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Bracelets anti-violences conjugales : la CNIL craint que des victimes ne se « vengent »

dimanche 4 octobre 2020 à 21:08

Les anglophones parlent de « function creep » (détournement d’usage, en français) pour qualifier ces processus qui sont détournés de leurs finalités premières, entraînant des dommages collatéraux qui n’avaient pas suffisamment été anticipés.

Résultant de la loi du 28 décembre 2019 visant à agir contre les violences au sein de la famille, le BAR a vocation à alerter les autorités lorsque l’auteur de violences conjugales se rapproche d’une « zone d’alerte » allant de 1 à 10 kilomètres autour de la victime qu’il lui est interdit de rencontrer, et à qui sera également attribué un dispositif de téléprotection reposant lui aussi sur la géolocalisation.

Si le BAR reste injoignable et qu’il progresse jusqu’à la zone d’alerte ou s’il est arraché, la société Allianz contactera immédiatement le 17 pour faire un compte rendu de la situation aux forces de l’ordre, précise la gendarmerie.

Par ailleurs, dans le cas où le porteur arracherait son bracelet et ne serait plus localisable, le boîtier passe en « mode dégradé » et se transforme en Téléphone grave danger (TGD). D’une simple pression sur un bouton, la victime pourra être mise en relation avec l’opérateur, qui dépêchera aussitôt une patrouille à l’endroit où elle se trouve.

La gendarmerie rappelle également qu’« il ne peut être mis en œuvre sans le consentement de la victime et de l’auteur. Néanmoins, ce dernier a tout intérêt à l’accepter, des mesures plus restrictives pouvant être adoptées le cas échéant ».

Dans sa délibération portant avis sur ce dispositif, la CNIL relève en premier lieu qu’il ressort des éléments transmis par le ministère dans le cadre de l’analyse d’impact relative à la protection des données (AIPD) que, au titre des autres personnes mentionnées dans la décision ordonnant le dispositif électronique anti-rapprochement, pourront être collectées des « données sur le cercle proche des personnes protégées », à savoir des données d’identité et des données relatives aux coordonnées de contact.

Elle prend acte, cela dit, que ces données permettront de contacter la personne protégée si elle ne répond pas aux appels du centre de téléassistance et pourraient aussi être nécessaires en cas d’intervention des forces de l’ordre.

Elle estime également que l’« un des risques les plus graves du dispositif est qu’il puisse être détourné par la personne porteuse de bracelet pour déduire le positionnement de la victime et attenter, ou faire attenter, à sa sûreté », mais « prend note que ce risque a été dûment identifié par le ministère et de nombreuses mesures mises en œuvre ou prévues pour contenir ce risque, notamment en ce qui concerne la détection d’alertes ou pré-alertes répétées ».

Pour autant, elle « attire l’attention du ministère sur le fait que les victimes puissent, dans certains cas, détourner le système et créer des risques pour les personnes porteuses du bracelet ».

Le dispositif « étant basé uniquement sur la distance entre la personne portant le bracelet et la personne protégée, sans possibilité d’indiquer une zone délimitée comme autorisée, il existe un risque que des personnes protégées se vengent de la personne porteuse de bracelet en les empêchant, par exemple, de rentrer chez elle ou d’aller travailler, en se rendant physiquement à proximité de ces zones », prévient la CNIL.

« Bien que ce risque semble en grande partie traité indirectement par les mesures prévues, la commission recommande de le rendre explicite lors de la prochaine mise à jour de l’AIPD ».

A contrario, et afin d’éviter que des auteurs de violence ne trompent eux mêmes le système, la CNIL relève par ailleurs que « pourront être enregistrées, tant dans le cadre pénal que civil du dispositif, des données biométriques, à savoir des données relatives au gabarit de la voix pour l’authentification biométrique vocale s’agissant de la personne porteuse du bracelet anti-rapprochement et, le cas échéant, de la personne protégée ».

Elle prend acte, cela dit, que « la collecte de telles données a pour objectif de vérifier que la personne qui répond au terminal lors d’un appel de la téléassistance ou bien de la télésurveillance est bien la personne concernée ».

La CNIL relève enfin que « la collecte de cette catégorie de données sera soumise au recueil du consentement de la personne protégée et que celle-ci est informée de ce choix facultatif au moment de la remise du matériel ».

L’objectif de ce BAR est bien évidemment louable. Reste que c’est (au moins) la troisième fois que la CNIL alerte ainsi le gouvernement quant aux risques de « function creep », après l’avoir fait (en vain) quant aux fichiers des empreintes digitales (FAED) et biométriques (TES).

Pourquoi je préfère la BD sur Snowden à son autobiographie (& vive Tails aussi <3)

mercredi 18 décembre 2019 à 08:47

Je rebondis sur la publication de la très instructive critique que le Néerlandais Peter Koop a consacré à l’autobiographie d’Edward Snowden, où il pointe opportunément du doigt les omissions, erreurs et biais de confirmation du « lanceur d’alerte », pour tenter de réparer une injustice (et fêter les 10 ans de Tails, le système d’exploitation préféré des journalistes d’investigation travaillant au contact de lanceurs d’alerte, au demeurant).

La couverture médiatique de la BD VERAX (« celui qui dit la vérité » en latin, l’un des pseudonymes utilisé par Edward Snowden), signée du journaliste Pratap Chatterjee et du dessinateur Khalil et symboliquement publiée le 11 septembre 2019, est en effet inversement proportionnelle à celle de la bio dudit Snowden, parue 6 jours plus tard : à ce jour, cette BD ne dénombre que 79 occurences seulement dans Google News (toutes langues confondues, dont deux en français, mais un seul vrai article), contre ~44 000 occurences pour Edward Snowden (dont plus de 5500 en français) depuis lors. Et pourtant…

Sous-titrée « La véritable histoire des lanceurs d’alerte, de la guerre des drones et de la surveillance de masse », cette BD a ceci de particulier qu’elle décrit en effet bien mieux la « surveillance de masse » que ne le fait Snowden (voir aussi De la surveillance de masse à la paranoïa généralisée, la série d’articles que j’y ai moi-même consacrée).

Contrairement à ce que Snowden et Glenn Greenwald (le journaliste à qui il avait confié les documents de la NSA et du GCHQ) notamment ont pu laisser entendre ces six dernières années, la « collecte en vrac » (bulk collection en VO, l’expression utilisée par les services de renseignement technique) ne vise pas tant « les » utilisateurs des GAFAM en particulier, et encore moins « les » internautes en général (cf aussi l’affiche sensationnaliste française du film d’Oliver Stone, sous-titrée « Nous sommes tous sur écoute »).

Comme l’avait en effet expliqué, façon #CaptainObvious, le général Keith B. Alexander, ex-patron de la NSA, en défense de cette « bulk collection » : « pour trouver l’aiguille (cachée dans la botte de foin, ndlr), vous avez besoin de la botte de foin » (“You need the haystack to find the needle”, en VO). Ce pourquoi la majeure partie des données collectées ne sont retenues, le temps de faire le tri, que quelques jours voire semaines avant d’être jetées.

En l’espèce, les aiguilles que traquent les services de renseignement techniques tels que la NSA sont des « selectors » : adresses email, n° de téléphones portables, adresses IP, voire noms, surnoms, noms de code –et ceux qui sont en contact avec eux… Comme l’avait fort bien résumé le journaliste Louis-Marie Horeau du Canard Enchaîné, en 1981, c’est « la recette bien connue de la chasse aux lions dans le désert : on passe tout le sable au tamis et, à la fin, il reste les lions »…

De plus, et comme le montre bien la BD, cette « collecte en vrac » vise par ailleurs d’abord et avant tout les zones et pays où les États-Unis font la guerre. Dans son fact-check, Peter Koop rappelle ainsi que le rapport de l’inspection générale (i.e. de contrôle) des services de renseignement US qui avait entraîné Snowden à estimer que les activités de la NSA pouvaient être qualifiées de « criminelles » précisait pourtant que la NSA ne surveillait que les communications des membres d’Al-Qaïda, des personnes en contact avec eux, des Talibans en Afghanistan, et des services de renseignement irakiens.

De plus, et bien que la rédaction initiale du mémorendum signé par Georges Bush le 4 octobre 2001 pouvait être interprétée comme autorisant la NSA à surveiller le contenu des communications de citoyens américains sur le territoire des États-Unis, le général Hayden, qui dirigeait la NSA, expliquait dans ce rapport qu’il ne le ferait pas, pour trois raisons : la NSA est un service de renseignement « extérieur » (tout comme la DGSE), son infrastructure ne le permettait pas, et que si le besoin s’en faisait sentir, il lui suffisait de demander l’autorisation idoine –et permise par la loi– pour le faire.

Reste que cette « collecte en vrac » des méta-données et ces « frappes ciblées » au moyen de drones, toutes deux pourtant censées faire moins de victimes collatérales que ne le feraient des bombardiers, font bel et bien des morts,  comme le démontre fort opportunément la BD, même et y compris au sein de la population civile, qui n’avait pourtant « rien à se reprocher ».

En tout état de cause, les principales victimes collatérales de cette « surveillance de masse », ne sont pas les utilisateurs des GAFAM (nonobstant le fait que le programme PRISM ne relève pas d’une quelconque surveillance « de masse », mais bel et bien ciblée –j’y reviendrai), mais les civils au Yémen, en Afghanistan, en Irak ou en Syrie.

Barbouzes, 007 et autres JamesBonderies

La BD raconte d’ailleurs très bien pourquoi, et comment, il était très difficile, jusqu’aux révélations de WikiLeaks puis celles de Snowden, d’intéresser les médias (à commencer, donc, par leurs rédacteurs en chef) et a fortiori le grand public à ces questions.

Elles cumulent en effet deux tares. Le renseignement, d’une part, est un sujet particulièrement mal compris, tout autant fantasmé que caricaturé. Loin des clichés hollywoodiens façon 007, c’est un domaine d’abord et avant tout bureaucratique, administratif, technique, compartimenté, où la moindre opération doit être validée par la hiérarchie, qui veut tout contrôler… bref, c’est chiant, exactement comme le sont une bonne partie des autres boulots « lambdas ». Sauf que c’est classifié, que leurs employés n’ont pas le droit d’en parler, et que ça fait donc fantasmer.

Je n’ai rien contre les journalistes qui doivent pisser de la copie faute d’avoir le temps d’enquêter, mais si vous lisez un article à ce sujet faisant référence, soit à James Bond, soit aux « barbouzes », sachez que vous n’avez donc à faire qu’à un pisse-copie enfilant perles et les clichés faute d’avoir travaillé la question.

À cela se rajoute les « biais de confirmation » inhérents à tout sujet hautement fantasmatique. Ce qui avait par exemple entraîné Le Monde, notamment, a expliquer à ses lecteurs que le fait qu’un document Snowden soit estampillé « France » constituait la preuve que la NSA avait fait de la « surveillance de masse » des Français en espionnant, au moins un mois durant, le contenu de 70 millions de leurs communications téléphoniques.

Sauf qu’il s’agissait en fait de 70 millions de « métadonnées » (qui parle à qui, quand, d’où, mais nullement du « contenu » de leurs communications, qui n’intéressent généralement pas les services de renseignement, a fortiori en matière de « surveillance de masse ») collectées, en Afghanistan, par les services de renseignement français, et d’autant plus volontiers partagées avec leur partenaire américain que c’était la NSA qui leur avait confié les systèmes d’interception… nuance d’importance qui avait échappé à la sagacité du Monde (et des médias du monde entier qui avaient relayé sa « Une » erronée et biaisée), mais qui avait alors entraîné une crise diplomatique entre les deux pays (voir La NSA n’avait (donc) pas espionné la France).

Le renseignement technique, d’autre part, est un sujet requérant un minimum de connaissances en informatique (logiciel, matériel, réseau), voire en électronique, il est particulièrement complexe à appréhender, mais également et lui aussi prompt à susciter caricatures, clichés et fantasmes.

Ce pourquoi, et plutôt que d’expliquer que la quasi-totalité des « hackers » sont payés pour colmater les failles de sécurité et non pour les exploiter, les médias ont pris la (très) mauvaise habitude de représenter les hackers comme de (jeunes) hommes portant des hoodies, parfois des gants (pour ne pas laisser leurs empreintes sur les claviers), vivant lumière éteinte mais avec une tapisserie (ou un fond d’écran) façon Matrix.

Une entreprise lance un concours photo pour en finir avec les hackers en sweat à capuche
Une entreprise a même lancé un concours photo pour en finir avec le cliché – Numerama

A contrario, WikiLeaks d’une part, Edward Snowden d’autre part, ont (enfin) permis de rendre (très) grand publiques ces questions, et notablement contribué à élever le niveau de sécurité proposé par les GAFAM à leurs utilisateurs puis, par extension, et via l’adoption du RGPD, de faire de ces questions de protection de la vie privée et de sécurité informatique des notions à envisager « by design & by default ».

En contrepartie, des hordes de journalistes n00b et peu au fait des subtilités de ces questions se sont donc retrouvés à devoir écrire à ce sujet, et donc à tomber dans leurs biais de confirmation, sans pour autant, par ailleurs, être à même de comprendre ni mesurer ce dont il est réellement question, faute d’y avoir travaillé, et de parvenir à s’extraire des clichés auxquels ils avaient jusque-là été confrontés.

Les révélations Snowden ? Une « faillite du journalisme »

Le fait qu’un autre document Snowden, estampillé de logos de la NSA, d’un PRISM et de ceux des GAFAMs, dresse la timeline des dates de leur supposée collaboration avait ainsi été interprété, là aussi à tort, comme la preuve que la NSA disposait d’un « accès direct » à leurs serveurs.

Prism

Et ce, quand bien même la slide précisait que le coût annuel de PRISM était de « ~ $20M per year »… comme s’il était techniquement (mais donc aussi financièrement : c’est que ça coûte un pognon de dingue, en matos, bande passante, back-ups & Cie, de traiter les données de milliards d’internautes) possible de faire de la « surveillance de masse » pour seulement 20M$/an…

La BD souligne à ce titre (p. 115) que Greenwald, qui était encore à Hong Kong, avait été alerté par le Guardian du fait que le Washington Post venait de lui griller la politesse, et de sortir le scoop sur PRISM avant lui, le quotidien britannique le pressant de boucler son propre papier. Une course de vitesse empêchant les deux rédactions de prendre le temps de contextualiser le document…

Pour le coup, et alors que les GAFAM crièrent à l’erreur journalistique, jurant que jamais ils n’auraient laissé, en toute connaissance de cause, la NSA disposer d’un « accès direct » à leurs serveurs, le WaPo caviarda discrètement son article. Mais le mal était fait, et tout le monde ou presque y a cru, les quelques rares journalistes à avoir démonter le biais de confirmation ayant à l’époque été très peu relayés (cf No evidence of NSA’s ‘direct access’ to tech companies, The real story in the NSA scandal is the collapse of journalism & Edward Snowden Reconsidered).

La BD se contente de fait d’opposer l’accusation du Guardian (« PRISM donne un accès direct aux serveurs d’entreprises comme Google, Apple ou Facebook ») aux dénégations des GAFAM (« ces groupes nient avoir eu connaissance de ce programme »), sans expliquer qu’il s’agissait du nom de code utilisé par la NSA pour désigner le fait qu’elle passait par une unité technique du FBI (la DITU) pour aller demander aux GAFAM d’accéder aux données de tels ou tels de leurs utilisateurs (voir What is known about NSA’s PRISM program).

En 2013, le rapport de transparence de Google estimait le nombre d’utilisateurs (non Américains) visés par PRISM pendant les 6 derniers mois à moins de 14 500 (contre moins de 97 000 fin 2018), celui de Facebook à moins de 12 600 (contre moins de 51 000 pour les 6 premiers mois de 2019), celui de Microsoft à moins de 19 000 (contre un peu plus de 14 000 pour les 6 premiers mois 2019. Dans son fact-check, Peter Koop note qu’en 2018, PRISM n’aurait ainsi été utilisé qu’à l’encontre d’environ 160 000 cibles étrangères (contre 90 000 en 2013).

Si l’on peut déplorer quelques autres erreurs ou approximations, techniques ou de traduction (« brute-force attack », une méthode utilisée en cryptanalyse pour retrouver une clef ou « casser » un mot de passe, est ainsi traduit p. 149 par « attaque frontale » et non par « attaque par force brute », et je n’ai pas réussi à comprendre à quoi faisait référence les « outils d’IPP » censés permettre de localiser les dissidents et les visiteurs de sites politiques sensibles, p. 152), et si la BD a tendance à trop prendre au pied de la lettre les propos tenus par Snowden et Greenwald, elle a en tout cas le mérite de décrire de façon point trop caricaturale ces questions si techniques.

Input/Output Error

Outre le fait de décrire le travail de journaliste d’investigation (ce que j’avais aussi tenté de faire dans « Grandes oreilles et bras cassés », ma BD sur la société française Amesys, qui avait conçu un système de surveillance de masse de l’Internet pour la Libye de Kadhafi), son principal mérite est de montrer à quoi sert la « surveillance de masse », et pourquoi ça ne marche pas si bien que ça.

Non content de consacrer une bonne partie de ses pages aux victimes des frappes soi-disant de drones « chirurgicales » en Afghanistan notamment, elle va aussi à la rencontre d’autres lanceurs d’alerte, bien moins connus que Snowden mais qui, parce qu’ils ont du sang sur les mains et des morts sur la conscience pour avoir été employés à exploiter ces drones, souffrent aujourd’hui de PTSD et dénoncent cette incurie.

Parce que forcément, quand on collecte et exploite trop d’infos erronées ou biaisées, ça ne peut aussi et surtout que générer trop d’erreurs, comme l’illustre très bien cette planche (p. 224) :

Je suis conscient qu’il est un peu tard pour faire vos courses de Noël, mais FYI, l’éditeur français de la BD, les Arènes, propose une carte interactive listant les librairies distribuant ses ouvrages, si ça peut aider…

Tails, Wikileaks et le micro HF

Je ne saurais conclure ce billet sans mentionner le fait que j’ai eu l’occasion de croiser Pratap Chatterjee, le journaliste d’investigation qui a signé la BD : je faisais en effet partie des quelques journalistes conviés (page 20 de la BD, voir les bonnes feuilles) au siège de WikiLeaks à Londres pour travailler sur les SpyFiles, du nom de code donné aux révélations que nous allions faire sur les marchands d’armes de surveillance numérique.

Mais ce n’est qu’à la lecture de sa BD que j’ai réalisé que la documentariste qui nous avait alors filmé n’était autre que Laura Poitras, connue depuis (et notamment) pour le documentaire qu’elle a consacré à « Citizen Four » (un autre nom de code utilisé par Snowden). Depuis des années, un détail de cette réunion me faisait doucement rigoler –et tiquer.

Julian Assange nous avait en effet demandé de ranger nos téléphones et ordinateurs portables dans un frigo (utilisé comme une cage de Faraday de sorte d’éviter que, s’ils étaient compromis, nos conversations puissent être écoutées).

J’étais le seul à avoir eu l’autorisation de garder le mien : j’étais en effet le seul à utiliser un système d’exploitation GNU/Linux, en l’espèce : Tails (pour The Amnesic Incognito Live System), le « couteau suisse » ou pack « tout en un »  de ceux qui veulent protéger leur vie privée sur Internet et/ou s’y connecter de façon a priori anonyme (et qui vient donc de fêter ses 10 ans, au demeurant).

Comme j’ai déjà eu l’occasion de l’expliquer, et comme le reprend le site de Tails depuis des années, « les reporters de guerre doivent acheter des casques, des gilets pare-balles et louer des véhicules blindés ; les journalistes qui utilisent Internet pour leurs recherches sont beaucoup plus chanceux : pour être autant en sécurité que les reporters de guerre, ils doivent seulement télécharger Tails, le copier sur une clef USB, et apprendre les bases de la sécurité de l’information et des communications, et c’est gratuit ! »

C’est, en réalité, un tantinet plus compliqué, ne serait-ce que parce qu’il faut aussi être bien au fait des questions de sécurité informatique, et que cela réclame donc de se renseigner au préalable –puis d’être constamment en veille à ce sujet, de sorte de ne pas tomber dans le panneau consistant à installer une porte blindée tout en laissant la fenêtre ouverte–, et donc de s’entraîner, pendant des mois, voire des années, mais Tails est de fait l’un des meilleurs outils à disposition des journalistes d’investigation, lanceurs d’alerte, dissidents, défenseurs des droits humains et autres internautes –potentiellement– particulièrement exposés.

Pour en revenir à cette réunion, ce qui m’avait fait tiquer, c’est que tout le monde (sauf moi, donc, courtesy Tails) avait donc du abandonner ordinateurs et téléphones portables. Mais Laura Poitras avait… installé un micro HF sur la chemise de Julian. Il suffisait donc au GCHQ (ou autre) de se cacher dans un sous-marin à proximité des bureaux de WikiLeaks pour pouvoir écouter l’intégralité de notre réunion. #OhWait…

« La sécurité est un process, pas un produit », comme nous l’a expliqué Bruce Schneier, autre personnalité faisant autorité en la matière. En l’espèce, electrospaces.net est le seul à tenter, depuis des années, de fact-checker les « révélations Snowden », et personne ne l’a, à ma connaissance, sérieusement contredit.

Je ne saurais donc & par ailleurs que trop vous conseiller de lire le fact-check de Peter Koop de l’autobiographie d’Edward Snowden : c’est long, la 3e partie est encore en attente de publication, mais les 2 premiers volets sont clairement d’intérêt public. Et moins « putaclic » que ceux qui vous expliquent que NSA + GAFAMs = « Big Brother », et que pour s’en protéger, il suffirait de « cliquer là ».

La NSA n’avait (donc) pas espionné la France

dimanche 2 juin 2019 à 16:51

En 2013, The Intercept, le média créé pour enquêter sur les révélations Snowden, avait confié à plusieurs journalistes et médias européens une série de documents censés démontrer que la NSA faisait de la « surveillance de masse » des citoyens de plusieurs pays européens. En France, Le Monde avait ainsi titré, en « Une« , des « Révélations sur l’espionnage de la France par la NSA américaine« .

The Intercept vient de reconnaître s’être trompé, et de confirmer ce que j’avais depuis fact-checké (cf « La NSA n’espionne pas tant la France que ça« ). Dans ma contre-enquête, effectuée dans la foulée de celles de Peter Koop sur electrospaces.net, j’avançais qu’il s’agissait en réalité de données collectées par la DGSE, à l’étranger, et partagées avec la NSA. Il s’agissait en fait de données collectées, non pas par la seule DGSE, mais par les services de renseignement techniques militaires français, déployés en Afghanistan.

Ironie de l’histoire, The Intercept présente désormais ces mêmes documents comme la preuve que la NSA contribue à… sauver des vies d’Européens, à commencer par les militaires déployés « sur zone » de guerre.

L’article du Monde, intitulé « Comment la NSA espionne la France« , expliquait notamment que « les communications téléphoniques des citoyens français sont, en effet, interceptées de façon massive (et) que sur une période de trente jours, du 10 décembre 2012 au 8 janvier 2013, 70,3 millions d’enregistrements de données téléphoniques des Français ont été effectués par la NSA« .

Ces « révélations sur l’espionnage de la France par la NSA américaine« , reprises dans le monde entier, avaient également incité le journal à y consacrer son éditorial, « Combattre Big Brother« , où l’on apprenait qu' »une équipe d’une dizaine de journalistes » avait procédé à « un examen minutieux et une analyse approfondie » des documents transmis par The Intercept, « pour tenter de leur donner tout leur sens et leur valeur« .

L’affaire souleva une vague d’indignation à droite comme à gauche, enflamma la presse américaine, entraîna quelques tensions diplomatiques, et poussa François Hollande et Laurent Fabius à dénoncer « des pratiques inacceptables », frôlant la crise diplomatique :

La journée du lundi 21 octobre restera dans les annales des relations franco-américaines comme une journée à oublier. Elle avait commencé par la très inhabituelle convocation de l’ambassadeur des Etats-Unis à Paris au Quai d’Orsay, après les révélations du Monde sur l’espionnage massif des communications réalisés à l’encontre de la France par l’Agence nationale de sécurité (NSA) américaine. Elle s’est achevée, peu avant minuit, par un coup de téléphone agacé de François Hollande au président Barack Obama. « Le chef de l’Etat a fait part de sa profonde réprobation à l’égard de ces pratiques, inacceptables entre alliés et amis, car portant atteinte à la vie privée des citoyens français », a indiqué l’Elysée dans un communiqué.

Le sujet a naturellement été au coeur de l’entretien entre le secrétaire d’Etat américain, John Kerry, avec son homologue Laurent Fabius, mardi 22 octobre au matin. Signe de l’embarras de Washington, Le Monde n’a pas été autorisé à poser une question à John Kerry sur cette affaire lors de sa conférence de presse, lundi soir, à l’ambassade américaine de Paris.

Le général Keith Alexander, alors chef de la NSA, et plusieurs sources anonymes interrogées par le Wall Street Journal, avaient alors contesté les « révélations » du Monde et de ses partenaires, au motif que les documents n’auraient pas été « compris« , à mesure qu’ils ne montraient pas des données interceptées par la NSA au sein des pays européens mentionnés, « mais des informations captées par les services de renseignement européens eux-mêmes, à l’extérieur de leurs frontières« , et visant avant tout des cibles non françaises.

Dans la foulée, un autre article du Monde relevait certaines contradictions ou incohérences dans les explications de l’administration américaine :

« le document montre clairement que 70 271 990 données téléphoniques concernant la France ont été incorporées dans les bases de données de l’agence entre le 10 décembre 2012 et le 8 janvier 2013

les données sont-elles fournies par la France, ou sont-elles issues d’une surveillance de la France ? L’intitulé du document – « France, 30 derniers jours » – ne permet pas de trancher. »

La capture d’écran servant de base aux « révélations » du Monde émanait de Boundless Informant, système informatique qui agrège et organise les données contenues dans les innombrables bases de données de la NSA et permet aux analystes de l’agence d’en avoir un aperçu en quelques clics.

Une FAQ publiée par le Guardian expliquait que ces cartes BOUNDLESSINFORMANT permettent « à ses utilisateurs de sélectionner un pays [ainsi que] les détails de la collecte contre ce pays« , l’expression « contre ce (ou un) pays » revenant plusieurs fois (le surlignage avait été effectué par Le Monde) :

BoundlessInformantFAQ

Or, The Intercept explique aujourd’hui que les journalistes, à l’époque, ne s’étaient focalisés que sur le second cas d’usage, « How many records (and what type) are collected against a particular country? » (Combien d’enregistrements (et quel type) sont collectés contre un pays particulier?), et d’avoir totalement fait l’impasse sur le premier, « How many records are collected for an organizational unit » (Combien d’enregistrements sont collectés pour une unité d’organisation), celui-là même que Le Monde n’avait pas surligné…

Un « rôle-clef » dans 90% des opérations SIGINT en Afghanistan

La nouvelle enquête de The Intercept révèle en effet que la NSA avait mis à disposition de certains de ses alliés un système tactique de surveillance des méta-données téléphoniques en quasi temps réel, le Real Time Regional Gateway (RT-RG), destiné à permettre aux analystes déployés « sur zone » (de guerre) non seulement d’effectuer plus facilement -et rapidement- leurs recherches, mais également de partager leurs renseignements avec la NSA aux USA, mais aussi et surtout avec leurs pairs et partenaires « sur zone« .

En Afghanistan, les services de renseignement techniques de 23 pays étaient « partenaires » de la NSA. Les membres de l’alliance anglo-saxonne 5 Eyes partageaient les « signaux« , leurs partenaires européens (dont la France) des 9 Eyes avaient accès aux « données« , les 14 Eyes aux « informations » et le reste des membres de l’OTAN au renseignement.

En 2009, la NSA, qui travaillait d’ores et déjà « côte à côte avec des personnels anglais et français« , annonçait l’installation, à Bagram, d’un nouveau centre « surdimensionné » susceptible d’accueillir 250 spécialistes du renseignement techniques (dont 120 linguistes) de différentes nationalités : « qui aurait pu imaginer, il y a un an, qu’un linguiste français, utilisant de sources de collecte américaines, fournirait un soutien tactique aux opérations menées par les forces polonaises pour le compte de la coalition ? »

Qualifié de « soutien le plus significatif en matière de renseignement électromagnétique (SIGINT) de la dernière décennie » par le général David Petraeus, RT-RG aurait, pour la seule année 2011, joué un « rôle-clef » dans 90% des opérations SIGINT en Afghanistan, menant 2770 opérations à entraîner 1 117 incarcérations et la mort de 6 534 « ennemis tués au combat », mais donc aussi, et potentiellement, de civils innocents.

The Intercept évoque ainsi le cas de 10 Afghans tués, à tort, parce qu’un analyste américain avait attribué à l’un d’entre eux, par erreur, la carte SIM d’un Taliban…

Déployé pour la première fois en 2007 à Baghdad, RT-RG avait notamment permis l’arrestation d’un homme responsable de la mort de nombreux soldats américains qui, particulièrement prudent en matière d’OPSEC (sécurité opérationnelle), n’utilisait jamais son téléphone portable quand il rentrait chez lui. La surveillance, en temps réel, du téléphone portable de sa femme, permit aux soldats de la NSA présents sur place d’identifier qu’il passait chaque week-end chez sa soeur, et son arrestation.

Dans un autre mémo, un analyste de la NSA explique que RT-RG lui permet de produire, en quelques minutes, ce qui lui prenait plusieurs semaines auparavant.

Dans les années qui suivirent, la NSA procéda à des transferts de technologies pour équiper plusieurs de ses alliés de « dirtboxes« , des IMSI-catchers simulant les antennes-relais de sorte de pouvoir surveiller les téléphones portables alentours. Ce qui lui permettait, en retour, de pouvoir surveiller des zones placées sous le contrôle de ses Alliés. Les méta-données interceptées étaient renvoyées au système RT-RG. Win-win. La France ne figure pas sur la carte qui suit parce qu’elle ne déploya ses « dirtboxes » que par la suite.

Ce n’est en effet que fin 2008 que la NSA envoya une équipe à Haguenau afin de présenter RT-RG au 54e régiment des transmissions, la composante « Guerre électronique de théâtre » du commandement du renseignement français.

Dans le compte-rendu qu’il en avait fait, l’un des agents de la NSA s’était étonné du fait que les Français acceptaient la présence de téléphones non-sécurisés dans leur centre d’entraînement (à condition qu’ils soient éteints), mais également qu’ils « servent des moules au déjeuner, et du vin avec le repas (dans des contenants semblables à nos distributeurs de soda)« .

En juillet 2008, RT-RG était capable de procéder à des surveillances de mots-clefs, à la reconnaissance vocale de locuteurs préalablement identifiés, et doté d’un sous-système VoiceRT créé pour indexer, tagguer et effectuer des recherches dans le contenu des communications interceptées.

Les SMS, traduits automatiquement, sont également géolocalisés sur Google Earth. Le système serait même capable d’analyser les habitudes de vie des « cibles » de sorte de prédire l’endroit où il ira dormir, mais également d’identifier non seulement les personnes avec qui elles communiquent, mais également celles voyageant avec lui.

De quoi permettre de « find, fix, and finish » l’adversaire, à savoir le trouver et le localiser, de sorte de pouvoir le capturer ou le tuer (voir aussi U.S. Intelligence Support to Find, Fix, Finish Operations sur Zone d’Intérêt).

The Intercept révèle également que RT-RG a depuis été également déployé au Texas, afin de surveiller la frontière mexicaine, et plus particulièrement d’interpeller des trafiquants de drogue.

A l’époque, j’avais bien évidemment envoyé mon fact-check à la rédaction en chef du Monde, qui n’avait pas voulu en tenir compte ni mettre ses articles erronés à jour, me proposant de le publier sur ce blog, ce que j’avais donc fait en mars 2014.

Cinq ans plus tard, The Intercept confirme donc ma contre-enquête. Reste à savoir si les articles seront enfin rectifiés et mis à jour.

Le Monde, qui m’avait proposé de consacrer ce blog à ces questions en 2008 (lorsqu’elles commençaient à intéresser le grand public), mais qui ne m’avait pas proposé de travailler avec ses journalistes suite aux révélations Snowden (quand le sujet est vraiment devenu « mainstream« ), a par ailleurs mis en ligne quatre autres « unes » que j’avais, de même, fact-checkées et contredites :

  1. Révélations sur le Big Brother français, « révélant » que la DGSE « stocke les interceptions d’une grand part des communications, mails, SMS, fax, ainsi que toute activité Internet des Français« , au mépris de la loi;
  2. Les services secrets britanniques ont accès, à la demande de la DGSE, aux données des clients français d’Orange (sauf que le partenaire identifié par Le Monde comme étant Orange n’était… pas le bon);
  3. Le PNCD, présenté comme le « Big Brother (et) dispositif de surveillance de masse » de la DGSE, n’avait rien de « secret » : j’en avais parlé en 2005, et il ne sert pas à faire de la « surveillance« , mais de la cryptanalyse;
  4. la DGSE n’a pas surveillé ni espionné Thierry Solère, mais découvert qu’il l’avait été, en toute illégalité, et mis fin à cette surveillance.

Voir l’intégralité de mes fact-checks : De la surveillance de masse à la paranoïa généralisée, ainsi que les articles que j’avais publié, dans Libé et en partenariat avec WikiLeaks, sur l’espionnage des présidents français par la NSA, notamment (full disclosure : « blogueur invité » au Monde, je ne peux en effet pas lui faire de proposition de pige ni de scoop, ce pourquoi ils avaient donc été publiés par Libé).

Et pour me contacter de façon sécurisée, c’est par là.

EU spent millions in « mechanized dogs » to look for hidden migrants

dimanche 5 mai 2019 à 19:33

« Dogs have proven to be the most effective methods to detect humans hidden in vehicles« , reports an European Commission document, but they are also quickly tired, and costs a lot. That’s why the EC gave €16M to dozens of public and private bodies in order to develop « mechanized dogs » and « artificial sniffers » to identify all those hidden migrants who try to cross the Schengen borders.

An investigationwritten in june 2015 for The Migrants Files Project, but which had never been published since.

Between 1984 and 2013, the European Commission has spent € 118 billions (.pdf) in research and development programs. With almost € 56 billions of grants, the Seventh Framework Programme for Research and Technological Development (FP7), the EU’s main instrument for funding research in Europe, which ran from 2007-2013, had been the biggest ever funded, with more than 16.000 funding recipients. The objectives were to « promote research to tackle the biggest societal challenges facing Europe and the world« , but also « to create around 174 000 jobs in the short-term and nearly 450 000 jobs and nearly €80 billion in GDP growth over 15 years« .

On those € 56 billions, €1.3 have been dedicated to Security programs, with the goal of « improving the competitiveness of the European security industry and delivering mission-oriented results to reduce security gaps« . FP7 granted 322 security projects, including 23 labelled « Intelligent surveillance and border security« , one of the seven main missions areas in that matter.

Between 2012 and 2013, FP7 launched 9 grants for border checks. One of them was entitled « Innovative, costefficient and reliable technology to detect humans hidden in vehicles/closed compartments« . Its description explained that « profiling and detection dogs have proven to be the most effective methods to detect humans hidden in vehicles« , but also that « such methods are labour-intensive (and) therefore vehicles and containers are not systematically checked for hidden persons » :

« Technology currently used for detecting humans hidden in vehicles at border crossing points or in in-land mobile checkpoints is either too expensive and potentially problematic from a health and safety perspective (X-ray, gamma-ray), unreliable, or difficult to deploy in all border control scenarios (ex. millimetre wave technology, heartbeat detectors, carbon dioxide probes, laser distance measurement, telescopic inspection mirrors/cameras, electromagnetic field detection etc.).

The aim of this research project is to identify and develop a technology that can detect persons hidden in vehicles/closed compartments with the following characteristics:
– fully automated;
– contactless;
– reliable, with acceptable error/false positive rates (best minimum in comparison to dogs/manual searches);
– robust and resistant to different environments and weather conditions;
– suitable for all types of vehicles and containers;
– fast;
– high throughput;
– cost efficient (acquisition and running costs, staffing requirements);
– compliant with European health and safety regulations;
– can be integrated with other technologies to detect dangerous / illicit materials (ideally in a one-for-all gate through which all vehicles/containers are automatically screened).

Such technology is to be deployed in stationary and mobile (portable, easily deployable) environments (at land and sea borders, for in-land checks).

An appropriate strategy, for the validation of the fitness for purpose of the results of the project, should be foreseen in the proposal taking fully into account the responsibilities of thenational border control authorities and the Frontex agency. »

Another presentation (.pdf) of this call for proposal detailed its « Expected impact: Today it is difficult to determine how many illegal migrants use successfully this modus operandi to cross the Schengen borders and arrive to their final destination. The identification of the entry-point into the EU of an illegal immigrant is an essential requirement for the juridical treatment of the case« .

Among the 90 146 FP7 programs, 315 mentions the word « border« , as 37 of the Security projects. Five of them try to respond to the « Innovative, costefficient and reliable technology to detect humans hidden in vehicles/closed compartments » call for proposals : DOGGIES, HANDHOLD, SNIFFER, SNIFFLES & SNOOPY, all of which were granted a sum of almost € 16 millions from the European Commission.

SNIFFER

Using a cover version of Radioactivity, the famous Kraftwerk’s song, a videoclip of the SNIFFER project made for a Frontex’s workshop, exeplain that « dogs are known for their incredible ability to detect odours, to extract them from a « complex » environment and to recognise them, but… :
. dogs can only be trained to a limited set of applications
. get tired after a relatively short operation time
. they are poorly accepted by the public
. they are expensive
. »

That said, SNIFFER received €3,5M in order to develop an « bio-mimicry enabled artificial sniffer« , as « dogs can only be trained for a small sample of odours, get easily tired and are often perceived as intrusive by the public« , and to « provide a representative set of usage cases, all related to border control security in the large sense – such as the detection of illegal substances carried by people and in suitcases (open or on a luggage belt) and cars or the detection of hidden people in containers« .

Lead by the French Alternative Energies and Atomic Energy Commission (CEA), a public body established in October 1945 by General de Gaulle, the project gathered 15 academic, governmental and private partners, including the Chambers of Commerce and Industry of Paris and its region, ST(SI)², the technological arm of the french Minister of the Interior, the Israel National Police (INP), and ARTTIC, « the European leader in consultancy and management services for Research and Technological Development » whose portfolio contains 155 projects and which received €396 788 from EU fundings in order to « support the consortium in the daily management and administrative tasks (and to) simplify as much as possible the work of the researchers and to develop a collaborative team spirit inside the consortium« .

SNIFFER presents itself as « a natural follow-up project of the GOSPEL (General Olfaction and Sensing at a European Level) network of excellence, that ended in 2008« , and whose aim was to « exploit and consolidate expertise in artificial olfaction technologies across 25 project partners across Europe as well as more than 100 ancillary interested parties, both industrial and academic, that include some of the SNIFFER partners« . In fact, GOSPEL is still active, and organized workshops every 2 years since then.

Of all the 5 projects which received european funds in order to respond to the « Innovative, costefficient and reliable technology to detect humans hidden in vehicles/closed compartments« , SNIFFER is the only one to mention GOSPEL, but also the 4 other projects with which « SNIFFER is currently interacting« , although its website doen’t explain how.

In June, 2014, a french researcher wrote that the CEA had elaborated a system based on biosensors capable of detecting a wide range of hazardous compounds (explosives, gas fight, cocaine, cannabis, etc.), without mentioning humans. SNIFFER was tested at Athens International Airport in March 2015, and holded its final public event on May 5-6, 2015 in Paris (France), but had not yet published its final results.

DOGGIES

DOGGIES, whose logo shows a dog with a CCTV camera in place of his head, stands for « Detection of Olfactory traces by orthoGonal Gas identification technologIES« . The project, which costed 4,9M€ and received 3,5M€ from the European Commission, is composed of 13 partners from 5 EU countries, including the Institut National de Police Scientifique (the forensics institute of the french police), the Center for Security Studies (KEMEA, the Hellenic Ministry’s of Public Order and Citizen Protection think tank on security policies), and several universities and research labs, all coordinated by a private R&D organisation jointly established by Alcatel-Lucent and Thales.

The project aims at demonstrating an operational movable stand alone sensor for an efficient detection of hidden persons, drugs & explosives, plus the potential adaptation of this solution for the detection of a much wider range of illegal substances. It relies on the combination of two technologies based on completely different physical principles, therefore qualified as « orthogonal » : mid-infrared (MIR) spectroscopy, which is based on photoacoustic detection and appears to be the most powerful and promising tool to detect a wide range of volatile organic compounds (VOCs), and ion mobility spectrometry, which targets the use of a non-radioactive ionisation source.

According to a poster presented at the 17th INTERPOL International Forensic Science Managers Symposium in 2013, DOGGIES combined « 6 main innovations« . An article published for the 2014 IEEE Joint Intelligence and Security Informatics Conference, specify that « for the case of human presence, volatile fatty acids (VFA) present in human sweat identified as ideal targets for remote detection of hidden persons » and that « in total 58 volatile organic compounds (VOCs) were identified in this study as candidates for the detection of Humans (31), Illegal Drugs (19), and Explosives (13)« .

In addition, « IMS studies for detection of human presence has shown very promising results, recording levels of human specific gas traces after 15 minutes of a human present in an area of 50m3. This is very important considering that in most cases the people illegaly immigrating are confined in much smaller spaces and for very much longer periods (most of the times are more than one person too) which leads to increased concentration and abundance of the related VOCs hence, the instrument will definetely perform better« .

DOGGIES’ Periodic Report Summary emphasizes that « after 18 months, the main building blocks required for the development of an operational movable stand alone sensor detecting efficiently hidden persons, drugs & explosives, are nearly in place« , and that « it is expected that this final instrument will be able to complement the dogs currently used by the canine units of the police force, in operations in urban or remote areas such as border and custom points« . DOGGIE is supposed to end in november 2015.

SNIFFLES

In order to « detect a range of substances, including but not limited to people, drugs, explosives (including weapons) and CBRNe« , SNIFFLES partners, which received €3.4M from the EC, intended to develop an « artificial sniffer based on linear ion trap (LIT) mass spectrometry (MS), a non-intrusive high-resolution technique able to detect single atoms and complex molecules through their charged species (ions) or fragmentation pattern which have been increasingly deployed in security sniffing applications in the USA« .

An article entitled « Detecting illegal substances gets easier » emphasizes that SNIFFLES « is being designed to detect people carrying harmful substances, but also weapons and drugs (…) based on the device’s sophisticated ability to identify single atoms and complex molecules. It can take a ‘fingerprint’ of a substance and compare it with an online database to immediately identify it. Once commercialised, the device could be used in a myriad of ways, such as at border checks to prevent transport of illegal substances, including biological and chemical warfare agents« .

Its Periodic Report Summary emphasizes that « the main objective of the Sniffles project is to develop a state-of-the-art miniature and portable electronic gas sensor capable of detecting hidden persons and illegal substance« , and that « the instrument will automatically produce an alert when a dangerous substance is detected, which will reduce any possibility of human error in monitoring » as, contrary to X-ray scanners for instance, it will not have to be constantly human-monitored. That said, SNIFFLES goal is to « offer a more secure, less invasive, less legally and ethically questionable method of detecting illicit substances than some other competing technologies« .

publication written by english academics and researchers involved in the project explain that « this work is an attempt to assist border security crackdown on illegal human immigration, by providing essential results on human chemical signatures. (…) During experiments, participants were asked to follow various protocols while volatile organic compounds (VOCs) emitted from their breath, sweat, skin, and other biological excretes were continuously being monitored« , which let them obtain significant information for NH3 (ammonia), CO2, water, and volatile organic compounds levels, « illustrating a human chemical profile and indicating human presence in a confined space« . Although the project is supposed to have ended in april 2015, its website, like the others, fail to address what they exactly developped, wether it works, and what has the project became.

SNOOPY

SNOOPY is the only project especially designed as a « Sniffer for concealed people discovery« , through an « handheld artificial sniffer system for customs/police inspection purposes e.g. the control of freight containers » which will « be able to seek first hidden persons and second also controlled goods, illicit drugs and safety and security hazards« . It’s also the last one, launched in january 2014, and will which end in december 2016, and the smallest one, with only 6 partners, and €1.8M FP7 fundings.

In order to achieve its goal, SNOOPY focuses on « target gases (which) cover human perspirations like carbonic acids, aldehydes, thiolic compounds and nitrogen compounds and the human breathing product CO2 » for which « different kinds of sensors will be used so that each target can be detected as selective as possible. For providing an estimation of the probability of the presence of humans inside the inspected area pattern recognition will be used. The sniffer instrument will be benchmarked towards dogs and towards ion mobility spectrometry« .

Its website is also the only one to focus on FRONTEX and migration issues, as its first words explain that « illegal traffic of people is a major issue in security. The need to face this crime as well as the planning of countermeasures and the identification of missing capabilities has been the subject of several security programs proposed both at a world-wide and an European level. Nowadays, dogs represent the most effective “tool” to face these traffics, but they present intrinsic drawbacks that limit their continuous and systematic use: they can’t work in a 24/7 way (24 hours per day and 7 days per week)« .

As « most of human odors are produced by the skin (and) results from the combined action of both the skin glands and the bacterial populations localized at skin surfaces (…) the identification and the detection of this particular molecules is the fundamental point of the development of SNOOPY instrument« . For that purpose, the SNOOPY sniffer will be « portable, suited to work in a 24/7 way, able to recognize the sniffed atmospheres on its own, equipped with a small pipe to collect odors in proximity of small apertures (and) user friendly » in order for the user not to « be required to have scientific or technical competences to interpret the instrument display« .

HANDHOLD

HANDHOLD, which stands for « HANDHeld OLfactory Detector« , gathers nine academic and private partners, includind the Irish Customs Authority plus an « attached user group of representatives from law enforcement from around Europe« . They received €3.5M, and will work until september 2015.

Unlike the 4 other projects, and according to its report summary, HANDHOLD is a response to a 2011 FP7 challenge for an Artificial sniffer (.pdf) defined in a Call under the FP7 Security in 2011 which was referring to « the integration in a one stop shop of different technologies for the detection of illegal substances and hidden persons (…) The ‘mechanized dog’ should be able to detect in parallel a variety of possible illicit elements, with reliability, high speed of detection and identification, allowing fast threat assessment. The research should focus on exploring the overall process (how to collect odours and store them, what is the best protocol to compare, how to evaluate the performance…).« .

HANDHOLD’s Result In Brief paper summarizes the project as « a mobile network of low-power chemical, biological, radioactive, nuclear and explosive sensor systems » which « central layer involves the development of a reconfigurable modular sensor platform mimicking the operational characteristics of the sniffer dog » in such a way that « the system can also carry out offline data analysis to support decision-makers in remotely coordinating field operations« . That said, « the HANDHOLD platform goes beyond the capability of most sniffer dogs because they are trained usually to target just one substance. Moreover, the HANDHOLD platform can embrace new sensor technologies when they become available in the future« .

The frontpage of its website states that « HANDHOLD delivers for the first time electronics and photonics to the operating level of the molecule, bacteria and viruses with the intent to detect and win for civil security« . The final lecture of the HandHold Summerschool, which will take place in Toulouse (France) in July 2015, will discuss the « Security & Ethical Challenges for CBRNE Sensor Development« . I’ve spent hours investigating those « mechanized dogs » developed to hunt migrants, and it was the first time I saw someone address the ethical issue.

Le LBD multi-coups est bien une « arme de guerre »

mercredi 24 avril 2019 à 11:28

Le Canard enchaîné avait révélé, fin décembre dernier, que le ministère de l’Intérieur avait passé commande, à la veille de Noël, de 1280 nouveaux « lanceurs mono-coup » (type LBD, dont 1275 pour la gendarmerie), plus 270 « lanceurs multi-coups » (LMC) 4 coups, et 180 « 6 coups » (soit 450 LBD semi-automatiques) pour les policiers (voir Violences policières : la fuite en avant de Castaner).

40MM PUMP MULTI-LAUNCHER

Présentation, dans le catalogue de son vendeur, de l’un des « lanceurs multi-coups » que veut acheter le ministère de l’Intérieur

Le Canard enchaîné vient cette fois de révéler que le ministère de l’Intérieur s’est depuis « rendu compte avec stupeur que ses désormais célèbres lanceurs de balles de défense (LBD) étaient classées par la réglementation internationale en… armes de guerre ». Explications.

[MaJ] : le fabriquant suisse du LBD ne peut l’exporter qu’en tant que « matériel militaire« , et son partenaire français qu' »en accord » avec le ministère des armées.

Plusieurs industriels déploraient en effet que les exigences techniques de l’appel d’offres « génèrent quelques difficultés techniques« , à mesure que les cartouches exigées par le ministère ne sont pas référencées par la Commission internationale permanente (CIP) pour l’épreuve des armes à feu portatives.

Créée en 1914, ratifiée dans une convention internationale en 1969 et transposée dans le droit français en 1971, ladite CIP a pour objet de déterminer les épreuves officielles auxquelles devront, « pour offrir toute garantie de sécurité« , être soumises les armes de chasse, de tir et de défense (« à l’exception des armes destinées à la guerre terrestre, navale ou aérienne« ), de sorte de « vérifier la résistance de l’arme« , et d’éviter qu’elle ne pète à la tronche de ses utilisateurs.

Après avoir initialement répondu aux industriels que « de manière à offrir toute garantie de sécurité aux opérateurs, les armes doivent être éprouvées par un banc d’épreuve adhérant à la CIP, et suivant la procédure définie par cette dernière« , Beauvau vient de faire un virage à 180°.

L’un des industriels avait en effet souligné qu' »il semblerait que les matériels de guerre classés en catégorie A2 4° peuvent déroger à l’épreuve de la CIP« , évoquant en l’espèce les « lance-grenades, de tous calibres, lance-projectiles et systèmes de projection spécifiquement destinés à l’usage militaire ou au maintien de l’ordre » mentionnés à l’article R311-2 du code de la sécurité intérieure, qui porte sur le « classement des matériels de guerre, armes et munitions« .

Un autre industriel venait par ailleurs et opportunément de lui demander s’il pouvait néanmoins concourir, à mesure que les nouveaux LBD ont « passé avec succès le test de tir des cartouches d’épreuve du BNE (le Banc national d’épreuves de Saint Etienne, le certificateur français agréé par la CIP -NDLR), en dépit du dimensionnement militaire de la chambre qui les empêches (sic) de recevoir le poinçon CIP« .

En réponse, Beauvau a tout bonnement supprimé des exigences de son appel d’offres ces « mentions relatives aux exigences CIP« , reconnaissant donc que ses nouvelles pétoires relèveraient plutôt du régime applicable aux « armes de guerre« .

Un comble, à mesure que les militaires de la direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN) avaient refusé de doter les gendarmes de tels « lanceurs multi-coups de balles de défense« , que plus de 90% des tirs de LBD l’ont été par des policiers, et que 81 des 83 enquêtes administratives pour blessures graves visent précisément des policiers.

Pas de quoi rassurer, alors que les 13 460 tirs de lanceurs de balles de défense (LBD) reconnus par le ministère de l’intérieur depuis le début du mouvement des gilets jaunes ont entraîné le journaliste David Dufresne à collecter 260 signalements de « violences policières« , et recenser rien moins que 23 éborgnés par des tirs de LBD, en 23 jours de manifestations de « gilets jaunes »…

Son prédécesseur avait fait 17 morts, dont 8 enfants

Un historien avait de son côté récemment rappelé que le LBD est en fait le successeur du « baton round« , un lanceur de balles en caoutchouc ou en plastique introduit en juillet 1970 au sein de l’armée britannique avant d’être systématiquement utilisé lors du conflit en Irlande du Nord, et qui avait été pensé comme un moyen de frapper les manifestants, de les matraquer à distance.

Entre 1970 et 2005, l’armée recensa 125 000 tirs, entraînant 17 morts, dont 8 enfants (.pdf). Suite à la mort d’un enfant de 11 ans, le Parlement européen appela les pays membres à abolir l’utilisation de telles balles en plastique. C’était en 1982.

En 2013, le gouvernement britannique déclassifia un document de 1977 qui, en réponse à la plainte d’un enfant de 10 ans qui avait été rendu aveugle par une balle en caoutchouc, reconnaissait de sérieux problèmes, à mesure qu’elle « n’avait pas été correctement testée avant d’être utilisée, qu’elle pouvait être létale et causer de sérieuses blessures, et qu’elle avait d’ores et déjà causer de sérieuses blessures« .

« C’est un calibre de guerre »

La CIP n’a homologué que 2 munitions de calibre 40 : le 40 x 46 BDLR X français utilisé par les LBD, homologué en 2012, et le 40 x 46 américain homologué en 2007. Comme l’avait d’ailleurs lui-même expliqué Jean-Verney Carron, l’inventeur du Flash-Ball, au sujet du LBD40 qui l’a depuis remplacé, « La balle est d’un calibre de 40 mm… c’est beaucoup plus dangereux que le Flash-ball. C’est un calibre de guerre ».

[MaJ] Le lanceur de balle de défense 40 mm fabriqué par l’armurier suisse Brügger & Thomet, le Brügger & Thomet GL06, ou LL06 dans sa version « moins dangereuse » (sic), destiné à des applications militaires et policières et appelé LBD 40 en France, est à ce titre exporté de Suisse sous l’appellation « matériel de guerre« . De même, et en réponse à des questions adressées par le Conseil de sécurité de l’ONU, TR Equipment, le partenaire français de B&T, qui se présente comme le « responsable de la vente de plus de 6 000 lanceurs pour la police et la gendarmerie française dans le but de la gestion démocratique des foules en accord  avec le ministère de l’intérieur et de la défense classant le lanceur comme une produit à létalité réduite (Less lethal)« , avait répondu qu’il ne pouvait exporter de LBD qu' »en accord avec le ministère de la défense » français.

Voir aussi mon enquête sur la contribution française à la « gestion démocratique des foules » au Barheïn, ainsi que Valls tragique à Milipol : 100 morts (pour l’instant), l’extrait (caviardé) du Cash Investigation que j’avais consacré aux marchands du Business de la peur.

De fait, la grenade 40 x 46 est bien une grenade « militaire« , développée pour les besoins de l’armée US du temps de la guerre du Vietnam, et utilisée notamment par le Penn Arms PGL65-40 « Fourkiller Tactical Model » 40 mm Multiple Grenade Launcher, le lanceur US multi-coups de LBD d’ores et déjà utilisé depuis quelques années par certains policiers français.

Au nombre des autres lanceurs multi-coups de ce type on trouve aussi par le RG-6 utilisé par les militaires russes lors de la guerre en Tchétchénie, le sud-africain Milkor MGL (Multiple Grenade Launcher), utilisé par des armées du monde entier, le Hawk MM1 qui faisait partie de l’arsenal d’Arnold Schwarzenegger dans Terminator 2: Judgment Day, ou encore le Sage Control Rotary Launchers, utilisé par Schwarzie dans Terminator 3: Rise of the Machines.

Alors que le Défenseur des droits, Jacques Toubon, avait réclamé dès janvier la suspension de l’usage des LBD en raison de leur « dangerosité », que le Conseil de l’Europe avait appelé, le 26 février, à « suspendre l’usage du LBD dans le cadre des opérations de maintien de l’ordre » afin de « mieux respecter les droits de l’homme », et que l’Organisation des Nations unies (ONU) avait mise en cause la France pour son « usage violent et excessif de la force » face au mouvement des « gilets jaunes », Le Monde a pu consulter l’argumentaire de 21 pages envoyé par le gouvernement à l’ONU :

« Les policiers ont recours au LBD lorsqu’il est nécessaire de dissuader ou de stopper une personne violente ou dangereuse. » Les spécificités de l’arme sont décrites par le menu et sa dangerosité est en partie reconnue : « En fonction des munitions utilisées, le LBD 40 mm est susceptible de causer des lésions importantes si le tir atteint des personnes situées à moins de 3 ou 10 mètres. »

Qu’importe la distance de tir, le Flashball est « imprécis »

Le chef du service central des armes du ministère de l’Intérieur vient de son côté d’homologuer une nouvelle « munition à projectile non métallique de calibre 44/83 SP« , similaire à celle qu’avait homologué la société Verney-Carron pour son flash-ball.

« Composée d’un étui en aluminium et d’un projectile unique en élastomère mou« , la PEFCO 44 est un « projectile à impact » destiné au nouveau lanceur CRUSH de calibre 44 x 83 mm, « système d’arme de force intermédiaire permettant de repousser des éléments agressifs à une distance comprise entre 0 et 25 mètres » breveté par la société SECURENGy, créée par un ancien démineur et gendarme, ex-consultant chez TASER.

Étrangement, SECURENGy a protégé à l’INPI les marques verbales CRUSH et PEFCO dans la catégorie consacrée aux armes à feu, mais également dans celle dévolue aux (sous-)vêtements, et, encore plus étonnant, celle des… jeux et jouets, tapis d’éveil, consoles de jeu, appareils de culture physique et de gymnastique, attirail de pêche, patins à glace et à roulettes, figurines et robots.

Une autre société française, Redcore, commercialise elle aussi une autre « Munition à Létalité Réduite » de calibre 44/83 SP, la MAT44, destinée à être utilisée par son Lanceur de Balles de Défense de dernière génération à canon long rayé, le LBD Kann44 CLR, à destination des polices municipales et dont la fiche technique précise qu’elle « peut être dangereuse et même mortelle en cas de tir à bout portant« .

Ladite fiche technique fournit par ailleurs les résultats d’un test comparatif où l’on découvre que « les tirs du Flashball SuperPro sont éparpillés et imprécis même à courte distance (5, 7 et 10 mètres) : 5 projectiles sur 10 n’ont pas atteint la cible« , que 2 ont touché les côtes, 2 autres le cœur et un cinquième a même touché l’oreille, alors qu’ils étaient censés viser le nombril… confirmant un constat effectué en 2009 par la Commission nationale de déontologie de la sécurité qui, constatant « les risques qu’un projectile atteigne une personne se trouvant à proximité de la personne ciblée ou bien touche la personne ciblée à un endroit vulnérable de son organisme sont donc importants, notamment lorsque le Flash-Ball est utilisé lors d’un rassemblement compact de manifestants », avait lui aussi déconseillé son emploi dans le cadre d’un rassemblement sur la voie publique.

Pas en reste, le service d’achat du ministère de l’Intérieur vient de son côté de passer commande de plus de 4M€ d' »aérosols lacrymogènes (gaz CS) et de diffuseurs de décontaminant à destination de la Police Nationale et de la Gendarmerie Nationale« .