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Hadopi s’enfonce dans le ridicule

jeudi 13 septembre 2012 à 18:07

La Hadopi ne sanctionne pas le téléchargement de fichiers, mais le « défaut de sécurisation » de sa connexion, et donc le fait de ne pas avoir réussi à être un bon Big Brother de son ordinateur. Cerise sur le gâteau : une fois suspecté, c’est à l’accusé d’apporter les preuves de son innocence, et de démontrer qu’il avait tout fait pour empêcher le partage de fichier... Une forme de présomption de culpabilité qui mêle Orwell et Kafka, et qui fait de la Hadopi le digne rejeton de notre société de surveillance.

Il n'est donc guère étonnant de découvrir que le premier internaute sanctionné dans toute l'histoire de la loi Hadopi n’avait rien téléchargé.

Olivier Henrard est le « père » de la Hadopi. En 2008, dans une interview qu’il m’avait accordé, pour LeMonde.fr, « Pour "l'obligation de surveillance" de son accès à Internet », il m’avait expliqué que « l’idée est de sortir de l'orbite du juge pénal en se basant sur l'obligation de surveillance : ce qui est sanctionné, ce n'est pas que vous ayez téléchargé, mais que vous ayez manqué à votre obligation de surveillance », afin de s'assurer que son accès à l'Internet « ne fasse pas l'objet d'une utilisation qui méconnaît les droits de propriété littéraire et artistique ».

Or, et comme je l’expliquais alors, il n'existe pas de logiciel permettant à un particulier de s'assurer que son accès Internet ne fasse pas l'objet d'une « utilisation qui méconnaît les droits de propriété littéraire et artistique », et il n’en existera jamais, pour la simple et bonne raison qu’Internet a été conçu pour que l’information puisse circuler, quelle que soit la route utilisée, et qu’il existe moult manières de partager des fichiers. Comment Mr Tartempion ou Mme Michu pourraient-ils sécuriser leurs connexions alors que le Pentagone - entre autres victimes des fuites rendues publiques par WikiLeaks - n’arrive pas à le faire ?

Un argument qu’Olivier Henrard avait balayé d’un revers de manche, avec une réponse toute trouvée : la loi du marché, de l’offre et de la demande.

« La réponse dépend des acteurs économiques : ce n'est pas un produit proposé à ce jour, mais ça ne présente pas de difficulté technique majeure, pour peu qu'existe une demande ». Et comme « les usagers vont demander de tels dispositifs de prévention et de filtrage à leurs FAI, c'est aux acteurs économiques de combler le vide ».

Quatre ans plus tard, il n’existe toujours pas d’offre commerciale permettant de sécuriser son ordinateur de sorte qu’il ne puisse être utilisé pour partager des fichiers « protégés » par le droit d’auteur, le copyright ou par DRM interposés (encore que, voir Je n’ai pas le droit de lire le livre que j’ai acheté).

Comme le rappelle Guillaume Champeau, Michel Riguidel, le chercheur qui avait prédit un chaos numérique en 2015, et qui avait été chargé de labelliser les moyens de sécurisation (« l'une des missions les plus difficiles » sur lesquelles il a travaillées pendant toute sa longue carrière) a jeté l’éponge, tout comme Jean-Michel Planche, son successeur.

« Depuis, l'on entend plus parler de l'avancée des travaux. Officiellement, ils continuent. Officieusement, cela fait deux ans et demi que l'Hadopi sait qu'elle n'arrivera jamais à établir une liste de spécifications pour les moyens de sécurisation qu'elle est censée labelliser. »

La seule façon simple (et donc accessible au grand public) - et sûre à 100% - de sécuriser son ordinateur, avait été proposée par Mireille Imbert-Quaretta, la présidente de la Commission de protection des droits (CPD) de l’Hadopi :

« Si une mère met l’ordinateur dans un placard sous clé pour empêcher son fils de télécharger et que cela marche, c’est un moyen de sécurisation, pas besoin d’installer un logiciel. »

Le "pirate" n'avait rien téléchargé

Il ne fallait pas être grand clerc pour comprendre que les premières victimes de la Hadopi ne seraient pas de gros téléchargeurs compulsifs, mais des victimes innocentes dont l’accès au Net ou le WiFi aurait été piraté, l’adresse IP usurpée, ou qui n’auraient pas réussi à empêcher le fiston de télécharger. Pour le coup, ce n’est pas le fiston, mais la future ex-femme du "pirate" qui a reconnu avoir téléchargé deux chansons de Rihanna, malgré les avertissements de la Hadopi, et de son ex-futur mari.

Interviewé par Marc Rees, de PCInpact, Alain, le premier abonné sanctionné dans toute l'histoire de la loi Hadopi, un charpentier d'une quarantaine d'année, revient sur la situation ubuesque, et kafkaienne, dans laquelle il s’est retrouvé. En instance de divorce, il avait rapidement indiqué que les téléchargements venaient de sa femme :

« J’ai eu un premier avertissement puis un deuxième. Mais j’ai fait parvenir un courrier à la Hadopi via l’avocat de ma femme qui a fait suivre ! Nous n’avons pas eu de suite ou alors la Hadopi m’a envoyé des mails, mais je n’ai jamais pu les recevoir, je n’avais plus internet ! »

Convoqué à la gendarmerie, il fait nettoyer son ordinateur par une entreprise spécialisée, et explique n’avoir « rien installé, ni téléchargé. Les gendarmes en ont tenu compte, comme du nettoyage. Moi je pensais être tranquille. Je me suis retrouvé au tribunal  » qui, au vu de son casier judiciaire vierge, ne requiert que 300 € d’amende (pour deux fichiers téléchargés), et ne l'a finalement condamné qu'à une amende de 150 €.

Contrairement à ce que prévoit aussi la loi, son abonnement à Internet n'a pas été coupé : il a résilié son abonnement tout seul comme un grand, en attendant que son ex-future femme quitte le domicile, et parce qu'il n'a plus confiance...

Numerama rappelle à ce titre que sans ces aveux de l'internaute, la Hadopi n'aurait pas pu obtenir sa condamnation, en l'absence de preuve matérielle… puisque ce n'est pas à la Hadopi d'apporter la preuve de la culpabilité de l'accusé, mais à ce dernier de démontrer son innocence.

Or, Alain a été condamné parce qu'il n'a pas été capable d'effacer deux .mp3, et d'empêcher le logiciel de peer to peer de se lancer lorsqu'il démarrait son ordinateur, et donc de partager les deux fichiers téléchargés par son ex'. Alain n'est pas un "pirate", juste quelqu'un qui ne sait pas comment fonctionne son ordinateur, ce qui est le cas d'une bonne partie de ceux dont le nom figure sur la facture de leur fournisseur d'accès à Internet...

Hadopi ne peut que disparaître

Mireille Imbert-Quaretta, la présidente de la Commission de protection des droits (CPD) de l’Hadopi a révélé début septembre que cette année, 13 autres dossiers ont été transmis à la Justice par la Hadopi. Un bien maigre butin, rappelait Andréa Fradin sur Owni, quand on sait qu'en deux ans de fonctionnement, la Hadopi a identifié 3.000.000 d’adresses IP, envoyé 1.150.000 envois des premières recommandations (la 1ere étape de la riposte graduée), 100.000 transmissions de deuxièmes recommandations (la 2e étape)...

En réponse au ministère de la Culture, qui avait déclaré cet été que la Hadopi coûtait trop cher et réclamer que ses crédits de fonctionnement "soient largement réduits" au motif que son "utilité n’est pas avérée", Mme Imbert-Quaretta avait osé un parallèle en forme de lapsus, et qui fait froid dans le dos :

« L’Hadopi est une autorité administrative indépendante créée par le législateur, qui ne peut être supprimée que par le législateur. [...] C’est comme à l’époque des débats sur la suppression de la peine de mort, on a commencé par tenter de supprimer le budget du bourreau. »

En janvier 2010, j’avais écrit que la Hadopi était techniquement inapplicable, et politiquement liberticide, tout en compilant les dizaines de gaffes et autres #Fail accumulé par ses promoteurs, pris la main dans le sac en train de « pirater » des contenus protégés, l’encyclopédie Wikipedia, une pétition pro-Hadopi, et caetera (voir Rions un peu avec l’Hadopi).

En juillet, je tirais le portrait de Marie-Françoise Marais, la présidente de la Hadopi, rappelant qu’elle fut également, précédemment, à l’origine de la fermeture d’Altern.org, pionnier des défenseurs de la liberté d’expression sur le Net, et ses 45 000 sites web.

En octobre, je révélais que la DGSE s’était faite « engeuler » par les services de renseignement américains, pour qui la Hadopi allait contribuer à populariser les logiciels de chiffrement, rendant plus difficile la surveillance des internautes.

En février 2011, je m’étonnais de voir que la Hadopi avait obtenu, en un an, le budget que la CNIL avait mis 32 ans à obtenir (de l'ordre de 12 millions d'euros, par an). Depuis, le vent à tourné, et les voix de ceux qui estiment qu’il serait bon d’arrêter les frais, et de dépenser autant d’argent pour des résultats aussi ridicules, et contre-productifs, se font de plus en plus entendre.

La Hadopi est vouée à disparaître, parce qu’elle se trompe de combats, qu’elle ne pose pas les bonnes questions, et encore moins les bonnes réponses : le problème de l’industrie des biens culturels, et du devenir des artistes, ce ne sont pas les artisans de 40 ans qui ne savent pas télécharger, ni sécuriser leur PC. Reste à savoir combien de temps encore nous allons devoir payer autant d’argent pour une institution qui brille surtout par son ridicule.


NB (14/09/2012, 20h) : sur Twitter, un débat a été lancé pour savoir si la Hadopi entraîne, comme je l'écris, un renversement de la charge de la preuve, ou pas, dans la mesure où l'internaute a été condamné parce qu'il a reconnu les faits, comme le soutiennent Guillaume Champeau de Numerama dans son Hadopi : petit guide juridique pour les avocats ainsi que Maître Eolas dans HADOPI : l'opération Usine à gaz continue.

Mon analyse repose sur le fait que les internautes sont d'abord dénoncés par TMG (chargée d'identifier ceux qui mettent à disposition des fichiers), puis "avertis" par la Hadopi, et qu'il leur revient de venir démontrer à la Hadopi (à Paris, ce qu'avait refusé de faire l'internaute qui a été condamné) qu'ils ont bien mis en oeuvre les moyens de sécurisation de leur ordinateur puis, s'ils sont sont convoqués au tribunal, d'apporter les preuves de leur innocence (usurpation d'adresse IP, piratage de WiFi, etc.) sans que jamais TMG ni la Hadopi ni un quelconque officier de police judiciaire n'ait jamais apporté la preuve qu'ils ont enfreint la loi. Ce qui, pour moi, renverse donc la charge de la preuve, et constitue une forme de présomption de culpabilité.

Voir aussi :
Objectif : « hacker » la CNIL
Rions un peu avec l’Hadopi
La CNIL tacle l’Hadopi, son président la vote
Je n’ai pas le droit de lire le livre que j’ai acheté
Le vrai danger, ce n’est pas Orwell, c’est Kafka
La NSA, la DGSE et la DCRI ne disent pas merci à l’Hadopi

La liberté, pas la peur

jeudi 13 septembre 2012 à 08:02

"Vous pouvez tromper quelques personnes tout le temps
et tromper tout le monde de temps en temps, mais vous ne pouvez pas tromper tout le monde tout le temps."

Cette citation d'Abraham Lincoln, seizième président des États-Unis d'Amérique, sert d'introduction au clip de présentation de Freedom Not Fear 2012, "festival" bruxellois qui, du 14 au 16 septembre prochains, "vise à rassembler des citoyens, des ONG et des militants sous le même mot d’ordre" :

"arrêter la course aux armements de surveillance et permettre aux citoyens européens de vivre dans la liberté et non dans la peur."

Dans Plus belle la vidéosurveillance, j'avais tenté d'expliquer ce pour quoi le problème des technologies de surveillance, c'est que, sous couvert de rassurer la population, elles génèrent de la peur :

Je n'ai pas peur des technologies de surveillance. J'ai peur de ceux qui instrumentalisent la peur et le sentiment d'insécurité, afin de multiplier le recours aux technologies de surveillance et de sécurité... machine infernale qui revient à se méfier de l'humanité pour faire confiance aux technologies.

Et c'est précisément pour en finir avec la culture de la peur que cette coalition d'activistes, d'ONG ou de citoyens se réunit tous les ans en septembre un peu partout dans le monde pour défendre une société de liberté contre
l'augmentation sans cesse grandissante des mesures de restriction de nos droits fondamentaux, et "encourager le renforcement d'un réseau international de mouvements et d'activistes de la protection de la vie privée et des droits des citoyens".

L'événement sera officiellement lancé ce vendredi avec deux débats réunissant entre autres M. Werner Stengg (Chef d'unité, DG Marché Intérieur et Services, Commission Européenne) et M. Peter Hustinx (Contrôleur européen de la protection des données).

Également au programme : un atelier RFiD Zapper, afin de transformer le flash d'un appareil photo en destructeur de puces électroniques sans contact, et un "Camspotting", sorte de jeu de piste destiné à prendre en photo, et géolocaliser les caméras de vidéosurveillance de Bruxelles. La ligue flamande des droits de l'homme a d'ores et déjà répertorié 557 caméras :


Voir aussi :
Les internautes piratent les caméras de « Plus belle la vie »
« Faites chier, vous avez encore ramené un mineur ! »
Facebookés à leur insu par le Big Brother US
On ne peut pas mettre de barrières sur Internet
Je n’ai pas le droit de lire le livre que j’ai acheté
Objectif : « hacker » la CNIL

Valls récupère les 1800 caméras de vidéosurveillance de Marseille

vendredi 31 août 2012 à 08:26

Manuel Valls vient de réclamer l'extension de la vidéosurveillance à Marseille... omettant de préciser que la décision avait d'ores et déjà été prise, du temps de Nicolas Sarkozy.

En réponse à Samia Ghali, la sénatrice-maire PS de Marseille qui réclame l'installation de barrages militaires, "comme en temps de guerre, même si cela doit durer un an ou deux", Manuel Valls ne s'est pas contenté de déclarer, lors d'un point presse organisé Place Beauvau, qu'"il est hors de question que l'armée puisse répondre à ces drames et à ces crimes. Il n'y a pas d'ennemi intérieur", propos confirmés par François Hollande, pour qui "l'armée n'a pas sa place pour contrôler les quartiers".

Le ministre de l'Intérieur a en effet, et aussi, préconisé "la mise en oeuvre de la vidéo-protection qui doit être étendue à l'ensemble de la ville", parce que "les quartiers nord se sentaient oubliés", et que "Marseille est une ville dont les habitants ont l'impression que l'Etat les a abandonnés" :

Question journaliste : Est-ce qu'on a pas tout essayé ? Y'a eu 3 préfets en quelques mois, on a remis du bleu dans les rues, dans le centre, est-ce qu'on a pas tout essayé ?

Réponse Valls : Il y a une action qui a été menée et que je veux poursuivre, et qui est importante, qui est dans l'hypercentre au coeur de Marseille, qui passe par de la présence policière, par la mise en oeuvre de la vidéo-protection qui doit être étendue à l'ensemble de la ville...

relance journaliste (pas fort) : est-ce que c'est vraiment ça...

Valls :... et qui doit être étendue à l'ensemble de la ville, parce qu'il y a aussi de la délinquance quotidienne. Et qui nécessite aussi une très grande coopération de la ville de Marseille, dans la vidéo-protection comme dans le rôle de la police municipale. Ce qui m'avait été dit au mois de juin, c'est que les quartiers nord se sentaient oubliés des choix qui avaient été faits par le passé... Et le fait que ces quartiers soient aujourd'hui dans une zone de sécurité prioritaire que nous allons installer avec des moyens supplémentaires est bien la démonstration que Marseille est depuis le début de mon installation une préoccupation. Mais la réponse doit être globale. Marseille est une ville dont les habitants ont l'impression que l'Etat les a abandonnés.

Manuel Valls a beau jeu de promouvoir la vidéosurveillance à Marseille : la cité phocéenne a d'ores et déjà décidé de déployer de 1500 à 1800 caméras d'ici 2014, avec "près de 40 policiers municipaux affectés 24h/24 à la visualisation des images", pour un budget d'investissement de "9,8 millions d'euros auxquels s'ajoutent 3 millions d'euros de frais de fonctionnement annuels". 200 caméras de surveillance devaient être opérationnelles en septembre, 300 en décembre.


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En juin dernier, une centaine d'opposants à la vidéosurveillance avaient manifestés pour dénoncer cette banalisation de la vidéosurveillance dans un "charivari masqué qui s'est soldé par la dégradation de plusieurs appareils... sous l'oeil des caméras, impuissantes", notait La Provence dans un article donnant -une fois n'est pas coutume- longuement la parole aux arguments des opposants :

"Ça en dit long sur leur efficacité", ironise un participant "non-casseur". Un sabotage qui n'est pas une première. En octobre 2011, déjà, au tout début de "l'invasion", dixit le jeune militant, cinq mâts prévus pour supporter ces caméras avaient été descellés...

Ce qui dérange ? "Il y en a dans tous les coins de rue, parfois même au milieu d'une artère !", plaide Bruno. Ce manque de discrétion crée une ambiance de suspicion et de paranoïa. C'est à se demander si le but c'est qu'elle nous voit ou qu'elles soient vues."

"Quel est l'intérêt en terme de sécurité de braquer une caméra sur la terrasse d'un bar ?" Mère de famille et professeur des écoles, Gisèle, dénonce "un gaspillage inouï d'argent public pour un système qui n'a jamais prouvé son efficacité. Ok, ça rassure les anciens. Mais à qui va-t-on faire croire qu'un type qui veut voler un sac va le faire sous une caméra à visage découvert ? ( ...)".

Ironie de l'histoire, cette déclaration intervient une semaine tout juste après que le système de vidéosurveillance de Plus belle la vie (la série TV à succès qui se déroule à Marseille) ait été "piraté" à la demande de plusieurs de ses personnages -parce qu'il portait atteinte à la vie privée des habitants du quartier-, et un mois et demi après que les internautes-téléspectateurs de Plus belle la vie se soient majoritairement prononcés contre la vidéosurveillance.

Interrogé par les journalistes Libération pour savoir s'il continuerait le plan d'équiquement en vidéosurveillance lancé par la droite, Manuel Valls La semaine passée, Manuel Valls avait déjà déclaré :

"Une caméra n’est ni de droite ni de gauche !"

A ce jour, et alors que la vidéosurveillance est encadrée par la loi depuis 1995, en France, aucun rapport scientifique indépendant n'a jamais démontré la pertinence, et l'efficacité de la vidéosurveillance. A contrario, et à l'étranger, les études démontrent que si les caméras permettent certes, de temps en temps, d'identifier certains délinquants -le contraire serait désespérant), leur impact reste marginal sur la voie publique (voir Un rapport prouve l’inefficacité de la vidéosurveillance et L’impact de la vidéosurveillance est de l’ordre de 1%).

Un rapport de la Cour des comptes avait ainsi sévèrement critiqué l'inefficacité de la vidéosurveillance, et déploré l'absence d'étude d'impact, au vu du coût de ces systèmes. Plutôt que de chercher à savoir combien ça coûte, et si cela sert vraiment à quelque chose, Manuel Valls, lui, préfère gonfler les muscles devant les journalistes, omettant de préciser que la généralisation de la vidéosurveillance a déjà été décidée, du temps de Nicolas Sarkozy, et suivre la voie tracée par son ami Alain Bauer : démultiplions les caméras, ça peut toujours servir, et ça rassure. C'est bien connu : La surveillance, ça sert aussi, et surtout, à gagner des voix dans l'électorat... au point que ce n’est pas parce que les caméras ne servent à rien qu’il ne faut pas en rajouter.

Voir aussi :
Sécurité privée partout, police nulle part ?
La Cour des comptes enterre la vidéosurveillance
Un rapport prouve l’inefficacité de la vidéosurveillance
A Boulogne Billancourt, la vidéosurveillance ne sert… à rien
Vidéosurveillance : ce n’est pas parce que les caméras ne servent à rien qu’il ne faut pas en rajouter

Facebookés à leur insu par le Big Brother US

vendredi 24 août 2012 à 14:15

Après les attentats du 11 septembre 2001, John Pointdexter, ancien conseiller en sécurité de Ronald Reagan, proposa de créer un système de surveillance généralisé des télécommunications, appels téléphoniques, mails, mais également des transactions financières, données sur les passagers aériens, etc. Suite au tollé, son projet de "Total Information Awareness" (TIA) fut finalement abandonné.

Le New York Times révèle aujourd'hui que la National Security Agency (NSA), le service de renseignement américain chargé de la surveillance des télécommunications, en a depuis repris l'idée. Après avoir dupliqué les bases de données d'AT&T, le plus important des "telcos" américain, la NSA a en effet créé une sorte de graphe social afin de voir qui se connecte avec qui, sorte de Facebook alimenté, "à l'insu de leur plein gré", par tout ce que la NSA peut intercepter et que les geeks de la centrale de renseignement aurait surnommé le "BAG" (sac, en français), pour... "big ass graph" (qu'on pourrait traduire par "putain de gros graph'", l'expression big ass qualifiant, par extension, tout ce qui est (presque trop) gros).

Et c'est pour traiter toutes ces données que la NSA a entamé la construction d'un gigantesque complexe d'espionnage en Utah, sorte de Babel du renseignement dont l'objectif est de capter, décoder et analyser des données issues de communications classiques (courriels, conversations téléphoniques, recherches sur Google), de tous types de données personnelles (factures de parking, itinéraires de voyages, achats en librairies…) et de données issues du "Web profond", non directement accessible (informations financières, transactions boursières, accords commerciaux, communications militaires et diplomatiques étrangères, documents légaux, informations personnelles confidentielles…).

Contrairement au TIA, dont il s'inspire largement, le BAG n'a pas été conçu, déplore le NYT, de sorte que les données soient anonymisées par défaut (anonymat ne pouvant être levé que sur demande judiciaire), et qu'il n'a rien prévu pour éviter que des citoyens américains innocents se retrouvent piégés dans les mailles de ce réseau social constitué à l'insu de ceux qui y sont fichés.

Le NYT vient également de mettre en ligne un extrait d'un documentaire consacré à ce Programme (le nom de code de cette opération) basé sur le témoignage de William Binney qui, après 32 ans passés à la NSA, a décidé de témoigner pour dénoncer les atteintes aux libertés constitués par ce système de surveillance et d'espionnage généralisé.

La réalisatrice de ce documentaire, Laura Poitras, a elle-même été placée sur la "liste noire" des personnes à surveiller par la NSA, parce qu'elle avait réalisé un documentaire sur la guerre en Irak. Elle a été arrêtée et interrogée plus de 40 fois à la frontière américaine, où ses ordinateurs, caméras, téléphones portables ont été de nombreuses fois saisis, et leurs contenus copiés par les autorités. Une fois, l'officier à qui elle expliquait qu'elle refusait de répondre à ses questions, au nom du 1er amendement de la Constitution américaine, lui rétorqua :

"Si vous refusez de répondre à nos questions, nous trouverons les réponses dans vos échanges électroniques."

Voir aussi :
Les internautes piratent les caméras de « Plus belle la vie »
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Soudain, un espion vous offre une fleur

Les internautes piratent les caméras de « Plus belle la vie »

vendredi 27 juillet 2012 à 21:20

Les caméras de vidéosurveillance de Plus belle la vie ont été piratées. Mieux : ce vendredi 27 juillet à 22h30, vous aurez semble-t-il la possibilité d'en prendre le contrôle !

Mise à jour : suite à de nombreuses "fuites" d'images tirées des caméras de vidéosurveillance de "Plus belle la vie", Ninon, la jeune journaliste qui dénonce les dérives de la "vidéoprotection" invite internautes et téléspectateurs à venir "crasher les caméras" de vidéosurveillance de l'émission de télévision ce jeudi 23 août à 20h15. On peut même d'ores et déjà accéder à leur interface d'administration...

Mise à jour : comme prévu, les caméras de vidéosurveillance ont "crashé" après que des internautes (dont... des policiers) aient lancé une attaque DDoS contre leur site de maintenance. Le hacker anti-vidéosurveillance a donc montré ses fesses aux caméras désactivées, et le policier qui les avait installé -dont des images de vidéosurveillance le montrant ivre mort avaient "fuité" sur Internet- s'est dit finalement satisfait qu'elles ne marchent plus, après avoir reconnu s'en être aussi servi pour mater les jolies filles.

Rien que pour ce policier qui remercie des hackers d'avoir piraté les caméras de vidéosurveillance qu'il avait installé... je suis plutôt content d'avoir participer à un jeu en réalité alternée (mêlant fiction et réalité) de "Plus belle la vie".

Depuis quelques mois, la vidéosurveillance fait débat dans l'émission phare de France 3, opposant notamment un jeune informaticien défenseurs des libertés, et un policier défenseur des caméras. Le premier a même été arrêté, accusé d'avoir hacké les cameras de vidéosurveillance, ce qu'il dément, même s’il avoue avoir effectivement bombé les caméras.

Ninon, la jeune journaliste de la série, a ouvert un blog à ce sujet, L'oeil de Ninon, où l'on avait découvert que les téléspectateurs de Plus belle la vie sont majoritairement hostiles aux caméras de vidéosurveillance (voir Plus belle la vidéosurveillance).

Un cap vient d'être franchi avec la mise en ligne de photos, puis d'enregistrements vidéo, issus de ce système de vidéosurveillance dont l'accès devrait normalement n'être accessible qu'aux seules autorités.

D'après enquête de Ninon, les images auraient été piratées parce qu'elles seraient transmises... en WiFi, sans être correctement sécurisées. En commentaire de l'un de ses billets, un internaute a expliqué, en langage codé, qu'il était possible d'y accéder via une interface web... et un mot de passe : 1-9-2-8-3-7-4-6-5 qui, d'après ce site, devrait permettra aux internautes d'accéder directement aux caméras ce 27 juillet à partir de 22h30.

L'auteur de ces fuites, qui se fait appeler Le Vigilant sur Twitter, n'a pas encore été démasqué, mais Ninon est sur sa trace, et invite les téléspectateurs à l'aider sur Les amis du Mistral, le groupe Facebook qu'elle a créé pour suivre ces histoires de vidéosurveillance.

Au-delà de ces péripéties, ce qui m'intéresse, dans cette saga, c'est aussi de voir comment la journaliste de Plus belle la vie tente d'exposer ce que sous-tend réellement la vidéosurveillance, des autorités qui refusent de désactiver le système alors même qu'il a été piraté, au décryptage de ce à quoi elle sert vraiment... ou pas :

"Selon toutes les études indépendantes, la « vidéo-protection » n’a qu’un impact dissuasif marginal sur la petite délinquance de voie publique des centres-villes où elle est massivement installée. Par ailleurs, il est désormais établi que les caméras perdent toute efficacité préventive si elles ne sont pas reliées à un système de visionnage en temps réel. Pour avoir quelques chances de donner des résultats, le système de caméras doit être relié à un centre de supervision dans lequel des opérateurs visionnent les images 24 heures sur 24 et 365 jours sur 365, et être associé à un renforcement des forces de police présentes dans la rue."

Mise A Jour - 22h36 : où l'on découvre donc un jeune homme sortant, nu, d'une bouche d'égoût...

Voir aussi :
Objectif : « hacker » la CNIL
Plus belle la vidéosurveillance
Je n’ai pas le droit de lire le livre que j’ai acheté
La liste des « gens honnêtes » qui voulaient ficher tous les Français
« Faites chier, vous avez encore ramené un mineur ! »