Dans le collège de ma fille, la prof de SVT propose un projet final évalué sur la protection d'espèces en danger qui clôt une séquence sur l'influence de l'humain dans le réchauffement climatique et la disparition des espèces.
Il s'agit d'un travail créatif comme je les aime, qui pousse le gamin à réfléchir à un cas particulier d'espèce en danger, à plusieurs actions concrètes qu'un élève de son âge pourrait mener le tout sous la forme d'une affiche à réaliser.
Le problème
La prof en question demande aux élèves d'utiliser Canva, ce qui me chiffonne pour plusieurs raisons:
1. les limites de canvas
En version de base, peu de choses sont disponibles et il faut très rapidement un compte dès qu'on veut faire quelque-chose (ajouter une image issue de la recherche interne, importer une image à nous, la majeure partie des images sont marquées «👑 premium» etc...)
Impossible donc de placer sur le document ne serait-ce qu'un hippocampe (le sujet de l'affiche de ma fille)
Donc soit on passe par une inscription, soit on est très limité dans sa créativité, voire empêché complètement... Or, la créativité fait partie des critères d'évaluation.
2. Canva et le RGPD
Quand on regarde les accès via la console, on s'aperçoit qu'il y a des appels vers google (accounts entre-autres) et un domaine sentry.io même si un effort a été fait pour maintenir la majorité sur le domaine canvas.com (static essentiellement)
Ces accès google à eux seuls peuvent poser problème mais ça se corse (chef-lieu Ajaccio comme disait San Antonio) quand on fait un petit dig/whois sur le domaine canvas.com... On retrouve un hébergement aux USA par Amazon...
Quant à l'appel vers sentry.io, il pointe vers ... google à mountain view.
3. la contrainte associée
On pourrait se dire, «boarf, allez, on va pas se prendre la tête, la prof propose ce logiciel mais il suffit de faire autrement et puis voilà: l'important c'est le résultat»
Hélas, et c'est ce point particulier qui m'a agacé, la collègue a placé l'utilisation du logiciel canva dans les critères d'évaluation au même niveau que la restitution en retard du travail.
Par conséquent, un élève soucieux d'obtenir la meilleure note se voit contraint à l'utilisation d'un logiciel privateur dans lequel il lui faudra ouvrir un compte en abandonnant ses données aux GAFAM.
Et là, je dis non
Parce que l'éducation nationale devrait bâtir un projet de société basé sur le libre et le partage, pas sur la spoliation et l'exploitation des données,
Parce que la création, quelle qu'elle soit, devrait être libre de contraintes: quand je propose ce genre de travail aux élèves, je leur dis précisément le contraire de cette collègue: faites selon votre inspiration, n'importe quel support, n'importe quelle technique, n'importe quelle taille... faites JOLI et FANTAISISTE (on a besoin de couleur, de gaîté et de fantaisie dans la vie) et je leur propose des exemples.
Parce qu'un enseignant devrait, à mon sens, limiter les contraintes des travaux aux stricts besoins de l'objectif pédagogique qu'il s'est fixé: la contrainte n'est pas positive en soi... la devise de la France c'est liberté égalité fraternité... pour le moment.
Solution ?
J'ai envoyé un message expliquant mon point de vue à la collègue en prenant soin de ne pas critiquer la qualité de son travail, au demeurant excellent et irréprochable par ailleurs... Je n'ai pas encore eu de réponse.
On a utilisé des alternatives libres et gratuites pour réaliser le travail: Krita pour le dessin proprement dit et GIMP pour la composition et l'ajout de texte. Tout élève n'ayant pas à la maison un adulte connaissant ces logiciels pouvait dessiner à la main, faire des collages, utiliser LibreOffice etc...
Le choix d'un service en ligne, si pertinent qu'il puisse paraître de prime abord, réduit la possibilité d'échapper au problème RGPD: en effet, peu de webapps de dessin sont hébergées ailleurs qu'aux states... Ou alors il faudrait auto héberger... voire - FOLIE - que l'éducation nationale propose ce service au sein d'un claoude «souverain» estampillé EN (et pas comme l'appel à des services cro$soft online dans de l'ENT comme actuellement)
La suite ?
Je me demande ce que je ferai si elle retire effectivement des points pour non utilisation de canva.
Je ne suis pas du genre à aller râler chez le chef, vous me connaissez, mais ça me ferait mal au cul quand même que tous les efforts faits par ma fille, en particulier le dessin qu'elle a travaillé à la palette graphique, comptent moins que le nom du logiciel utilisé... surtout que la restitution doit être ... imprimée (sic)
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