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[Genève] Rature : Festival queer féministe du 22 au 24 avril !

jeudi 1 janvier 1970 à 01:00

Le Festival féministe et queer Rature prend ses quartiers au Galpon du 22 au 24 avril pendant le temps fort migration. Questionner et critiquer les normes corporelles et sexuelles qui nous façonnent, rassembler des personnes qui cogitent et bricolent avec leurs corps et leurs cerveaux, transgresser des frontières mentales et physiques et se construire de nouveaux imaginaires voilà ce que l'on propose pour politiser nos identités.

Le Festival féministe et queer Rature prend ses quartiers au Galpon du 22 au 24 avril pendant le temps fort migration. Questionner et critiquer les normes corporelles et sexuelles qui nous façonnent, rassembler des personnes qui cogitent et bricolent avec leurs corps et leurs cerveaux, transgresser des frontières mentales et physiques et se construire de nouveaux imaginaires voilà ce que l'on propose pour politiser nos identités. À plein, pendant trois jours, on souhaite interroger les rapports de domination et visibiliser des modes de résistance.

Films, discussions, atelier de lap dance, théâtres, perfos, concerts et une grosse teuf sont au programme. Pour une ambiance cosy, le foyer du théâtre sera ouvert pour accueillir les repas collectifs, un infokiosque, et prendre un verre.

Avant-programme :

Carnet de bal d'une courtisane, par la compagnie La Fêlure. Performance collective à partir des textes de Grisélidis Réal sur la prostitution. Public averti.

S'con'se fait ranc, par Wernera Veranda. Une conférence sur le sexe biologique femelle, du clowne féministe totalement débordable !

Projection/discussion avec le groupe C-it autour de l'afro-futurisme : Sun Ra : A Joyful Noise, Robbert Mugge, 1980.

Atelier Lap Dance, en non mixité meuf-gouine-trans.

Une soirée le samedi au Théâtre de l'Usine avec des perfos, concerts et des djanes ! (Tchivett's zombie queer punk sexy dance show, Kings'queer etc.)

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+ d'infos à venir, visitez (ou pas) notre page Facebook (Rature Festival)

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Pour rendre le festival accessible à tout.E.s, l'entrée et les repas sont à prix libre.

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L'évènement sur le site du Galpon : http://www.galpon.ch/Festival-Rature-454

La privatisation des prisons : un marché lucratif

jeudi 1 janvier 1970 à 01:00

Un article qui décrit l'influence du modèle étatsunien sur les prisons d'Europe. Une façon de décharger l'Etat de sa gestion des prisons en le rendant dépendant et tributaire des entreprises privées.

Cette privatisation rampante pose aussi une question de fond : les entreprises privées ont tout intérêt à ce que les prisons ne désemplissent pas.

Cela doit devenir la plus grande prison de Belgique. Près de 1 200 détenus dans un « village » pénitentiaire à proximité de Bruxelles, avec trois unités pour hommes, deux unités pour femmes, un établissement d'enfermement psychiatrique et un pour les jeunes. Surdimensionné, trop cher, construit sur des terres agricoles : le méga-projet suscite des oppositions. Cette nouvelle prison est aussi controversée parce qu'elle doit être bâtie et gérée en partenariat public-privé (PPP). Le marché a été confié à un consortium composé de deux entreprises de BTP et d'une banque d'investissement australienne (Macquarie). Un champ d'activité comme un autre pour cette banque qui investit dans les transports, les infrastructures d'eau, les hôpitaux… et les cellules.

Ce projet belge de prison privée s'inscrit dans la droite ligne d'un mouvement entamé au début des années 1980. Parti des États-Unis, le modèle des prisons privatisées s'installe de plus en plus en Europe. En France, cette privatisation a débuté en 1987. Avec pour intention initiale de reproduire à l'identique le modèle d'outre-Atlantique : une privatisation intégrale, de la construction jusqu'à la surveillance des détenus. Les parlementaires de l'époque en ont décidé autrement : seules les fonctions autres que celles de direction, de surveillance et de greffe peuvent être déléguées à des entreprises privées [1].

Privatisation du travail des détenus ou de l'accueil des familles

Même avec cette restriction, le nombre de prisons en gestion privée n'a cessé d'augmenter en France. Au 1er janvier 2016, sur 188 prisons, 68 étaient gérés en partie par des entreprises privées. Plus de la moitié des 77 000 détenus purgent leur peine dans ce type d'établissement. La France est certes encore loin du modèle des États-Unis, où plus de 130 000 détenus se trouvent dans des établissements pénitentiaires privés [2]. Mais ici comme outre-Atlantique, la privatisation pénitentiaire avance, et la délégation de la gestion des prisons est une bonne affaire pour les entreprises.

« Aux États-Unis, c'est complètement privatisé, analyse Marie Crétenot, juriste à l'Observatoire international des prisons (OIP). En France, c'est différent. Mais les prestataires privés qui gèrent des prisons n'ont évidemment pas intérêt à ce qu'il y ait une politique majeure de réduction des peines d'emprisonnement, pour ne pas perdre les marchés. » La gestion privée concerne initialement les missions d'entretien, d'intendance, de restauration, de blanchisserie, de cantine (vente de produits et services aux détenus), de nettoyage, de transport. Désormais le travail pénitentiaire et de la formation professionnelle sont eux aussi passés sous la coupe du management privé. Les soins de santé aux détenus, qui étaient aussi délégués au privé, ont finalement été exclus en 2001. Mais l'accueil des familles et l'organisation des visites sont venus s'y ajouter à partir de 2010. Cette activité était auparavant gérée par des bénévoles. Les contrats de délégation de ces « services » courent sur des périodes de six à dix ans.

Depuis 2008 est apparue une deuxième génération de gestion privée des prisons, celle des partenariats public-privé [3] – entre l'État et des entreprises – pour la conception, la construction et la maintenance des prisons. Ces PPP s'étendent au minimum sur 25 ans, à compter de l'ouverture du centre pénitentiaire. Et englobent aussi tous les services classiques des contrats plus courts. L'État s'oblige ainsi à payer, pendant plus d'un quart de siècle, un loyer aux entreprises propriétaires de ces prisons, jusqu'en 2041 pour la plus récente des prisons en partenariat public-privé.

5,9 milliards de loyer par an

« Avec le recours aux PPP, l'État s'est considérablement endetté, alertait l'OIP, l'année dernière. Les intérêts et les charges à verser chaque année pour la maintenance des bâtiments alourdissent toujours plus le montant à rembourser. » Le « loyer » versé par l'État aux gestionnaires privés avoisinerait 5,9 milliards d'euros par an, d'après les calculs de l'association [4].« Cela pèsera de manière exponentielle sur tous les budgets à venir », rappelle l'OIP. Et obligera l'administration pénitentiaire à faire des économies ailleurs. « Pour dégager les ressources suffisantes pour le paiement des loyers de leurs contrats de partenariat, les personnes publiques sont souvent contraintes de redéployer des moyens, voire le plus souvent de réduire leurs dépenses de fonctionnement ou d'investissement consacrées à d'autres projets. L'exemple du budget de la direction de l'administration pénitentiaire est à cet égard particulièrement éclairant », s'inquiète en ce sens un rapport du Sénat, en 2014, sur les « bombes à retardement » que sont les PPP.

La maintenance des bâtiments et les services pénitentiaires d'insertion et de probation (Spip) sont directement menacés par ce nouvel équilibre budgétaire. Or ce sont ces derniers qui accompagnent les aménagements de peine, préparent à la sortie de prison, aident au maintien des liens familiaux, suivent les détenus en milieu ouvert, bref, qui s'occupent du volet non répressif de la peine. « Les PPP et la gestion dérégulée grèvent les budgets de l'administration pénitentiaire et de la justice sur plusieurs décennies, et de manière incompréhensible », rappelle Olivier Caquineau, conseiller pénitentiaire d'insertion et de probation, et secrétaire général du syndicat Snepap-FSU.

« Cela fait des années qu'il y a des pressions budgétaires sur les services pénitentiaires. Le budget annuel de nombre d'entre eux est déjà épuisé au mois de juillet ! » Il y a quelques semaines, un service d'un établissement du Sud-Est s'est fait couper l'eau pour facture impayée. Et les frais de déplacement des travailleurs de ces services pénitentiaires ne sont plus remboursés. « Sur les bâtiments des prisons en gestion publique, ajoute le conseiller d'insertion, on fait des économies sur les rénovations. On est dans une logique d'établissements pénitentiaires à deux vitesses. »

Une poignée d'entreprises se partagent le marché

Le marché de l'emprisonnement se retrouve entre les mains d'une petite poignée d'entreprises. Au centre pénitentiaire du Havre, c'est Themis-FM, une filiale de Bouygues, qui est propriétaire des lieux et chargée de la maintenance. En 2011, l'État lui versait ainsi un million d'euros par mois [5]. À ce loyer s'ajoutent 350 000 euros par mois, versés à Gepsa, l'entreprise qui gère les services à la personne dans cet établissement. Créée avec la première loi de privatisation, Gepsa, filiale d'Engie (ex GDF-Suez), est aujourd'hui présente dans treize établissements.

De son côté, Sodexo a des contrats dans 34 prisons françaises. Grâce aux prisons, le groupe français de services aux collectivités se développe aussi à l'international. Sodexo a décroché des marchés de délégation dans 42 établissements aux Pays-Bas, cinq au Royaume-Uni, cinq au Chili, deux en Espagne, et un en Belgique. L'entreprise dit œuvrer à « prévenir la récidive et favoriser la réinsertion des détenus ». Sodexo prend même la peine de préciser, dans son rapport annuel, qu'elle « exerce ses activités en justice uniquement dans les pays démocratiques ne pratiquant pas la peine de mort et dont la politique carcérale a pour finalité la réinsertion [6]. » En 2013, une affaire a bousculé ces beaux discours : une détenue du Royaume-Uni, où la privatisation englobe les soins de santé, a attaqué l'entreprise française en justice pour l'avoir laissée sans aucuns soins après une fausse couche (Voir notre article).

Détenus et prisons : une « stratégie d'investissement »…

Sur les contrats de construction et maintenance, ce sont les grands groupes de BTP qui raflent les contrats. Bouygues possède et gère six prisons. Spie Batignolles en a trois ; Eiffage, quatre en France et une en Belgique. Eiffage a décidé, il y a quelques années, de vendre 80 % de sa filiale chargée des prisons à un fonds d'investissement belge. « La transaction démontre la pertinence de la stratégie d'investissement d'Eiffage dans les PPP, tout en permettant de désendetter le groupe », écrivait l'entreprise pour expliquer cette vente. Les détenus des prisons françaises d'Eiffage font donc l'objet de « stratégie d'investissement » et de « désendettement » d'un groupe de BTP.

Aux États-Unis, on trouve deux entreprises majeures : la Corrections Corporation of America, avec quelque 70 prisons à gérer ; et Geo, qui gère plus de 100 établissements à travers le pays. Geo compte aussi des prisons en Afrique du Sud et en Australie, ainsi que un centre de rétention de migrants au Royaume-Uni. En Grande-Bretagne, Sodexo se partage le marché avec l'entreprise britannique Serco, qui est aussi active dans les centres d'enfermement de migrants, et même dans le logement de demandeurs d'asile. Le troisième acteur des prisons privées britanniques est G4S, un groupe mondial qui travaille dans le pénitentiaire, dans le pétrole et le gaz, les ports et les aéroports. G4S a des filiales dans le monde entier, notamment à Jersey, Guernesey et l'Île de Man, connues pour leurs largesses fiscales.

Peu d'évaluation faite depuis le début de la privatisation

L'argent dépensé par l'État est-il efficacement employé ? Moins cher, plus efficace, innovant… Voilà les arguments utilisés par les autorités pour justifier le recours au privé dans les prisons françaises. Qu'en est-il dans les faits ? Difficile de la savoir, puisque l'administration pénitentiaire n'a réalisé aucune évaluation comparative des coûts et de la qualité de la gestion depuis le début de la privatisation. Une absence d'évaluation que la Cour des comptes elle-même a regretté : « Les seuls travaux disponibles attestent qu'il reste, à ce stade, difficile de se forger une certitude quant à l'efficience du secteur privé, en l'absence de collecte, de consolidation et d'analyse des coûts relatifs des modes de gestion publique et privée », constatait-elle il y a cinq ans [7]. Les gendarmes du budget écrivaient même : « Il n'apparaît pas que le recours au secteur privé soit moins onéreux d'autant que l'administration pénitentiaire est dans l'incapacité de mesurer précisément et de comparer ses coûts [8]. »

« Le recours aux entreprises privées est valorisé avec l'argument que les prestations qu'elles réalisent exigent des compétences particulières que l'administration pénitentiaire n'a pas forcément, comme démarcher des concessionnaires pour organiser le travail en prison, ou en matière de restauration, souligne Marie Crétenot, de l'OIP. Mais aucun bilan n'a été fait. » L'association regrette que les contrats ne soient pas rendus publics. Un manque de transparence qui empêche de savoir combien l'État paie ces entreprises, prestation par prestation. Seuls deux rapports de la Cour des comptes (2006 et 2011) et un rapport de l'Inspection générale des finances (2009) tirent des conclusions. « À chaque fois, elles n'étaient pas vraiment en faveur du privé, parce que cela coûte cher sans véritable valeur ajoutée », indique Marie Crétenot. Pourtant, ce système de délégations à des entreprises privées est maintenu.

Des pénalités en cas de non-respect du contrat

Les entreprises chargées de la gestion des prisons sont tout de même soumises à un système de pénalités si elles ne respectent pas les termes du contrat. En 2010, l'entreprise Gepsa a payé 400 000 euros de pénalités pour ne pas avoir respecté l'obligation d'offrir du travail aux détenus qui le souhaitent, dans le centre pénitentiaire de Béziers [9]. Mais ces pénalités sont bien souvent remises en cause par les prestataires. « Nul ne conteste le bien-fondé du système de pénalités, partie intégrante du contrat, mais il serait contre-productif qu'une application par trop mécanique nuise à la motivation des équipes… », a argumenté le patron de Themis, filiale de Bouygues, face à la Cour des comptes.

Mais le contrôle est bien plus souvent quantitatif que qualitatif. L'administration cherche ainsi à savoir si les prestataires ont dispensé un nombre d'heures de formation, plus qu'à en évaluer l'utilité. Cependant, sur la formation professionnelle, gestion publique ne rime pas forcément avec respect des normes. « Pour les prisons en gestion privée, les crédits de formation professionnelles, ou ceux pour l'hygiène et la salubrité, sont garantis par l'État, explique Marie Crétenot. Alors qu'en gestion publique, l'administration taille dans ces crédits. Les établissements en gestion publique sont ainsi délabrés. »

Quand l'État doit payer des compensations aux entreprises

Ces orientations vers plus de privatisation du secteur pénitentiaire sont-elles inéluctables ? En Allemagne, où des prisons en gestion privée partielle existent depuis les années 2000, les autorités sont déjà revenues sur ce choix pour l'un des quatre établissements pénitentiaires concernés. En 2011, la nouvelle majorité politique verte et social-démocrate, arrivée au pouvoir dans l'État-région de Bade-Wurtemberg, a décidé de mettre fin au contrat de délégation conclu quelques années plus tôt pour sa prison d'Offenburg. Et de reprendre l'établissement en gestion publique totale.

Le gouvernement français pourrait-il faire de même s'il le souhaitait ? « On peut renégocier la délégation, mais en payant des pénalités », explique la juriste de l'OIP. En signant des contrats qui l'engagent sur 6, 9, 25 ans, l'État s'oblige à ne rien réformer de sa politique carcérale, sauf à payer des compensations aux entreprises. Ce qui est forcément dissuasif en ces temps d'austérité. « En 2011, le ministère de la Justice de l'époque avait envisagé de baisser les prix de la location des téléviseurs pour les détenus, et de l'uniformiser pour que ce soit le même prix en gestion publique et en gestion privée [10]. Mais comme la plupart des contrats de délégation n'arrivaient à échéance qu'en 2016 ou 2017, appliquer cette baisse dès 2011 aurait impliqué le paiement de compensations aux prestataires. Du coup, ça ne s'est pas fait. »

L'exemple peut sembler anecdotique. Il est en fait emblématique du blocage des politiques pénales induit par la privatisation des prisons. « Il s'est passé quelque chose de similaire sur la question de la rémunération des travailleurs détenus, ajoute Marie Crétenot. Le principe d'un taux horaire fixe a été décidé par la loi pénitentiaire de 2009. Mais cela impliquait un changement au niveau des contrats avec les prestataires. » La loi pénitentiaire n'est donc pas appliquée. À quoi sert de modifier les politiques sur l'univers carcéral ? Pendant ses quatre ans au ministère de la Justice, Christiane Taubira n'a pas remis en cause le mouvement en cours de privatisation pénitentiaire. Au grand bonheur des entreprises bénéficiaires.

Rachel Knaebel, 26 février 2016

[1] Voir le document La gestion déléguée des établissements pénitentiaires de la direction de l'administration pénitentiaire, 2007.

[2] Source : « Prisoners in 2014 », rapport du Bureau of Justice Statistics, septembre 2015.

[3] Les partenariats public-privé les plus anciens portent le nom d'AOT-LOA, pour « autorisation d'occupation temporaire-loyer avec option d'achat ».

[4] Calcul effectué à partir des documents parlementaires annexés au projet de loi de finances pour les treize établissements en PPP.

[5] Source : rapport du Contrôleur général des lieux de privation de liberté.

[6] source : Document de référence 2014-2015 incluant le Rapport financier annuel, p. 45, Sodexo, novembre 2015.

[7] Voir le rapport Les partenariats publics-privés pénitentiaires, p. 36, Cour des comptes, 2011.

[8] Voir le rapport Les partenariats publics-privés pénitentiaires, p. 63, Cour des comptes, 2011.

[9] Source : compte-rendu de visite du Contrôleur général des lieux de privation de liberté au centre pénitentiaire de Béziers.

[10] La différence pouvait aller de 8 euros dans les établissement publics à 18 euros par mois dans les prisons en gestion déléguée. Voir le billet « Faute de l'État en raison de la différence de prix de location entre établissements pénitentiaires » de l'Association pour la communication sur les prisons et l'incarcération en Europe, décembre 2015.

[Genève] Intervention policière absurde au rassemblement pour Calais !

jeudi 1 janvier 1970 à 01:00

Mercredi, la police a tenté de contrôler une dizaine de personnes qui se rendaient au rassemblement en solidarité avec les migrant.e.s de Calais. Opération manquée. Prochain rendez-vous mercredi 16.3 à 18h30 à Bel-Air.

Le Mercredi 9 mars, vers 18h15, une dizaine de personnes se dirigent vers le Consulat de France depuis la Place de Neuve. Au milieu du parc des Bastions, une voiture de la BRIC (Brigade de Recherches et d'Îlotage Communautaire —> police politique genevoise) passe à côté du groupe et va se cacher derrière un buisson. Soudain, deux fourgons d'intervention débarquent et encerclent le groupe. "Vos papiers".

Le groupe refuse de décliner son identité. Geste important si l'on veut que nos rassemblements ne deviennent pas des opérations de fichage de la police cantonale. Le chef des sbires annonce que ce n'est pas le cas, mais les personnes encerclées semblent avoir peu confiance et maintiennent leur position. La situation semble sclérosée et on imagine que l'encerclement pourrait durer des heures.

C'est sans compter que la nasse se trouve à quelques dizaines de mètres du lieu de rendez-vous. Petit à petit, des gens se massent autour des flics et l'ambiance se réchauffe ; on chante "ohlala ohlélé, régularisez tous les sans-papiers", "police partout, justice nulle part" et même " tout le monde déteste la police". Les flics sentent que leur opération est de plus en plus ridicule et après des négociations ils finissent par ouvrir la nasse.

Les 80 personnes présentes se dirigent finalement vers le consulat pour y faire le rassemblement prévu initialement. On y gueule "la France tabasse, expulse et assassine". Les flics dégageront encore les manifestant.e.s de la route en douceur sous les ordres de leur chef dont l'accent genevois est si tranché qu'il est rare d'en entendre de pareils. Un rendez-vous a été donné mercredi prochain à 18h30 à Bel-Air pour poursuivre le mouvement. Il s'agit d'être nombreux et nombreuses, car on ne sait pas ce que la police pourra bien nous réserver comme surprise cette fois !

[Renens] Le collectif Jean Dutoit interpelle le Conseil d'État

jeudi 1 janvier 1970 à 01:00

Le 9 mars 2016, le collectif Jean Dutoit a remis une lettre au Conseil d'État pour l'interpeller quant au sort des habitants de l'ancienne usine Heineken qui pourraient se retrouver à la rue dès le 1er avril.

Bonjour,

Ce matin, à 6h30, l'ensemble des habitants de l'ancienne usine Heinken se sont réunis pour aller remettre la lettre ci-jointe aux conseiller.ère.s et au chancelier d'État, à l'occasion de leur réunion hebdomadaire qui s'est tenue, aujourd'hui, à l'Élysée, à Lausanne. Cette lettre vise à interpeler ces derniers quant au retour à la rue des habitants du 11 Chemin du Closel. Les porte-fort du bâtiment, les Transports publics lausannois nous ont annoncé le non-renouvellement de la convention signée avec eux, celle-ci se terminant le 31 mars 2016. Nous essayons de reprendre contact avec les représentant.e.s de l'État de Vaud, réels propriétaires du bâtiment et premiers concerné.e.s par la problématique de ses habitants.Les politicien.ne.s, représenté.es par le Chancelier Vincent Grandjean, se sont engagé.e.s auprès des habitants à aborder le sujet lors de leur assemblée et à leur répondre au plus vite. Nous espérons voir très prochainement s'esquisser une reprise du dialogue dans l'optique de trouver, ensemble, des solutions concrètes et pérennes à la situation des membres de notre collectif.

Bien à vous,

Le collectif Jean Dutoit

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Lausanne, le 07 mars 2016

Mesdames, Messieurs,

Nous nous permettons de vous écrire car lors de l'entretien du 18 février 2016, les Transports publics lausannois nous ont fait part de leur décision de ne pas renouveler le contrat de confiance relatif à l'ancienne usine Heineken.
Lors de la conclusion du contrat, et durant tout le déroulement des négociations, nous avons toujours eu comme interlocuteurs/trices les Transports publics lausannois, mais également les représentant-e-s de l'État de Vaud dans la mesure où celui-ci reste le propriétaire de l'ancienne usine Heineken. Ainsi, nous nous étonnons de ne plus avoir de nouvelles de votre part, notamment lorsqu'une décision impliquant de lourdes conséquences est prise et nous est communiquée.

De ce fait, nous souhaitons réouvrir le dialogue au vue de la présente situation. Lorsque nous avons interpellé les Tls au sujet de l'action violente que consisterait le fait de mettre plus de cent personnes à la rue, ils nous ont répondu qu'ils ne faisaient pas de politique. Nous nous permettons alors de nous tourner vers vous, dans la mesure où il s'agit précisément de votre mandat.

Les raisons invoquées quant à la décision de ne pas reconduire le contrat de prêt à usage se basent principalement sur des affaires de gestion de la maison. Les TLs nous ont adressé une lettre nous informant du non renouvellement du contrat, lettre dans laquelle a été produite une liste exhaustive des problématiques qui justifiaient cette décision. Ne souhaitant plus être en communication avec une entreprise de transport, nous souhaitons revenir avec vous sur certains de ces éléments.

Nous sommes principalement accusé-e-s de ne pas respecter le nombre de personnes inscrit sur le contrat. Sur ce fait, nous nous étonnons que la réponse politique à l'augmentation de personnes vivant sans toit soit de les remettre à la rue lorsqu'elles en ont trouvé un. Comme vous devez probablement le savoir, entre le 29 février et le 15 avril deux structures d'accueil (Répit, Abris PC) ferment leurs portes. Bien que nous ne souhaitions pas être associé à ces structures - l'une des vues du collectif étant de sortir de l'assistanat et de la marginalisation due à la fréquentation de ces dernières - nous nous devons de vous rappeler que si l'on ajoute à leur fermeture la décision de mettre fin au contrat relatif au bâtiment Heineken, ce sont des centaines de personnes qui vont se retrouver à la rue en même temps.

Comme vous le savez, la maison soulage l'entier du réseau politique et social d'une réalité qu'il préfère déléguer et ignorer. Nous avons eu plusieurs témoignages de personnes travaillant pour des structures d'accueil bas seuil, tous s'accordent à dire qu'il n'y a pas assez de place dans celles-ci.

Le contrat conclu avec les occupants du Chemin du Closel, et présenté médiatiquement par les autorités comme étant un geste généreux de leur part, a placé les habitants de la maison devant la tâche monstrueuse consistant à devoir gérer le nombre de personnes autorisées à rester dans le bâtiment. Ce qui signifie plus concrètement, devoir garder nuit et jour l'entrée de celui-ci et en empêcher l'accès à des personnes endurant la même réalité que soi. Il s'agit donc de repousser ses frères à la rue en sachant mieux que personne pourquoi ceux-ci se retrouvent à cette porte, ainsi que tout ce qu'un tel refus implique puisqu'ayant vécu soi-même d'autres hivers dans les rues lausannoise.

Face à cette gestion, aux réalités individuelles rendues extrêmes par l'exil et les impasses administratives, aux différentes origines géographiques des habitants et au harcèlement policier dans la rue ainsi que dans les environs immédiats de la maison, l'organisation interne a consisté en un casse tête complexe et magnifique de recherche d'équilibre. Les habitants ont développé des mécanismes d'organisation efficaces et admirablement humains, puisque prenant en considération les différentes composantes de la maison afin de fixer et appliquer des règles équitables et décidées en assemblées.

C'est dans ce contexte que les TLs nous annoncent, le 18 février 2016, qu'ils ne souhaitent pas renouveler le contrat les liant à nous. Notre trop grand nombre nous est reproché. Pourtant, durant les occupations de l'ex-collège de Fourmi et de l'ex-usine Heineken, nous étions 116 et l'avions clairement annoncé lors de la signature du contrat de prêt à usage. Si les TLs ont commencé par vouloir limiter le nombre d'habitants à 40, ils ont finalement décidé d'inscrire contractuellement et pour leur propre sécurité le nombre de 70, qui représente également un maximum restant politiquement acceptable.

Bien qu'elles soient triviales et absolument aberrantes, nous souhaitons revenir sur les autres raisons invoquées pour justifier la fermeture de la maison.

Il nous a été reproché d'avoir fait un feu lors d'un anniversaire, le 16 novembre 2015. Ce dernier a été éteint à l'instant où la police l'a demandé, au moyen d'un verre d'eau. Cela ne s'est pas reproduit.
D'autre part, la police est intervenue dans les locaux. Nous tenons à signaler que lors de la seule fois en six mois où cette situation s'est produite, la police a été appelée par un homme n'habitant pas dans la maison, et qui avait personnellement déclenché la bagarre pour laquelle il demandait une intervention.

Pour finir, l'alarme incendie s'est déclenchée plusieurs fois sans raison et a été mise hors service une fois, lors d'une fausse manipulation. Cependant, quelques personnes ont ensuite reçu des instructions quand à son fonctionnement et un autre rendez-vous est en train d'être agendé avec des techniciens recommandés par les TLs, dans le but savoir l'éteindre en cas de fausse alerte. Notons au passage que ces fausses alertes nous seront toutes facturées à part la première, ce qui est regrettable au vu des très faibles moyens financiers des habitants.

Nous ne reviendrons pas sur les détails détestables tel que le linge séchant sur une barrière ou encore la mauvaise gestion des déchets, invoqués comme raisons du non renouvellement de ce contrat.

Si, lors du rendez-vous avec nos propriétaires, ceux-ci évoquaient le besoin de réquisition imminente du bâtiment du chemin Closel 11 en vue du projet de tram Lausanne-Renens, nous savons qu'il restera vide après le départ de ses actuels habitants et ceci pour des mois. Outre le fait que le précité projet est loin d'être efficient, nous avons appelé l'entreprise ArtShow qui dispose de la halle directement liée aux locaux habités pour y organiser des évènements sporadiques. Le fait que la halle leur était laissée à disposition au moins jusqu'à cet été nous a été confirmé.

La situation urgente et alarmante vécue par les membres du Collectif est sur le point de se renouveler sans que le Canton, les villes de Lausanne et Renens ou le SPOP n'aient communiqué une quelconque ébauche de plan visant à trouver une solution à cette problématique. Il est tout simplement insensé de mettre un terme à cette occupation, tout comme le mutisme général de toutes les instances concernées par cette problématique est insensé.

Nous ne souhaitons plus négocier avec des interlocuteurs bloqués dans leur réalité d'entreprise « apolitique » et désignés pour cela précisément. Comme depuis le début, nous souhaitons ouvrir un dialogue avec vous. Nous vous prions de bien vouloir répondre à notre requête et de ce fait considérer des hommes qui sont en lutte depuis des mois et dont la parole n'a toujours pas été entendue.

En vous remerciant d'avance de l'attention que vous avez portée à cette lettre, nous nous réjouissons de vous rencontrer et nous vous adressons nos meilleures salutations.

Le collectif Jean Dutoit

Inscriptions murales et purification graphique — Les arts involontaires du nettoyage urbain

jeudi 1 janvier 1970 à 01:00

Petite histoire de l'art des graffitis : réflexions sur les couches de peinture des murs.

Car c'est désormais la lutte anti-graffiti qui, au nom de la salubrité publique et de la civilité urbaine, bénéficie d'une inventivité technologique sans temps mort ni entraves. D'où le large éventail de procédés révolutionnaires destinés à ravaler les façades, en ôtant les souillures infâmes qui dévaluent le capital immobilier et l'essence spéculative de la pierre. Parmi ces méthodes, il en est des préventives (vernis, films plastique ou fibres de verre anti-adhésives) et des réparatrices (sablage, hydro- ou aéro-gommage ou ajout de dissolvants). Et si, comme pour la lutte contre la fumette cannabique ou la fraude de survie dans les transports en commun, cette guerre aux inscriptions sauvages ne saurait connaître de victoire définitive, elle a récemment gagné du terrain, du moins en centre-ville gentrifié.

Mais attention aux ruses de l'Histoire avec une grande H et au syndrome de l'arroseur arrosé. Du côté des nettoyeurs municipaux ou des sous-traitants privés censés parfaire l'immaculation générale de nos murs, on assiste depuis peu à une nette régression des techniques d'effacement au Karchër tandis que tous en reviennent au ripolinage à l'ancienne. Et partout, les voilà qui recouvrent les blazes parasites, les bombages honnis, les fresques dégradantes. Ce peut être, comme ci-dessous, au moyen d'une biffure élémentaire :

Avec le risque que tel ou telle passant(e) arrive encore déchiffrer le message antérieur, selon l'adage dadaïste de Marcel Duchamp : « Lis tes ratures ». Mais le plus souvent, c'est au rouleau qu'ils agissent, réinventant bien malgré eux les agencements géométriques qui ont vu naître l'art abstrait au début du XXe siècle.

Très exactement à Petrograd, le 19 décembre 1915, lors de l'exposition de 39 tableaux de Kasimir Malevitch, dont le célèbre Quadrangle, consistant en un Carré noir sur fond blanc.

Et soudain, pris à son propre piège, l'esprit de censure anti-graffiti et son hygiénisme visuel (par ailleurs indifférent à la pollution pubarde), fait œuvre à son insu, s'expose à ciel ouvert et nous offre un remake involontaire de l'histoire de la peinture moderne. Avis aux amateurs, il n'y a qu'à dériver au hasard des rues :

Apprécions donc à sa juste valeur cette ironie du sort dialectique qui fait de ces effaceurs d'encre, les copistes d'un courant essentiel de notre patrimoine pictural, alliant cubisme et futurisme pour ne plus agencer sur la toile que des surfaces chromatiques.

Ainsi les tâcherons de l'anti-tache adviennent-ils enfin au stade suprèmatiste des arts plastiques.
Décapant, non ?

Même si, à chaque fois qu'ils en remettent une couche, ces peintres en bâtiments ne font que préparer l'aplat qu'un scribouilleur viendra vandaliser à plaisir, lui-même recouvert le lendemain d'un rectangle grisâtre servant à son tour de support à un tagueur qui… et ainsi de suite.

Mouvement perpétuel de l'interdit qui transgresse sa popre loi. Se dé-peint à mesure.

Post-scriptum : A ce même sujet, on rappellera que le groupe estudiantin post-surréaliste Alternative Orange qui a émergé en Pologne au début des années 80, avait déjà mis en relief les « arts involontaires » de la censure anti-graffiti du régime stalino-ubuesque en place. Par dérision, ils s'extasiaient sur l'intérêt pictural de ce tachisme décoratif qui donnaient quelque fantaisie à leur quotidien monochrome.

Rétifs aux mots d'ordre déjà bigots et rétrogrades de la majeure partie du syndicat Solidarité, ces jeunes activistes anracho-carnavalesques décidèrent de ne graffiter sur ces zones repeintes qu'une série d'innombrables petits lutins orange, sans autre commentaire. Et cela, entre autres provocations absurdistes, des années durant. Rendant hommage dans leurs tracts et fanzines, selon une dialectique paradoxale, aux nettoyeurs policiers comme autant de pionniers de l'art abstrait.

Mais ceci est une autre historie, méconnue, sur laquelle nous essayerons de revenir bientôt ici même.

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