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Toilet Story

lundi 27 novembre 2017 à 14:06

Tiens, eh, coucou, bah comme j’en parle dans le dernier épisode de Mycose The Night , je me suis dit que j’allais republier ce post de 2012. (Bah quoi y’a quoi, on est recyclage ou on est pas recyclage, la startup nation ?) C’est pour ceux qui voulaient savoir comment ça finit. Ah, et aussi, je vous le livre tel quel mais depuis, j’ai essayé d’arrêter certains mots comme « putain », si tu veux savoir pourquoi, va là.  (La meuf arrive à placer deux posts de blogs sans rien glander, cébo)

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08/02/12

Mon mec vient de partir au boulot. Je finis mon café. Je vais aux toilettes, je ferme la porte à clé. Réflexe inutile, réflexe quand même. La serrure reste dans les mains. En un demi quart de huitième de seconde, je comprends. Je hurle « NAAAAANNNNN » au ralenti, comme dans les films. Je ne sais pas pourquoi, mais je le jure, c’était au ralenti. Pas en noir et blanc non plus, faut pas déconner. mais ça aurait été classe. Attends. J’ai le morceau de serrure, peut-être qu’en le remettant dedans je pourrais… nan. Ça tourne dans le vide. Je suis coincée.

J’ai pas mon… non, j’ai pas mon téléphone. Merde, merde, merde. Qu’est ce qui pourrait remplacer le morceau de serrure pour l’ouvrir. J’ai quoi, là. Un spray d’Air Wick, un rouleau de PQ, des BD et les 2 derniers numéros de Capital. SUPER. Pour connaitre les meilleures enseignes à reprendre en franchise, c’est bien, mais pour jouer à Mac Gyver, tu repasseras. Puuuutain. Je réessaie la serrure. C’est mort. Putain. Pu-tain. Réfléchis. Je fais le point. Il bosse toute la journée et va voir le match de foot . Cliché, bonjour. Pas rentré avant minuit. Il est genre 9 heures du matin. Ça fait 15 heures à passer dans les chiottes. Sans danger, mais chiant comme pas permis. J’ai mangé deux pancakes ce matin, ça me laisse quelques heures avant de crever la dalle. Je réalise que je ne sais pas quelle heure il est en fait. Et que plus le temps va passer, moins je saurai. Ne pas savoir, ça m’angoisse. Je pense à découper des petits morceaux de Capital, et à faire deux piles. Toutes les minutes, je mettrais un morceau de coté, pour savoir à peu près l’heure qu’il est. Une pile pour les heures, une pour les minutes. Je pense à Titanic, pas au moment de la trace de main dans la voiture, mais au moment où la maman couche ses enfants en sachant qu’ils vont mourir. Génial. Je suis  en train de chialer, toute seule dans mes chiottes fermés, c’est bon, arrête, y’a des mecs qui crèvent la dalle dans la neige, franchement ton histoire de toilettes, museau. Est-ce que c’est vraiment le bon moment pour que les deux parties de mon cerveau s’engueulent. Serrez-vous les coudes dans l’adversité, les gars, merde. Bon. Je pense à des blagues. Dans ma tête, j’imagine la page 8 février de Wikipedia, et je rajoute « Journée internationale des latrines”. Je pense au logo d’une émission de TV-réalité où les candidats seraient enfermés aux WC.  Oui, dans ma tête, j’ai Photoshop, apparemment. Si je pouvais échanger contre une appli télépathie, là, je prends.

 

En temps normal, j’ai peur des gens. Je ferais tout pour éviter de parler à des gens IRL. Ca inclut rester coincée des chiottes, plutôt que d’essayer de contacter une personne humaine. Mais, 15 heures, 15 putain d”heures ? Alors je hurle. Je hurle un petit peu, d’abord. Qu’est ce que je peux hurler. « EST-CE QU’UN VOISIN M’ENTEND… euh… S’IL VOUS PLAIT ??? » C’est nul. Je crains totalement en hurlement. Je m’assois. Oui, ça me fait sourire, c’est les chiottes, je peux m’asseoir, je peux à peu près faire que ça, mais ça je peux. Je pense à tous les gens enfermés partout dans le monde, retenus en otage, et je rigole, parce que ça va, tes WC c’est pas Kaboul, alors ferme-là, apprends Capital par coeur, compte le nombre de lettre A dans le magazine, je m’en fous, mais ferme là, parce que si tu commences à comparer une connasse coincée dans ses chiottes avec Natascha Kampusch laisse moi te dire que tu mérites une paire de claques historique . Génial. Je suis en train de me menacer moi-même. Je me lève. Je vais hurler, et ne pas m’arrêter. Je cogne la porte. J’ai mal. Une porte, ça ne se défonce pas DU TOUT d’un bon coup de pied comme dans les séries. Elle a même pas une égratignure, la connasse. Ok, je jure d’arrêter d’être vulgaire si j’arrive à sortir. Je fais le maximum de bruit, et je pense aux chanteurs qui veulent chauffer la salle en gueulant « Faites du bruiiiiiiiiit » ce qui est complètement con, parce que ça ne m’aide pas du tout.
Je cogne le mur, la porte, et les tuyaux, je repense à me cours de théâtre, je respire par le ventre, je pose ma voix, je pense à plein de séries américaines, que si quelqu’un m’entend hurler il va peut être avoir peur, alors je dis où je suis et pourquoi je gueule,  je hurle je suis coincée dans l’appartement 36, j’ai cassé la serrure, j’ai besoin qu’un voisin contacte quelqu’un, voilà, en boucle. Je fais un boucan d’enfer, il doit bien y en avoir un en rtt aujourd’hui qui va m’entendre, je suis coincée dans l’appartement 36, n’empêche si on arrête les 35 heures, JE SUIS COINCÉE DANS L’APPARTEMENT 36, les gens ne prendront plus de rtt, JE SUIS COINCÉE DANS L’APPARTEMENT 36, et si les gens ne prennent plus de rtt , JE SUIS COINCÉE DANS L’APPARTEMENT 36, tu pourras compter sur personne pour te sauver, JE SUIS COINCÉE DANS L’APPARTEMENT 36 le fin des 35 heures c’est l’apocalypse pour les boulets dans mon genre JE SUIS COINCÉE DANS L’APPARTEMENT 36. Il y a quelqu’un. Une voisine. Je lui hurle l’adresse email de mon mec, puisqu’évidemment je ne connais aucun numéro par coeur. N COMME NOEMIE… A COMME… EUHH ARISTOCHAT…  Pour les exemples, j’aimerais trouver des mots qui ne laissent pas la place au doute. Mais des mots gentils aussi, des mots qui veulent dire « merci de me sauver ma journée, je suis un boulet je sais, et j’imagine que vous avez sacrément d’autres loutres à fouetter ». C’est dur de mettre tout ça dans un mot, mais Aristochat, c’est pas mal. Je case un Y COMME YAOURT.  Je pense que j’aimerais connaître le morse, et que c’est con, quand même, je l’avais appris quand j’étais petite pour jouer aux agents secrets, ça a du disparaître de ma mémoire au profit de mon code d’accès à mon compte en ligne, mon numéro de sécu, de pôle emploi, de carte bleu, et de quel coté du quai il faut se mettre quand tu prévois de descendre de la 11 à République. Je ne peux pas expliquer tout ça à la voisine en hurlant à travers la porte.
Une heure plus tard, un serrurier me libère. J’ai à peine eu le temps de lire la moitié de Capital. Je suis libre, soulagée, et… malgré tout, une petite partie de moi regrette de ne pas savoir. Savoir ce que j’aurais fait. Comment je me serais occupée. Ce que ça m’aurait apporté. Et surtout, combien de fois il y a la lettre A dans Capital.

Et ouais.