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Empowerment : pédagogie, informatique et hackers.

jeudi 27 juin 2013 à 00:14

Depuis toujours, une chose me tient à cœur : l’éducation dans le monde de l’informatique. Certains appellent ça l’empowerment : le fait d’expliquer comment une chose fonctionne afin de contrôler ladite chose, et pas que ladite chose vous contrôle.

Par exemple, l’empowerment est utilisé pour parler de nos machines ou des sites que nous connaissons et visitons quasi tous. Il insiste sur la nécessité de reprendre le contrôle de nos machines et d’arrêter de laisser ces machines décider à notre place, qu’elles cessent de faire d’obscures choses sans notre accord.

C’est un peu comme une voiture dernière génération, vous savez qu’elle roule, vous savez qu’elle a besoin d’essence, de diesel, de GPL… mais vous ne savez pas « comment » ça fonctionne. Si c’était le cas avant l’arrivée de l’informatique dans vos voitures, ça ne l’est plus maintenant. Le moteur est caché, un cerveau gère la partie informatique de votre voiture et vous ne savez donc pas ce qu’il se passe, même si vous savez à quoi ça sert.

L’empowerment, c’est donc comprendre le comment, le programme qui fait que tout fonctionne, au lieu de rester sur la fonctionnalité « la voiture sert à voyager ».

Beaucoup se disent que ce n’est pas utile. A quoi ça sert de savoir comment un programme informatique fonctionne, le principe c’est qu’il fonctionne, non ?

Je ne veux pas savoir comment mon navigateur, ma box ou Facebook fonctionnent, je veux pouvoir naviguer, me servir d’Internet ou pouvoir parler à mes « amis ».

Je ne suis pas satisfait du constat mais il est bel et bien là, les gens ne s’intéressent pas au code, au cœur de tel ou tel produit, tant qu’il marche, c’est tout ce qui compte.

Pourtant, à l’heure ou l’informatique occupe une place de plus en plus importante dans nos vies, l’empowerment est important et il deviendra sans doute une nécessité dans l’avenir.

Pourquoi ?

Parce qu’à mon sens, la maitrise de l’outil informatique ne peut pas aller sans cet empowerment, sans cette montée en compétence. Il est garant d’un ensemble de choses incroyablement nombreuses et je vais citer trois points : liberté, égalité, fraternité. Les trois d’un coup, l’un ne pouvant pas aller sans l’autre

Liberté car une chose libre et open source sont des garanties de la liberté, de nos libertés individuelles, de la liberté d’expression : nous pouvons savoir comment le programme fonctionne et ainsi voir le « comment » de ce à quoi il est destiné.

Cela réduit ou élimine le risque d’une application malveillante qui va vous espionner ou bloquer vos communications.

Vous savez que votre stylo ne vous espionne pas car vous pouvez le démonter, observer qu’il est généralement composé de plastique, d’un ressort et de la partie qui contient l’encre pour écrire. Le logiciel libre, c’est pareil, à la différence que la matière est remplacée par du code.

La liberté permet d’égalité car le logiciel libre et open source est généralement gratuit, il peut dont être diffusé de façon massive, en France et ailleurs, à destination des personnes qui n’ont pas les moyens d’acheter un produit payant.

La fraternité dans tout ça ce sont les tiers de confiance, celles et ceux qui peuvent vous aider, la communauté d’un logiciel libre, ceux pour qui le code c’est un art, et qui le maitrisent ou au moins le comprennent un peu.

Si je plante le décor, nous avons donc des logiciels gratuits, libres et dont le code peut être observé, nous avons l’égalité d’accès à ces logiciels, à l’éducation, la culture et enfin, nous avons des gens présents pour aider celles et ceux qui en ont besoin.

C’est un joli monde, presque utopique, dommage qu’il soit quasiment fermé aux profanes.

La vie vraie

Dans la vie vraie, le tableau est un peu plus sombre, un peu plus triste et beaucoup moins idyllique. Un très faible pourcentage de la population est intéressé par tout ceci, une très faible partie de ce pourcentage comprend le code et une infime partie de ces gens qui comprennent le code est capable de l’expliquer à tout le monde.

Le constat est le même ailleurs, de la protection de l’intimité sur Internet à votre nouvelle voiture avec de l’informatique embarquée.

Pourquoi ?

Il y a deux raisons à tout ceci, la première c’est que Skype, Windows, Apple et d’autres savent parler aux personnes. Certes, ils ont énormément d’argent, ce qui leur donne les moyens pour communiquer massivement, concevoir des contenus adaptés, cibler des besoins via de la publicité.

Face à cela, le monde du libre n’a pas la même force de frappe, entre autre parce que ce n’est pas le but mais également parce qu’il n’a pas les mêmes moyens. De facto, le logiciel libre est moins connu.

Pourtant, même lorsqu’on le présente, le monde du libre n’attire pas, ou très peu.

Pourquoi ?

C’est là que le bât blesse car la raison de ce manque d’intérêt, c’est peut-être « nous ».

« Mais si tu vas voir c’est super simple, il suffit de faire un sudo aptitude install hotot, puis si ça fonctionne pas, tu « wget » la dernière version depuis le git, ou tu « clone », ensuite t’as plus qu’à compiler, make install et le tour est joué »

Vous avez compris le problème je pense, non ? Vraiment pas ?

La réponse est simple : nos évidences ne sont pas celles de nos proches, parents, amis, clients, des autres tout simplement.

A cette étape, deux solutions semblent envisageables

Certes, vous allez passer beaucoup de temps à expliquer, il faudra vous adapter car non, « aptitude c’est un gestionnaire de paquets », ce n’est pas une bonne réponse mais au final… la personne comprendra, aura progressé, sera à même de comprendre et qui sait, peut-être même capable à terme d’expliquer à son tour.

La pédagogie c’est, selon moi, une clé qu’il manque dans ce monde pourtant tellement ouvert et passionnant.

« Aptitude, c’est le nom d’un « programme » qui permet d’installer d’autres programmes, ces programmes sont appelés paquets et pour s’en servir il faut taper « aptitude quelque-chose », comme install pour installer, ou remove pour retirer un paquet en partie.

« Aptitude c’est donc un paquet qui permet de gérer d’autres paquets, c’est donc une gestionnaire de paquets. »

Oui, c’est long. Oui, c’est parfois compliqué. Oui, c’est même chiant de temps à autres, mais le bonheur de faire monter quelqu’un en compétences n’a aucun prix, au moins pour moi.

On pourra me répondre que l’effort ne doit pas venir de nous, de cette communauté, que ce sont les gens qui doivent faire un effort de compréhension, d’adaptation… c’est votre avis, pas le mien.

L’école et de façon générale, l’éducation nationale, pensent comme vous. C’est à l’élève de s’adapter aux contenus, programmes, il n’est qu’un élève parmi tant d’autres et… ça ne fonctionne pas, ou très peu.

Nous critiquons fermement le système de l’éducation nationale alors que nous faisons plus ou moins la même chose en pensant que l’effort ne doit pas venir de nous, c’est un peu paradoxal.

La pédagogie est une clé fondamentale selon moi, aller vers les gens, s’adapter pour qu’ils comprennent est bénéfique et nous devrions tous et toutes faire l’effort nécessaire, jusqu’à ce qu’il n’y ait plus d’effort à produire car la personne a acquis les bases et comprend maintenant ce langage fait de mots compliqués non accessibles au commun des mortels.

C’est à nous de faire l’effort, et le nous inclut également les grands noms de ce monde.

Si Richard Matthew Stallman est une légende vivante, un créateur de génie, un fervent défenseur du logiciel libre, il n’en reste pas moins qu’il ne fait aucun effort pour expliquer aux profanes.

Pour moi, Stallman est la manifestation vivante du fossé qui sépare ceux qui comprennent de ceux comprennent et veulent diffuser l’information.

Il est sans doute très compétent mais il n’est pas pédagogue. Déclarer à une néophyte « vous êtes stupide » parce que la personne ne comprend pas le logiciel libre, c’est absurde, inutile et contreproductif, ça conforte la personne dans son monde de logiciels privés et, plus grave encore, ça ne donne pas envie à la personne de comprendre.

Personne ne cherche à comprendre quelque chose lorsque l’on est rabaissé, presque humilié, la réaction la plus courante après un épisode comme ça, c’est le rejet.

Reste donc cette question du partage des savoirs.

Que voulons-nous ?

Si nous voulons rester dans notre monde, entre nous dans cette bulle hermétique, avec les « gens qui savent », alors ne changeons rien. Le monde continuera ainsi, le logiciel libre ne progressera pas, ni l’empowerment et nous seront quelques personnes à comprendre.

Ce n’est peut-être pas volontaire, pas conscient, mais faire ainsi revient à restreindre l’information, à la réserver à quelques personnes, c’est la même philosophie que les moines copistes d’un autre temps, qui refusaient que la culture soit diffusée par le biais de l’imprimerie, apeurés de devenir inutiles.

Mais, si nous voulons faire changer les choses alors il faut avancer, s’adapter, accepter que nous ne sommes pas forcément bons et essayer de comprendre pourquoi dans le but de corriger ceci. Après tout, n’est-ce pas un des principes du hacking que de diffuser l’information ?

Personnellement, mon choix est fait. Et vous ?

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