PROJET AUTOBLOG


PsyEtGeek

source: PsyEtGeek

⇐ retour index

Avez-vous lu ? Minotte 2015 Devoreurs d’écran

samedi 13 avril 2019 à 09:09
Pascal Minotte Dévoreur d’écrans

Avec Dévoreurs d’écrans, Pascal Minotte livre un panorama des pratiques numériques des jeunes.

Les “nouveaux média” sont différents de ceux qui les ont précédé pas parce qu’ils sont nouvau mais parce qu’ils permettent à chacun de produire et diffuser des contenus Ils sont particulièrement investis par les jeunes ce qui suscite chez les adultes des interrogations voire des inquiètudes.


Pascal Minotte ne minore pas les problèmes rencontrés avec le numérique mais les met utilement en contexte en rappellant qu’un comportement peut avoir plusieurs clés de lecture. Les nouvelles technologiques sont alors à comprendre comme un terrain d’expression de difficultés qui ne sont pas neuves.

Après une préface de Guy Birenbaum, le livre est organisé en quatre parties. La première dresse un panorama des usages numériques et de leur sens. La seconde propose une mise à jour du vivre ensembl. La troisième traite du surinvestissement des espaces numériques. Enfin, la quatrième partie traite des images choquante que l’on peut trouver sur Internet. Chaque partie est rédigé dans un français clair et sans jargon psychologique. Le livre se clôt sur un glossaire qui définit les quelques mots techniques qui peuvent être utiliser (par exemple : blog) et propose des pistes de lecture.

Une des particularités de l’internet, remarque Pascal Minotte,  est de mettre dans l’espace public conversations qui habituellement sont privées. Cela est généralement interprété comme le signe d’un narcissisme exacerbé, mais pour Pascal Minotte, cette “extimisation” a d’autres fonctions. Elle vise à garder le contact avec les amis et les proches, permet de parler de soi, contribue à l’élargissement du réseau relationnel, permet d’explorer, de tester, de se défouler et même de faire preuve d’empathie. Ces différents sens se retrouvent dans les pratiques adultes mais ils sont particulièrement important pour les adolescents qui sont a un moment de développement particulier. En effet, l’adolescent est face à une tâche qui peut être complexe : il doit construire son identité, se séparer de sa famille sans déchirement ni rupture et établir des liens nouveaux – notamment amoureux et sexuels – avec ses parents. Dans ce contexte développemental particulier, les espaces numériques sont à comprendre comme des espaces d’expression de soi qui doivent être compris en fonction des audiences invisibles auxquelles l’adolescent s’adresse. Pascal Minotte donne comme exemple le fait qu’un selfie fait à Auswitch peut être compris comme irrespectueux, alors qu’il est pour l’adolescente un hommage à son père décédé une année plus tôt.

La seconde partie est consacrée à la nécessaire mise à jour du vivre ensemble qu’impose le numérique aux familles Quel conseil donner aux parents ? Comment les aider à aider leurs enfants et leurs adolescents qui passent beaucoup de temps avec les écrans et qui peuvent être confrontés à des images violentes. La réponse de Pascal Minotte est a la fois de bon sens et appuyée sur les dernières recherches sur le sujet. Il insiste sur le fait que les conduites des enfants sont calquées sur celles de leurs parents. Autrement dit, pour changer les pratiques numériques des enfants, les parents doivent réfléchir à leurs propres usages numériques. Finalement, c’est la médiation active des usages numériques – c’est à dire un intéret proactif et un accompagement de ce qui intéresse l’enfant sur le réseau et ce qu’il y a trouvé – qui a une véritable valeur éducative. Pascal Minotte traite ici des questions qui intéresseront directement les parents : combien de temps laisser les enfants avec les écrans ? Quand commencer à surfer sur Internet ? Sur les réseaux sociaux ? Les traces laissées par chacun sur Internet sont elles problématiques ? Que faire en cas de cyberharcèlement ?

Avec le surinvetissement des espaces numériques, Pascal Minotte retrouve des questions traitées dans un livre précédant. Il l note d’abord que nous avons, comme société, à “domestiquer” les technologiques numériques. Il réfute la notion de cyberdépendance en mettant en avant que la psychologie a tendance à pathologiser les comportements. Exemples à l’appui, il montre que l’étiquette d’addiction a tendance à évacuer le sens que les utilisateurs donnent à leurs pratiques. Le fait que certains usages excessifs peuvent être problématiques ne fait pas d’eux des addictions. De manière convaincante, Pascal Minotte montre que cette manière de penser est une simplification qui au final porte préjudice aux patients surtout lorsqu’il s’agit d’adolescents. Je le rejoins totalement sur l’idée qu’il est dommage de vider de leur sens des expériences intrinsèquement humaines que sont la passion et les excès. Ceux-ci doivent être apprivoisés par une éducation appropriée plutôt que réduites dans une approche médicale qui en fait des addiction.

En résumé, Pascal Minotte montre que les usages numériques des adolescents sont loin du portrait problématique qu’on en fait généralement dans les média. Ils répondent aux besoins de lien, de représentation et de contenance spécifiques de cette période de développement. Les excès que l’on peut observer sont la plupart du temps passagers. Lorsqu’ils s’installent dans le fonctionnement de l’adolescent, ils ne témoignent pas d’une addiction, mais sont le signe d’un processus psychopathologique qui nécessite une prise en charge spécialisée. Ce livre est à ajouter à la bibliothèque de toutes les personnes qui s’intéressent aux usages numériques des adolescents.