PROJET AUTOBLOG


S.I.Lex

Site original : S.I.Lex

⇐ retour index

La British Library adopte la Public Domain Mark pour ses manuscrits enluminés

samedi 1 décembre 2012 à 16:54

Repéré grâce @K_rho sur Twitter, la Bristish Library a choisi d’utiliser la Public Domain Mark pour la diffusion de ses manuscrits enluminés numérisés.

http://i.creativecommons.org/p/mark/1.0/88x31.png

La Public Domain Mark constitue une signalétique, développée par Creative Commons International, que les institutions culturelles peuvent employer pour certifier qu’une oeuvre appartient bien au domaine public et la diffuser sans rajouter de couches de droits qui restreignent sa réutilisation. C’est une manière de respecter l’intégrité du domaine public en j’en avais parlé dans un précédent billet consacré aux bonnes pratiques en la matière.

Le fait qu’un établissement comme la British Library décide de l’utiliser est important. Jusqu’à présent, l’adoption de la Public Domain Mark est restée relativement confidentielle, même si Européana par exemple recommande son utilisation. Plusieurs établissements patrimoniaux avaient néanmoins ouvert la voie, comme la Bibliothèque nationale de Lettonie, la Bibliothèque nationale de Pologne ou la Bibliothèque de l’Etat de Bavière.

 Historiated initial and partial border with heraldic arms, at the beginning of Franchino Gafori's Theoriae Musicae Tractatus. Domaine public. Source : British Library

Historiated initial and partial border with heraldic arms, at the beginning of Franchino Gafori’s Theoriae Musicae Tractatus. Domaine public. Source : British Library

Le fait que l’une des plus grandes bibliothèques au monde se tourne vers cette solution ne peut que renforcer la Public Domain Mark. La British Library conforte ainsi son engagement en faveur de l’ouverture, puisqu’elle s’était déjà signalée en 2010 en publiant ses données bibliographiques sous licence CC0.

Il faut d’ailleurs noter que pour employer la Public Domain Mark, la British Library a pris sur elle d’assumer une part de risques juridiques, en raison d’une étrangeté de la législation britannique qui fragilise le domaine public, comme expliqué ci-dessous :

La loi de 1988 sur le droit d’auteur, les brevets et les designs indique que les oeuvres littéraires et artistiques qui n’ont pas été publiées demeurent protégées au Royaume-Uni jusqu’au 31 décembre 2039. Dès lors, une partie importante des collections de la bibliothèque demeure sous droits, y compris des manuscrits très anciens. Cependant, s’agissant de documents anonymes inédits créés il y a des siècles et appartenant au domaine public dans la plupart des autres pays, la bibliothèque estime qu’ils peuvent être diffusés sans causer de préjudice à quiconque. En tant qu’institution dont le rôle est de favoriser l’accès à la connaissance, nous avons en conséquence pris la décision de publier ces images théoriquement toujours protégées par le droit d’auteur sous la Public Domain Mark.

C’est tout à l’honneur de la British Library d’avoir su prendre ce risque mesuré au nom de la diffusion du domaine public.

clip_image002

Miniature of the Crucifixion. Domaine public. Source : British Library

Par ailleurs, et c’est également un point très intéressant, la British Library a choisi d’accompagner la Public Domain Mark par des recommandations non contraignantes, sous forme de Guidelines. Ces dispositions formulent des principes que la bibliothèque juge importants de respecter en cas de réutilisation des documents, mais elle n’a pas voulu pour autant en faire des règles juridiquement sanctionnées. Elle en appelle plutôt à l’esprit de responsabilité de ses usagers.

Cette partie des conditions d’utilisation est remarquablement rédigée et j’en propose ici cette traduction :

Ces consignes d’utilisation sont basées sur la bonne volonté. Elles n’ont pas de valeur contractuelle. Nous vous demandons simplement de les respecter.

Je trouve cette démarche particulièrement exemplaire. Elle a le mérite de ne pas confondre le registre du droit et de l’éthique, mais aussi de montrer que la bibliothèque considère le domaine public comme un véritable bien commun et qu’elle s’inscrit dans une communauté d’utilisateurs, auxquels elle rappelle l’importance du respect de certains principes, nécessaires pour que la ressource soit durable.

On passe ainsi d’une approche où les oeuvres patrimoniales sont des biens publics, envisagées comme des propriétés des institutions, à une approche où elles sont conçues comme des biens communs, dont la sauvegarde est confiée à toute une communauté sur la base de valeurs partagées.

Certes, toutes les oeuvres du domaine public numérisées figurant sur le site de la British Library ne bénéficient pas encore d’un tel traitement et certaines sont copyrightées, mais la politique adoptée en ce qui concerne ces manuscrits enluminés doit être saluée.

Dans le même temps en France, c’est le coeur même de la notion de domaine public qui est remis en cause par les pratiques des institutions culturelles. Par ailleurs, grâce à la vigilance de @BlankTextField, on a pu apprendre que l’idée d’instaurer un « domaine public payant » figurait dans le rapport établi par le Sénat à propos du projet de loi de finances 2013, certainement soufflée par la SACD et son directeur, Pascal Rogard.

Il est donc urgent de se mobiliser pour le domaine public et vous pouvez le faire par exemple en participant à l’opération Calendrier de l’Avent du domaine public 2013, organisée par SavoirsCom1.


Classé dans:Domaine public, patrimoine commun Tagged: british library, Domaine public, Public Domain Mark