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Le secret démasqué de Gangnam Style

vendredi 5 octobre 2012 à 13:14

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Avec le clip vidéo déjanté de sa chanson Gangnam Style, le rappeur coréen PSY a explosé tous les records, en devenant la vidéo la plus “aimée” de l’histoire sur YouTube : plus de 350 millions de vues en l’espace seulement de quelques mois !

Ce succès fulgurant s’explique en grande partie par le nombre incroyable de parodies qui ont été postées en ligne par le public, reprenant à toutes les sauces la fameuse “danse du cheval” popularisée par le clip. Un nouveau mème est né et il est impressionnant de voir la masse de reprises/détournements/remix que cette vidéo génère partout dans le monde. Il existe même déjà une page – Wikipédia Gangnam Style in Popular Culture – attestant de l’engouement planétaire pour la nouvelle star de la Kpop.

Cette synergie qui s’est mise en place entre cette vidéo et les contributions du public est déjà en elle-même fort instructive sur les nouveaux types de rapports que les créateurs de contenus peuvent entretenir avec les internautes. Mais l’attractivité irrésistible de la danse du cheval de PSY n’explique pas tout. Un des secrets du succès de Gangnam Style est aussi de ne pas avoir été à cheval… sur le droit d’auteur !

Abandon de copyright ?

Il semblerait que dans une interview, PSY ait déclaré qu’il avait abandonné son copyright, de manière à ce que n’importe qui puisse reprendre sa musique et sa vidéo de la manière dont il le souhaite. Cette hypothèse est reprise par le site australien TheVine, où le journaliste Tim Byron analyse les raisons culturelles du phénomène.

Comme le remarque le site Techdirt, il est assez improbable que PSY ou son label YG Entertainement aient réellement “abandonné leur copyright” sur le morceau ou sur le clip. Un tel renoncement est juridiquement possible, notamment en employant un instrument comme Creative Commons Zéro (CC0), qui permet aux titulaires de droits sur une œuvre d’exprimer leur intention de verser par anticipation leur création dans le domaine public.

Certains artistes ont déjà choisi ce procédé pour diffuser leur production : le rappeur anglais Dan Bull, par exemple a récemment obtenu un beau succès dans les charts anglais avec son morceau Sharing Is Caring, placé sous CC0 et popularisé par le biais d’une habile promotion multi-canaux (diffusion volontaire sur les réseaux de P2P, propagation sur les réseaux sociaux et sur YouTube, vente sur iTunes et Amazon Music, etc).

Extrait de la vidéo Gangnam style

Ce qui s’est passé avec Gangnam Style est différent : PSY et son label n’ont pas formellement abandonné leur copyright, mais ils ont plutôt choisi de ne pas exercer leurs droits, pour laisser la vidéo se propager et être reprise sous forme de remix, sans s’y opposer. C’est ce qu’explique Mike Masnick sur Techdirt :

Je ne sais pas si PSY ou son label ont fait quoi que ce soit explicitement pour abandonner leurs droits sur Gangnam Style, mais il est clair qu’ils ont été parfaitement heureux que des masses de personnes réalisent leurs propres versions du clip, modifient la vidéo et bien plus encore. Chacune de ces réutilisations a contribué à attirer plus encore l’attention sur le morceau original, en l’aidant à percer.

Donc, même s’il n’est pas tout à fait vrai que PSY ait abandonné ses droits sur la chanson ou la vidéo, qui peut honnêtement soutenir que le droit d’auteur ait quoi que ce soit à voir avec le phénomène culturel qu’est devenu Gangnam Style ? En vérité, c’est parce que tout le monde a choisi d’ignorer le droit d’auteur qu’un tel succès a pu devenir réalité. Une large proportion des œuvres dérivées qui ont été réalisées à partir de la vidéo ne respectent certainement pas le droit d’auteur. Et pourtant chacune de ces “violations” a probablement aidé PSY. On ne peut pas trouver un seul cas où cela lui ait causé un préjudice.

Sortir la création de la mélasse

« Le droit d’auteur, c’est de la mélasse !». Le cas de Gangnam Style illustre parfaitement cette comparaison faite par le juriste américain Lawrence Lessig :

Pensez aux choses étonnantes que votre enfant pourrait faire avec les technologies numériques – le film, la musique, la page web, le blog […] Pensez à toutes ces choses créatives, et ensuite imaginez de la mélasse froide versée dans les machines. C’est ce que tout régime qui requiert la permission produit.

En effet, si l’on s’en tient à la lettre du droit d’auteur, toutes les personnes qui ont réutilisé la musique ou la vidéo de Gangnam Style auraient dû adresser une demande en bonne et due forme, afin d’obtenir leur autorisation préalable. Même dans un monde idéal où des organismes de gestion collective seraient à même de gérer efficacement ce type d’autorisations, une telle charge procédurale serait ingérable pour un succès viral explosif comme celui qu’a connu Gangnam Style.

Ajoutons que ce n’est pas seulement pour la musique ou la vidéo que des autorisations sont requises. Le simple fait de mimer la fameuse “danse du cheval” peut déjà être considéré comme une violation du droit d’auteur, car les chorégraphies originales sont considérées comme des œuvres protégées. Beyoncé l’avait d’ailleurs appris à ses dépends l’année dernière, lorsqu’elle avait été accusée de plagiat par la chorégraphe belge, Anne Teresa De Keersmaeker, pour avoir repris quelques pas de danse dans le clip du morceau Countdown.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Bien sûr, il existe des mécanismes comme le fair use (usage équitable) aux Etats-Unis ou l’exception de parodie ou de pastiche chez nous, qui permettent théoriquement de créer à partir d’une œuvre préexistante, sans avoir à demander d’autorisation. Mais l’applicabilité de ces dispositifs à des reprises sous forme de remix ou de détournements est plus qu’aléatoire et nul doute que PSY ou son label auraient pu agir en justice contre leurs fans, s’ils avaient tenu à faire respecter leurs droits.

Le rôle central de YouTube

Il semble clair que ni PSY, ni YP Entertainement n’ont réellement “abandonné” leurs droits. Ils n’ont pas non plus utilisé une licence libre, type Creative Commons pour indiquer a priori qu’ils autorisaient les réutilisations de l’oeuvre (possibilité pourtant offerte par YouTube).

Ce qui explique en réalité la “neutralisation” du droit d’auteur qui a joué ici, ce sont sans doute les règles particulières instaurées par YouTube pour organiser la diffusion des contenus. La plateforme possédée par Google propose en effet un “deal” avec les titulaires de droits, qui leur offre une alternative à l’application pure et simple du droit d’auteur.

Par le biais du système  d’identification Content ID, YouTube est en effet en mesure de repérer automatiquement les contenus protégés que des utilisateurs chargeraient sur la plateforme. Il peut alors bloquer la diffusion de ces contenus et sanctionner les utilisateurs les ayant postés, par le biais d’un système d’avertissements en trois étapes avant la fermeture du compte, qui n’est pas si éloigné d’une riposte graduée.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Mais YouTube propose en réalité un choix aux titulaires de droits, vis-à-vis de Content ID : soient ils décident d’appliquer le droit à la lettre et demandent que les contenus diffusés sans leur autorisation soient retirés automatiquement par les robots de Google ; soient ils acceptent que ces contenus restent en place, en contrepartie d’une rémunération perçue sur la base d’une redistribution des revenus publicitaires générés par YouTube.

C’est vraisemblablement ce qui s’est passé avec Gangnam Style. PSY et son label n’ont pas abandonné leurs droits d’auteur, mais ils ont sans doute tout simplement accepté l’offre de monétisation proposée par YouTube. Du coup, les multiples rediffusions et reprises de la vidéo ont pu échapper aux filtres automatisés de Google, participant à la propagation virale du titre. Et avec des millions de visiteurs, nul doute que cette vidéo a dû rapporter des sommes confortables à ses créateurs.

Économie du partage

Le succès phénoménal de Gangnam Style s’ajoute à ceux d’une année 2012 qui a été marquée par d’autres réussites ayant commencé par une diffusion virale sur YouTube. Le morceau Call Me Maybye de Carly Rae Jepsen s’était déjà ouvert la voie des sommets des charts en suscitant l’adhésion des fans sur la plateforme (plus de 280 millions de vues). La même chose s’est également produite pour le titre Somebody That I Used To Know de Gotye et l’artiste avait tenu à rendre hommage aux internautes qui l’avaient aidé à percer, en publiant sur YouTube un remix à partir des innombrables reprises réalisées par des amateurs.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

La musique n’est pas le seul secteur où ces effets de synergie se manifestent. Si l’on y réfléchit bien, le succès de la série Bref de Canal+ s’explique aussi en partie par les nombreuses vidéos parodiques réalisées sur tout et n’importe quoi à partir du canevas proposé par la série.

En 2010, la demande brutale de retrait des parodies du film La Chute était apparue comme un des symboles des crispations provoquées par l’antagonisme entre la logique du droit d’auteur et les nouvelles possibilités d’expression offertes par les médias sociaux. Peut-être le succès de Gangnam en 2012 marque-t-il l’ouverture d’une nouvelle phase, où les titulaires de droits sauront davantage utiliser les forces du partage en ligne, en tissant de nouvelles relations avec le public ?

Zones d’ombre

Mais la belle histoire de Gangnam Style comporte aussi des zones d’ombre préoccupantes. Le système Content ID mis en place par Google pour surveiller les contenus postés sur YouTube n’est rien de moins qu’une sorte de police privée du copyright, organisée par entente entre un géant du web et les titulaires de droits. Cette application robotisée des règles du droit d’auteur provoque souvent des retraits abusifs, parfois particulièrement inquiétants, comme si la machine frappait aveuglément. YouTube vient d’ailleurs de modifier les règles du système pour permettre aux utilisateurs de se défendre plus efficacement, mais le principe même de cette régulation par algorithme reste contestable.

Plus encore, la monétisation des contenus organisée par YouTube constitue une forme de “licence globale privée » : elle a le même effet d’ouvrir les usages, mais les “libertés” qu’elle procure sont limitées à la plateforme de YouTube et lui permettent de capter la valeur générée par ces pratiques. Les licences globales privées sont en réalité des privilèges juridiques, que les grands acteurs du web sont en mesure de se payer, en amadouant les titulaires de droits par le bais de la promesse d’une rémunération.  Et ce système maintient une forme de répression et d’incertitude constante pour les internautes quant à ce qu’ils peuvent faire ou non.

Il est important de se demander si nous n’avons pas intérêt à ce qu’une licence globale publique organise l’ouverture des usages sur la base de libertés consacrées, tout en assurant un financement mutualisé pour la création. Des propositions comme celle de la contribution créative favoriseraient l’émergence de succès comme celui de Gangnam Style, sans rendre les artistes et le public dépendants d’une plateforme telle que YouTube. De la même façon, il serait infiniment préférable qu’une exception législative soit votée en faveur du remix (comme cela a été fait cette année au Canada) plutôt que cette liberté soit simplement “octroyée” aux internautes par des acteurs privés, sur la base d’arrangements contractuels.

Ne pas être à cheval sur le droit d’auteur, il semble que cela puisse conduire au succès, mais gardons absolument en selle l’idée que les libertés numériques doivent être publiquement consacrées !


Images via la vidéo Gangnam Style.

France 3 se paie l’affiche !

vendredi 5 octobre 2012 à 10:45

Bonjour :)

Ici Geoffrey pour votre chronique “Vendredi c’est Graphism” ! Cette semaine, c’est France 3 qui s’illustre grâce à l’agence Australie et en présentant leur première collaboration matérialisée autour de cette campagne d’affichage mais aussi dans la presse, à la radio et sur le web. Retour sur ces affiches qui ont fait parler d’elles, chose rare pour une chaîne de télévision.

Une campagne de com’ ciblée

Changer le regard porté sur France 3 en valorisant les valeurs de proximité de la chaîne, en phase avec son époque.

France 3, coupé décalé

L’image de France 3 est, vous le savez, assez réservée et sérieuse, cependant, elle offre un contenu riche et varié avec des programmes spécifiques à la chaîne comme “Thalassa”, “Des Racines et des Ailes” ou encore la célèbre série “Plus belle la vie”. Le défi de changer cette image sérieuse et parfois un peu “vieille” était de taille. Cependant, France 3 faisant partie du groupe France Télévisions, ne pouvait pas se permettre tout et n’importe quoi, d’où l’idée de définir une direction claire dans leur statégie de communication :

Ancrée et active sur le terrain, concernée par l’actualité, la culture populaire, son environnement et son époque, France 3 est la chaîne grand public qui nous ressemble, qui nous concerne. Plus que jamais, France 3 est un repère ; Elle n’offre pas seulement une proximité géographique, mais une proximité de valeurs avec les téléspectateurs qui ne se reconnaissent pas dans les excès de la télévision actuelle.

Nous sommes au bon endroit

Cette campagne commence donc avec un spot vidéo très calme, sans musique avec une voix off et l’apparition fluide des éléments typographiques et iconographiques. Le spot, très certainement réalisé avec le logiciel After Effect, utilise très peu d’effets et contrebalance donc leur discours très provocateur qui est “Chez nous, c’est différent de chez les autres”, comprenez que France 3 ne fait pas de télé-réalité, de télé-sensation ou de films pour adultes, etc.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Les affiches

La campagne se décline également en affiches, les mêmes que sur le spot, et qui s’imposent par leur discours vraiment décalé. La finesse de ces affiches se situe (comme souvent pour les affiches réussies) dans le fait qu’elles font appel à l’intelligence du lecteur. En effet, en ne citant pas directement le type d’émission qu’il critique, le texte de l’affiche est tourné dans sa forme négative. Ainsi, pour le lecteur, il est très simple d’inverser le processus et de comprendre que France 3 parle de l’émission “Déco”, de “Secret Story”, des séries américaines ou des télé-achats.

affiche Les affiches de France 3: des cochons, des chiennes et des porcs !
(source)

Décrypter l’image

Les affiches sont simples et sont toutes composées :

• d’un fond coloré avec un dégradé
• d’une phrase en grand, en gros
• d’une image d’une émission dans une télévision
• du logo de France 3
• de leur nouveau slogan “Vous êtes au bon endroit”

La récurrence d’un système graphique permet la cohérence et créé ainsi l’identité de la “marque” ou plus précisément, de la campagne de communication. La plupart des séries d’affiches fonctionne ainsi et joue sur ce système de répétition. Étrangement, ces affiches n’ont pas l’allure d’affiches publicitaires.

Un IMPACT typographique ?

Côté typographie, une drôle de surprise : le caractère “Impact” a été utilisé ! Oui, Impact est une typographie sans-serif conçue par Geoffrey Lee en 1965 et publié par la fonderie Stephenson Blake. Ses traits ultra-épais, son interlettre très serré, sa grande hauteur de x, ses contreformes réduites font son aspect et son identité. Comme son nom le laisse à deviner, la typo “Impact” est dessinée à l’origine pour les titres de journaux. L’impact est l’une des polices de base pour le Web et est distribuée avec Microsoft Windows depuis de nombreuses années.

À l’heure de la culture web, la typo Impact est surtout utilisée pour réaliser des images de mèmes, des images de lolcats, etc. Elle a donc une image assez mauvaise dans la culture de l’imprimé et sera considérée comme ringarde ou un peu kitsch.


(source)

Un graphiste aux manettes ?

Côté graphisme, ces affiches me donnent un drôle de sentiment. En effet, leur composition est propre, tous les éléments sont bien calés sur une grille, les textes sont à peu près bien calés aussi… mais ! Car oui, il y a ce “mais” qui m’ennuie.

• Les couleurs sont des couleurs qui ressemblent à des couleurs RVB (rouge vert bleu, des couleurs pour l’affichage sur écran), plutôt que des couleurs CMJN (cyan, magenta, jaune noir, des couleurs pour l’impression). Je me demande donc quelle sera la qualité du rendu une fois ces affiches imprimées ?

• La typographie, j’en parlais précédemment, n’est pas une typographie très élégante, très intéressante graphiquement et c’est une typographie installée par défaut sur les ordinateurs. L’impression qu’il n’y a pas eu vraiment de recherche en ce sens est forte. Cependant, j’en parlais également plus haut, c’est une typographie très utilisée sur des images produites pour le web. A-t-elle été choisie dans ce but ? Allez savoir.

• Le dégradé sur l’affiche n’a pas grand intérêt, et surtout, la télévision avec le câble qui pend n’est pas très élégante et ne fait pas “corps” avec le reste d’ l’affiche. Elle semble avoir été posée par hasard.

La stratégie de marque

Sur le site de l’agence Australie, on y découvre la stratégie de marque proposée pour France 3.

• Une nouvelle signature pour la chaîne. France 3, vous êtes au bon endroit”, une manière d’affirmer la solidité et la singularité de la chaîne : ancrée et active sur le terrain à travers l’information et les offres régionales, passionnée et enrichissante dans son offre de programmes (culture, découverte, évasion, arts de vivre, fictions familiales et historiques, décryptage et pédagogie de ses magazines et documentaires), naturelle et bienveillante dans le ton et la diversité des points de vues qui s’expriment.
• Une nouvelle campagne que l’agence Australie a voulu drôle et décalée pour marquer les esprits, conforter son public et donner envie de la redécouvrir pour d’autres.
• Selon Valérie Manzic, directrice de la communication externe de France 3,“l’ambition de cette campagne est bien de valoriser l’image de la chaine. France 3 assume ainsi fortement sa place originale et revendique sa solidité dans le paysage audiovisuel français : une offre différente, claire et positive qui n’a de cesse d’évoluer. L’humour renforce la proximité avec notre public et incitera le public à la redécouvrir”

L’accueil sur Twitter

L’accueil de cette campagne sur les différents réseaux sociaux ne s’est pas fait attendre et s’avère être plutôt bon auprès du public, je constate donc que c’est une petite réussite pour un ensemble d’affiches destinées à modifier l’image de France 3.

L’exemple Canal+

Il y a quelques temps déjà apparaissaient dans les transports en commun des affiches minimalistes, drôles et intelligentes pour mettre en avant des films connus. Aux manettes ? La chaîne de télévision Canal+ qui réalisait cette campagne à succès dont beaucoup partageaient les images sur Facebook ou Twitter. La qualité graphique était également au rendez-vous, à mi-chemin entre le dessin, l’affiche de propagande et la typographie très bien exécutée.

Retour en images.


source

Conclusion

Pour conclure simplement sur cette campagne qui semble réussie, il est vrai que les accroches sont bien pensées, surprennent de par leur côté décalé pour cette chaîne de télévision parfois timorée. Cependant, il ne faut pas oublier le graphisme et la qualité visuelle des affiches. La typographie, les couleurs, la composition et le choix des images auraient pu avoir un traitement encore plus méticuleux, plus audacieux et auraient eu, j’en suis sûr, un impact (sans jeu de mots), encore plus fort.

Je reste très curieux de voir si les autres chaînes du groupe France Télévisions vont s’aligner dans cet esprit graphique et décalé ou si la campagne de France 3 restera une exception.

En tous les cas, je vous dis à la semaine prochaine pour un nouvel épisode de Vendredi c’est Graphism !

Geoffrey

Google alerte ses utilisateurs espionnés

mercredi 3 octobre 2012 à 19:41

“Gmail m’annonce que des attaques menées par des États tenteraient de s’infiltrer dans mon compte ou mon ordinateur.” C’est la mauvaise surprise qu’ont constatée hier Noah Schactman, journaliste pour le blog Danger Room de Wired, et un expert en antiterrorisme Daveed Gartenstein-Ross du think-tank américain Foundation for Defense of Democracies, avant de la partager sur Twitter.

Contacté par Owni, Daveed Gartenstein-Ross indique sur Twitter ne pas en savoir davantage : “Gmail a simplement fait une alerte, ainsi que des suggestions pour protéger son compte.”

Selon nos informations, plusieurs milliers de personnes seraient concernées par cette alerte pointant vers des tentatives d’intrusions principalement en provenance d’États du Moyen-Orient. Sur ce point, Daveed Gartenstein-Ross nous informe que Google ne lui a donné aucune précision sur l’origine de l’attaque :

Je soupçonne un gouvernement du Moyen-Orient, étant donné que mes recherches couvrent la région. Mais ça peut aussi être la Chine, ou la Russie, ou tout autre gouvernement cherchant à apprendre plus d’info via le hacking.

Mise en place par Google en juin dernier, cette procédure d’alerte prend la forme d’une bannière rouge s’affichant au-dessus de la boîte de réception et consiste à informer les utilisateurs de Gmail de tentatives d’accès à leurs comptes, qui “suggèrent fortement l’implication d’Etats ou de groupes soutenus par des Etats.” Elles prendraient la forme de phishing, de mails demandant des informations à l’utilisateur en se faisant passer pour certains prestataires de service, ou de malware, de messages comportant des logiciels malveillants en lien ou en pièce jointe.

Difficile en revanche d’en savoir davantage sur le mécanisme d’identification mis en œuvre par Google, qui écrivait en juin sur son blog :

Vous vous demandez certainement comment nous parvenons à savoir que cette activité est menée par un État. Nous ne pouvons pas rentrer dans les détails sans donner des informations susceptibles d’être utiles à ces acteurs malveillants, mais notre analyse détaillée -ainsi que les témoignages de victimes- suggère fortement une implication d’États ou de groupes soutenus par des États.

En 2010, suite à une série d’attaques en provenance de la Chine, connue sous le nom “opération Aurora” Google avait entériné un rapprochement avec la NSA, l’agence de surveillance des télécommunications américain, visant à “une meilleure protection du propriétaire du moteur de recherche et de ses utilisateurs”, expliquait alors Le Monde. Une proximité qui pousse certains commentateurs à s’interroger sur la nature des alertes de Google mises en place en juin dernier : oseraient-ils dénoncer des actions américaines ?

De son côté, le géant de Moutain View déclare sur son blog qu’il est de son “devoir d’être pro-actif en avertissant ses utilisateurs en cas d’attaques ou de potentielles attaques afin qu’ils puissent faire le
nécessaire pour protéger leur information.”
Il y a 15 jours, il faisait l’acquisition de l’antivirus en ligne Virustotal, afin de renforcer la “sécurité en ligne” de ses utilisateurs.

Contacté, Google France n’a pour le moment pas réagi.

Mise à jour : suite à notre demande, Google nous a fait parvenir le communiqué d’un porte-parole du groupe : “Google travaille dur chaque jour pour aider nos utilisateurs à protéger leurs informations. C’est pourquoi nous avons développé cette alerte pour compléter nos systèmes de sécurité des comptes. Nous espérons que ces messages bien visibles encourageront les utilisateurs concernés de prendre des mesures pour renforcer la sécurité de leurs comptes et leurs ordinateurs.”


Photo par John Biehler (CC-by-nc-sa) remixée par Ophelia Noor

Révélations sur la télévision connectée

mercredi 3 octobre 2012 à 11:12

Eat more pizza. Drink More beer. Photo CC by-sa avlxyz

Argument-choc d’un CSA qui se cherche à redorer une légitimité ternie, le serpent de mer de la “télévision connectée” est récemment ressorti du marais saumâtre des idées-bateaux, idées imposées par un marketing tout-puissant mais sans imagination.

Même dans les termes, c’est imbuvable : on ne “voit” pas Internet, on l’utilise.

Et on y participe autant qu’on le consomme, bien au-delà de la simple “interactivité” que nos chers diffuseurs cherchent vainement à développer depuis des lustres. La télévision aura beau être reliée à Internet, si elle est une télé-”vision”, elle ne sera pas plus “connectée” qu’elle ne l’est déjà par ondes hertziennes. Tout au plus, elle utilisera pour se diffuser une bande-passante déjà trop rare dans bien des territoires ruraux.

Le principe même de la “diffusion”, d’ailleurs, se prête mal au jeu du réseau.

Les plus grands diffuseurs d’Internet ont besoin d’une infrastructure lourde (CDN), mal adaptée, chère, et qui ne va pas sans poser des problèmes de centralisation (à l’opposé de l’idée même d’un réseau a-centralisé tel qu’Internet) et de partage des coûts entre opérateurs (on le voit dans le conflit entre Google et Free, qui explique les difficultés que connaissent ses abonnés quand ils veulent regarder une vidéo sur YouTube). Quoi qu’on en dise, on n’a — à ce jour — rien trouvé de plus efficace pour broadcaster du contenu que la bonne vieille antenne.

Qu’il me suffise de rappeler, pour en finir au moins temporairement avec cette idée ridicule, que nos futurs écrans 4k nécessiteront un débit de 500 Mbps pour afficher les détails de l’image (le débit moyen d’Internet en France est de 5,6 Mbps). Même la bien balbutiante fibre optique ne permet pas ça, sans même parler du dimensionnement des équipements en amont. Si c’est sur ce futur mort-né que veut se baser notre gouvernement pour justifier la fusion du CSA et de l’ARCEP, c’est dire comme on est mal barrés.

Internet en fusion

Internet en fusion

En lançant une réflexion sur le "rapprochement" de l'Arcep et du CSA, le gouvernement ressuscite un serpent de mer qui ...

Bref. Pour savoir ce qu’était supposé faire cette chose dont on parle beaucoup mais sans savoir pourquoi, j’ai fait comme n’importe qui et j’ai été lire Wikipedia. Ce dernier propose trois types de service : la navigation, la VOD et les applications (issues d’un App Store ou d’un Google Play) permettant l’interactivité. Quelle vision grandiose.

Il suffit d’avoir joué une fois dans sa vie avec une Wii pour savoir à quel point un pointeur embarqué dans une télécommande – même intelligente – est peu précis. Imaginer utiliser autre chose qu’une souris (ou un doigt) pour “naviguer” sur le Web c’est se le fourrer (le doigt) dans l’oeil. Même les pointeurs laser utilisés pendant les présentations commerciales sont sujets aux tremblements d’une main très peu adaptée à cet usage. Et puis franchement, même avec des lunettes on a déjà tous (sauf moi) du mal à lire une page web quand on a pas le nez collé à l’écran, alors naviguer sur une télé de salon depuis son canapé situé à deux mètres de distance (et à plusieurs)…

Je zappe.

Les applications, donc. Imaginons une émission “interactive” : un diffuseur, des millions de spectateurs, et chacun d’entre eux peut interagir. Pour faire quoi ? Donner son avis ? Vous les imaginez, les millions de tweets qui défilent en bas de l’image pendant le débat entre deux prétendants à la magistrature suprême ? Ridicule. Le seul usage un tant soit peu crédible sera de faire voter le public pour tel ou tel Staracadémiste. Quant à réagir en direct, je me marre : on imagine un clavier (physique ou pas peu importe) et le public qui tape à son rythme de public : le temps qu’il pose sa question, qu’elle soit filtrée par la production et qu’elle sera affichée, on en sera à la pub.

Je zappe.

La VOD (ou la catch-up TV) alors ? Soit, mais laquelle ? Si la grande innovation qui fait peur à toute une industrie consiste à remplacer le loueur de DVD (ou le magnétoscope), je me gausse.

Pourtant la télé connectée existe déjà, mais quoi qu’en pensent les imbéciles qui prédisent la si fameuse convergence (ou qui s’en servent de prétexte à une régulation de la parole publique qu’ils souhaitent depuis toujours), elle ne passe ni par les “players” de nos “box” ni par la Google TV ni par je ne sais quel boîtier blanc (aux coins ronds) designé par Apple. Elle est arrivée depuis longtemps dans nos salons, et nos bureaux, dans une fenêtre comme n’importe quelle autre.

C’est celle que je regarde, de temps en temps, tout en tapant ce texte, et en twittant, et en dialoguant avec mes amis en parallèle. Elle passe par une antenne, puis via mon réseau local elle arrive sur mon écran d’ordinateur. Et lui il a déjà une souris, un clavier, un écran assez proche de mes yeux de presque-cinquantenaire. Son système d’exploitation c’est moi qui l’ai choisi.

Quand la fenêtre “télévision” balance de la pub, je lui coupe le sifflet d’un coup de molette et je passe à autre chose. Quand je veux réagir, je prends le temps de réfléchir et j’en fais un billet de blog. Quand je veux jouer, j’ai un microprocesseur assez puissant pour que ce soit agréable. Et quand le CSA essaiera de contrôler ce que je veux publier, j’utiliserai un VPN pour le contourner.

La télévision connectée existe déjà. Ça s’appelle un ordinateur.


Eat more pizza. Drink More beer. Photo CC [by-sa] avlxyz.

Débuguer nos cancers

mardi 2 octobre 2012 à 18:49

Alors que je m’intéressais aux violences urbaines, je suis tombé sur le data artist et TED fellow Salvatore Iaconesi (alias @xDxD.vs.xDxD), qui travaillait sur des visualisations d’émeutes assez impressionnantes. Il y a quelques semaines, il a publié sur son site Web une vidéo apportant de bien tristes nouvelles…

Après un court instant de doute, j’ai su qu’il ne s’agissait ni d’un canular, ni d’une expérimentation artistique situationniste. Admis à l’hôpital San Camillo de Rome et diagnostiqué d’une tumeur du cerveau située dans le lobe frontal, Iaconesi ne dispose que d’options thérapeutiques limitées (chirurgie, chimiothérapie ou radiothérapie) et d’un pronostic peu favorable (les tumeurs du type gliome sont presque impossibles à soigner).

Décidé à chercher d’autres avis, il s’empare de ses dossiers médicaux et retourne chez lui. Où il découvre que son IRM et ses scanners sont en format propriétaire… Heureusement, ce virtuose du piratage de logiciel et créateur du collectif Art is Open Source, possède plus d’un tour d’hacker dans son sac. Il craque les fichiers, les publie sur Internet et invite experts médicaux et profanes à réagir. En quelques jours, il commence à recevoir toute sorte de contributions : des mails de bon rétablissement aux suggestions d’articles scientifiques, en passant par les coordonnées de professionnels de santé et des conseils pour les thérapies de pointe. Il y a, bien entendu, de tout et n’importe quoi. Il décide donc de cartographier, trier et analyser ces contributions disparates au moyen d’un outil de datavisualisation de sa création. Mis à jour quotidiennement par ses soins, ce graphe navigable donne accès aux dossiers médicaux et aux informations pertinentes collectées par la communauté de contributeurs Web de La Cura, son “traitement open source”.

La médecine 2.0

La portée culturelle du cas Iaconesi est de plusieurs ordres. L’angle le plus direct pour l’interroger consisterait à se concentrer sur les implications en terme de vie privée de cette quête connectée d’un traitement ouvert du cancer. Le partage de fichiers médicaux et le crowdsourcing thérapeutique sont-ils révélateurs d’un basculement dans notre rapport à la dimension personnelle de la maladie ? Bien que la décision de l’artiste de “s’ouvrir” au sujet de son état s’avère peut-être tentant pour la presse qui déploie autour de lui le cirque médiatique habituel, la question est bien moins originale qu’il n’y paraît. Les plus célèbres survivants du cancer (à l’instar de Jeff Jarvis ou Howard Rheingold) ont longtemps soutenu que la “publitude” sur Internet recelait un grand potentiel curatif. La création de réseaux de personnes apportant leur soutien émotionnel et partageant leurs expériences ainsi que leurs conseils médicaux sont loin d’être une nouveauté. Ceci entre en résonance avec l’expérience de millions de membres de forums de discussion et de blogueurs atteints d’un cancer, qui documentent sur le Net leurs vies et leur lutte quotidienne.

L’originalité du traitement Open Source de Iaconesi se trouve ailleurs, en l’occurrence dans la façon dont il problématise la notion d’ouverture (openness) en mêlant “humanités médicales”, hacking et e-santé.

Enlarge your conciousness "gelée émotionelle" par Salvatore Iaconesi (cc)

Permettez-moi de clarifier ces points. En fait, quand l’artiste se plaint que ses dossiers médicaux ne soient “pas ouverts”, il a techniquement tort. Le format DICOM (Digital Imaging and COmmunications in Medicine) utilisé pour enregistrer ses IRM et tomographies est, en théorie, ouvert dans la mesure où il garantit l’interopérabilité presque universelle entre tous les équipements d’information médicale. Cependant, dans une interview récente, Iaconesi soutient que :

“même” s’il est “techniquement ouvert”, le format dans lequel mes dossiers médicaux m’ont été délivrés n’est pas satisfaisant car il est “ouvert pour les professionnels” et par conséquent la seule chose que je puisse en faire est de les montrer à des professionnels, écartant toutes les formidables autres composantes de “traitement” qui sont disponibles à travers le monde.

Ce qui se joue dans cette définition différenciée de l’ouverture – celle de l’information au patient, des standards techniques de l’archivage numérique des dossiers médicaux et, finalement, du traitement lui-même – est le rapport entre professionnels de santé et patients. La mise à disposition en ligne de données médicales a été saluée comme un outil inestimable de capacitation des patients et a considérablement redéfini les professions de santé durant la dernière décennie. Les chercheurs ont constaté la montée de la “désintermédiation médicale”, c’est-à-dire le déclin progressif du rôle d’intermédiaires joué jusque là par les professionnels de santé entre le patient et l’information médicale. D’aucuns ont poussé le constat jusqu’à annoncer l’émergence d’une médecine en “peer-to-peer”.

En ce sens, le traitement open source auquel nous sommes confronté dans ce cas de figure s’inscrit dans une mouvance Médecine 2.0 qui glorifie le rôle des patients connectés en leur conférant le droit d’accéder, de manipuler et de partager leurs propres dossiers médicaux – comme on l’a vu dans les récents évènements très médiatisés tel le “Datapalooza”, sponsorisé par le département de la santé US.

Toutefois, cela ne signifie pas que l’opinion et la voix des profanes écartent l’expertise des professionnels de santé. La question de la crédibilité et de la fiabilité des informations médicales est cruciale. Comme le remarque Ulrike Rauer, chercheuse de l’Oxford Internet Institute, quand ils rencontrent des données médicales provenant d’Internet, les patients font encore davantage confiance aux professionnels de santé qu’à des sites privés.

Même les plus fervents apôtres de la Médecine 2.0 ne cèdent pas complètement aux sirènes de la désintermédiation. Au contraire, ils s’accordent pour dire que les professionnels de santé et les patients font partie d’un vaste écosystème d’”apomediaries” informatiques. Comme le dit Gunther Eysenbach :

à la différence de l’apomédiaire, l’intermédiaire se situe “entre” (du latin inter- “entre”) l’usager et l’information, ce qui signifie qu’il est un médiateur incontournable pour recevoir de l’information en premier lieu. De fait, la crédibilité et la qualité de l’intermédiaire détermine grandement la crédibilité et la qualité de l’information reçue par le consommateur. En revanche, l’apomédiation signifie qu’il existe des agents (personnes, outils) qui se tiennent prêts (du latin apo- : séparé, détaché, éloigné) à guider le consommateur vers des informations et des services de haute qualité sans être au départ une condition préalable à l’obtention du service ou de l’information, et avec un pouvoir individuel de sélectionner ou d’altérer l’information négociée qui est limité. Tandis que ces catégories ne sont pas mutuellement exclusives (en pratique, il pourrait y avoir un mélange des deux, de gens qui vont et viennent de l’apomédiation à l’intermédiation), l’hypothèse a été émise qu’elles influencent comment les gens jugent la crédibilité.

Humanités médicales numériques

Un autre aspect important dans le traitement open source de Iaconesi est son plaidoyer pour une approche humaine de la santé et de la maladie. Son projet a pour but de traduire des données en une sorte de langage naturel hybride, compréhensible par le profane comme par les opérateurs d’équipements médicaux.

La première chose que vous notez dans un hôpital est qu’ils ne vous parlent pas vraiment. Le langage médical est complexe et difficile, et ils font rarement grand chose pour le rendre plus compréhensible. L’un des témoignages que j’ai reçu à La Cura venait d’une dame qui a entendu un médecin lui crier dessus : “Vous pensez vraiment que je vais vous expliquer pourquoi je dois vous retirer votre tyroïde ? Elle doit être retirée ! Point !”. Ce n’est pas vraiment “ouvert”, à aucun point de vue. Et, à plus d’un titre, c’est une preuve explicite de l’approche de la médecine vis-à-vis des patients : ils cessent d’être “humains” et deviennent des jeux de paramètres dans un dossier médical sujet à certains protocoles et certains standards. Quand vous êtes à l’hôpital, c’est souvent comme si vous n’étiez pas là. La seule chose qui compte c’est vos données : pression sanguine, rythme cardiaque, résonnance magnétique etc.

Enlarge your conciousness "gelée émotionelle" par Salvatore Iaconesi (cc)

Ouvrir les données médicales revient à réconcilier le savoir médical avec l’expérience corporelle de la maladie. Et, de ce point de vue spécifique, l’inspiration pour le “traitement” de l’artiste italien peut être retracée à l’intérêt croissant pour les humanités médicales. Depuis la fin des années 1950, un corpus d’oeuvres littéraires et artistiques, ainsi que des productions universitaires en anthropologie médicale et en sciences sociales sur l’expérience de la maladie est utilisé dans la pratique médicale et son enseignement.

Au-delà des contacts basiques avec les patients, les professionnels de la médecine sont de plus en plus entraînés à développer des compétences de soins médicaux à visage humain, des aptitudes d’observation et d’empathie avec leurs patients. Ceci est réalisé en examinant des récits à la première personne de patients ou en étudiant le contexte sociologique et culturel de la pratique de la biomédecine. Même sans s’aventurer dans le champ le plus créatif, et parfois controversé, de l’art-thérapie, ce nouveau domaine a clairement le potentiel de complexifier et d’améliorer la compréhension actuelle du bien-être et de ses nombreux contraires.

Iaconesi a invité non seulement des experts médicaux et leurs patients, mais aussi des poètes, des plasticiens et des musiciens à participer à son expérimentation Web, et ceci place son traitement open source au croisement des humanités numériques et médicales. Jusqu’ici, le lien entre l’informatique, les humanités et la médecine a été surtout assuré par les professionnels de santé avec un bagage en informatique, comme les initiateurs du Medical Future Labs et d’autres programmes proches autour du monde. Le fait qu’un artiste – et une personne vivant avec un cancer – ait maintenant lancé une initiative proche promet d’offrir un aperçu inestimable sur la façon dont la maladie et la guérison sont vécues dans des environnements sociaux connectés.

Pensez aux possibles évolutions des notions de maladie et santé appliquées à cette situation, la possibilité de rendre des formes de dignité humaine et de sociabilité en se fondant sur le partage d’idées et d’expériences, sur la réappropriation d’un état de sincère et active solidarité, complète et variée.


Photo des créations de Salvatore Iaconesi :”Enlarge your conciousness : emotional jellies” [CC-by-sa]
Version anglaise du texte disponible sur Bodyspacesociety, le blog d’Antonio Casilli (@bodyspacesoc)