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Dans un article assez lucide de son blog que nous reproduisons ici, Dada remue un peu le fer dans la plaie.
Faiblesse économique du Libre, faiblesse encore des communautés actives dans le développement et la maintenance des logiciels et systèmes, manque de visibilité hors du champ de perception de beaucoup de DSI. En face, les forces redoutables de l’argent investi à perte pour tuer la concurrence, les forces tout aussi redoutables des entreprises-léviathans qui phagocytent lentement mais sûrement les fleurons du Libre et de l’open source…
Lucide donc, mais aussi tout à fait convaincu depuis longtemps de l’intérêt des valeurs du Libre, Dada appelle de ses vœux l’émergence d’entreprises éthiques qui permettraient d’y travailler sans honte et d’y gagner sa vie décemment. Elles sont bien trop rares semble-t-il.
D’où ses interrogations, qu’il nous a paru pertinent de vous faire partager. Que cette question cruciale soit l’occasion d’un libre débat : faites-nous part de vos réactions, observations, témoignages dans les commentaires qui comme toujours sont ouverts et modérés. Et pourquoi pas dans les colonnes de ce blog si vous désirez plus longuement exposer vos réflexions.
Republication de l’article original publié sur son blog
Avec des projets plein la tête, ou plutôt des envies, et le temps libre que j’ai choisi de me donner en n’ayant pas de boulot depuis quelques mois, j’ai le loisir de m’interroger sur l’économie du numérique. Je lis beaucoup d’articles et utilise énormément Mastodon pour me forger des opinions.
Ce billet a pour origine cet entretien de Frédéric Fréry sur France Culture : Plus Uber perd, plus Uber gagne.
Je vous invite à vraiment prendre le temps de l’écouter, c’est franchement passionnant. On y apprend, en gros, que l’économie des géants du numérique est, pour certains, basée sur une attitude extrêmement agressive : il faut être le moins cher possible, perdre de l’argent à en crever et lever des fonds à tire-larigot pour abattre ses concurrents avec comme logique un pari sur la quantité d’argent disponible à perdre par participants. Celui qui ne peut plus se permettre de vider les poches de ses actionnaires a perdu. Tout simplement. Si ces entreprises imaginent, un jour, remonter leurs prix pour envisager d’être à l’équilibre ou rentable, l’argument du « ce n’est pas possible puisque ça rouvrira une possibilité de concurrence » sortira du chapeau de ces génies pour l’interdire. Du capitalisme qui marche sur la tête.
La deuxième grande technique des géants du numérique est basée sur la revente de statistiques collectées auprès de leurs utilisateurs. Ces données privées que vous fournissez à Google, Facebook Inc,, Twitter & co permettent à ces sociétés de disposer d’une masse d’informations telle que des entreprises sont prêtes à dégainer leurs portefeuilles pour en dégager des tendances.
Je m’amuse souvent à raconter que si les séries et les films se ressemblent beaucoup, ce n’est pas uniquement parce que le temps passe et qu’on se lasse des vieilles ficelles, c’est aussi parce que les énormes investissements engagés dans ces productions culturelles sont basés sur des dossiers mettant en avant le respect d’un certain nombre de « bonnes pratiques » captant l’attention du plus gros panel possible de consommateurs ciblés.
Avec toutes ces données, il est simple de savoir quel acteur ou quelle actrice est à la mode, pour quelle tranche d’âge, quelle dose d’action, de cul ou de romantisme dégoulinant il faut, trouver la période de l’année pour la bande annonce, sortie officielle, etc. Ça donne une recette presque magique. Comme les investisseurs sont friands de rentabilité, on se retrouve avec des productions culturelles calquées sur des besoins connus : c’est rassurant, c’est rentable, c’est à moindre risque. Pas de complot autour de l’impérialisme américain, juste une histoire de gros sous.
Cette capacité de retour sur investissement est aussi valable pour le monde politique, avec Barack OBAMA comme premier grand bénéficiaire ou encore cette histoire de Cambridge Analytica.
C’est ça, ce qu’on appelle le Big Data, ses divers intérêts au service du demandeur et la masse de pognon qu’il rapporte aux grands collecteurs de données.
Une troisième technique consiste à reprendre les données collectées auprès des utilisateurs pour afficher de la pub ciblée, donc plus efficace, donc plus cher. C’est une technique connue, alors je ne développe pas. Chose marrante, quand même, je ne retrouve pas l’étude (commentez si vous mettez la main dessus !) mais je sais que la capacité de ciblage est tellement précise qu’elle peut effrayer les consommateurs. Pour calmer l’angoisse des internautes, certaines pubs sans intérêt vous sont volontairement proposées pour corriger le tir.
Une autre technique est plus sournoise. Pas pour nous autres, vieux loubards, mais pour les jeunes : le placement produit. Même si certain Youtubeurs en font des blagues pas drôles (Norman…), ce truc est d’un vicieux.
Nos réseaux sociaux n’attirent pas autant de monde qu’espéré pour une raison assez basique : les influenceurs et influenceuses. Ces derniers sont des stars, au choix parce qu’ils sont connus de par leurs activités précédentes (cinéma, série, musique, sport, etc.) ou parce que ces personnes ont réussi à amasser un tel nombre de followers qu’un simple message sur Twitter, Youtube ou Instagram se cale sous les yeux d’un monstrueux troupeau. Ils gagnent le statut d’influenceur de par la masse de gens qui s’intéresse à leurs vies (lapsus, j’ai d’abord écrit vide à la place de vie). J’ai en tête l’histoire de cette jeune Léa, par exemple. Ces influenceurs sont friands de plateformes taillées pour leur offrir de la visibilité et clairement organisées pour attirer l’œil des Directeurs de Communication des marques. Mastodon, Pixelfed, diaspora* et les autres ne permettent pas de spammer leurs utilisateurs, n’attirent donc pas les marques, qui sont la cible des influenceurs, ces derniers n’y dégageant, in fine, aucun besoin d’y être présents.
Ces gens-là deviennent les nouveaux « hommes-sandwichs ». Ils ou elles sont contacté⋅e⋅s pour porter tel ou tel vêtement, boire telle boisson ou pour seulement poster un message avec le nom d’un jeu. Les marques les adorent et l’argent coule à flot.
Bref, l’économie du numérique n’est pas si difficile que ça à cerner, même si je ne parle pas de tout. Ce qui m’intéresse dans toutes ces histoires est la stabilité de ces conneries sur le long terme et la possibilité de proposer autre chose. On peut attendre que les Uber se cassent la figure calmement, on peut attendre que le droit décide enfin de protéger les données des utilisateurs, on peut aussi attendre le jour où les consommateurs comprendront qu’ils sont les seuls responsables de l’inintérêt de ce qu’ils regardent à la télé, au cinéma, en photos ou encore que les mastodontes du numérique soient démantelés. Bref, on peut attendre. La question est : qu’aurons-nous à proposer quand tout ceci finira par se produire ?
Après la FinTech, la LegalTech, etc, faites place à la LowTech ou SmallTech. Je ne connaissais pas ces expressions avant de tomber sur cet article dans le Framablog et celui de Ubsek & Rica d’Aral. On y apprend que c’est un mouvement qui s’oppose frontalement aux géants, ce qui est fantastique. C’est une vision du monde qui me va très bien, en tant que militant du Libre depuis plus de 10 ans maintenant. On peut visiblement le rapprocher de l’initiative CHATONS.
Cependant, j’ai du mal à saisir les moyens qui pourraient être mis en œuvre pour sa réussite.
Les mentalités actuelles sont cloisonnées : le Libre, même s’il s’impose dans quelques domaines, reste mal compris. Rien que l’idée d’utiliser un programme au code source ouvert donne des sueurs froides à bon nombre de DSI. Comment peut-on se protéger des méchants si tout le monde peut analyser le code et en sortir la faille de sécurité qui va bien ? Comment se démarquer des concurrents si tout le monde se sert du même logiciel ? Regardez le dernier changelog : il est plein de failles béantes : ce n’est pas sérieux !
Parlons aussi de son mode de fonctionnement : qui se souvient d’OpenSSL utilisé par tout le monde et abandonné pendant des années au bénévolat de quelques courageux qui n’ont pas pu empêcher l’arrivée de failles volontaires ? Certains projets sont fantastiques, vraiment, mais les gens ont du mal à réaliser qu’ils sont, certes, très utilisés mais peu soutenus. Vous connaissez beaucoup d’entreprises pour lesquelles vous avez bossé qui refilent une petite partie de leurs bénéfices aux projets libres qui les font vivre ?
Les gens, les éventuels clients des LowTech, ont plus ou moins grandi dans une société du gratuit. L’autre jour, je m’amusais à comparer les services informatiques à la Presse. Les journaux ont du mal à se sortir du modèle gratuit. Certains y arrivent (Mediapart, Arrêts sur Image : abonnez-vous !), d’autres, largement majoritaires, non.
Il n’est pas difficile de retrouver les montants des subventions que l’État français offre à ces derniers. Libération en parle ici. Après avoir noué des partenariats tous azimuts avec les GAFAM, après avoir noyé leurs contenus dans de la pub, les journaux en ligne se tournent doucement vers le modèle payant pour se sortir du bourbier dans lequel ils se sont mis tout seuls. Le résultat est très moyen, si ce n’est mauvais. Les subventions sont toujours bien là, le mirage des partenariats avec les GAFAM aveugle toujours et les rares qui s’en sont sortis se comptent sur les doigts d’une main.
On peut faire un vrai parallèle entre la situation de la Presse en ligne et les services numériques. Trouver des gens pour payer l’accès à un Nextcloud, un Matomo ou que sais-je est une gageure. La seule différence qui me vient à l’esprit est que des services en ligne arrivent à s’en sortir en coinçant leurs utilisateurs dans des silos : vous avez un Windows ? Vous vous servirez des trucs de Microsoft. Vous avez un compte Gmail, vous vous servirez des trucs de Google. Les premiers Go sont gratuits, les autres seront payants. Là où les journaux généralistes ne peuvent coincer leurs lecteurs, les géants du numérique le peuvent sans trop de souci.
Dans tout ça, les LowTech libres peuvent essayer de s’organiser pour subvenir aux besoins éthiques de leurs clients. Réflexion faite, cette dernière phrase n’a pas tant que ça de sens : comment une entreprise peut-elle s’en sortir alors que l’idéologie derrière cette mouvance favorise l’adhésion à des associations ou à rejoindre des collectifs ? Perso, je l’ai déjà dit, j’adhère volontiers à cette vision du monde horizontale et solidaire. Malgré tout, mon envie de travailler, d’avoir un salaire, une couverture sociale, une activité rentable, et peut-être un jour une retraite, me poussent à grimacer. Si les bribes d’idéologie LowTech orientent les gens vers des associations, comment fait-on pour sortir de terre une entreprise éthique, rentable et solidaire ?
On ne s’en sort pas, ou très difficilement, ou je n’ai pas réussi à imaginer comment. L’idée, connue, serait de s’attaquer au marché des entreprises et des collectivités pour laisser celui des particuliers aux associations sérieuses. Mais là encore, on remet un pied dans le combat pour les logiciels libres contre les logiciels propriétaires dans une arène encerclée par des DSI pas toujours à jour. Sans parler de la compétitivité, ce mot adoré par notre Président, et de l’état des finances de ces entités. Faire le poids face à la concurrence actuelle, même avec les mots « éthique, solidaire et responsable » gravés sur le front, n’est pas évident du tout.
Si je vous parle de tout ça, c’est parce que j’estime que nous sommes dans une situation difficile : celle d’une proie. Je ne vais pas reparler de l’achat de Nginx, de ce qu’il se passe avec ElasticSearch ou du comportement de Google qui forke à tout va pour ses besoins dans Chrome. Cette conférence vue au FOSDEM, The Cloud Is Just Another Sun, résonne terriblement en moi. L’intervenant y explique que les outils libres que nous utilisons dans le cloud sont incontrôlables. Qui vous certifie que vous tapez bien dans un MariaDB ou un ES quand vous n’avez accès qu’a une boite noire qui ne fait que répondre à vos requêtes ? Rien.
Nous n’avons pas trouvé le moyen de nous protéger dans le monde dans lequel nous vivons. Des licences ralentissent le processus de digestion en cours par les géants du numérique et c’est tout. Notre belle vision du monde, globalement, se fait bouffer et les poches de résistance sont minuscules.
Pour finir, ne mettons pas complètement de côté l’existence réelle d’un marché : Nextcloud en est la preuve, tout comme Dolibarr et la campagne de financement réussie d’OpenDSI. Tout n’est peut-être pas vraiment perdu. C’est juste très compliqué.
La bonne nouvelle, s’il y en a bien une, c’est qu’en parlant de tout ça dans Mastodon, je vous assure que si une entreprise du libre se lançait demain, nous serions un bon nombre prêt à tout plaquer pour y travailler. À attendre d’hypothétiques clients, qu’on cherche toujours, certes, mais dans la joie et la bonne humeur.
Enfin voilà, des réflexions, des idées, beaucoup de questions. On arrive à plus de 1900 mots, de quoi faire plaisir à Cyrille BORNE.
Des bisous.
Comme chaque lundi, un coup d’œil dans le rétroviseur pour découvrir les informations que vous avez peut-être ratées la semaine dernière.
« La vulnérabilité est énorme « […] « Dans des élections normales, personne ne peut truquer totalement et de manière indétectable une élection. Mais dans ce système qu’ils ont construit, un parti serait en mesure de le faire. »[…] « Si vous construisez un système de vote où la principale menace est que quelqu’un pirate un serveur et remplace les votes, et si le principal mécanisme pour empêcher cela est mis en œuvre d’une mauvaise manière – et d’une manière tellement mauvaise que tout cryptographe expérimenté aurait dû le détecter – alors il s’agit d’une faille disqualifiante dans un système comme celui-ci. »
Comme dans Candyland, vous faites avancer votre pion en tirant des cartes. Mais dans la version de Crowley, les cartes sont les habitudes et l’emplacement de personnes réelles dont les données ont été transformées en pions littéraux dans le jeu. Foursquare sait où se trouvent leurs téléphones en temps réel, car il alimente de nombreuses applications largement utilisées, de Twitter et Uber à TripAdvisor et AccuWeather. Ces gens ne jouent pas au jeu de Crowley, mais leurs mouvements réels l’animent […] « Ce sont les gens qui sont là. Ce ne sont pas leurs noms. Et ce n’est pas ce à quoi ils ressemblent. Ce sont des cartes d’identité qu’on a transformées en faux nom et faux avatar. »[…] Vous pensez peut-être que vous n’utilisez pas Foursquare, mais il y a de fortes chances que vous l’utilisiez. La technologie de Foursquare propulse les géofiltres dans Snapchat, les tweets tagués sur Twitter ; c’est dans Uber, Apple Maps, Airbnb, WeChat, et les téléphones Samsung, pour n’en nommer que quelques-uns.[…]
À la question « Qu’est-ce que la donnée à La Poste ? », Pierre-Étienne Bardin, « Chief Data Officer » de La Poste, répond avec enthousiasme dans une interview interne : « C’est un bonheur ! Une infinité de données clients, toutes celles qu’on peut collecter via nos échanges avec eux : quels produits ils consomment, quelle satisfaction, quelles réclamations… Des données relatives au service universel, industrielles, aux services à la personne, bancaires, assurantielles, immobilières… Un patrimoine inestimable que beaucoup nous envient ! » Mais comment extraire l’or de cette mine de données sur laquelle La Poste est assise, et faire parler ces milliards d’informations décousues ? Grâce à l’intelligence artificielle (IA), évidemment !
« Entre le 17 novembre 2018 et le 5 février 2019, 13 460 tirs de balles de défense ont été recensés au sein de la police nationale. L’inspection générale de la gendarmerie nationale fait quant à elle état de 983 tirs de lanceurs de balle de défense par les escadrons de gendarmerie mobile sur l’année 2018. Elle évalue à un millier le nombre de tirs de lanceurs de balle de défense effectués depuis le début des manifestations des « gilets jaunes » ». Dans la police, seuls 15 % des tirs seraient le fait des CRS, « le reste étant attribué aux unités civiles présentes sur le périmètre des manifestations ». […] L’inscription de la proposition de loi à l’ordre du jour du Sénat aura contraint le gouvernement à fournir des chiffres. C’est parfois en tentant de faire la loi que le Parlement exerce le mieux son action de contrôle.
Comment est-il possible que, à l’occasion de réunions et autres discussions, votre équipe choisisse volontairement d’ajouter cette fonctionnalité qui me suggère les contacts privés de mes contacts ? Je vais être direct avec vous, il s’agit clairement d’une violation de la vie privée et cela va faire du mal à beaucoup de gens, moi y compris. OUI MICROSOFT J’AI DES CHOSES À CACHER. Les avocats qui utilisent Skype ont aussi des choses à cacher, et vous exposez directement les personnes à qui ils parlent à leurs autres clients. Les médecins qui utilisent Skype ont quelque chose à cacher et vous exposez leur liste de patients à d’autres patients ou contacts. Les journalistes qui utilisent Skype ont quelque chose à cacher et vous exposez leurs sources et leurs collègues à d’autres contacts qui mettent leur vie et leurs enquêtes en danger.
Et je peux vous donner beaucoup d’autres cas où ce genre de caractéristique peut nuire aux entreprises, aux familles et parfois mettre des vies en danger.
Il est plus que jamais nécessaire d’appeler vos députés. Pour cela, nous avons prévu une page dédiée sur notre site avec une analyse du texte et un outil pour contacter les députés en charge du règlement.
De façon plus générale, les technologues doivent comprendre les ramifications politiques de leur travail. Il existe un mythe répandu dans la Silicon Valley selon lequel la technologie est politiquement neutre. Ce n’est pas le cas, et j’espère que la plupart des gens qui lisent ceci aujourd’hui le savent. Nous avons construit un monde où les programmeurs avaient le sentiment d’avoir le droit inhérent de coder le monde comme bon leur semblait. On nous a permis de le faire parce que, jusqu’à tout récemment, cela n’avait pas d’importance. Aujourd’hui, trop de questions sont décidées dans un environnement capitaliste non réglementé où les coûts sociaux importants ne sont trop souvent pas pris en compte.
La charnière se situe dans les années 1980, d’abord autour de modalités de recrutement. Pour filtrer la multitude de candidatures qui lui parviennent, une société américaine définit alors le profil psychologique « du bon programmeur ». Elle se base sur un échantillon d’hommes travaillant dans un environnement militaire, et présentant deux caractéristiques majeures : une sociabilité un peu moindre que la moyenne et des activités socialement connotées comme masculines. […] Ensuite, les besoins en personnel informatique étant croissants, les salaires étaient relativement élevés. Considérant qu’il était anormal que les codeuses aient une rémunération aussi confortable et qu’il était peu concevable qu’elles encadrent des équipes mixtes, la Grande-Bretagne a, dans le secteur public – leader dans l’informatisation du pays – bloqué la carrière de programmeuses compétentes, expérimentées et motivées, et les nouveaux recrutements vont conduire à masculiniser la profession. Le troisième facteur est une prise en main académique, en lien avec l’industrie, excluant les femmes [···]
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Et si les géants de la technologie numérique étaient concurrencés et peut-être remplacés par les nains des technologies modestes et respectueuses des êtres humains ?
Telle est l’utopie qu’expose Aral Balkan ci-dessous. Faut-il préciser que chez Framasoft, nous avons l’impression d’être en phase avec cette démarche et de cocher déjà des cases qui font de nous ce qu’Aral appelle une Small Tech (littéralement : les petites technologies) par opposition aux Big Tech, autrement dit les GAFAM et leurs successeurs déjà en embuscade pour leur disputer les positions hégémoniques.
Article original sur le blog d’Aral Balkan : Small technology
Les géants du numérique, avec leurs « licornes » à plusieurs milliards de dollars, nous ont confisqué le potentiel d’Internet. Alimentée par la très courte vue et la rapacité du capital-risque et des start-ups, la vision utopique d’une ressource commune décentralisée et démocratique s’est transformée en l’autocratie dystopique des panopticons de la Silicon Valley que nous appelons le capitalisme de surveillance. Cette mutation menace non seulement nos démocraties, mais aussi l’intégrité même de notre personne à l’ère du numérique et des réseaux1.
Alors que la conception éthique décrit sans ambiguïté les critères et les caractéristiques des alternatives éthiques au capitalisme de surveillance, c’est l’éthique elle-même qui est annexée par les Big Tech dans des opérations de relations publiques qui détournent l’attention des questions systémiques centrales2 pour mettre sous les projecteurs des symptômes superficiels3.
Nous avons besoin d’un antidote au capitalisme de surveillance qui soit tellement contradictoire avec les intérêts des Big Tech qu’il ne puisse être récupéré par eux. Il doit avoir des caractéristiques et des objectifs clairs et simples impossibles à mal interpréter. Et il doit fournir une alternative viable et pratique à la mainmise de la Silicon Valley sur les technologies et la société en général.
Cet antidote, c’est la Small Tech.
Ces critères signifient que la Small Tech :
Crédit photo : Small Things, Big Things by Sherman Geronimo-Tan. Licence Creative Commons Attribution.
La traduction suivante est la brève présentation initiale du long rapport final élaboré par le comité « Digital, Culture, Media and Sport » du Parlement britannique, publié le 14 février dernier, sur la désinformation.
Ce rapport interpelle les plus hauts responsables politiques du Royaume-Uni sur de nombreux sujets d’actualité qu’il aborde sans concessions :
Le groupe Framalang a entrepris de vous communiquer l’intégralité du rapport en feuilleton suivant l’avancement de la traduction.
Vous trouverez le texte intégral en suivant ce lien vers le PDF original (3,8 Mo) : https://publications.parliament.uk/pa/cm201719/cmselect/cmcumeds/1791/1791.pdf
La traduction est effectuée par le groupe Framalang, avec l’aide de toutes celles et ceux qui qui veulent bien participer : Penguin, Lumibd, goofy, maximefolschette, Maestox, Mika, Khrys, serici, Barbara, Cyrilus, simon
Voici le rapport final d’une enquête sur la désinformation qui s’est étalée sur 18 mois. Elle couvre les droits des individus concernant leur vie privée, la manière dont leurs choix politiques peuvent être influencés par l’information en ligne et l’ingérence dans les scrutins politiques, tant au Royaume-Uni que dans le monde, animée par des forces malveillantes qui sème la confusion et la discorde.
Nous nous sommes appuyés sur les pouvoirs du système de Comités, en exigeant des preuves et en obtenant des documents sous scellés dans les systèmes juridiques d’autres pays. Nous avons invité les représentants démocratiquement élus de huit autres pays à rejoindre notre comité au Royaume-Uni afin de créer un « Grand Comité international », le premier du genre, pour promouvoir davantage de coopération transnationale et endiguer la diffusion de la désinformation et sa capacité pernicieuse à dénaturer, perturber et déstabiliser. Au travers de cette enquête nous avons bénéficié de la coopération d’autres parlements. Ce travail est continu, avec de nouvelles sessions planifiées en 2019. Il s’agit de mettre en avant une volonté d’agir à l’échelle mondiale pour s’attaquer à des problématiques similaires à celles que nous avons identifiées dans d’autres juridictions.
C’est le rapport final de notre enquête, mais ce ne sera pas notre dernier mot.
Nous avons toujours connu la propagande et les préjugés politiques, qui se targuent d’être de l’information, mais cette activité a pris de nouvelles formes et a été grandement amplifiée par les technologies de l’information et l’omniprésence des réseaux sociaux. Dans cet environnement, les utilisateurs acceptent et accordent du crédit aux informations qui confortent leur point de vue, même si elles sont déformées ou fausses, tout en rejetant le contenu contradictoire comme des fake news. Cela a un effet de polarisation qui réduit la base commune de faits objectifs sur laquelle un débat raisonné peut s’appuyer. On a beaucoup parlé de la grossièreté du débat public mais lorsque ces éléments interfèrent directement avec les processus électoraux, les fondements mêmes de notre démocratie se trouvent menacés.
Il est peu probable que la situation change. Une évolution nécessaire serait la mise en application d’une plus grande transparence dans la sphère numérique, afin de s’assurer de connaître la source de ce que nous sommes en train de lire, de savoir qui a payé pour cela et pourquoi cette information nous a été envoyée.
Nous avons besoin de comprendre comment les géants de l’Internet travaillent, et ce qu’il advient de nos données. Facebook opère sa surveillance à la fois sur ceux qui l’utilisent et sur ceux qui ne l’utilisent pas, en pistant leurs activités et en conservant leurs données. Cette entreprise gagne de l’argent en vendant l’accès aux données de ses utilisateurs à travers ses outils à visée publicitaire. Elle accroît davantage encore sa valeur via un échange de données réciproque et global avec des développeurs d’applications majeures qui font leurs affaires à travers la plateforme de Facebook.
Pendant ce temps, parmi les innombrables messages inoffensifs avec des photos de vacances ou d’anniversaires, des forces malveillantes utilisent Facebook pour menacer et harceler, pour divulguer des images intimes par représailles, pour répandre des propos haineux et de propagande de toute sorte ainsi que pour influencer des élections et des processus démocratiques, autant de choses que Facebook, et les autres réseaux sociaux, ne veulent pas ou ne peuvent pas enrayer. Nous devons appliquer les principes démocratiques universels aux outils de l’ère numérique.
Les géants de l’Internet ne doivent pas être autorisés à croître exponentiellement, sans contrainte ni surveillance réglementaire appropriée. Mais seuls les gouvernements et les lois sont suffisamment puissants pour les y contraindre. Les outils législatifs existent déjà. Il faut maintenant les appliquer au numérique à l’aide d’outils tels que les lois sur la protection de la vie privée, les lois sur la protection des données, les lois antitrust et les lois sur le droit de la concurrence.
Si les entreprises deviennent des monopoles, elles peuvent être démantelées, dans n’importe quel domaine. Le traitement des données personnelles par Facebook et leur utilisation dans le cadre de campagnes politiques sont les domaines primordiaux que les organismes de réglementation doivent légitimement inspecter. Facebook ne devrait pas être en mesure de se soustraire à toute responsabilité éditoriale pour les contenus partagés par ses utilisateurs sur ses plateformes.
Dans une démocratie, nous devons faire l’expérience de la pluralité des voix et, surtout, posséder les compétences, l’expérience et les connaissances nécessaires pour évaluer la véracité de ces voix. Bien qu’Internet ait apporté de nombreuses libertés dans le monde entier et une capacité de communication sans précédent, il comporte également la capacité insidieuse de déformer, d’induire en erreur et de produire haine et instabilité. Il fonctionne à une échelle et à une vitesse sans précédent dans l’histoire de l’humanité.
L’un des témoins à notre enquête, Tristan Harris, du Center for Humane Technology, basé aux États-Unis, décrit l’utilisation actuelle de la technologie comme un « détournement de nos esprits et de notre société ». Nous devons plutôt utiliser la technologie pour libérer nos esprits et recourir à la réglementation pour rétablir la responsabilité démocratique. Nous devons nous assurer que les humains restent aux commandes des machines.
Comme chaque lundi, un coup d’œil dans le rétroviseur pour découvrir les informations que vous avez peut-être ratées la semaine dernière.
Pendant six semaines, en décembre et janvier dernier, les visiteurs de trois prisons du Yorkshire, au Royaume-Uni, ont été forcés de faire analyser leurs visage, yeux ou papiers d’identité à l’entrée. L’objectif : lutter contre les trafics de drogue et autres objets de contrebande. […] Big Brother Watch, une organisation britannique qui milite pour les libertés civiles et la vie privée, a accusé le gouvernement d’avoir adopté une « approche expérimentale des droits humains ». « Le gouvernement cherche à obtenir l’assentiment du public pour l’utilisation de caméras de reconnaissance faciale dans les prisons, où les droits sont plus limités. C’est une première étape avant d’en faire un outil de surveillance dans l’espace public »
Le Royal Free NHS Foundation Trust de Londres n’a pas respecté les règles de protection des données lorsqu’il a donné 1,6 million de dossiers de patients à DeepMind, une société d’intelligence artificielle appartenant à Google, pour un essai. Le Bureau du Commissaire à l’information a décidé de resserrer ses directives.
Amazon a déposé une demande de brevet pour un assistant vocal qui recommanderait un médicament contre le rhume et la grippe s’il vous entend tousser. L’an dernier, la jeune entreprise de soins de santé Kinsa a fait l’objet de vives critiques de la part d’experts en protection de la vie privée pour avoir vendu des données sur les maladies. Kinsa fabrique un thermomètre intelligent qui prend la température d’un utilisateur, puis la télécharge instantanément sur un serveur avec des informations sur le sexe et la position géographique de l’utilisateur.[…]
L’utilisation d’appareils intelligents ou de recherches sur le Web pour trouver rapidement des conseils peut permettre aux patients, aux parents et aux urgences surchargées d’économiser temps et argent. Mais ce faisant, elle alimente un vaste réseau publicitaire qui transforme ces recherches en données lucratives.
La sévérité des mutilations dues aux LBD n’a pas vraiment surpris les professionnels. C’est leur utilisation répétée qui cause « l’épidémie » sur laquelle ils alertent. Plusieurs publications médicales avaient en effet déjà pointé le danger de ces dispositifs. Un article de synthèse au long cours (1990-2017), portant sur plusieurs pays et paru en 2017 dans le British Medical Journal, avait notamment rapporté de nombreux cas de « cécité permanente » et conclu que ces dispositifs « ne semblant pas être des moyens appropriés de maintien de l’ordre ».
Pour le professeur émérite Alain Gaudric, ces lésions rappellent celles – gravissimes et répertoriées dans la littérature médicale mais heureusement rares – causées par les accidents de golf. « Comme les balles de golf, les LBD, d’un diamètre de 40 millimètres, s’encastrent parfaitement dans l’orbite, qui ne peut donc pas jouer un rôle protecteur, explique-t-il. L’énergie cinétique transmise au globe oculaire est donc considérable. »
[…] Dans leur lettre au Président, les médecins assurent que les traumatismes « ne sont pas dus au hasard ou à l’inexpérience ». Pour eux, ces lanceurs introduits en France en 2009, imprécis et difficiles d’utilisation, sont par nature dangereux. « Ce ne sont pas de simples outils de dissuasion », assène José-Alain Sahel, qui demande leur « qualification » en armes véritables.
Je me suis libéré de Chrome en 2014, et je n’y ai jamais retouché. Il est probable que vous vous en tirerez aussi bien que moi. Vous pouvez l’apprécier en tant que navigateur. Et vous pouvez ne pas vous préoccuper des compromissions en termes de vie privée qui viennent avec. Mais l’enjeu est bien plus important que nos préférences personnelles et nos affinités ; une plateforme entière est sur le point de devenir un nouveau jardin clos. Et on en a déjà assez. Donc, faisons ce que nous pouvons, quand nous le pouvons, pour éviter ça.
Pour le PDG de Facebook, Mark Zuckerberg, WeChat est à la fois son plus grand défi et le modèle pour l’avenir de son entreprise. Zuckerberg souhaite depuis longtemps que Facebook soit le système d’exploitation de nos vies – du moins pour ceux qui vivent en dehors de la Chine. WeChat est ce que Facebook n’est pas encore devenu.
[…] Facebook espère attirer ceux qui utilisent des services concurrents comme Telegram, Signal, Skype, Google’s Hangouts (anciennement GChat), Apple’s IMessage, ou des SMS classiques vers les divers services, bientôt réunis, de messagerie de Facebook. Broyer ces autres applications, ainsi que le courrier électronique et les appels téléphoniques à l’ancienne, serait un grand pas en avant pour devenir le système d’exploitation de nos vies.
« Une baisse d’attention, une agitation excessive : un petit cachet, et le tour est joué (…) La Ritaline, c’est la tétine du XXIe siècle, le peacemaker des parents, la garantie d’un parcours sans faute »[…] « au prétexte de décupler nos performances et d’apaiser nos douleurs, un certain discours semble aujourd’hui considérer comme normal de placer des enfants et des adolescents sous camisole chimique, de les inciter à prendre du Xanax en cas de stress ou de les shooter au Prozac, au moindre chagrin d’amour. (…) Il y a une tendance lourde, dans nos sociétés de contrôle, à dépister de plus en plus férocement et précocément les anomalies de comportement ».
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