a fait marrer, on espère qu’il en sera de même pour vous /-)

Cliquez sur les pour lire l’explication correspondante.


Illustrations et couverture par Cédric Audinot pour Owni.
Infographie par Cédric Audinot et Andréa Fradin. Et en version standalone (630×2200, 365 Ko), c’est par ici !

Pour qui sonne le glas des caméras

jeudi 18 octobre 2012 à 14:27

L’annonce a donné des sueurs à plus d’un maire : le ministre de la Ville François Lamy a annoncé la semaine dernière dans une interview à La Gazette des communes que la part du fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD) allouée à la vidéosurveillance allait diminuer de façon drastique en 2013 : sur 50 millions, 10 iront aux caméras, contre 30 auparavant.  Six ans après sa création alors que Nicolas Sarkozy était ministre de l’Intérieur, le FIPD va donc enfin se concentrer sur son objet initial, la prévention, comme le soulignait François Lamy :

Mais la prévention de la délinquance, c’est d’empêcher que le délit se commette. Il faut donc agir en profondeur, notamment sur l’appréhension de la violence par les jeunes.

Le palmarès des villes sous surveillance

Le palmarès des villes sous surveillance

La vidéosurveillance serait un outil apolitique. Notre enquête sur les 60 plus grandes villes de France montre, au ...

Cette réorientation correspond à une demande générale des maires, qui avaient exprimé via le Conseil National des Villes (CNV) leurs inquiétudes sur le caractère “disproportionné” de l’argent affecté aux caméras.

Toutefois, ce choix soulève des inquiétudes chez des élus en cours d’équipement, encouragés par la politique de la majorité précédente et ses préfets-VRP : comment vont-ils boucler le budget ? La question se pose tant à droite qu’à gauche, puisqu’il y a longtemps que le sujet n’est plus clivant entre l’UMP et le PS.

Sur les rangs des inquiets, l’opposition socialiste de la seconde ville de France, Marseille, qui a voté le plan prévoyant le déploiement de 1 000 à 1 500 caméras d’ici 2014. Or comme le détaille Marsactu, “seul le financement de la première tranche (340 caméras) a été signé (3,5 millions d’euros sur 7).” Le dossier de la deuxième doit encore être envoyé au FIPD.

Interrogé par nos confrères marseillais, François Lamy n’a pas été très clair. Entre les lignes, on comprend que les caméras ne fleuriront pas autant que prévu.

Le fait que le système national de financement de la vidéosurveillance ait moins de crédits ne veut pas dire pour autant qu’il n’y aura bien entendu les caméras de vidéosurveillance qui seront nécessaires là où la sécurité des citoyens est engagée.

Question : Les crédits en moins seront compensés comment ?

Les crédits en moins, mais pas du tout, les crédits de la politique de la ville qui sont les actions de prévention seront gérés par le FIPD, ce qui nous permettra d’avoir une action de prévention de la délinquance qui soit plus cohérente et surtout plus équilibrée.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Patrick Mennucci, chef de file de l’opposition, n’a pas été le dernier à s’émouvoir :

On ne comprend pas ce qui lui prend alors qu’on attend 1 000 caméras en 2013.

Selon l’adjointe déléguée à la sécurité Caroline Pozmentier, il y aurait eu cafouillage, entre François Lamy et le son homologue de l’Intérieur Manuel Valls, Bauer Boy adepte des caméras, qui rassurait encore en juin dernier Alain Juppé, le maire de Bordeaux, sur le sujet :

Je pense que les ministres ne se sont pas concertés. Manuel Valls avait assuré au maire qu’il resterait dans le partenariat, il est hors de question que l’Etat se désengage et Jean-Claude Gaudin lui demandera de confirmer cette participation lors de sa visite (vendredi, ndlr)”.

Clochemerle-les-caméras

Clochemerle-les-caméras

Rennes-les-Bains est un charmant village de 170 habitants dont la tranquillité est bousculée par un projet de dix caméras, ...

Le cas phocéen a finalement vite été tranché, indique Marsactu, le maire Jean-Claude Gaudin a vite rassuré d’un coup de fil :

François Lamy m’a appelé hier soir après avoir lu Marsactu, il m’a dit de transmettre sa position, qui est que Marseille est prioritaire et qu’il ne manquera pas un pourcent pour les caméras.

La schizophrénie socialiste s’est aussi exprimée sans pincette par la voix de Francis Chouat, le maire PS d’Evry, qui a souligné que l’outil aurait “contribué largement à la baisse des actes de délinquances (-12% en 2011)” et faciliterait “le travail des forces de l’ordre” dans sa commune.

À Albi, l’annonce a aussi dérangé, à moins qu’elle n’arrange le maire (divers droite), croit savoir La Dépêche :

Que va donc faire la ville si les propos du ministre se confirment ? Abandonner le projet car devenu trop coûteux ? Le maire qui n’a jamais affiché un franc enthousiasme sur le sujet [...] profitera-t-il de cette occasion pour faire marche arrière ? Une autre solution serait-elle de réduire le nombre de caméras pour faire baisser l’addition ?

À Pontoise (UMP), la commune a prévu d’installer 19 caméras pour un montant de 520 000 euros, et escomptait un taux de financement par le FIPD de 40%. Contactée, la ville nous a indiqué qu’“elle étudie les conséquences d’une diminution des crédits”.

Préfet-VRP

Sollicité par Owni sur les arbitrages futurs, le ministère de la Ville n’a pas répondu. Quoi qu’il en soit, il faudra que les préfectures mettent au placard leur discours de VRP car pour l’heure elles répètent encore le credo sarkoziste, comme le montre cette anecdote rapportée par La Dépêche :

La préfecture du Tarn a fait savoir hier soir qu’un courrier avait été adressé le 27 septembre au maire d’Albi, suite au conseil municipal. Dans sa lettre, Josiane Chevalier la préfète se réjouissait de la décision d’installer la vidéo-protection à Albi et précisait qu’au regard “de la réglementation applicable cette année, le taux de subvention peut varier entre 20 et 40 %”. La préfète conseillait au maire de déposer au plus vite sa demande de subvention.


Photo (CC) Adrian Murphy

MAJ : vendredi 19 octobre 9 h 30, suite au tweet de Jean-Marie Leforestier de Marsactu nous signalant que le cas de Marseille avait été éclairci.

Guild Wars 2 en attendant l’Open Data

jeudi 18 octobre 2012 à 12:12
Image issue du tumblr Fabulous Quaggan

Image issue du tumblr Fabulous Quaggan

Malgré un nombre de joueurs approchant la population parisienne, le jeu de rôle heroic fantasy à univers persistant Guild Wars 2 n’avait jusqu’ici aucun institut de statistique valable.

Parité pièces d’or-gemme

Le 23 août dernier, ce manque a été partiellement comblé quand John Smith, membre de l’équipe du développeur ArenaNet, a publié un billet portant sur l’économie virtuelle dans la bêta sur le blog officiel de ce concurrent de World of Warcraft.

En évaluant notamment l’argent récolté selon les professions choisies par les joueurs pour leurs personnages, le développeur a ainsi pu opérer des corrections pour éviter de trop forts déséquilibres, notamment en faveur des bijoutiers. À cela, d’autres indicateurs ont été ajoutés afin de comparer l’économie du jeu à l’économie réelle (en l’occurrence à celle des États-Unis), comme la distribution des richesses par déciles de population aux Etats-Unis (en dollar) et dans le jeu (en pièce d’or) ou la parité pièces d’or-gemme dans le jeu rapporté au cours de l’action Facebook.

Cliquez sur l'infographie pour l'agrandir

Cliquez sur l'infographie pour l'agrandir

Fort de l’intérêt suscité par ces considérations économétriques, John Smith a ressorti ses tableaux Excel pour une deuxième fournée le 14 septembre, basée cette fois-ci sur les équilibres entre l’offre et la demande dans le commerce interne au jeu. En clôture de ce billet, ArenaNet offrait cette fois-ci un graphique sur la sociologie et la démographie des personnages créés par les joueurs, classant les préférences en matière de races, professions et compétences commerciales :

Discrimination raciale

Une publication qui s’est muée en polémique quand Peter Fries, un des scénaristes du jeu, a poussé un coup de gueule face à l’ostracisme dont les races des Asuras (lutins technophiles) et des Charrs (félidés béliqueux) se voyaient frappés :

AMHA, ceux qui évitent Charrs et Asuras passent à côté des éléments narratifs les plus puissants de ce jeu.

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Les données elles-mêmes ont vite été récupérées par la communauté et notamment par un développeur californien Eric Hazard, qui a remixé les chiffres livrés par ArenaNet en une dataviz interactive.

Consultable sur le site Guildwars2viz, l’application est également décrite dans l’intégralité de son code sur le réseau social Github. A une grosse couche de Javascript, l’auteur a ajouté une bibliothèque de simplification, Coffeescript, et des touches de Python et de LESS (pour le CSS).

Pas forcément niché aux endroits où on l’attend, l’Open Data a également de l’avenir dans le jeu vidéo et les MMO !

Guild Wars 2 Visualization - Eric Hazard (extrait)

Guild Wars 2 Visualization - Eric Hazard (extrait)


Images issues du Tumblr Crossdressing Quaggan et des sites GuildWars2.com et GuildWars2viz.com.