PROJET AUTOBLOG


le Blog de FDN

Site original : le Blog de FDN

⇐ retour index

Mise à jour

Mise à jour de la base de données, veuillez patienter...

Rapprochement CSA-ARCEP: l'art de danser le pogo sur un champ de mines...

jeudi 6 septembre 2012 à 12:33

Le sujet a déjà fait quelques beaux papiers lors de l'annonce du gouvernement du lancement d'une réflexion sur le rapprochement du CSA et de l'ARCEP, avec en ligne de mire l'ANFR et pourquoi pas la HADOPI, voire pour les plus fous le CNC.

Il en a été dit que c'était très mal, et on a régulièrement expliqué pourquoi. Je voulais revenir sur le sujet, volontairement à contre-temps.

Qui est qui dans cette histoire...

De toutes ces autorités, celle que je connais le mieux, c'est l'ARCEP. Elle fait un travail essentiellement technique et économique de régulation du secteur des télécoms, avec comme mission essentielle de permettre à une concurrence de s'installer, en réduisant de force la voilure de l'opérateur historique. Dans ses attributions annexes, il y a le fait de gérer les fréquences radio utilisées dans les télécoms: l'attribution des fréquences aux opérateurs mobiles, les attributions de fréquences WiMax, les conditions d'utilisation des fréquences WiFi, etc[1].

Le CSA, pour sa part, distribue les fréquences radio servant à la diffusion de la télé[2], et veille attentivement au contenu diffusé par la lucarne magique. Historiquement, pour justifier ce contrôle politique des médias audiovisuels, on s'appuyait sur la rareté des fréquences. Puisque seules quelques chaînes de télé pouvaient être diffusées, l'attribution d'une fréquence se traduisait par des obligations (financement de la création, diffusion de la propagande officielle, contrôle du temps de parole politique, etc).

L'ANFR se charge d'un rôle infiniment moins polémique, parce que technique, dans la gestion des fréquences radio (on y déclare par exemple l'utilisation des radios des avions ou des bateaux, sans que ça ne fasse hurler personne). La HADOPI n'a pour seule fonction que d'essayer de réguler les contenus qui circulent sur Internet, avec tous les risques d'atteinte aux libertés que ça comporte (à commencer par la surveillance généralisée de la population par une officine privée). Le CNC quant a lui n'a pour rôle que de récolter du pognon pour le cinéma (ce qui rejoint un peu le CSA, le financement du cinoche est une obligation classique des chaînes auxquelles on offre une fréquence).

La logique du rapprochement

Qu'il y ait 3 autorités chargées de la distribution des fréquences, ça peut sembler curieux. Que ces 3 autorités aient des règles de fonctionnement différentes, régies par des lois différentes, avec des objectifs sans rapports les uns avec les autres, c'est assez illisible.

Le CSA, par exemple, passe son temps à expliquer que toute image ou tout son relève de son autorité (audio-visuel) et que donc le GIF animé que je regarde sur mon ordi c'est pour lui. Ridicule. L'ARCEP de son côté passe son temps à dire que le contenu des réseaux c'est pas son affaire, et que donc l'abus de position de force des opérateurs pour porter atteinte à la neutralité des réseaux, il ne veut y toucher que de loin avec des pincettes. Ridicule.

Du coup, remettre tout ça proprement à plat, avec des conditions claires d'attribution des compétences, et des conditions lisibles sur les obligations qui accompagnent l'attribution des fréquences, ce n'est pas idiot.

On peut profiter de l'occasion pour asseoir (ou pas) de manière lisible un financement du cinéma sur l'attribution d'une fréquence de diffusion télé. On peut en profiter pour rappeler au CSA qu'il n'est pas légitime de vouloir contrôler le contenu diffusé sur un réseau où il n'y a pas de ressource rare (si je veux faire une WebTV qui diffuse Thierry la Fronde en boucle, c'est mon bon droit, le CSA n'a pas à m'en empêcher).

Ainsi, il ne peut y avoir que quelques dizaines de chaînes en diffusion TNT. Donc pour choisir ces quelques très rares chaînes, il est légitime qu'elles aient un cahier des charges contraint, et qu'on fixe des règles sur ce qu'elles ont le droit de diffuser. Par contre, à partir du moment où on diffuse sans cette contrainte de canal, par exemple sur le Net, alors la puissance publique n'a aucune légitimité à contrôler a priori ce qui est diffusé (il reste alors la régulation a posteriori, pour condamner par exemple la diffusion de fausses nouvelles, la diffamation, l'injure, etc, bref, la loi de 1881 sur la liberté de la presse).

De même, on peut tout à fait imaginer que les entreprises qui diffusent des programmes audio-visuels soient soumises à un impôt servant à financer le cinéma, soit en versant directement les sommes au CNC, soit en produisant des films, soit en payant un impôt. On pourrait même imaginer que le même impôt puisse s'appliquer aux entreprises qui diffusent des contenus à la demande (et hop, la fameuse taxe google, enfin, youtube, en l'occurence). Il restera à en définir l'assiette et le montant, mais on reviendra à une situation saine: la définition de cet impôt retournera du côté du fisc, et quittera une autorité politique de censure des contenus (le CSA).

Cette approche revient à charcuter le CSA, pour le remettre proprement à sa place, la régulation des chaînes diffusées en hertzien. A lui couper toute velléité de réguler la libre expression des citoyens. A lui couper toute velléité de filtrage généralisé et de censure. L'ensemble ayant comme effet de rationaliser la gestion technique[3].

Mais voilà, il n'y a aucune chance qu'on se dirige vers cette solution logique.

Les risques et les antécédents

Si nos politiques avaient eu, de droite comme de gauche, une tendance farouche et répétée à faire des choix rationnels, et protecteurs des libertés, en matière de numérique depuis 15 ans, alors, on serait porté à croire que l'approche évoquée plus haut sera retenue.

Sauf que ça fait 15 ans qu'à droite comme à gauche, quand il y a un doute entre deux solutions sur du numérique, nos gouvernants choisissent toujours la pire, voire en inventent une troisième pire encore que les deux envisagées.

La tentation de donner au CSA (donc au politique, hein) un contrôle, et donc un droit de censure, sur Internet est une tentation ancienne. Le gouvernement Jospin avait essayé, en imposant de devoir déclarer tout site web auprès du CSA (amusant, non?). La dernière tentative en date est un amendement déposé par Frédéric Lefebvre (donc de droite, faut suivre) sur une loi audiovisuelle il y a peu de temps (sous l'ancienne majorité, amendement repoussé).

De la même manière, l'ARCEP n'a pas bonne presse dans les ministères. C'est une autorité indépendante, qui fait un boulot technique, et qui applique des règles techniques, plutôt que de se plier aux désirs de ses ministres de tutelle. Le gouvernement précédent n'a soutenu que sous la contrainte le choix d'imposer un 4e opérateur mobile. Il a d'ailleurs voulu se venger en imposant un "commissaire du gouvernement" au sein de l'ARCEP (là aussi, repoussé de justesse). Le gouvernement actuel part sensiblement dans la même optique (relire les déclarations agressives de Montebourg, par exemple).

Il y a donc une piste idiote, dangereuse, mettant à mal les libertés publiques, à commencer par la liberté d'expression, qui consiste à fusionner les deux, et à donner au fruit de la fusion un droit de contrôle, et donc de censure, sur tous les contenus qui circulent sur les réseaux comme dans la télé, avec un contrôle bien plus fort de la nouvelle autorité par le pouvoir politique. Bref, une sorte de rétablissement du ministère de l'information qui n'ose pas dire son nom.

Tout dans le passé politique français indique que cette idée de fusionner les deux autorités va déboucher sur cette solution affreusement mauvaise. Il n'y a pas le moindre élément factuel qui laisse penser que la bonne solution puisse être retenue.

La probabilité que ce dossier explose est donc élevée. Ça pourrait bien se passer, mais tout le contexte indique bien que cette danse qui aurait pu être calme va être agitée. Le gouvernement semble bien parti pour avoir choisi le pogo plutôt que la valse, alors que le terrain alentour est miné depuis des années.

Mais cependant une bonne solution existe. Ce dossier demande donc de la vigilance.

Que faire ?

Depuis plus de 15 ans, on voit nos politiques avancer avec leurs gros sabots. On arrive à prédire avec pas mal de finesse la prochaine bêtise qu'ils vont faire sur les sujets autour d'Internet et du numérique.

Donc tout laisse à penser que la bêtise qu'on voit venir va avoir lieu.

Depuis 15 ans, on arrive à contrer la majeure partie de ces bêtises, ou à en atténuer la portée, par une opposition forte une fois que les textes sont sur la table, et qu'ils sont tellement idiots qu'il est trop tard pour améliorer quoi que ce soit[4].

On peut continuer comme ça. Mais ça nous ferait des vacances que dans le changement qui est supposément maintenant on arrive à ce que le texte soit plutôt intelligent, et que nous n'ayons que quelques améliorations à proposer lors du débat parlementaire.

Bon. Je sais. Mais j'assume complètement mon côté bisounours, hein.

Notes

[1] Il y a aussi la gestion d'autres ressources, comme l'attribution des plages de numéros de téléphone, par exemple.

[2] Oui, de la radio aussi, mais ce n'est qu'une forme de télé sans image, finalement.

[3] Le choix stupide du MPEG1 pour la TNT, par exemple, qui limite artificiellement le nombre de chaînes diffusables sur la TNT. Une autorité technique, moins soumise au pouvoir des lobbies audio-visuels soucieux de garder leur précieux pré-carré, aurait choisi le MPEG4 pour pouvoir diffuser 2 à 3 fois plus de chaînes, en ne gaspillant pas une ressource rare.

[4] Le cas HADOPI fut pathologique, mais pas isolé du tout. La question du statut des intermédiaires techniques, lors de l'affaire Estelle Hallyday contre Altern, avait été gratinée aussi, par exemple.

Le RIPE souhaite empêcher le déploiement d'IP v6

jeudi 2 août 2012 à 10:21

Le titre est un peu accrocheur, mais le billet montrera que c'est la seule conclusion raisonnable à laquelle on arrive. Depuis quelques mois déjà, les FAI membres de la Fédération FDN rencontrent un problème récurrent: il est assez facile d'obtenir des adresses IP v4, mais pratiquement impossible d'obtenir des adresses IP v6 auprès du RIPE NCC. Petite explication de cet état de fait parfaitement absurde...

Ce que c'est qu'une adresse IP

Dans les temps anciens, on utilisait IPv4. Une adresse de réseau correspondant à la version 4 du protocole IP était un nombre entier exprimé sur 32 bits, donc compris entre 0 et 2^32-1 (donc entre 0 et 4294967295). Comme c'est assez illisible sous cette forme-là, on l'écrivait en séparant 4 blocs de 8 bits (comme on écrit les numéros de téléphone en séparant des blocs de 2 ou 3 digits pour faire joli). Donc, une adresse IP v4 c'est un entier compris entre 0.0.0.0 et 255.255.255.255.

Quand on raccorde un ordinateur à la version 4 d'Internet, on lui donne une adresse, par exemple 80.67.176.0.

Dans la version plus moderne, une adresse IP v6, donc dans la version 6 du protocole[1], une adresse IP est un nombre entier sur 128 bits, donc 4 fois plus long, soit entre 0 et 340282366920938463463374607431768211455[2]. Qu'on aurait pu écrire entre 0.0.0.0.0.0.0.0.0.0.0.0.0.0.0 et 255.255.255.255.255.255.255.255.255.255.255.255.255.255.255.255, mais ça faisait quand même bigrement long. Alors on a décidé de les écrire en hexadécimal, et en regroupant par blocs de 16 bits.

Donc une adresse IP v6, c'est un entier compris entre 0:0:0:0:0:0:0:0 et ffff:ffff:ffff:ffff:ffff:ffff:ffff:ffff.

Après mûre réflexion, de grands penseurs ont trouvé qu'il serait plus intéressant de distribuer plusieurs adresses, tout un bloc, à chaque abonné, puisqu'on tend à avoir plusieurs ordinateurs à la maison[3]. On a longuement ergoté sur la taille du bloc à donner à chacun. Soit un bloc de petite taille (quelques milliers d'adresses), soit un bloc de grande taille laissant 64 bits comme adresse de réseau et 64 bits comme adresse locale dans la maison[4], soit un bloc de très grande taille laissant 80 bits pour l'adresse locale et 48 bits pour l'adresse sur le réseau[5].

La bonne pratique affichée, et promue par le RIPE NCC (l'organisme en charge de distribuer les adresses IPs aux opérateurs), est donc de donner au strict minimum un /64 aux utilisateurs finals (laissant 64 bits pour l'adressage local), et idéalement un /48 (donc 80 en adressage local).

La bonne pratique est donc de ne jamais distribuer une seule adresse IP v6, mais d'en distribuer tout un réseau à chaque abonné.

Comment sont distribuées les adresses

L'ensemble des adresses possibles sur Internet sont distribuées par paquet par 5 organismes régionaux (eux-même "approvisionnés" par un organisme central, l'IANA). Chaque organisme régional est en charge d'une région du monde: ARIN pour l'Amérique du Nord, APINC pour l'Asie-Pacifique, RIPE pour l'Europe, etc. Ce sont les RIR, les Regional Internet Registries.

Ensuite, les RIR distribuent ces adresses à des structures qui y sont rattachées, des LIR, des Local Internet Registries. Pour ce qui concerne l'Europe, un LIR, c'est n'importe quoi, entreprise, association, pourquoi pas un particulier, qui demande à adhérer au RIPE NCC, qui paye sa cotisation, et qui respecte les procédures administratives tatillonnes.

Ensuite, soit un LIR réserve des adresses pour son usage propre (par exemple, Orange demande un gros paquet d'adresses pour ses serveurs et pour ses abonnés), soit il réserve des adresses pour ses clients (par exemple, Orange peut réserver tout un bloc d'adresses spécifiquement pour un client donné, genre une chaîne de télé qui fait héberger ses serveurs web). Quand un LIR réserve une plage d'adresse pour un client, soit il tape dans son stock propre, et informe le RIPE. Ça donne un message du genre Alors, pour le client XXX, qui a besoin de 256 adresses, je lui ai filé telles adresses prises dans mon stock.. Et dans ce cas là, le client ne pourra plus changer de fournisseur (c'est cool, ça). En effet, s'il veut changer de fournisseur, il devra rendre les adresses, en demander de nouvelles, et changer les adresses de toutes ses machines.

Soit, et c'est un cas relativement classique, le client demande à avoir un bloc d'adresses bien à lui, et pas pris au milieu des adresses de son fournisseur, on appelle ça un bloc d'adresses PI, PI pour Provider Independant, indépendant du fournisseur. C'est une démarche relativement classique, tous les LIR connaissent la procédure pour demander un bloc PI.

Pour éviter de fragmenter le réseau, le RIPE a décidé qu'un bloc PI ne pouvait pas être sous-attribué. Ainsi, quand Gitoyen (qui est le LIR de FDN) demande un bloc PI pour FDN (par exemple pour router la future offre de VPNs, mettons), alors FDN n'a pas le droit de prendre 16 adresses dans ce bloc et de les attribuer à un abonné donné. Par contre, on a tout à fait le droit de distribuer ces adresses, une par une, aux utilisateurs finaux.

La règle est donc: dans un bloc PI, on ne peut pas distribuer un sous-réseau à un utilisateur final.

Bilan des courses

Vous le voyez venir gros comme un camion. Cette règle date du temps de v4. En v4, il ne fallait utiliser un bloc PI que pour ses besoins propres (pour les adresses de nos machines), ou en distribuant les adresses une par une à nos abonnés.

Mais la belle règle prévue pour v4 est appliquée pour v6. Donc, dans un bloc PI en v6, il est interdit de distribuer des sous-réseaux. Or pour raccorder un abonné en IP v6, il est fortement préconisé de lui attribuer tout un réseau.

Ergo, il est interdit de raccorder des abonnés en IPv6 avec des blocs PI.

La solution ?

Oh, la solution est connue. Il suffit de prendre des blocs qui ne sont pas PI, et donc de définitivement surbordonner le FAI associatif qui fait sa demande d'un bloc d'adresses à son LIR, comme FDN l'a décidé en utlisant des adresses de Gitoyen[6]. Il suffit de faire comme ça, et on peut faire fonctionner de l'IPv6.

Mais on arrive à ce résultat ahurissant que pour rester indépendant de son fournisseur, la seule bonne solution, c'est de ne pas passer à IP v6. Et ce pour une raison uniquement administrative et profondément débile liée au respect stupide que le RIPE a de ses sacro-saintes procédures. Techniquement? Ça ne change rien, notre FAI associatif aura bien un bloc d'adresses pour lui, qu'il pourra router comme bon lui semble[7].

La seule dépendance est administrative. Le RIPE force le FAI-client à rester chez le même LIR quoi qu'il arrive. Et ce choix ajoute une difficulté administrative stupide au déploiement, déjà pas bien en avance, de l'IPv6.

Etonnant, non ? On voudrait le freiner un peu plus qu'on ne s'y prendrait pas autrement.

Notes

[1] Il ne faut pas demander ce qu'est devenu la version 5, personne ne sait vraiment.

[2] Oui, ça fout la trouille, vu comme ça...

[3] 3 smartphones, des tablettes, quelques portables, un PC dans le bureau, l'ordinateur de la chaudière, sans parler de la machine à laver ou du frigo.

[4] Il se trouve que le "numéro de série", ou adresse MAC, des cartes réseaux est sur 64 bits, donc c'est assez pratique, on colle directement le numéro de série de la carte sans réfléchir et tout marche.

[5] Ca laisse donc les 64 bits pour mettre le numéro de série de la carte réseau, et 16 bits pour ranger son réseau comme on a envie, le meilleur des deux solutions; mais ça réduit considérablement la place disponible pour le réseau global. Enfin, réduit... Il reste 65.536 fois plus grand que le réseau dans sa version 4, pas de quoi pleurer.

[6] FDN à fait ce choix, parce que Gitoyen est une association dans laquelle FDN est largement impliquée, et que donc la "dépendence" est finalement assez virtuelle.

[7] La préconisation du RIPE, pour respecter sa procédure idiote, est dans ce cas de figure d'attribuer un réseau pris dans le bloc PA du LIR, et de désagréger le bloc PA pour que le client-FAI puisse annoncer sa plage d'IP sur son AS à lui. Donc, le nombre de routes annoncées sur Internet reste strictement le même.

FDNN accepte de porter les appels au don de WikiLeaks

jeudi 19 juillet 2012 à 09:00

WikiLeaks a contacté le Fonds de Défense de la Neutralité du Net (FDNN) au mois de mai pour savoir si nous accepterions de porter leur prochaine campagne d'appel aux dons. Le risque nous a semblé élevé pour l'association, mais son conseil de gouvernance a voté à l'unanimité l'acceptation du projet. Après un peu de réglages et de mise au point, c'est en place. Vous pouvez donc faire des dons à WikiLeaks via l'URL de don de FDNN

Le contexte

Tout le monde connait WikiLeaks. Presque tout le monde sait que pendant l'affaire dite du "Cablegate", plusieurs grandes institutions financières américaines (VISA, MasterCard, PayPal, etc) ont tout fait pour leur couper les vivres. Les gens qui suivent un peu l'affaire savent que tout ça est toujours bloqué, sans aucune forme de procédure légale, sans décision de justice. Les banquiers américains ont décidé de qui avait le droit de s'exprimer sur Internet.

Du côté de FDNN, les choses sont assez différentes. Légalement, déjà, parce que nous n'avons pas de contrat avec VISA ou MasterCard, mais avec notre banque, et au travers d'elle avec le GIE Carte Bancaire.

Le projet cadre avec nos statuts

Le Fonds de Défense de la Neutralité du Net a pour but d'aider à porter le financement de projets qui défendent la neutralité du net, et plus largement la liberté d'expression sur Internet. L'analyse de la demande de WikiLeaks pour savoir si ça cadrait avec nos statuts a donc été rapide, pas de doute là-dessus. Restait alors à soumettre le projet au conseil de gouvernance de l'association. Il en est ressorti un vote unanime: projet accepté.

Ensuite, la question était plus politique. En affichant un soutien à WikiLeaks, même si ça ne veut pas dire une caution morale de 100% de leurs actions, on prend le risque de se faire mal voir. Par exemple des politiques (rappelons qu'un ancien ministre de l'industrie se demandait comment fermer le site sans passer par un juge), par exemple du monde de la finance (WikiLeaks est en guerre ouverte contre VISA ou MasterCard). C'était surtout prendre le risque d'une riposte de la part des géants de la carte de crédit. Si FDNN se retrouve bloqué comme l'est WikiLeaks, alors on prend le risque de bloquer tous les projets que nous soutenons. On a consulté ceux pour qui c'était critique. Pas d'objection.

Conclusion provisoire

Ce que nous faisons pour WikiLeaks est assez simple : ils sont sous le coup d'un embargo décidé par des entreprises quasi-monopolistiques à l'échelle mondiale en dehors de toute forme de procès équitable. C'est décider à la place des citoyens du monde s'ils peuvent ou pas soutenir une initiative, qui n'ayant pas été condamnée est de fait légale.

Nous ne disons pas que WikiLeaks c'est le bien, ni que tout ce qu'ils font est merveilleux, nous disons simplement qu'ils ont le droit de le faire, que ça cadre avec nos objectifs (défendre un réseau ouvert et la liberté d'expression), et qu'on va vite savoir si la France, contrairement aux USA, est encore un État de droit.

Pré-rapport ARCEP sur la neutralité

jeudi 21 juin 2012 à 23:24

La Fédération FDN vient de rendre public son avis sur le projet de rapport au Parlement et au Gouvernement sur la neutralité de l'Internet.

L'analyse de marché

Le point essentiel, pour comprendre le rapport proposé par l'ARCEP est de bien comprendre les hypothèses, qui ne sont pas toujours assez clairement affichées et sont parfois habillées comme des conclusions.

Les textes européens qui créent les régulateurs nationaux du marché des télécoms, et donc leurs transpositions en droit local, et donc les textes français qui définissent ce qu'est l'ARCEP, ses moyens, ses outils et ses buts sont clairs sur ce sujet. L'ARCEP a, pour traiter tous les problèmes qui relèvent de ses compétences, comme seul outil d'analyse et comme seule arme d'intervention le marché et la concurrence.

Ainsi les textes précisent régulièrement des choses de l'ordre de le régulateur garantira XXX en s'assurant que la concurrence est libre et que le marché est ouvert. Donc, de facto, l'ARCEP n'a pas le droit de réfléchir à quoi que ce soit d'autre. Manger les petits enfants ne pose pas de problème de marché (pas encore de pénurie d'enfants, les opérateurs en ont tous suffisament à manger, tout va bien) donc si le cas se produit, l'ARCEP s'en fiche.

Mais régulièrement, l'ARCEP présente dans ce projet de rapport ce pré-supposé comme une conclusion. C'est une erreur de logique très grave que de confondre l'hypothèse et la conclusion. Mais c'est une erreur humaine classique, que tous les matheux connaissent. C'est selon nous la principale correction qu'il faut apporter à ce rapport, qu'il ne prétende pas démontrer que le marché règle les problèmes de neutralité, mais qu'il indique bien au contraire qu'il suppose que le marché règle les problèmes, et que donc de fait, il n'analyse pas les problèmes que le marché est incapable de traiter (le bon vieux principe qui veut que tout problème a une solution et que donc s'il n'y a pas de solution, c'est qu'il n'y a pas de problème).

La qualité du travail de l'ARCEP

La méthode de l'ARCEP pour traiter le sujet de la neutralité du réseau est un modèle de technique européenne. D'abord, découper le problème en tranches fines. Ensuite, mettre au travail tout un groupe sur chacune des tranches du problème.

Pour chaque groupe, étudier longuement chacune des facettes de la tranche qui le concerne, en évitant de regarder ce que font les groupes d'à côté pour ne pas se disperser. Pour ce faire, procéder par auditions des acteurs concernés, par consultations publiques, par publication de rapports intermédiaires, par analyse de marché, etc. Une fois que chaque bribe de rapport sur chaque facette est convenablement admis, consolider le tout en un rapport et quelques propositions sur cette tranche-là de la question.

Ensuite consolider le tout en un rapport touffu mais complet, qui reprenne les conclusions de tout ça, et qui indique les points où l'ARCEP est certaine d'être incapable de régler les problèmes faute de textes législatifs adaptés.

C'est ce que tend à être ce rapport : il n'est pas encore complet, il y manque encore 2-3 tranches de neutralité et probablement 5-6 facettes à analyser encore. Mais c'est un rapport d'étape dans ce processus.

En tout, deux ans de travaux, des montagnes de consultations, probablement des milliers d'heures de travail, d'auditions, de réunions, etc.

Le grand avantage de la méthode, c'est que tout le monde a été invité à participer à chaque bribe de chaque élément, que chaque point est considéré comme étayé parce qu'il ressort d'un autre rapport. Et que du coup, après deux ans de travail, l'ARCEP dit... ce que tout le monde savait déjà sur la neutralité. Mais que tous les opérateurs niaient en bloc. Ces conclusions sont, grâce à cette méthode, devenues bien plus délicates à nier, elles sont maintenant appuyées sur une montagne d'études.

Le grand inconvénient, c'est qu'il est très difficile, pour des acteurs comme les membres de la Fédération FDN, de suivre tous ces débats. Il y en a trop. Trop de textes, trop longs, trop de réunions, trop longues, pour qu'une participation bénévole des membres de FDN ou de la Fédération FDN soit possible facilement. Du coup, il y a bon nombre d'approximations que nous avons laissées passer dans telle ou telle consultation publique, simplement parce qu'il ne nous était pas possible de répondre en temps et en heure.

Les points clefs

Question des libertés

L'ARCEP indique clairement que c'est une question centrale du débat sur la neutralité, mais qu'elle n'a pas les compétences pour traiter le sujet, et qu'il relève donc de la législation, et pas de la régulation. Précisément la position de FDN ou de la Quadrature sur le sujet, niée par l'Europe: nous avons besoin d'une loi qui définisse et garantisse la neutralité des réseaux pour protéger nos libertés fondamentales.

Croissance et saturation

L'ARCEP établit que le rythme de croissance d'usage des réseaux, aussi élevé qu'il soit en ce moment, correspond à une croissance très faible des charges et investissements pour les opérateurs. Page 20 du rapport Une consommation multipliée par trois n'induit ainsi qu'une augmentation de 2 à 3% des coûts réseaux de fourniture de l'accès à Internet. C'est-à-dire bien moins que l'inflation sur la même période. Bref, rien. Voire un coût négatif, puisqu'il est inférieur à l'inflation...

L'argument des grands opérateurs selon lequel ils ont besoin de tuer la neutralité pour vendre le réseau à la découpe pour assurer les investissements dans le réseau et empêcher qu'il sature et s'effondre est donc un mensonge éhonté. Précisément la position que FDN défend depuis des années, mais devenue difficilement contestable.

Mesure de qualité de service

L'ARCEP, qui souhaite mettre en place des mesures de qualité de service sur l'accès à Internet, comme le lui demandent les textes européens et leur transposition en droit français, retient l'idée que ces mesures ne doivent pas être faites par les opérateurs, et en tire la conclusion logique : il faut que l'ARCEP ait les moyens financiers de réaliser ces mesures.

On ne peut qu'abonder en ce sens. Ce point faisait partie de ceux soulignés comme posant problème dans la transposition du paquet télécom : il n'est pas acceptable que les mesures de qualité servant de base à la régulation soient effectuées par les opérateurs eux-mêmes.

Ce qui manque encore

Certains points manquent encore dans les positions de l'ARCEP sur ce dossier.

Filtrage sous contrôle de l'utilisateur final

Cet élément clef d'analyse manque. Quand un opérateur met en place une mesure de filtrage (par exemple contre le spam), elle /doit/ être sous contrôle de l'utilisateur final, et donc, ne pas être réalisée en cœur de réseau mais en périphérie, typiquement sur la box. Ce point ne fait pas partie des critères retenus par l'ARCEP pour différencier les mesures de gestions de trafic légitimes de celles qui ne le sont pas.

Il manque.

Offre commerciale

La priorisation en cas de saturation, ou de manière générale les mesures de gestion de trafic visant à assurer le bon fonctionnement du réseau (qui sont celles admises par tout le monde comme acceptables) ne peuvent pas faire l'objet d'une offre commerciale.

L'analyse présentée par les opérateurs est que ces offres permettent de payer l'investissement pour dé-saturer. Or la réalité est que ces offres rendent la saturation rentable et profitable, et sont donc une incitation à ne pas investir.

L'ARCEP ne prend pas ce critère en compte dans ses analyses, et c'est sans doute une erreur.

Besoin d'un acteur économique

L'ARCEP identifie un certain nombre de sujets sur lesquels elle souhaite procéder par "jurisprudence", repoussant l'analyse détaillée du sujet à la première opportunité de traiter le sujet lors d'un contentieux. Cette approche peut sembler raisonnable : finalement, si personne ne s'en plaint, quelle urgence à se lancer dans des travaux titanesques sur un sujet donné ?

Mais cette approche néglige le fait que les procédures devant l'ARCEP sont complexes, demandent du temps, du budget, et ne sont pas ouvertes à tout le monde. Ainsi, l'ARCEP ne peut être saisie que de conflits entre opérateurs ou entre fournisseurs de services et opérateurs. Un simple particulier lésé ne peut pas lancer de procédure contre un opérateur. De plus, il n'existe rien qui ressemble de près ou de loin à une assistance judiciaire garantissant à chacun un égal accès à l'arbitrage de l'ARCEP. Une structure avec de petits moyens financiers (au hasard, FDN) est forcément en position plus délicate pour lancer une procédure qu'une structure armée d'un service juridique et ayant ses entrées partout.

C'est là une critique d'ordre général des méthodes de l'ARCEP, qui n'est pas liée à son traitement de ce dossier particulier : l'autorité néglige la disparité des structures et de leurs tailles dans ses travaux. Ainsi, les modèles économiques pris en compte dans ses analyses de marché laissent quasi-systématiquement de côté les TPE, associations, et ne s'intéressent qu'à des opérateurs d'une certaine ampleur.

FDN a 20 ans

samedi 2 juin 2012 à 19:05

Le 2 juin 1992, une poignée de gens (on les appellera « geeks » plus tard) officialisait un montage entre potes et déclarait en préfecture la création d'une association loi 1901, « French Data Network ».

Partis de pas grand chose, deux machines NeXT dans un salon, qui appelaient par téléphone aux USA pour rapatrier les articles des newsgroups, puis une pile de modems RTC dans la chambre de bonne d'un autre adhérent.

Avec toujours en tête une seule idée, fournir de l'Internet, pour et par ses adhérents. Fournir les services dont les gens avaient envie et besoin, pas ceux qui pouvaient « faire vendre » et sembler alléchants au détour d'une pub dans la rue. A l'époque, les « providers » (on n'utilisait pas encore le terme de « FAI ») étaient loin d'être des entités avec pignon sur rue et la norme était la petite structure, le marketing loin des préoccupations premières et la forme associative n'était pas vue étrangement. A l'époque, des « providers », il y en avait 5, FDN est même devenu un gros, atteignant la somme, vertigineuse, de près de 250 abonnés.

On faisait du net propre, on ne s'en est pas rendu compte au début, tellement c'était l'évidence même, mais au bout de quelques années, après l'arrivée des petit jeunes commerciaux qui ont maintenant englouti le marché, il a fallu se rendre à l'évidence, fournir du réseau propre, n'allait plus de soi. Alors fournir un accès non filtré, avec une adresse IP publique fixe, n'a plus été qu'un choix technique mais presque politique.

Avec le temps la bande de geeks s'est même demandé, en plus de comment marchait Internet, à quoi ça pourrait servir, et en quoi il convenait de vouloir le garder propre, cet Internet encore mal cerné. Les geeks ont vieilli et se sont mis à réfléchir et à acquérir une conscience politique et citoyenne. En fait les geeks ont évolué, en même temps que le réseau qu'ils construisaient et promouvaient.

20 ans après, l'asso a bien changé : de la pile de modems dans la chambre de bonne et des stations NeXTstep dans le salon de Christian Paulus, le président d'alors, nous sommes passés à une infrastructure plus musclée ; de l'abonnement RTC bas débit où l'on payait (cher !) à la minute d'appel téléphonique, nous sommes passés à l'ADSL et d'autres moyens de fournir du réseau nous attendent demain.

Ca n'a pas toujours été une affaire gagnée, cette asso...on s'est fait virer de Renater, et plus tard les adhérents de l'époque sont venus rechercher « le matériel de l'association, y compris les routeurs sur le trottoir devant les locaux de France Telecom ».

Nous avons même accusé un autre coup dur quand SFR, par le jeu des rachats/fusions, après avoir absorbé Cegetel, notre grossiste ADSL, a résilié notre contrat de collecte. Comprenez bien : aller expliquer partout où l'on pouvait que les diverses lois prétendument anti-piratage n'étaient que du flan prétexte à du flicage, ça ne pouvait pas plaire à SFR, société de la nébuleuse Vivendi/Universal.

Mais au bout de 20 ans nous sommes toujours vivants, et de tous les FAI en France, nous sommes le plus vieux encore en activité, preuve que les geeks qui s'associent et qui se joignent, et à mesure que le temps avance, même les non-geeks (c'est dire) pour faire du net ensemble, finalement... ... ça fait quelque chose qui marche et qui marche bien même :-)

Allez, joyeux vingtième anniversaire à tous, puisque FDN ça n'a jamais été rien d'autre que _nous tous_ réunis. Et rendez-vous dans 20 ans ;-)