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Les geeks sont les nouveaux défenseurs des libertés publiques, par G. Coleman

mardi 5 février 2013 à 13:50

Gabriella Coleman est une anthropologiste spécialisée dans la « culture hacker ». Elle a ainsi récemment publié le très remarqué livre Coding Freedom: The Ethics and Aesthetics of Hacking (PDF intégral Creative Commons By-Nc-Nd).

Elle nous livre ici le fruit de sa réflexion suite à la triste disparition d’Aaron Swartz.

Puisque le code devient pouvoir et que les geeks maîtrisent le code, on assiste en effet à l’émergence d’un nouveau mouvement…

Frédéric Bisson - CC by

Les geeks sont les nouveaux défenseurs des libertés publiques

Geeks are the New Guardians of Our Civil Liberties

Gabriella Coleman - 4 février 2013 - MIT Technology Review
(Traduction : Moosh, lamessen, heapoverflow, Sky, Pouhiou, KoS, monsieurab, Slystone, goofy, yazid, isinocin, axellemag1, zak, Penguin, Nodel, Vilrax + anonymes)

Les Geeks sont les nouveaux défenseurs des libertés publiques (NdT : « Civil Liberties », que l’on pourrait aussi traduire par libertés individuelles voire citoyenneté).

Des évènements récents ont mis en évidence le fait que les hackers, les développeurs et les geeks sont porteurs d’une culture politique dynamique.

Plus d’une décennie d’étude anthropologique dans leur milieu, a forgé ma conviction, que les hackers ont construit un très dynamique mouvement de défense des libertés individuelles et publiques. C’est une culture engagée à libérer l’information, sans contrôle excessif et sans surveillance par les gouvernements et les partenaires privés, à insister sur le droit au respect de la vie privée, et à combattre la censure, produisant un effet d’entraînement sans précédent pour la vie politique. Et 2012 a été à ce sujet une année faste.

Avant que je ne développe, il serait bon d’expliquer brièvement le mot « hacker ». C’est une source de débats, même parmi les hackers. Par exemple d’un point de vue technique : un hacker peut programmer, administrer un réseau, bidouiller, réparer et améliorer du matériel et du logiciel. D’un point de vue éthique et politique, cette diversité est tout aussi grande. Certains hackers font partie d’une tradition de la transgression et du non respect des lois ; leurs activités sont opaques et indétectables. D’autres hackers sont fiers d’écrire des logiciels open source, libres d’accès et transparents. Alors que certains restent loin de toute activité politique, un nombre croissant d’entre eux se lève pour défendre leur autonomie productive ; ou s’engage plus largement dans des luttes pour la justice sociale et les Droits de l’Homme.

Malgré leurs différences, certains sites web et certaines conférences rassemblent les divers clans de hackers. Comme tout mouvement politique, il y a des divergences internes mais, si les bonnes conditions sont réunies, des individus aux aptitudes distinctes travailleront à l’unisson pour une même cause.

Prenons par exemple la réaction à l’encontre de la loi Stop Online Piracy Act (SOPA), un projet de loi de grande envergure sur le droit d’auteur visant à réduire le piratage en ligne. SOPA a été stoppée avant qu’elle ne puisse être adoptée, et cela, grâce à une réaction massive et élaborée de la dissidence, menée par le mouvement des hackers.

L’élément central a été une journée de boycott dite « Blackout Day », sans précédent à l’échelle du web. Pour exprimer leur opposition à la loi, le 17 janvier 2012, des organisations à but non-lucratifs, quelques grandes entreprises du web, des groupes d’intérêts publics et des milliers d’individus ont décidé de rendre momentanément leurs sites inaccessibles ; des centaines d’autres citoyens ont appelé ou envoyé des courriels aux représentants politiques. Les journalistes ont par la suite beaucoup écrit sur le sujet. Moins d’une semaine plus tard, après ces évènements spectaculaires, le projet SOPA et le projet PIPA, son pendant au Sénat, ont été suspendus.

La victoire repose sur le soutien très large des hackers et des geeks. La participation de très grandes entreprises, comme Google, de personnalités reconnues du monde numérique, comme Jimmy Wales, et de l’organisation de défense des libertés individuelles Electronic Frontier Foundation (EFF) ont été cruciales au succès de l’action. Toutefois, la présence et le soutien constant et indéfectible des hackers et des geeks, fut palpable, y incluant bien sûr Anonymous. Depuis 2008 les activistes se sont ralliés sous cette bannière pour organiser des manifestations ciblées, faire connaître diverses malversations, organiser des fuites de données sensibles, s’engager dans l’action directe numérique et fournir une assistance technique pour les mouvements révolutionnaires.

Durant la protestation contre SOPA, les Anonymous ont publié des vidéos et des posters de propagande, tout en faisant régulièrement le point de la situation sur plusieurs comptes Twitter, dont Anonymous News, qui dispose d’un contingent important de followers. À la fin du blackout, les compagnies s’éloignèrent naturellement du feu des projecteurs, et se remirent au travail. La lutte pour les droits numériques continua, cependant, avec les Anonymous et les autres activistes.

En réalité , le jour suivant, le 18 janvier 2012, les autorités fédérales orchestrèrent le démantèlement du populaire site de partage de fichiers Megaupload. Kim Dotcom, le sympathique et controversé fondateur de la compagnie fut aussi arrêté dans un spectaculaire raid matinal en Nouvelle-Zélande. Le retrait de ce site populaire ne présageait rien de bon pour les Anonymous : il semblait confirmer que si les décrets tels que SOPA devenaient des lois, la censure deviendrait inévitable et commune sur Internet. Bien qu’aucune cour n’ait jugé Kim Dotcom coupable de « piratage », ses possessions sont toujours confisquées et son site web banni d’Internet.

Dès que la nouvelle fut connue, les Anonymous coordonnèrent leur plus grande campagne d’attaques par déni de service (DDOS) à ce jour. Elle mit à mal de nombreux sites web, incluant la page d’accueil d’Universal Music, le FBI, le bureau américain des copyrights (U.S Copyright Office), l’association américaine de l’industrie du disque (Recording Industry Association of America, RIAA) et l’association américaine du cinéma (Motion Picture Association of America, MPAA).

Quelques semaines plus tard, en Europe, les Anonymous firent encore parler d’eux, à l’occasion de mouvements de protestation massifs en ligne et hors-ligne contre ACTA, autre accord international sur le copyright, particulièrement au Danemark et en Pologne (voir Europeans Protest Anti-Piracy Treaty). Après que le gouvernement polonais fut d’avis de ratifier ACTA, les Anonymous mirent hors-service quelques-uns de ses sites officiels, et médiatisèrent les manifestations publiques à Cracovie notamment. Peu de temps après, les députés du parti polonais de gauche, le mouvement Palikot, siégèrent en portant le masque de Guy Fawkes, symbole des Anonymous, en signe de protestation contre ACTA. L’Union européenne a abandonné la proposition de loi en juillet 2012.

Anonymous s’est révélé être un acteur si important durant ces évènements que quelques temps après, j’ai reçu un coup de téléphone d’un investisseur en capital-risque impliqué dans l’organisation des protestations anti-SOPA. Il voulait savoir comment Anonymous opérait et si ses membres pouvaient être mis à contribution de façon plus directe. Ce qui est beau et frustrant à la fois dans le fonctionnement d’Anonymous est l’absence d’organisation et le caractère imprévisible des actions de ses membres. Comme ils aiment à le dire, « Nous ne sommes pas votre armée personnelle ». Mais son intuition qu’ils ont joué un rôle important dans cette histoire était bonne.

L’une des clés du succès de Anonymous réside dans sa nature participative, surtout quand on le compare au monde des hackers où agir demande des compétences techniques (et souvent une réputation). Des hackers doués sont en effet indispensables pour le réseau des Anonymous, ils mettent en place l’infrastructure de communication et décrochent la plupart des gros titres, par exemple quand ils s’introduisent dans des serveurs pour chercher des informations sur la corruption publique ou dans des entreprises. Mais le hacking n’en reste pas moins un outil parmi d’autres (et certains sous-groupes des Anonymous s’opposent au hacking et au défacement). Il y a d’autres choses à faire : des communiqués de presse percutants, des posters à dessiner, des vidéos à éditer. Les geeks et les hackers ont peut-être des compétences différentes, mais ils sont souvent compagnons de voyage sur internet, ils dévorent les mêmes journaux, ils suivent les mêmes cultures geek et ils défendent les libertés numériques même s’ils utilisent des méthodes et des organisations différentes.

L’importance, l’influence, et surtout la diversité de ce mouvement politique geek m’est apparu très récemment. Non pas à l’occasion d’un évènement politique officiel, mais au moment d’une commémoration doublée d’une réunion politique informelle. Plus d’un millier de personnes se sont rassemblées dans le majestueux Cooper Union Hall à New York pour honorer la mémoire d’Aaron Swartz, un hacker et activiste autoproclamé qui s’est suicidé récemment, en raison, selon certains, d’une ingérence du gouvernement dans son procès en rapport avec le téléchargement illégal de millions d’articles universitaires depuis le site de la bibliothèque du MIT (voir l’article « Why Aaron Swartz’s Ideas Matter »).

Ils parlèrent de la vie d’Aaron, de sa forte personnalité, et surtout de ses succès politiques et de ses désirs. Tout comme ses semblables, il détestait la censure, et avait donc naturellement rejoint le combat contre SOPA. Pendant la commémoration, on put entendre des extraits de son célèbre discours à la conférence Freedom to Connect en 2012, quand Swartz affirma que « SOPA a vraiment été stoppée par les gens eux-mêmes ». Il avait joué un rôle clé pour plusieurs raisons notamment en fondant l’association Demand Progress, une association à but non lucratif qui a participé à canaliser le mécontentement des citoyens à travers des pétitions et des campagnes contre SOPA.

Contrairement aux Anonymous qui n’ont pas de mission unique, d’adresse physique, ou de porte-parole officiel, Demand Progress est un organisme ayant un bureau de direction au cœur du pouvoir politique, à Washington. Néanmoins il canalise, de manière assez efficace, des initiatives de la base en faveur de la protection des libertés civiles, un groupe modéré qui peut coordonner des actions avec patience et précision.

De toute évidence, les geeks et les hackers en tout genre font usage d’une large variété de tactiques et de moyens d’expression politique. Demand Progress, ainsi que l’émergence du Parti Pirate en Europe, montrent la volonté des geeks et des hackers de s’exprimer et de travailler au sein des institutions en place. Tous les signes montrent qu’ils ont de plus en plus souvent recours à des modes d’expression politique plus traditionnels. Cependant cela va probablement coexister avec des actes plus ou moins organisés de désobéissance, de défi et de protestations qui sont également devenus plus fréquents et visibles ces dernières années, en grande partie grâce à Anonymous.

Mais en ce samedi après-midi, les différences ont été mises de côté au profit d’une posture unitaire, en commémoration, et avec la conviction que la bataille pour la préservation des libertés publiques individuelles n’en était qu’à ses débuts.

Crédit photo : Frédéric Bisson (Creative Commons By)

Grandir avec son projet (Libres conseils 20/42)

lundi 4 février 2013 à 15:10

Chaque jeudi à 21h, rendez-vous sur le framapad de traduction, le travail collaboratif sera ensuite publié ici même.

Traduction Framalang : peupleLà, SaSha_01, lerouge, Kalupa, lenod, michel, KoS, michel, goofy, HanX, Asta, lamessenJulius22

Mon projet m’a appris à grandir

Runa Bhattacharjee

Depuis 10 ans, Runa Bhattacharjee a traduit et travaillé à la localisation(1) de nombreux projets open source — des interfaces de bureau aux outils de systèmes d’exploitation en passant par beaucoup de choses entre les deux. Elle croit fermement que les dépôts de codes en amont sont les meilleurs endroits pour soumettre toutes les modifications possibles. Elle gère également un portefeuille professionnel spécialisé dans la localisation chez RedHat. Runa traduit et maintient des traductions en Bengali (version indienne) mais est toujours heureuse d’aider quiconque débute dans la localisation.

Introduction

Carburer tard dans la nuit est l’une des formes de rébellion préférée des jeunes partout dans le monde. Que ce soit pour lire un livre avec une lampe de poche sous les couvertures, regarder les rediffusions TV ou (entre autres choses) traîner sur un canal IRC et s’acharner sur un problème agaçant dans son projet open source favori.

Comment tout a commencé

Voici comment tout a commencé pour moi. Permettez-moi d’abord d’écrire quelques lignes sur ma personne. Lorsque j’ai été présentée au groupe d’utilisateurs de Linux de ma ville, je partageais ma vie entre des emplois et mes études de master. Très vite, j’étais devenue contributrice sur quelques projets de localisation et j’avais commencé à traduire des interfaces de bureau (principalement). Nous utilisions des éditeurs de texte personnalisés avec des systèmes intégrés pour l’écriture et les polices. Les moteurs de rendu n’étaient pas assez matures pour afficher le scénario sans erreur sur les interfaces. Mais, malgré tout, nous continuions à traduire. Je me concentrais sur la méthode de travail que j’avais créée pour mon usage. Je récupérais le contenu à traduire des personnes qui savaient comment les choses fonctionnaient, je le traduisais du mieux que je pouvais, j’ajoutais des commentaires pour aider les réviseurs à comprendre comment j’avais appréhendé le texte, je renseignais les informations requises pour les copyrights et les crédits, puis je renvoyais tout ça aux coordinateurs.

Comment je faisais

C’était avant tout une manière simple de faire les choses. Mais, surtout, c’était ma manière à moi de les faire. Je prenais le temps de planifier mon travail sur les traductions. Celles-ci étaient ensuite révisées avant de m’être retournées pour modification. De nouveau, je planifiais quand je pourrais les reprendre en fonction de mon temps libre disponible entre les études et le travail. Lorsque je me mettais finalement au boulot, je m’asseyais pour neuf à dix heures d’un coup, en général jusqu’à l’heure où blanchit la campagne, ressentant alors un grand sentiment d’accomplissement, jusqu’à la fois suivante.

Ce qui comptait

Ce que je ne savais pas, c’est que je jouais un rôle crucial sur un plan plus global. À savoir, la planification des releases(2). Donc, quand j’achevais mes modestes contributions et les envoyais aux autres, je ne prenais pas en compte leur possible inutilité du fait qu’elles arrivaient trop tard pour la version en cours et trop tôt pour la suivante (qui inclurait forcément de nombreux changements qui obligeraient à se remettre au travail). Au-delà de ça, je n’avais aucune idée de l’importance que ça prenait dans le processus de release : intégration, création de paquetages, tests de l’interface, suivi et résolution des bogues.

Comment cela m’a fait grandir

Tout cela a changé radicalement quand je me suis tournée vers un rôle plus professionnel. Subitement, je faisais la même chose mais d’une manière plus structurée. J’ai appris que faire cavalier seul comme j’en avais pris l’habitude n’était pas adapté quand on devait jongler avec deux ou trois versions planifiées. Il fallait être méticuleusement synchronisé avec les feuilles de route des projets. En travaillant sur une traduction d’interface de bureau, je devais aussi vérifier que le calendrier de traduction concordait avec celui du projet principal.

Les travaux devaient idéalement commencer immédiatement après le gel de tous les messages d’origine de l’interface. Les traducteurs pouvaient alors travailler librement jusqu’à l’échéance de la période de traduction, après quoi ils pouvaient marquer la traduction comme stable dans le dépôt principal et, finalement, les paquetages pouvaient être générés. De plus, quelques distributions de systèmes d’exploitation se synchronisaient sur ce calendrier. Les traducteurs avaient donc la responsabilité supplémentaire de s’assurer que les pré-versions des systèmes d’exploitation embarquant ce bureau seraient un minimum testées afin de s’assurer que les traductions de l’interface avaient du sens et ne contenaient pas d’erreur.

Ce que j’aurais dû savoir

La transition ne fut pas aisée. Je fus soudain inondée par un flot d’informations que je devais gérer et par des tâches supplémentaires que je devais réaliser. Ce qui était au départ un passe-temps et plus important encore un anti-stress est devenu tout à coup une affaire sérieuse. En y repensant, je peux dire que cela m’a probablement aidée à comprendre le processus dans son intégralité étant donné que j’ai dû tout apprendre depuis le début. Ainsi armée de cette connaissance, je peux analyser des situations avec une meilleure compréhension de toutes leurs dimensions. Au moment où j’ai commencé à travailler sur les projets open source qui m’intéressaient, il y avait beaucoup moins de professionnels qui travaillaient à plein temps dans ce domaine. La plupart des contributeurs bénévoles travaillaient ailleurs la journée et voyaient ces projets comme un moyen d’alimenter les idées créatives qui s’étiolaient dans leurs tâches quotidiennes. Donc, beaucoup de nouveaux arrivants n’étaient jamais guidés vers une manière plus professionnelle d’organiser leurs projets. Ils ont grandi pour devenir merveilleusement doués dans ce qu’ils faisaient et ont finalement compris comment ils aimeraient équilibrer leur travail avec le reste de leurs activités.

Conclusion

Aujourd’hui, j’encadre les nouveaux arrivants et l’une des premières choses que je leur fais comprendre est comment et dans quelle partie du projet leur travail aura un impact. Élaborer un modèle de travail personnel est essentiel car cela permet de se construire un environnement où il est agréable de travailler. Cependant, avoir conscience de la structure qui est affectée par le travail inculque la discipline nécessaire pour pouvoir tenir bon face aux caprices.

(1) La localisation englobe tout le processus d’adaptation d’un produit logiciel ou documentaire à une région donnée. Cela comprend la traduction dans la langue de la région mais aussi l’adaptation aux normes, à la culture et aux besoins spécifiques de cette région du monde.

(2) Il s’agit de la publication d’un logiciel, sa mise à la disposition du public.

Non, je ne vais pas télécharger ton application mobile de merde !

lundi 4 février 2013 à 14:00

C’était mieux avant ?

Tom Morris souhaite juste lire un article de presse. Sauf que la procédure pour y arriver n’est pas la même selon qu’il se trouve sur bon vieil ordinateur ou sur son clinquant smartphone (ici un iPhone).

Alors Tom Morris en a marre et nous le dit sur son blog dans un style qui ne fait pas dans la dentelle !

Daniel Hennemand - CC by

Non, je ne vais pas télécharger ton appli de merde

No, I’m not going to download your bullshit app

Tom Morris - 2 février 2013 - Blog personnel
(Traduction : Pouhiou, ehsavoie, Lapinosor + anonymes)

Comment lisions-nous les informations à l’époque du Web :

  1. Aller sur le site du journal.
  2. Cliquer sur l’article.
  3. Lire.

Voici comment nous lisons les informations à l’ère des saloperies d’applications iPhones inutiles :

  1. Aller sur le site web.
  2. Être informé que vous n’êtes pas autorisé à lire le site web.
  3. Être redirigé vers un App Store.
  4. Télécharger l’application.
  5. Attendre tandis qu’un fichier de plusieurs megaoctets se télécharge sur votre capricieuse et onéreuse connexion 3G.
  6. Ouvrir l’application.
  7. Se familiariser avec une interface dont les touches sont d’une intuitivité obscure qui ne nous a pas été dévoilée et d’une utilisation subtilement différente des autres applications similaires.
  8. Lutter contre l’indicateur d’état mal implémenté d’une roue dentée de chargement (sur iOS) ou une barre de progression clignotante (sur Android) parce que vous avez eu l’audace d’utiliser votre appareil mobile sur une connexion lente ou incertaine.
  9. Tenter de trouver l’article que vous souhaitiez lire dans une mise en page et une architecture informationnelle qui sont totalement différentes de la mise en page et de l’architecture informationnelle du site web auquel vous vous êtes habitué, parce qu’un enfoiré a décidé que lire l’équivalent électronique d’un journal doit être une « rupture technologique » (car il a lu bien trop de Seth Godin[1] et autres foutaises).
  10. Réaliser que l’application ne vous montre pas la même chose en mode paysage ou portrait. À vous les joies de passer pour un gros obsédé dans le métro en tournant votre iPad dans tous les sens pour mieux zoomer sur la pin-up de la page 3.
  11. Ne pas être capable de partager avec vos amis parce que ce n est pas une page web avec une URI. Parce que pourquoi avoir besoin d’URI quand vous avez de beaux et brillants boutons sur votre téléphone?
  12. Perdre du temps pour télécharger les fichiers binaires à la prochaine mise a jour (automatique) de l’application sur l’App Store, afin que vous ayez cette « nouvelle fonctionnalité », même s’il n’y a aucune putain de fonctionnalité qui vous intéresse, si ce n’est de pouvoir (enfin) lire ces putains d’articles.
  13. Si vous utilisez Android, installez d’abord un logiciel anti pub au cas où l’application s’installerait avec quelques délicieuses pubs qui s’introduisent dans vos données personnelles.
  14. Abandonner, aller au kiosque le plus proche, acheter la version papier, balancer son smartphone depuis la falaise la plus proche et démarrer une campagne de dénigrement contre tous les idiots qui pensent que mettre l’info dans une application mobile est une bonne idée.

Dans la guerre « Web contre Applications mobiles » (NdT : web vs. apps), je pense que vous pouvez aisément deviner de quel côté je suis.

Je ne voudrais pas télécharger une application de la BBC ou de la NPR (National Public Radio) pour mon ordinateur. Pourquoi en voudrais-je une sur mon téléphone ? Dois-je acheter un nouveau poste de radio à chaque fois que je veux écouter une nouvelle station ? Non. La fonctionnalité est la même, la seule chose qui diffère, c’est le contenu.

Les applications mobiles doivent fournir une fonctionnalité réelle, et pas seulement des bouts de contenu encapsulés dans des fichiers binaires.

Crédit photo : Daniel Hennemand (Creative Commons By)

Notes

[1] Seth Godin est un entrepreneur américain, ancien responsable du marketing direct de Yahoo, ainsi qu’un auteur et conférencier à succès sur des problématiques du marketing. Il a notamment popularisé le thème du permission marketing.

MakerPlane : quand l'open source prend son envol dans l'aviation

lundi 4 février 2013 à 09:47

Cette décennie est et sera marquée par le développement tous azimut du matériel libre.

Sera-t-on à terme capable de réellement modifier la donne dans le secteur industriel ?

Difficile à dire aujourd’hui mais rien n’empêche d’essayer, d’explorer, de bidouiller, même dans les secteurs les plus fous comme l’aviation…

MakerPlane

MakerPlane : L’open source prend son envol dans l’aviation

MakerPlane: Open source takes flight in aviation

Ted Brunell - 7 janvier 2013 - OpenSourceWay
(Traduction : tibs, Kenoris, RavageJo, KoS, ehsavoie, goofy, lamessen + anonymous)

J’ai parlé avec John Nicol du projet MakerPlane à propos de leur équipe passionnée de contributeurs des quatres coins du monde qui conçoivent et construisent un ULM biplace complet. Leur objectif est de « créer des avions innovants et de changer la donne dans l’avionique et ses systèmes connexes ainsi que dans les procédés de fabrication ».

Quand avez vous entendu parler de l’open source pour la première fois, et qu’est-ce qui vous a le plus impressionné à propos de celui-ci ?

J’ai évolué dans l’industrie de haute technologie depuis plus de 20 ans, à des postes différents, comme vice-président de la branche ingénierie d’une entreprise cotée au NASDAQ à Fremont (Californie), et PDG de mes propres entreprises en Nouvelle-Zélande et au Canada. J’ai donc été confronté à l’open source depuis un certain temps. J’ai utilisé et développé des logiciels et ressources open source tout au long de ma carrière et je continue à le faire pour un autre projet que je mène actuellement (je ne veux pas vendre la mèche, mais j’espère pouvoir publier des logiciels de modélisation 3D open source l’année prochaine).

Ce qui m’impressionne le plus, c’est qu’une communauté intéressée peut grandir et stimuler l’innovation de manière exponentielle. Elle peut devenir autonome et, dans de bonnes conditions, peut être très prolifique. Ce que je veux dire, c’est que de nouveaux développeurs motivés peuvent toujours prendre le relais et apporter de la fraîcheur au logiciel ou au système en cours de développement. Bien sûr, la communauté est la clé de ce genre de projet et c’est là que tout se joue : l’open source peut survivre en dehors des entreprises et sans la présence de personnalités.



Les principes de l’open source sont désormais tout aussi bien ancrés dans le domaine matériel, et j’ai récemment présenté MakerPlane à l’Open Source Hardware Summit (NdT : Sommet du matériel libre) à New York.

Comment est utilisé l’open source dans le projet MakerPlane ?

Pour résumer, nous fournissons du matériel open source et le logiciel dirigeant l’avion « fait maison ». Ce logiciel est toujours en cours de développement, mais il contiendra un système de visualisation électronique (EFIS), qui est une sorte d’ordinateur de bord qui affiche des informations sur le vol et les moteurs. Il contient également des micrologiciels pour des périphériques comme Android et Arduino.

Le matériel se trouve dans deux domaines principaux : l’avionique et l’avion. Les instruments de bord et l’électronique à l’intérieur de l’avion constituent l’avionique. A ce jour, nous avons 24 plans de matériel avionique open source disponibles en téléchargement dans nos dépôts, pour que tout le monde puisse les construire. La gamme de projets s’élargit en permanence. Pour ce qui est des avions, nous sommes en train de concevoir et de construire notre premier ULM open source (un ULM biplace grandeur nature). Nous cherchons à améliorer le design pour qu’il puisse être construit à la maison, grâce à des machines à commande numérique ou des imprimantes 3D. Avec la démocratisation de celles-ci, et la vague du « fait maison », on profite à la fois de la technologie et du matériel de construction à bas prix, indispensables à ceux qui veulent construire leur propre avion.

Les chiffres que nous avons indiquent que 75% des projets de construction d’avion en kit ou à partir de plans sont abandonnés avant d’être terminés. Les entreprises aéronautiques qui fournissent des kits ou des plans font faillite, laissant à l’abandon de nombreux projets. Notre but est de rassembler le plus possible de plans d’avions open source, avec des notices semblables à celles d’IKEA pour les assembler (enfin, en espérant qu’elles soient plus facile à comprendre que celles d’IKEA !). Ces plans, étant open source, seraient disponibles pour quiconque voudrait y accéder, et pourraient survivre aux fondateurs de MakerPlane.

Les gens ont tendance à s’inquiéter quand je parle d’avion open source. Leur principale préoccupation est le fait que n’importe qui peut venir modifier les plans, les rendant du même coup dangereux. Mais un ingénieur en aéronautique est responsable des plans. Comme pour un logiciel open source, il surveille les modifications et aucune ne sera appliquée sans son accord. Bien sûr, tout le monde peut modifier et personnaliser l’avion à sa convenance, et c’est une des principales qualités de l’open source. Cependant, dans 99% des pays, tout avion doit normalement être inspecté par les autorités aériennes ou leurs représentants, avant de recevoir l’autorisation de décoller. Aux Etats-Unis, c’est le rôle de la Federal Aviation Administration (FAA) (Administration Fédérale de l’Aviation). Ces règles sont élaborées pour assurer la sécurité des pilotes, des passagers, et des populations au sol. Vous devez aussi avoir un brevet de pilote, particulièrement pour la catégorie des avions que nous concevons et fabriquons.

Quels sont les défis avec le projet ?

Le financement est le plus gros défi, comme pour la plupart des sociétés à initiatives open source ! De nombreuses personnes n’imaginent sans doute pas qu’un nombre important de projets open source sont financés par des grosses sociétés. La base des mouvements open source semble être toujours sous-financée et nous ne faisons pas exception. La dimension supplémentaire avec nous, c’est que nous avons besoin d’acheter beaucoup de matériel et d’équipements pour arriver à construire un avion. Nous sommes conscients que pour demander des dons et continuer, nous devons faire des progrès et faire voler l’avion. Or nous ne pouvons pas l’envoyer dans les airs sans argent pour acheter les fournitures, c’est donc en quelque sorte un cercle vicieux.

Les modèles commerciaux pour soutenir les initiatives open source sont de fournir des produits et/ou services qui gravitent autour du produit open source libre. Pour aider à financer notre projet nous avons donc ouvert une boutique en ligne et nous y vendons des pièces et des kits pour l’avionique et finalement pour l’avion. Pour le moment l’ensemble de l’entreprise est financé par mes propres économies et cartes de crédits, c’est comme ça. Cela signifie que la progression est plus lente que je le voudrais étant donné que je ne peux malheureusement pas sortir et acheter les pièces quand je le veux. Je voudrais plus que tout avoir une plus grosse machine à commande numérique et une imprimante 3D, mais nous faisons avec ce que j’ai actuellement. Si nous avions le financement, nous aurions sans doute beaucoup plus avancé.

Quel sera selon vous l’impact de MakerPlane sur le monde ?

L’utilisation de technologies de fabrication à domicile change la façon dont les gens font des choses et la vitesse à laquelle ils le font. Une bonne machine-outil à commande numérique peut être faite ou assemblée à partir de kit pour quelques milliers de dollars et une personne peu qualifiée peut utiliser une machine à commande numérique ou une imprimante 3D pour produire quelques objets très précis et le faire de nombreuses fois. Au lieu de prendre une paire d’années pour faire des pièces d’avion, je devrais être capable de découper les pièces en quelques jours, les assembler et terminer avec un avion complet. Je ne veux plus avoir à faire expédier des pièces par un fabriquant ou un distributeur. Je veux pouvoir faire mes propres kits comme j’en ai besoin. J’aurais juste besoin de télécharger un fichier, charger les matériaux dans la machine et les couper. Les méthodes que nous explorons pour assembler l’avion comprennent des fentes et des languettes, ce qui permet aux pièces de ne se monter que dans un sens et sont auto-équerrés. Il est à espérer que de nombreuses techniques permettant de gagner du temps que nous avons appris grâce à MakerPlane trouveront leur place chez les grands constructeurs d’avions en kit.

Comment peut-on s’impliquer dans MakerPlane ?

Il y a plusieurs manière pour les gens de contribuer à notre ambition de changer le monde de l’aviation ! Voici quelques idées :

Quel est votre utilisation de l’open source en dehors de votre projet ?

J’utilise quotidiennement OpenOffice pour le travail et Inkscape, Gimp, et Blender de façon plus occasionnelle. J’ai de l’expérience en électronique, donc je m’amuse avec du matériel Arduino open source, et mon téléphone et ma tablette sont bien entendus sous Android. L’open source est partout dans ma vie !

Voir cette vidéo illustrant les étapes de la création d’un prototype de MakerPlane.

Protéger le secteur du logiciel des brevets, par Richard Stallman

dimanche 3 février 2013 à 13:30

En novembre dernier, Richard Stallman faisait paraître dans le magazine Wired un article important sur l’épineuse et dangereuse question des brevets logiciels (ou plutôt « brevets sur des idées informatiques » comme nous le verrons ci-après).

Un article que nous nous sommes empressés de traduire via notre circuit, désormais classique, compte Twitter + Framapad, et qui a été relu et corrigé par la liste « trad-gnu » de l’April.

OpenSourceWay - CC by-sa

Protéger le secteur du logiciel des brevets

Giving the Software Field Protection from Patents

Richard Stallman - version du 02 février 2013 - Gnu.org (CC BY-ND)
(Traduction Framalang : satbadkd, Thérèse, DarthMickey, geecko, Marc, igor, EEva, greygjhart)

Une première version de cet article a été publiée sur Wired en novembre 2012.

Les brevets menacent chaque concepteur de logiciel, et les guerres de brevet que nous avons longtemps craintes ont éclaté. Les développeurs et les utilisateurs – soit, dans notre société, la plupart des gens – ont besoin de logiciels libres de tout brevet.

Les brevets qui nous menacent sont souvent appelés « brevets logiciels », mais ce terme est trompeur. Ces brevets ne concernent aucun programme en particulier. En fait, chaque brevet décrit une idée applicable en pratique, et affirme que quiconque utilise cette idée peut être poursuivi en justice. Il est donc plus clair de les appeler « brevets sur des idées informatiques », ou « brevets sur des algorithmes ».

Le système de brevets américain ne différencie pas les « brevets logiciels » des autres. Seuls les développeurs font la distinction entre les brevets qui nous menacent – ceux qui concernent des idées pouvant être implémentées dans des logiciels – et les autres. Par exemple : si l’idée brevetée est la forme d’une structure physique ou une réaction chimique, aucun programme ne peut implémenter cette idée ; ce brevet ne menace pas le secteur du logiciel. Si par contre l’idée qui est brevetée est un algorithme, alors le canon de ce brevet est braqué sur les développeurs et les utilisateurs.

Cela ne veut pas dire que les brevets couvrant des algorithmes concernent seulement les logiciels. Ces idées peuvent être aussi implémentées dans du matériel… et beaucoup d’entre elles l’ont été. Chaque brevet couvre typiquement les implémentations matérielles et logicielles de l’idée.

Le problème particulier du logiciel

Toujours est-il que c’est dans le domaine du logiciel que les brevets sur des algorithmes posent un problème particulier. Il est facile de combiner des milliers d’idées dans un seul programme. Si 10% de ces idées sont brevetées, cela signifie que des centaines de brevets le menacent.

Quand Dan Ravicher, de la Public Patent Foundation (Fondation publique des brevets) a étudié en 2004 un programme de taille importante (Linux, qui est le noyau du système d’exploitation GNU/Linux), il a trouvé 283 brevets américains qui semblaient couvrir des algorithmes implémentés dans son code source. Cette année-là, on estimait la part de Linux dans le système GNU/Linux complet à 0,25%. En multipliant 300 par 400, on peut estimer que le nombre de brevets qui menacent le système dans son ensemble est de l’ordre de 100 000.

Si la moitié de ces brevets était supprimée pour cause de « mauvaise qualité » – c’est-à-dire pour cause de ratés du système de brevets – cela ne changerait pas grand chose. Que ce soit 100 000 ou 50 000 brevets, la catastrophe est la même. C’est pourquoi c’est une erreur de limiter nos critiques des brevets logiciels aux seuls patent trolls ou aux brevets de « mauvaise qualité ». En ce sens Apple, qui n’est pas un « troll » selon la définition habituelle, est actuellement l’entreprise la plus dangereuse quand elle se sert de ses brevets pour attaquer les autres. Je ne sais pas si les brevets d’Apple sont de « bonne qualité », mais plus la « qualité » du brevet est élevée, plus la menace est grande.

Nous devons corriger l’ensemble du problème, pas seulement une partie.

Pour corriger le problème sur le plan législatif, on suggère habituellement de changer les critères d’octroi des brevets – par exemple, d’interdire la délivrance de brevets sur les pratiques algorithmiques et les systèmes nécessaires à leur mise en œuvre. Mais cette approche a deux inconvénients.

Premièrement, les avocats reformulent les brevets de manière astucieuse pour qu’ils correspondent à toute règle applicable ; ils transforment toute tentative de limiter un brevet sur le fond en une simple exigence de forme. Par exemple, de nombreux brevets américains sur des algorithmes décrivent un système qui comprend une unité de traitement arithmétique, un séquenceur d’instruction, une mémoire ainsi que des contrôles pour mener à bien un calcul précis. C’est une manière assez particulière de décrire un programme tournant sur un ordinateur pour effectuer un certain calcul ; elle a été élaborée pour que la demande de brevet se conforme aux critères que, pendant quelques temps, l’on a cru être ceux du système américain de brevets.

Deuxièmement, les États-Unis ont déjà plusieurs milliers de brevets sur des algorithmes, et changer les critères pour empêcher d’en créer d’autres ne permettrait pas de se débarrasser de ceux qui existent. Il faudrait attendre pratiquement 20 ans avant que le problème ne soit entièrement résolu du fait de l’expiration des brevets. Et abolir les brevets existants par la loi est probablement anticonstitutionnel (de manière assez perverse, la Cour suprême a insisté pour que le Congrès puisse étendre les privilèges privés au détriment des droits du public mais ne puisse pas aller dans l’autre direction).

Une approche différente : limiter l’effet des brevets, pas la brevetabilité

Ma proposition est de changer l‘effet des brevets. Il faut inscrire dans la loi que développer, distribuer ou exécuter un programme sur des systèmes informatiques polyvalents ne constitue pas une violation de brevet. Cette approche a plusieurs avantages :

Cette approche n’invalide pas entièrement les brevets existants sur des algorithmes, parce qu’ils continueront à s’appliquer aux implémentations utilisant du matériel dédié. C’est un avantage dans le sens que cela supprime un argument mettant en question la validité de cette proposition du point de vue législatif. Les États-Unis ont légiféré il y a quelques années afin d’immuniser les chirurgiens contre les procès en contrefaçon de brevet, de sorte que même si des procédures chirurgicales sont brevetées, les chirurgiens sont protégés. Cela fournit un précédent pour ce type de solution.

Les développeurs et les utilisateurs de logiciels ont besoin de protection contre les brevets. Cette proposition est la seule solution législative qui apporte une protection totale à tous. Nous pourrions ensuite retourner à notre monde de concurrence ou de coopération… sans craindre qu’un inconnu ne vienne balayer notre travail.

Voir également : Une réforme des brevets n’est pas suffisante

Crédit photo : OpenSourceWay (Creative Commons By-Sa)