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Monopole sur les idées

mardi 2 octobre 2012 à 12:57

Richard Stallman dans la rédaction d'Owni.fr le 1er octobre 2012 - (cc) Ophelia Noor

Le brevet logiciel est un enjeu important pour les libertés numériques et l’économie mais malheureusement moins mobilisateur pour le grand public que la Hadopi ou Acta, en dépit du spectaculaire conflit qui oppose Apple et Samsung.

C’est dans une relative indifférence que le projet est de retour au niveau européen, via un texte sur le brevet unitaire visant à unifier le système des brevets dans l’UE. La commission des affaires juridiques (JURI) en discutera le 11 octobre puis négociera avec le conseil avant le vote final. Le monde du logiciel libre est sur le pied de guerre pour dénoncer une remise à plat du système actuel dans le mauvais sens, avec une campagne de lobbying menée par l’association April.

Richard Stallman, précieux radoteur

Richard Stallman, précieux radoteur

Le pape du logiciel libre a donné une conférence ce jeudi à Paris sur le thème ”Logiciels libres et droits de ...

Complexe, la question de la brevetabilité du logiciel divise encore. Ils sont interdits dans les pays signataires de la convention sur le brevet européen de 1973, dites convention de Munich, approuvé par tous les pays de l’UE. Avec plus ou moins de laxisme d’un pays à l’autre. Dans les faits, le contesté Office européen des brevets (OEB) en a déjà attribué. Et dans tous les cas, le code est soumis au droit d’auteur.

Pour sensibiliser sur ce sujet, le gourou du logiciel libre Richard Stallman donnera une conférence ce mercredi à à l’ESIEA à Paris à partir de 19 heures, vêtu de son costume de lobbyiste à sa sauce un peu nerd lunatique. Nous lui avons demandé d’éclaircir les enjeux. Et nous avons aussi un peu trollé, des deux côtés.

Le brevet logiciel, c’est une lutte des partisans du libre ? Ou dépasse-elle ce milieu ?

Chaque brevet est un monopole imposé sur l’utilisation d’une idée. Avec un brevet informatique, n’importe quel programme peut être interdit. Tout développeur est une victime potentielle des brevets informatiques. Ils servent aussi à interdire des objets physiques mais c’est autre chose. Car fabriquer un objet physique avec des circuits est beaucoup plus difficile, cela exige une entreprise plus grande, il y a donc moins de brevets applicables.

Les non-développeurs sont aussi restreints car sans savoir coder, on peut assembler des programmes, la combinaison peut être brevetée. Il y a des actions que presque tout le monde fait, comme écouter un fichier mp3, mais le mp3 est breveté et tout programme qui n’a pas l’autorisation d’utiliser des fichiers mp3 peut être sanctionné. Il y a le risque de ne pas trouver un programme à utiliser ou seulement de mauvaise qualité.

Et les entreprises qui ont fait le choix du logiciel propriétaire…

[Il nous coupe] Privateur.

… du logiciel privateur sont aussi concernées ?

Oui, elles sont aussi en danger. Les utilisateurs commerciaux peuvent aussi être pris dans un procès. N’importe quelle personne faisant de l’informatique est plus ou moins en danger. Le danger est surtout grave dans ce domaine car on agrège beaucoup d’idées dans un programme, un grand programme peut facilement implémenter des milliers d’idées. Si 10% des idées sont brevetées, cela signifie des centaines de procès potentiels contre le développeur, les distributeurs, les utilisateurs commerciaux.

Voilà huit ans, un avocat américain a étudié le noyau Linux utilisé dans le système d’exploitation GNU et Linux. Il a trouvé 283 brevets informatiques qui seraient violés par ce code. Une revue a publié dans le même temps que le noyau faisait environ 0,25 du système entier, soit 100 000 procès potentiels.

Pour vous, les brevets logiciels sont “le plus grand danger qui menacent le logiciel libre”. Que mettent-ils en danger précisément pour la communauté du libre ?

Le danger est qu’un programme libre ne soit plus disponible pour le public, chassé par des menaces de procès ou même qu’il ne sorte pas. S’il sort, il pourrait être attaqué après. Par exemple le premier programme libre capable de gérer les fichiers mp3, BladeEnc, a été éliminé par une menace de brevet. Aujourd’hui, nous avons des programmes libres qui sont distribués, mais pas partout, entre les distributions GNU et Linux. Beaucoup ne les offrent pas par peur des procès. Donc elles ne contiennent rien ou un programme privateur injuste.

Quelle est votre “plan de bataille” ? Êtes-vous optimiste ?

Il est difficile d’avoir un plan de bataille car l’ennemi est plus puissant, nous devons réagir aux attaques. Il repousse toujours les plans, cela nous laisse du délai, ce qui est bon. Mais c’est lui qui choisit le calendrier, pas nous. Mais je ne suis pas le général en chef, j’essaye d’aider ceux qui s’en occupent en Europe. J’apporte mon concours en faisant des conférences, des entretiens…

Avec qui ?

C’est une question absurde !

Vous pouvez vous entretenir avec des eurodéputés pour faire du lobbying…

Non, je ne les vois pas souvent, je le ferais s’ils voulaient. Je viens de donner des conférences à Bruxelles mais le Parlement n’était pas là.

Êtes-vous confiant ?

Je suis pessimiste par nature. Mais qu’importe mon point de vue, le résultat dépend de vous, de votre volonté de lutter. Cette tendance chez les journalistes à poser des questions sur le futur est une erreur. Il ne faut pas demander comment sera l’avenir mais comment pouvons-nous nous assurer un bon futur.

On publie des interviews pour exposer votre point de vue…

Oui, cela peut aider, mais comment sera le futur, bien sûr je ne sais pas. Mais maintenant, il est impossible de ne pas voir le danger avec tous ces grands procès sur de nombreux brevets entre les plus grands fabricants du monde. C’est la fin de la drôle de guerre, c’est la vraie guerre que nous avions prévue il y 20 ans.

De quelle législation l’UE devrait-elle s’inspirer ?

Je proposerai une loi pour que les programmes ne soient pas sujets aux brevets, quels que soient les brevets et que ce soit dans le développement, la distribution ou l’exécution. C’est la solution complète. L’Office européen des brevets a déjà octroyé beaucoup de brevets informatiques et estime qu’ils sont valables. Que faire ? Il y a deux options. On peut légiférer contre l’octroi de brevet et dans ce cas, il reste les brevets existants qui ont une durée de vie de 20 ans. Cette solution serait efficace mais il faudrait attendre longtemps.

Ma solution résoudrait immédiatement le problème. Les entreprises qui ont déjà déposé des brevets pourraient toujours faire des brevets sur les implémentations fixes sur des circuits de la même idée mais pas contre l’utilisation des ordinateurs généraux.

Il est difficile de comprendre ce sujet pour les non informaticiens. Ils supposent que les brevets fonctionnent comme le droit d’auteur mais en plus fort. C’est une conception nébuleuse et fausse. Ils s’imaginent cela à cause de l’expression idiote de “propriété intellectuelle” qui essaye de généraliser au droit d’auteur les brevets plus ou moins dits d’autre lois qui n’ont rien à voir dans la pratique. Ils pensent à tort que ces lois présentent un point commun important.

Richard Stallman dans la rédation d'Owni le 1er octobre 2012 -(cc) Ophelia Noor

Si vous écrivez un programme, le droit d’auteur vous appartient dessus, vous ne pouvez pas copier le code d’un autre programme privateur, et comment le copier sans le voir ? Donc vous ne courez pas le risque d’un procès pour violation du droit d’auteur. Mais les idées que vous avez implémentées dans votre code peuvent facilement être brevetées par d’autres. Or vous pouvez avoir la même idée indépendamment, ou en entendre parler, il y a beaucoup de manière d’implémenter une idée déjà brevetée par une autre personne. Le brevet met en danger celui qui écrit le code, contrairement au droit d’auteur.

J’utilise l’analogie entre les programmes et les symphonies. La symphonie est une œuvre assez grande qui contient beaucoup de notes et implémente beaucoup d’idées ensemble. Mais pour implémenter les idées musicales, il ne suffit pas de dresser une liste d’idées et de la présenter. Il faut écrire la partition, choisir beaucoup de notes, c’est l’étape difficile qui exige du talent.

Imaginons qu’au XVIIIe siècle des États européens aient voulu promouvoir le progrès de la musique symphonique en imposant un système de brevets musicaux : sur la forme d’un mouvement, un motif mélodique, rythmique, une série d’accords, l’utilisation de tels instruments ensemble. Vous êtes Beethoven et vous voulez composer une symphonie, il serait plus difficile de le faire de façon à éviter un procès que de produire une belle œuvre. Même un génie ne peut pas ne pas utiliser des idées déjà anciennes. C’est la même chose dans l’informatique.

Plus de 450 entreprises ont signé une lettre pour s’opposer au projet de brevet unitaire et au brevet logiciel. Parmi les acteurs concernés, qui est pour, qui est contre ?

Je ne sais pas, mais Twitter a fait quelque chose de très intéressant : le contrat des employés indique qu’ils doivent se limiter à des brevets défensifs, c’est une avancée, cela montre que n’importe quelle entreprise peut le faire. Voilà 20 ans que je propose cela. Beaucoup d’entreprises demandent à leurs employés de déposer des brevets. Mais comment savoir que dans 10 ans ce brevet n’appartiendra pas à un troll ou Apple et ne sera pas utilisé à des fins agressives ?

Avez-vous le sentiment que la politique menée par la nouvelle majorité de gauche en matière de libertés numériques et de partage de la culture est meilleure que celle de l’ancienne majorité ?

Il serait très difficile de faire pire ! J’ai entendu dire qu’ils pensent supprimer la Hadopi, ce serait très bien car la Hadopi est l’ennemi des droits de l’homme. Tant qu’elle existe, les citoyens français ont le devoir de maintenir des réseaux sans mots de passe (Richard Stallman déteste les mots de passe dans l’absolu, NDLR). C’est une forme de résistance contre l’enrôlement forcé comme soldat dans la guerre injuste contre le partage.

Lors de votre conférence à la Villette ce week-end, vous avez dit, entre autres, “Seuls des hommes sans principes sont prêts à sacrifier leur liberté pour un peu de commodité”. Pensez-vous que ce soit le bon argument pour convaincre ma mère de passer au logiciel libre ?

Oui ! D’abord, que fait votre mère, je ne la connais pas, est-elle informaticienne ?

Non, il n’y a pas beaucoup de mamans informaticiennes…

Oui, dans les années 60, il y en avait… Seuls les arguments éthiques peuvent avoir une influence sur ceux qui ne sont pas intéressés par la technique. Pas besoin d’être technicien pour comprendre le pouvoir injuste dans la vie. Dans le logiciel, il n’y a que deux possibilités pour les utilisateurs : soit ils ont le contrôle du programme, soit le programme les contrôle. Le premier cas s’appelle le logiciel libre, les utilisateurs disposent des quatre libertés essentielles (exécuter le programme, l’étudier et l’adapter à ses besoins, le redistribuer, l’améliorer et en faire bénéficier la communauté, NDLR) le second est le logiciel privateur.

Mais si j’explique ça à ma maman, elle va me dire “ok mais mon logiciel (privateur) marche, le reste m’importe peu”…

Mais sait-elle ce qu’il fait ? Le logiciel privateur vous espionne, vous restreint délibérément, contient des portes dérobées capables d’attaquer les utilisateurs. Et beaucoup sont capables de comprendre l’injustice de ce fonctionnement car ils peuvent regarder plus loin et plus profond que leur commodité à court terme. Mais d’autres n’en sont pas capables et ils sont perdus pour les droits de l’homme.

Il me semble que cette question cherche à démontrer qu’il est impossible de convaincre les gens de protéger n’importe quelle liberté. Ce sont des questions idiotes, pourquoi me poser des questions avec des préjugés. C’est supposé que les gens sont bêtes.

[On essaye de lui expliquer qu'on émet juste un bémol sur l'efficacité de son argumentation, que notre maman ne se préoccupe pas trop des backdoors et autre fonctionnalités malignes.]

Mais ça marche, vous supposez que votre mère est bête, je ne veux pas supposer cela.

Non, je vous dis juste quelle serait sa réaction, elle ferait la balance entre les avantages et les inconvénients… […]

Vous connaissez votre mère… Peut-être est-elle bête. Mais pas toutes les mères. Je rejette cette question qui a un préjugé faux.

Vous êtes optimiste…

Non. Beaucoup de non-informaticiens comprennent l’enjeu, ne me dites pas le contraire. S’ils ne sont pas habitués à penser en ces termes, ils peuvent apprendre en écoutant des discours qui prêtent de l’importance à l’éthique et aux droits de l’homme.

On va parler de l’open hardware, pour finir…

Je ne veux pas de question sur open n’importe quoi… [Avant d'interviewer Richard Stallman, il faut promettre de ne pas l'associer à l'open source, NDLR]. J’exige que l’article parle de hardware libre. Ce sont deux philosophies différentes.

MakerBot s’est fait critiqué avec sa Replicator 2 qui ne serait pas libre. Le parallèle avec ce qui s’est passé dans le monde du logiciel vient immédiatement à l’esprit, vous semble-t-il juste ?

C’est une confusion. MakerBot utilise des programmes privateurs dans l’imprimante, c’est la même question. Évidemment c’est mal, nous allons le critiquer bientôt. Et nous allons faire une annonce sur une imprimante qui n’utilise que du logiciel libre, un fabricant a demandé notre approbation.


Interview réalisée à la soucoupe Owni par Sabine Blanc et Ophelia Noor avec Richard Stallman speaking french oui oui. Photo Ophelia Noor.

Google siphonne à pleins tubes

mardi 2 octobre 2012 à 09:00

Google a lancé en mars dernier sa toute nouvelle plateforme de vente en ligne : applications Android, musique, films et … depuis mi-juillet des livres numériques. Le 24 septembre, Google Play – le petit nom de la plateforme – est arrivé sur Twitter, l’occasion de chercher un peu comment est faite la partie librairie du grand magasin virtuel. À l’instar d’Amazon et Apple, le dernier né de la galaxie des géants de la vente en ligne est donc… en ligne. Avec une différence notable : sur Google Play, les commentaires et critiques des lecteurs et acheteurs sont une agrégation des commentaires publiés sur les blogs et sites littéraires ou bien sur les autres plateformes, Fnac.com comprise.

Agréger c’est le job de Google. Oui mais.

Le “métier” principal de Google c’est d’agréger les contenus pertinents – algorithme à l’appui – pour en faire quelque chose de lisible pour les utilisateurs : une barre de recherche, quelques mots et le tour est joué. Des applications, des films et des livres dans la besace du géant de la recherche sont ainsi accessibles en un clic ou deux. Sur le principe de l’Appstore, Google Play se pose donc en copie quasi conforme, les supports de lecture diffèrent, c’est tout.

Chez Google – que nous avons contacté -, on explique les objectifs :

Notre objectif est de fournir aux utilisateurs les résultats de recherche les plus pertinents et les plus exhaustifs possibles [...] et d’aider les utilisateurs à trouver des livres et d’autres contenus intéressants pour eux. Nous mettons en avant les livres qui viennent d’être publiés, mais également d’autres livres en fonction de leurs ventes, leur prix, leur catégorie, etc.

En revanche, concernant l’intégration des résultats de Google Play dans leur moteur de recherche maison, ils n’ont ”rien à annoncer de plus à ce jour”. Ce serait pourtant dommage de se priver d’un moteur de recherche si performant.

Une autre différence se situe dans la partie “Livres”. Là où Apple et son AppStore proposent aux possesseurs d’un lecteur de déposer un commentaire à l’achat, Amazon fonctionnant également de la même manière, Google Play permet – outre de déposer un petit mot aux futurs potentiels lecteurs – de lire les commentaires récupérés de Fnac.com, Babelio, Myboox et autres, pour la plupart des livres.

Les ardents défenseurs du géant de Mountain View argueront que Google reste fair play en ajoutant à la suite des commentaires ainsi “récupérés” un lien “avis complet” renvoyant ainsi vers les autres sites marchands. Dans le cas présent, Google se sert donc du nombre de commentaires – les extraits sont parfois denses et permettent de se faire une idée précise de la qualité de l’ouvrage – pour vendre sa soupe lui-même. Deux exemples : Flammarion n’y figure pas encore et est “en cours de négociations” selon Florent Souillot, responsable du développement numérique chez Flammarion et Bragelonne s’est retiré de leur catalogue.

Les commentaires provenant de sites soit marchands, soit agrégateurs de critiques de lecteurs en partenariat avec d’autres plateformes, il y a là un “petit hic” : Quelle équation préfère le lecteur ? Un clic + un clic + un clic + un clic = achat ou un clic + un clic = achat ? Pourquoi acheter un livre en quatre étapes quand on peut le faire en deux ? Le nombre de commentaires sur la page de Google Play attestera de la qualité du livre, les extraits des commentaires élogieux ou assassins sont là pour ça.

Maxime Coupez, senior project manager chez faberNovel, explique le problème posé par l’agrégation des commentaires :

Le tunnel d’achat commence avant d’arriver sur le site, une recherche sur Google par exemple. Google valorise le contenu exclusif, donc le fait que Google Play agrège les commentaires des autres sites, ça brouille le référencement de ces sites sur Google. Le problème se pose dès le référencement sur le moteur de recherche.

Dans la majorité des cas, pour Coupez, “quand les utilisateurs viennent sur Google Play, ils n’y viennent pas pour les commentaires mais pour le service [l'achat de livres, NDLR].” Mais un certain nombre d’études montrent “qu’ils permettent de mieux vendre, en tant que contenu qui rassure l’acheteur et l’utilisateur, même s’ils sont négatifs”. Plus il y a de commentaires et plus le site marchands peut vendre, peu importe d’où viennent les commentaires.

Partenaires particuliers

Concernant les sites “utilisés” par Google Play, on pourrait s’imaginer qu’ils sont au courant. De fait, certains le sont par hasard quand d’autres l’apprennent au cours de notre conversation au téléphone. Pourtant, l’un des porte-paroles de Google précise :

La description des livres est fournie par l’éditeur. Les commentaires des lecteurs proviennent de utilisateurs de Google Play ainsi que d’utilisateurs d’autres sites partenaires.

Partenaires ? Contacté par Owni, Pierre Timmermans, propriétaire du site Critiqueslibres.com, explique :

Nous sommes en partenariat avec Amazon déjà, n’importe qui peut plus ou moins l’être d’ailleurs, mais pas avec Google, qui ne nous a pas contacté non plus.

Amazon rapporte un nano-pactole pour cette association sans but lucratif (ASBL) : tout lecteur arrivant sur Amazon par Critiqueslibres.com permet aux bénévoles de toucher ”200 euros en moyenne et 400 euros les bons mois en fin d’année, c’est 3 à 8% en fonction du montant des achats sur le site”.

Guillaume Teisseire de Babelio – en partenariat avec Amazon, ce qui pour lui ne semble pas incompatible – estime que ça ne le dérange pas : ”nous étions sur Google Books déjà, donc c’est un peu une déclinaison. En plus ce n’est pas l’intégralité des commentaires qui est intégrée.”

Le pari de Babelio ? Permettre que cet échange leur apporte du trafic, à la manière du moteur de recherche Google. En revanche le choix d’Amazon ressemble plus à un choix stratégique sans visée purement financière :

Notre partenariat avec Amazon n’existe pas pour des raisons financières mais parce qu’ils nous ouvrent l’accès à toute leur base de données, de couvertures et de résumés. Gratuitement. C’est pas un choix business. On n’a pas vocation à envoyer vers Amazon. Pour la Fnac c’est plus problématique mais nous, si nos commentaires tronqués sont référencés sur Google Play et qu’Amazon perd de l’argent, ça ne nous change rien. La seule chose c’est qu’Amazon m’empêche de faire des liens vers d’autres libraires, des indépendants par exemple.

Le problème se situerait davantage entre les sites marchands entre eux. En atteste l’échange qu’Owni a eu avec David Pavie, directeur Hachette des sites grands publics – Hachette est propriétaire de Myboox dont les commentaires sont également repris par Google Play :

Le problème ne concerne pas seulement Myboox mais tous les éditeurs de contenus qui cherchent à avoir du trafic. Nous pourrions perdre des ventes, oui, mais c’est très difficile à mesurer. Et surtout ça ne créé pas une fuite de Myboox vers Google Play, plutôt l’inverse, de Google Play, un commentaire peut être lu ensuite en entier sur Myboox. C’est une contrepartie : ils renvoient du trafic chez nous en intégrant nos commentaires.

Problème, Myboox est sous contrat d’affiliation avec Mollat et les achats effectués sur Myboox sont autant de commandes pour celle qui était, en 2006, la première librairie indépendante en chiffre d’affaires et titres en rayon.

La tactique du gendarme

Le moyen pour Google de récupérer les informations ? L’insertion de rich snipets ou micro data, pour laquelle les sites ont été fortement incités par Google et les autres. “L’inconvénient c’est que nous ne savons pas ce qu’ils font du contenu récupéré” explique David Pavie. Qui exprime surtout le piège dans lequel les sites se sont enfermés :

Personne ne peut se passer de ça. Les termes du marché sont imposés par Google et c’est difficile de faire sans.

Le marché imposé par Google, le trafic vers les sites comme grandes batailles, mais alors les liens des commentaires permettraient-ils à Google de se dédouaner et d’envoyer du trafic vers les sites desquels les commentaires proviennent ? “Ils ne vont pas aller cliquer sur les commentaires, parce que ce n’est pas le but et à partir du moment où ils sont rentrés sur le site de Google, ils n’en ressortiront pas” assène Maxime Coupez de faberNovel.


La Fnac que nous avons contactée avec des questions précises en milieu de semaine dernière n’est pas – encore ? – “revenue vers nous”.

Image par Kalexanderson (CC-byncsa) remixée par O.Noor pour Owni

Les data en forme

lundi 1 octobre 2012 à 18:35

Data vedette

Le jury du concours Information is beautiful s’est réuni vendredi 28 septembre pour élire les meilleurs travaux de datajournalisme de l’année. Au milieu des milliers de participants, la palme d’or de la discipline a été décernée à l’application réalisée par l’agence américaine Stamen pour la chaîne CNN : Casualities, Home & Away.

Sur un fond de carte aux terres grises et aux mers noires, des loupiotes brillent en occident et sur les théâtres d’opération, Irak et Afghanistan, et se répondent. Ce sont les soldats envoyés sur le front, disparus au combat, là où ils ont perdu la vie et là d’où ils venaient. Des centaines, classés par âge, nationalité (ou état d’origine pour les Américains) et date de décès. Semés au fil des attentats et des attaques, de Kaboul à Bassorah, ils offrent un bilan glaçant des deux conflits dans cette confrontation des deux cartes.

Si cette carte vaut vraiment la peine d’être explorée, nous ne pouvons que vous inviter chaudement à passer en revue tous les autres nominés : que vous vous intéressiez au budget de l’Etat anglais ou à Metallica, il y en a pour tous les goûts et toutes les mirettes.


Mise en veille


Titre : El patron de los Numeros Primos (Les séquences des nombres premiers)
Source : JasonDavies.com
Auteur(s) : Jason Davies
Technique : D3.js
Note : Si vous êtes réfractaire aux maths, cette échelle des nombres premiers propose une représentation poétique bien que rigoureusement mathématique de cet ordre indivisible. Pour chaque valeur, ce graphique interactif trace une séquence de ses multiplicateurs qui serpente autour de l’axe des entiers, accompagné en pied de page de formules mathématiques se rapportant au nombre concerné. Repéré sur le site Data’N'Press inspiration, cette œuvre était accompagnée d’une autre représentation esthétiquement réussie mais un peu chaotique pour les rétifs à la géométrie, NumberSimulation.



Titre : Ville-Monde : Johannesburg
Source : France Culture
Auteur(s) : WeDoData
Technique : infographie
Note : Réalisé avec nos confrères datajournalistes de WeDoData, cette infographie décrit en quelques panneaux la ville de Johannesburg à l’occasion de la dernière édition de la revue hebdomadaire de France Culture, Ville Monde. Marquée par l’Apartheid dans son histoire, la métropole sud-africaine a conservé dans sa démographie et son économie les cicatrices de la séparation entre Noirs et Afrikaneers, décrite ici par quelques saisissantes statistiques.



Titre : Le dieci zavorre che pesano sul sistema-Paese (Les dix poids qui pèsent sur le système national)
Source : Il Sole 24 Ore
Auteur(s) : Il Sole 24 Ore
Technique : infographie
Note : Pour mettre en lumière les faiblesses qui plombent la compétitivité nationale, le quotidien économique italien Il Sole 24 Ore a épluché les statistiques des grandes organisations internationales pour y dénicher dix plaies. Du coût élevé du crédit à la qualité des infrastructures en passant par les factures de gaz et d’électricité, les datajournalistes ont situé l’Italie par rapport aux autres pays européens sur une échelle établie à partir des données de la BCE, de la Banque Mondiale ou du FMI, publiant ainsi une infographie riche en enseignement sur l’économie italienne mais aussi sur celle des autres états membres de l’UE.



Titre : What your beer says about your politics (Ce que votre bière révèle de vos opinions politiques)
Source : National Journal
Auteur(s) : Tracey Robinson, NMRPP / Mike Shannon et Will Feltus
Technique : infographie
Note : Mieux que la célèbre méthode de sondage politique “avec qui prendriez-vous une bonne bière ?”, deux journalistes du National Journal ont tenté de répondre à la question “dis-moi ce que tu descends, je te dirai pour qui tu votes”. En s’appuyant sur les 200 000 interivews de citoyens américains de l’étude sur les consommateurs de l’institut Scarborough, les deux journalistes ont ainsi réparti selon leur affiliation démocrate ou républicaine – ainsi que sur la stabilité de leur vote– , les habitués de chaque marque de bière recensée. On y apprend ainsi que les consommateurs de Heineken et de Corona sont les plus fervents démocrates tandis que les consommateurs de Corona Light ou de Samuel Adams penchent plutôt de l’autre côté.



Titre : The US electoral college explained : why we don’t vote directly for a president (Le collège électoral américain expliqué : pourquoi ne vote-t-on pas directement pour un président)
Source : Guardian
Auteur(s) : Guardian US Interactive team + Harry J Enten
Technique : datavidéo
Note : Essentiel à la compréhension de l’élection présidentielle américaine qui se profile, le fonctionnement du collège électoral reste une énigme pour les habitués du scrutin uninominal. Avec un fond vert et un texte (en anglais) bien calibré, Harry J. Enten du Guardian US déchiffre en graph (bien qu’avec peu d’entrain dans la voie) toutes les subtilités techniques qui amènent à l’élection d’un président ainsi que l’origine historique de cette étrange méthode.



Titre : Les enfants juifs de Paris déportés de juillet 1942 à août 1944
Source : ENS Lyon et CNRS
Auteur(s) : ENS Lyon, CNRS et Gérald Foliot (TGE Adonis).
Technique : Infrastructure Map Server
Note : En deux ans, d’un été à l’autre, 11 400 enfants juifs ont été arrêtés (6 200 à Paris), dont Serge Klarsfeld répertorie depuis 1978 les tragiques histoires. A l’aide de ces données, rapportées au cadastre de l’époque, les équipes de l’ENS Lyon et du CNRS ont constitué une carte de la capitale marquée des points représentant les rapts d’enfants juifs ayant pu être localisés. Un objet de mémoire qui fera l’objet d’une projection en 3D à l’occasion de la fête de la Science à l’ENS Lyon en octobre prochain.


BONUS : cartes au trésor

Titre : A handsome atlas (Un atlas de toute beauté)
Source : Brooklyn Brainery
Auteur(s) : Bureau du recensement du Ministère de l’Intérieur américain / Jonathan Soma
Technique : encre, peinture et papier.
Note : Le datajournalisme peut s’enorgueillir de talentueux ancêtres : en fouillant la librairie du Congrès, l’équipe de la Brooklyn Brainery a découvert des trésors de graphes, cartes et histogrammes produit pour certains il y a 150 ans ! Par un système de navigation élégant, le développeur Jonathan Soma ouvre à chacun les données collectées par le service de recensement dans les années 1870 à 1890, en camemberts peints à la main sur papiers jaunis par le temps.

La Justice condamne sa base de données

lundi 1 octobre 2012 à 15:48

La garde des Sceaux Christiane Taubira n’aura pas longtemps hésité quant aux suites à donner à l’arrêté du 11 avril 2012 – publié au Journal Officiel du 8 mai 2012, deux jours après la présidentielle – officialisant une base de données permettant de gérer les interventions du cabinet ministériel dans les dossiers d’instruction. Ce texte sera modifié, nous assure le ministère.

La Justice ne se signalera plus

La Justice ne se signalera plus

La ministre de la Justice veut en finir avec les "affaires signalées", donc avec les interventions politiques dans les ...

Installée sur les ordinateurs de la Direction des affaires criminelles et des grâces, au sein du ministère de la Justice, cette base de données permet aux membres du cabinet d’intervenir dans des enquêtes judiciaires sur la base de critères individuels – donc à partir du nom des victimes ou des personnes mises en cause, qu’il s’agisse d’adversaires ou d’alliés politiques – comme notre article du 21 septembre dernier (“La Justice ne se signalera plus”) le montrait.

Cette base de données, répondant à l’appellation très rassurante de Bureau d’ordre de l’action publique et des victimes, contredit de manière manifeste la circulaire de Christiane Taubira qui fixe un objectif de neutralité et d’impartialité. Un paradoxe qui n’échappe pas à son cabinet. Pierre Rancé, porte-parole de la Garde des Sceaux nous a confié :

Le ministère estime qu’il faut modifier cet arrêté consacré à cette base de données, et revoir précisément la nature des informations qui y sont stockées, car en l’état cet arrêté, signé quelques semaines avant les échéances électorales, contredit la circulaire ministérielle du 19 septembre notamment sur la question des instructions individuelles.

L’arrêté rendu public le 8 mai 2012, signé par l’ancien ministre Michel Mercier, conférait une légitimité réglementaire à un système qui existait depuis 1994 – et dont les fonctionnalités ont réjoui la plupart de ses prédécesseurs. Dans le jargon du ministère, les magistrats l’appellent la “Base des données des affaires signalées”.

D’un point de vue très théorique, les “affaires signalées” représentent des délits, des crimes ou plus généralement des procédures, dont les caractéristiques soulèvent des problèmes de droit ou mettent en évidence la nécessité de modifier la politique pénale.

À titre d’exemple, des sources proches de magistrats évoquent la récente tuerie de Chevaline, devenue une “affaire signalée” en raison des difficultés particulières de l’enquête.

Le mois dernier, 18 notes de synthèse et rapports divers ont été échangés avec les procureurs intervenant sur ce dossier, afin de contourner ces difficultés et d’en tenir compte pour qu’elles ne se présentent pas à l’avenir, dans d’autres affaires du même type.

Cependant, telle que la base de données fonctionne actuellement, elle permet aussi de lancer des requêtes sur des noms de personnes ou de sociétés citées dans les dizaines de procédures signalées chaque année. Afin notamment d’influencer des procureurs généraux pour que le glaive de la justice s’alourdisse ou s’allège, selon les individus. Une pratique condamnée à plusieurs reprises par le Syndicat de la magistrature.

Dans sa circulaire qui fixe le cadre de sa politique pour les prochains mois, la ministre de la Justice entend rompre avec de telles habitudes, comme elle l’écrit :

Afin de mettre fin à toute suspicion d’intervention inappropriée du ministre de la Justice ou d’un autre membre de l’exécutif dans l’exercice de l’action publique, je n’ai pas adressé d’instructions individuelles aux magistrats du parquet depuis ma prise de fonction (…) Il appartient en effet au garde des Sceaux, ministre de la Justice, de définir la politique pénale au travers d’instructions générales et impersonnelles et aux magistrats du parquet d’exercer l’action publique. L’impartialité du parquet lui sera rendue par cette politique.

Intention louable. Qui pourrait connaître un heureux développement avec la modification de l’arrêté du 11 avril, et, surtout, avec une plus grande indépendance (d’esprit) des procureurs à l’égard des fonctionnaires de la Direction des affaires criminelles et des grâces.

Loueurs professionnels et espions amateurs

lundi 1 octobre 2012 à 14:19

La Federal Trade Commission (FTC) américaine vient d’ordonner à sept entreprises de location-vente d’ordinateurs d’arrêter d’espionner leurs clients :

Un contrat de location d’ordinateur n’autorise pas le loueur à accéder aux emails privés de son client, à ses informations bancaires, dossiers médicaux ou, pire, à prendre des photos d’eux dans leurs maisons dans l’intimité de leurs logis au moyen de la webcam.

Des chevaux de Troie dans nos démocraties

Des chevaux de Troie dans nos démocraties

OWNI lève le voile sur les chevaux de Troie. Ces logiciels d'intrusion vendus aux États, en particulier en France et en ...

Les loueurs utilisaient en effet un logiciel de la société DesignerWare afin de pouvoir géolocaliser leurs ordinateurs, mais également l’éteindre à distance, en cas de vol, ou de défaut de paiement.

Le logiciel espion était également doté d’un “mode détective” pour enregistrer ce qui était tapé sur le clavier, faire des captures d’écran ou activer la webcam afin de photographier ce qu’il y avait devant, le tout, à l’insu de leurs clients.

Au cour de leur investigation, la FTC a découvert que DesignerWare, qui collectait toutes les informations avant de les faire suivre aux loueurs, avait ainsi enregistré les identifiants et mots de passe utilisés pour accéder à des boîtes aux lettres email, réseaux sociaux ou institutions financières, des numéros de sécurité sociale, courriels envoyés à des médecins, mais également photographié des enfants, des “individus partiellement dénudés, et des relations sexuelles“…

L’espion était dans le .doc

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Le logiciel espion permettait également de bloquer l’ordinateur jusqu’à ce que l’utilisateur remplisse un formulaire révélant ses numéros de téléphone, adresses physiques et emails, et censé permettre aux loueurs de récupérer leur argent plus facilement.

La FTC a estimé que l’espionnage et la géolocalisation des utilisateurs, à leur insu, était “déloyale“, et “illégale“, et que le formulaire était “trompeur“. Elle a donc ordonné à DesignerWare et aux sept loueurs d’arrêter d’espionner leurs clients… à leur insu. Il leur suffira donc de préciser dans leurs futurs contrats que les utilisateurs seront susceptibles d’être surveillés pour pouvoir le faire en toute légalité.

Au journal Wired, la FTC a expliqué qu’elle n’avait pas infligé d’amendes, alors que plus de 400 000 locations auraient été concernées, parce qu’elle n’a pas le droit de le faire lorsque de telles infractions sont détectées.


Image par overseastom (CC-byncsa)