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Les effets des jeux vidéo dépendent des contenus, des contextes et des enfants

lundi 23 janvier 2023 à 09:15

Les jeux vidéo ne transforment pas les enfants en monstres ou en génies. Leurs effets sont limités et dépendent des contenus, des contextes de jeu et des enfants.

Les discussions sur les jeux vidéo et les enfants tournent trop souvent court. D’un côté, certains affirment qu’il faut une régulation stricte des jeux vidéo auxquels les enfants peuvent jouer. Cette régulation peut être le fait des états ou être appliquée par les parents, mais elle a toujours comme objectif de protéger les enfants. D’un autre côté, d’autres personnes allèguent que les jeux vidéo ne sont pas plus problématiques que le média qui les ont précédés. Il est parfois rappelé que la lecture a autrefois provoqué les mêmes débats que les jeux vidéo provoquent aujourd’hui. Les points de vue de ceux qui allèguent qu’il y a un problème massif de santé publique et de ceux qui pensent qu’il s’agit plus d’un problème de panique morale qu’autre chose semble irrémédiablement inconciliables.

Les deux points de vue donnent une vision limitée du problème. Il est faux de dire que les jeux vidéo ont un effet uniforme sur tous les enfants. Les jeux vidéo sont différents dans leur nature tout comme les enfants peuvent réagir différemment au même jeu vidéo. D’un autre côté, les jeux vidéo apportent des contenus et des idéologies qu’il faut prendre en compte pour comprendre leurs effets sur les enfants.  Les longues plongées méditatives d’Abzu sont très différentes du climat urbain et violent de GTA V. Il est donc important de prendre en compte les contenus des jeux vidéo. Mais tenir compte uniquement des contenus n’est pas suffisant.

Lorsque l’on tente de comprendre les effets des jeux vidéo sur les enfants, il est important de prendre en compte les trois éléments suivants que sont le contenu, le contexte et l’enfant. Le contenu correspond au type de jeu vidéo. Certains jeux vidéo sont violents, d’autres le sont mois ou pas du tout. Le type de violence est aussi à prendre en considération. La violence peut être gratuite, mais elle peut aussi être au service d’un très grand idéal. La scène où Ulysse massacre les prétendants de sa femme est violente, ou le tableau de l’enlèvement des Sabines de Nicolas Poussin sont des scènes violentes, pourtant il ne vient à l’idée de personne de les soustraire à la curiosité des enfants. De la même façon, les combats de Kratos dans God of War sont violents, mais ils s’enracinent dans la même veine mythologique. À l’opposé, la violence colonisatrice de  Civilization V est rarement contestée. Ces exemples montrent à quel point il est importante de contextualiser la violence des jeux vidéo pour comprendre leurs effets sur les enfants. 

Avec le contenu, il faut prendre en compte le contexte. Jouer seul n’est pas la même expérience que jouer avec des amis à la maison ou avec des inconnus sur Internet. De la même manière, il arrive que les enfants jouent parce qu’ils n’ont rien de mieux à faire. Ils jouent pour tromper l’ennui, ou parce qu’ils ne peuvent pas rejoindre leurs amis en dehors de la maison. L’enfant peut aussi manquer de partenaire de jeu à la maison. Il vit ses parents et ses frères et sœurs comme indisponibles, ce qui l’amène à trouver dans les jeux vidéo un compagnon idéal. 

Enfin, chaque enfant est bien évidement unique. Les enfants développent des gouts et des intérêts qui leur sont propres. Ces gouts et intérêts peuvent être en lien avec ceux de la famille, mais il arrive aussi que des enfants se tournent vers des objets qui sont inconnus ou méconnus de la famille. Les parties de jeu vidéo peuvent avoir des effets positifs comme le renforcement de l’image de soi ou en accroissant le bien-être mais ils peuvent aussi provoquer frustration, colère et désarroi

Les questions utiles pour prendre en compte les interactions entre le contenu des jeux vidéo, le contexte de jeu et l’enfant sont résumées dans le tableau suivant.

En fonction des réponses, il est possible que vous preniez conscience que vous avez besoin de prêter davantage attention à l’expérience que votre enfant vit avec les jeux vidéo. La répétition d’expériences négatives avec les jeux vidéo est problématiques non pas à cause des jeux vidéo, mais parce qu’elle indique que l’enfant ne sait pas répondre d’une manière adaptée aux problèmes qu’il rencontre avec les jeux vidéo. Il est fort probable qu’il réponde d’une manière inadaptée à tous les problèmes du même type. Mais il est aussi possible que cela vous aide à comprendre à quel point les jeux vidéo sont des points d’appui du développement social, cognitif et émotionnel de votre enfant. Faire des jeux vidéo un sujet de discussion banal permet de comprendre comment un enfant réagit aux challenges des jeux vidéo. Ces conversations ouvrent aussi une fenêtre sur les interactions entre votre enfant et les autres joueurs. Elles permettent de comprendre ou votre enfant se situe dans son cercle d’ami, et comment il ou elle gère les contraintes de la vie sociale. De mon point de vue, la bonne réponse n’est pas plus ou moins de jeu vidéo, mais de construire avec l’enfant le cadre qui lui permettra d’en tirer le meilleur. Cela demande du temps, de la patience, de l’implication, mais cela est somme toute pas grand-chose face aux grandes promesses que nous nous faisons à la naissance de nos enfants.