PROJET AUTOBLOG


Klaire fait grr

Site original : Klaire fait grr

⇐ retour index

De la pâte à tartiner au camembert.

jeudi 22 mai 2014 à 16:18

La semaine dernière, j’appris que nutella fêtait ses 50 ans. La marque en profitant naturellement pour lancer une gigantesque campagne promotionnelle, elle entreprit d’inonder les rédactions de communiqués et de nombreux articles fleurirent rapidement sur la presse des internets.

Jusqu’ici, pourquoi pas, me dis-je alors dans un formidable élan de bienveillance.

Notez par ailleurs que si vous aussi vous souhaitiez procéder à vos activités dans un élan quelconque, les orifices d’entrée se situent généralement tel qu’indiqué ci-dessus.

Ledit élan, pourtant, trouva rapidement à s’essoufler.

Car si la “success-story” de la marque me paraissait largement traitée, j’avais en revanche la nette impression que tous ces papiers faisaient savamment abstraction des casseroles de la marque.

 Et je fronçai les sourcils en pensant que pourtant, avec nutella, c’était plus des casseroles mais des chaudrons géants, du genre qu’à coté la marmite à Panoramix c’était un coquetier la foirfouille.

Oui, c’est un dessin d’Astérix. Et oui, le premier qui a un problème c’est ma main dans la gueule. 

Je fis rapidement le point sur les deux chaudrons géants suscités.

Chaudron N°1 : le problème de santé.

C’était connu, tous les professionnels s’accordaient sur le fait que la pâte à tartiner était une évidente cochonnerie pour la santé et rappelaient son édifiante composition.

 

Ce qui me permit de réaliser qu’en terme de place dans le lit, les noisettes et le cacao se faisaient quand même bien entuber.

Evidemment, j’entendais intérieurement les râleurs râler qu’après tout on avait bien le droit aussi de bouffer des cochonneries parfois, et de dire merde à un monde aseptisé, au café sans café et au sucre sans sucre.

 Ce qui remporte tout à fait mon adhésion.

Du scotch. Parce que l’adhésion. Oui bah vous aviez qu’à pas vous foutre de la gueule de mon dessin d’Astérix.

Néanmoins, j’objectai toujours silencieusement que de là à passer la dangerosité du machin sous silence, c’était tout de même différent, et qu’un papier sur la success-story des Gauloises sans filtres sans la moindre mention de la dangerosité du machin vous aurait, je pense, légèrement interloqué, et que donc bah là pareil.

Chaudron N°2 : le problème écologique.

Consciente que l’huile de palme (soit 23% du nutella), était sévèrement pointée du doigt depuis quelques années, je me renseignai sur le pourquoi du comment, et compris que pour exploiter l’huile de palme, on rasait tranquillement de la forêt vierge. Et que par vierge, on entendait “n’ayant pas encore été défoncée par l”Homme”. Je me promis alors de résister à l’envie de faire une blague douteuse sur cette coïncidence.

Moi, tiraillée par l’envie.

Certes, accusé de participer à la déforestation, nutella avait réagi en décidant de se soumettre au label RSPO, qui certifiait l’huile de palme utilisée comme “durable”.

Mais  le label en question était dénoncé comme une arnaque parles assos écolos, et le FFAS lui-même (Fonds français pour l’alimentation et la santé)estimait la certificationpeu contraignante et donc largement insuffisante, notamment sur sa capacité à protéger les forêts et à limiter les émissions de gaz à effet de serre”. Oups.

Or voilà. Dans les tonnes d’articles sur la marque qui avaient fleuri cette semaine, j’avais eu la sensation qu’il était fait bien peu de cas de ces deux casseroles géantes. Voire pas de cas du tout.

Bien consciente que ma “sensation”, vous vous en tartiniez les dessous de pieds, je décidai alors de procéder scientifiquement, et ce en comptant le nombre de mots dédiés à chaque thématique.

 

Moi après avoir compté les 214 premiers mots à la main et réalisé que le l’ordinateur pouvait le faire pour moi.

J’examinai donc les 8 premiers articles auxquels j’avais accédé en tapant “nutella” dans Google Actu et Twitter, et procédai à l’élaboration de camemberts dont voici la reproduction sous vos yeux ébahis. À moins que vous vous soyez déjà barrés à cause de la blague sur le scotch, je savais que je vous perdrais sur celle-là.

 Voilà.

1. Le Figaro.

Oh, mais le Figaro évoque le problème écologique lié au nutella, constatai-je, prête à me servir un scotch de célébration parce que du coup ça m’avait donné envie.

Avant de réfréner mon enthousiasme en constatant que non seulement le problème écologique ne représentait que 7% du papier en comptant très large, mais que l’efficacité du fameux label RSPO mis en avant n’était pas du tout remis en cause. Quant à l’aspect nutritionnel, on pouvait se le fourrer en suppo. Mais je ne désespérai pas.

 2. Melty

Oh, je n’attendais pas une grande enquête d’investigation de la part d’un site de buzz. Ceci dit,  non seulement aucun des problèmes n’était évoqué, mais le site intégrait carrément une infographie de la marque sur l’histoire de la marque fabriquée par la marque à la gloire de la marque. Eh bien, me dis-je en attrapant mon scotch alléchant, je serais une marque, je kifferais bien les sites de buzz. Et je m’octroyai une gorgée salvatrice.

 3. Le Monde.

Du Monde, ma déception fut à la hauteur de mon exigence. Le site, qui publiait pourtant un papier fourni sur l’histoire et l’état d’esprit de la marque n’évoquait ni la problématique santé ni la problématique écologique, même pas du bout des doigts.

Au contraire, le papier s’avérait quasi-dithyrambique et le journaliste paraissait tellement sous le charme qu’il finissait même l’article par un subtil cirage de pompe.


Fort heureusement, mon verre avait eu la bonne idée de ne pas quitter ma main

4. AFP 

L’AFP n’évoquait aucune des deux problématiques. Peut-être le papier était-il tellement anglé sur les célébrations des 50 ans qu’il n’y avait pas lieu d’évoquer d’autres thématiques, me dis-je, adoucie par ce que vous savez. Mais à y regarder de près, la dépêche évoquait les chiffres d’affaires du groupe, son positionnement d’image face à la bourse, l’histoire du produit… n’aurait-on pu trouver la place de glisser un petit mot sur les sujets qui fâchent ? Ce journaliste devrait prendre plus souvent la ligne 13, il saurait ce que c’était de trouver une place dans une botte de foin, me dis-alors, avant de réaliser que le foin n’avait rien à faire là.

5. L’Express

L’Express évoquait les deux problèmes.

Certes, ça représentait seulement 5% du papier pour le problème nutritionnels et 15% pour le problème écologique…  mais au point où on en était, on pouvait sortir les cotillons. N’ayant pas de cotillons à disposition, je sortis plutôt les poubelles, d’autant que comme ça au moins c’était fait.

6. Marie-Claire

Chez Marie-Claire, la journaliste arrivait à évoquer l’huile de palme… de façon positive. Je regardai mon verre avec méfiance et relu. C’était bien ça. L’auteure, évoquant le fait que “la pâte puis[ait] sa rondeur et son onctuosité dans l’huile de palme *” ajoutait une astérique nous renvoyant vers ceci :

Ouais. Et dans deux secondes, les mecs reçoivent le Prix Nobel de la paix, me dis-je.

 7. Sud Ouest

Chez Sud-Ouest non plus, aucun des problèmes n’était évoqué. Je commençais à être un peu atterrée, d’autant que je réalisai que j’avais sorti les poubelles marron mais oublié les poubelles jaunes, et que quitte à se taper les 5 étages, j’aurais pu réfléchir avant, mais j’attaquai néanmoins le dernier article.

8. Métronews

L’article sur lequel on tombait facilement évoquait certains  problèmes.

Qui plus est, à l’occasion de cet anniversaire, plusieurs articles avaient été publiés par la rédaction, certains totalement dédiés aux problématiques nutritionnelles et écologiques. Hourrah.

Pour finir, je fis la moyenne de mes camemberts et constatai qu’en moyenne, c’était à hauteur de 8% que les sujets qui fâchent avaient été évoqués. Certes, ce chiffre n’avait rien de très scientifique. Néanmoins, quelque chose me titillait.

Moi aussi, j’aimais les tartines.

Mais les problèmes engendrés par la consommation de tartines ne méritaient-ils vraiment que des miettes ?

8% pour notre planète et notre santé, ça ne colle pas, me dis-je, avant de regarder mon verre droit dans les yeux et d’ajouter :

- C’est con, pour du scotch.

__________________________________________________

NB : si vous voulez le détail des comptes (pdf), c’est là, et si vous voulez voir un exemple pour recompter (docx), faites vous plaisir.

Pourquoi le 1er mai est-il férié ?

mercredi 30 avril 2014 à 16:52

 

Image gaucher : [Kuebi = Armin Kübelbeck] (CC)

Sources : Herodote (ici), Libération (ici), France.fr (ici) Wiki ()

[NEON] Problème de fuites ?

lundi 28 avril 2014 à 14:45

Et voilà ma petite chronique du dernier NEON. J’ai envie de vous dire que le numéro 18 est dans les bacs, après est-ce-que vous allez pas casser les couilles en me disant que ce sont pas vraiment des bacs ? Rien n’est moins sûr. Du coup je ne le dis pas, mais notez que vous êtes drôlement chiants parfois quand même.

La NASA de l’apocalypse.

mercredi 2 avril 2014 à 10:30

Chers journalistes et les autres,

J’aimerais vous raconter un truc. L’histoire d’une histoire complètement vraie sauf que non, ou plutôt pas tout à fait mais quoique. Appelons ça l’histoire de la petite fille qui criait au loup alors que c’était plus ou moins une belette en short, si ça vous va. 

Le 14 mars dernier, Nafeez Ahmed, visiblement blogueur spécialisé dans les thématiques environnementales pour le Guardian, y publie un texte intitulé :

“Étude financée par la NASA: la civilisation industrielle en route pour un effondrement irréversible ?”

Cet article relaie les conclusions d’une étude menée par des universitaires, étude à paraître selon laquelle en gros notre “civilisation industrialisée” pourrait venir à disparaître à cause de notre mauvaise gestion des ressources.

Jusqu’ici, même si ça ne fait pas tout à fait plaisir, ça ne parait pas complètement déconnant à quiconque a déjà bazardé des babybels périmés en rangeant les courses dans le frigo. Faites pas comme si.

Tweet du Guardian

Mais ça se gâte. D’abord, l’auteur de l’article – au statut bizarre, journaliste ? blogueur ?- ne prend pas trop la peine de demander l’avis d’autres professionnels pour nous éclairer sur la crédibilité de cette étude et aucune critique ou mise en perspective n’est apportée si j’en crois mon anglais de type “moyen/courant mais avec gros accent de chiottes”. 

D’ailleurs, au passage, de quoi d’autre Nafeez Ahmed est-il l’auteur ? Bingo. D’un livre sur… « la crise de notre civilisation ». Bon. Ça peut faire de lui un expert, hein. Mais ça peut aussi lui faire perdre toute objectivité quant à ce qui pourrait apporter de l’eau à son moulin, non ? À vrai dire, difficile d’y voir clair sans avoir soi-même développé une certaine expertise dudit moulin. Mais venons-en au fait.

On apprend dans l’étude que celle-ci a en fait été “partiellement financée” par une bourse du centre Goddard de la NASA.

Vous voyez ce petit partiellement là ? Eh ben ce n’est pas tout à fait ce que laisse entendre le titre du Guardian. Et mine de rien, hop, cette petite boulette deviendra grande.

 

Le lendemain, 15 mars, la presse francophone reprend l’info, et c’est là que ça part lentement mais sûrement en sucette. La belge RTBF dégaine en titrant “Une étude de la Nasa met en garde contre la chute de l’Empire occidental”

 

Pourquoi ça part en sucette ? Parce qu’après le Guardian qui transforme une « étude ayant bénéficié d’une bourse partielle de la NASA » en « étude financée par la NASA« , les pioupious de la RTBF transforment à leur tour “étude financée par la NASA” en “étude de la NASA”… et qu’à partir de là, plus personne ne s’embêtera à préciser.

La différence peut paraître tatillonne mais… Pardonnez-moi, mais qu’on m’annonce qu’on a dégotté un album inédit de Brassens ne me procure pas tout à fait la même sensation qu’un inédit de Francis Lalanne pour lequel Brassens aurait filé 5 euros sur ulule en échange d’un slip dédicacé. Bon.

 Quoique.

Et donc bingo, deux jours plus tard, les médias français embrayent. C’est à partir du 17 mars qu’une flopée d’articles voit le jour. Dans les premiers, Slate, qui titre “Notre civilisation est condamnée, selon une étude de la NASA”. 

Sauf que ouais mais non, puisque comme on l’a vu, il ne s’agit pas d’une étude DE la NASA, mais d’un slip dédicacé. 

Le blog Big Browser du Monde, reprend les mêmes termes dans son titre le lendemain. A ceci près qu’on passe de « notre civilisation » à « la civilisation »…

Ensuite, c’est rigolo. Parce qu’à partir du 19, la notion d’”étude”a carrément tendance à disparaître des titres. Alors ça ne change peut-être pas fondamentalement le sens, mais c’est marrant comme en passant des résultats d’une “étude” à une “annonce/prédiction” on se sent quand même doucement glisser d’un truc à peu près scientifique vers le rayon ésotérique, avec encens au patchouli. Sauf que le vendeur en toge serait prix nobel de chimie.

C’est marrant, mais c’est chelou. La NASA qui nous fait l’horoscope, c’est comme si ma pharmacienne essayait de me vendre des clopes, y’a un truc qui me turlupine.  

Tremblez, la NASA l’a PRÉDIT.

Je suis sûre que ça ferait un très bel exercice de quatrième, prenez vos cahiers et faites deux colonnes, une pour le champ lexical scientifique et une pour le champ lexical du patchoulisme apocalyptique, que constatez-vous au fur et à mesure des articles et n’oubliez pas de laisser trois carreaux dans la marge.

Evidemment, la déformation atteint son apogée quand, alors qu’on parlait jusqu’ici de la chute d’UNE civilisation – la nôtre, l’occidentale-, certains médias se mettent à parler de… fin du monde.

 Le même article sur les sites d’Europe 1et Le JDD 

Sachez qu’en fait, j’ai vérifié, et si la civilisation occidentale disparaissait, il semblerait qu’il resterait quand même une sacrée flopée de pays. Bon, certainement des pays de gros nases même pas dotés de popcorn, de pistes cyclables ni de cafetières programmables, mais enfin de là à parler de fin du monde parce qu’il ne resterait qu’eux, c’est un peu un truc de gros moisis du crâne. À force de faire les malins un de ces quatre on va se prendre un retour de karma faudra pas venir se plaindre.

Aucun rapport mais je vous invite à essayer d’illustrer le karma et on en reparle.

Et voilà comme en une semaine, on est donc passé d’”une étude universitaire partiellement financée par une bourse du centre Goddard de la Nasa et avançant des scénarios pouvant mener à la chute de notre civilisation” à “la NASA annonce la fin du monde”, avec images d’apocalypse en noir et blanc et tout le bazar.

La faute à qui ? Un peu à tout le monde. À Nafeez Ahmed, qui publie telles quelles les conclusions d’une étude sur le Guardian, et évoque une étude financée par la NASA quand elle ne l’est que partiellement via une bourse. L’article original a d’ailleurs été retoqué depuis pour “ se montrer plus clair quant à la nature de l’étude et à sa relation à la Nasa “. Il faut dire qu’il s’est pris une volée de bois vert.

 

 

À la RTBF, aussi, qui fait l’erreur de titrer “une étude de la NASA”. Le site a d’ailleurs corrigé son titre depuis. Il faut avouer que c’est moins vendeur. 

Pour l’anecdote, l’url, et les les légendes d’illustrations, elles, sont toujours d’origine…

 

L’article, modifié, fait d’ailleurs plus ou moins acte de contrition.

C’est pas notre faute mais quand même pardon.

Contrition logique, puisque la NASA a été obligée de publier un communiqué de presse :

 

“Ce qui suit est une déclaration de la NASA concernant les rapports erronés des médias attribuant à la NASA un article sur sur la population et les impacts sociétaux : 

Les travaux [...] n’ont été ni réalisés à la demande de la NASA, ni dirigés par les NASA, ni révisés par la NASA. C’est une étude indépendante menée par les chercheurs de l’université en utilisant des outils de recherche développés pour une activité distincte de la NASA. [...] La NASA n’endosse pas la responsabilité de ce papier ni de ses conclusions. »

Comme ça c’est clair.

Quant aux médias français qui ont relayé l’affaire,il faut bien dire qu’ils y ont aussi été de leur boulette en vérifiant plus ou moins que dalle, faisant aveuglement confiance à leurs collègues.

Or je n’ai vu de correction à ce jour dans aucun des papiers français, et ça m’embête. 

Ça m’embête parce que je les aime bien, moi, les journalistes, alors j’aime pas quand il y en a qui font des boulettes.

Ça m’embête même si ce sujet me passionne autant qu’une pub pour les protège-slips et que les prédictions d’apocalypse, ça commence à nous passer au-dessus comme de la mitraille en 14.

Mais ça m’embête pour la crédibilté du reste, pour les autres histoires, les infos qui comptent, les enquêtes en eaux troubles. Ça m’embête que vous donniez raison aux énervés qui vous accusent de tous les maux et leurs contraires, alors voilà, j’aimerais bien que vous corrigiez.

Juste un petit ajout, un petit mot au bas de ces articles déjà perdus au fond de l’océan de l’info, un post-it sur leur tombe. « PS : en fait c’était pas vraiment la NASA, juste une étude parmi des millions ». 

C’est vite, fait, non ? Si ça vous gêne, je promets de pas regarder. De toute façon j’allais prendre un babybel au frigo.

——

Edit du 08/04/14 : publication d’un erratum du Monde.fr

[NEON] Pas de bras, pas de loi.

lundi 31 mars 2014 à 12:08

Et voilà ma planche de ce mois-ci pour le magazine NEON que tu peux aussi trouver dans les kiosques dans sa version papier si tu aimes bien le papier. Ou les kiosques. Ou NEON. 

Pas de bras... pas de loi.

Mes autres trucs pour NEON par là