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Animer une formation, ça se passe comment ? (épisode 1)

jeudi 20 juillet 2017 à 11:47

Dans ce billet, qui va sans doute être assez long, je vais vous parler d’un sujet que je n’aborde que très peu, ici : mon métier. Pour celles et ceux qui ne le savent pas, j’ai la chance d’exercer une passion, à savoir former des adultes. J’exerce ce métier depuis un peu plus de 10 ans maintenant et j’ai décidé de vous partager un peu mon expérience.

Avant toute chose, je tiens à préciser quelques points qui me semblent importants pour avoir la bonne « grille de lecture » :

Dans un premier temps, via ce billet, je vais faire le point sur ce qui me semble important à avoir à l’esprit, par ordre d’importance (mon ordre d’importance) puis, dans un second temps et un second billet, on parlera de choses plus « générales », de méthodes d’animation, de ce qu’on appelle l’approche pédagogique, de concepts globaux pour mieux appréhender la lourde tâche que celle de former correctement des personnes. Par soucis d’écriture, on parlera du « formateur » pour la personne qui forme et des « apprenants » pour les personnes qui vous font face.

Ces rappels étant faits, je crois qu’on peut passer à la suite.

Ne jugez personne.

C’est la base. Rien que ça. Vous faites une formation ? Soyez neutre et n’ayez aucun préjugé. C’est vraiment une condition obligatoire. C’est parfois difficile parce qu’en fonction de l’âge, de la posture, du discours de l’apprenant, on aura tendance à imaginer de nombreuses choses, c’est humain. Les risques sont multiples : que ce que vous imaginez n’est pas du tout raccord avec la réalité, comme souvent. Vous allez vous « braquer » sur une idée fausse et inconsciemment, vous ne ferez pas le maximum pour vous adapter à cet apprenant, donc potentiellement, vous le laisserez de côté et, à titre personnel, je considère cela comme un échec. Ne. Jugez. Personne. Soyez ouvert d’esprit et …

Connaissez vos apprenants.

Une formation, c’est un moment d’échange avec vos apprenants. Avant d’être apprenants, ce sont des êtres humains, et ils sont tous différents. Cela peut sembler évident…pourtant il n’est pas rare d’avoir des formations où le contenu est dispensé de la même façon, pour tout le monde, sans aucune adaptation dans le discours ou la façon de présenter les éléments. Comme quoi, ce n’est pas si évident que ça. Connaître ses apprenants, ce n’est pas passer trois heures à parler avec eux, de leur vie, de la pluie ou du beau temps. C’est, par exemple, réaliser un tour de table en leur demandant de se présenter, sous un format libre ou un peu guidé pour les assister, qui sont-ils ? D’où viennent-ils ? Pourquoi sont-ils ici ? Qu’est-ce qu’ils attendent de cette formation ? Nous y reviendrons ultérieurement, ce point est très important.

Ce tour de table permet de « briser la glace », il vous permet, à vous, de voir les capacités d’expression de vos apprenants, leur aisance relationnelle, de savoir s’ils sont plutôt confiants ou, au contraire, inquiets. Avec le temps, vous pouvez savoir si la personne se sent confiante ou non et bien d’autres choses encore. Elle permet aussi aux apprenants de se sentir plus à l’aise entre eux, ils ne connaissent pas forcément les autres personnes et peuvent se sentir mal à l’aise, et un apprenant qui ne se sent pas à l’aise, c’est un apprenant qui aura des perturbateurs et donc qui, potentiellement, aura plus de difficultés à suivre.

Cette étape est simplement fondamentale, car elle vous permet de procéder aux premiers ajustements, ce qui nous amène au point suivant

Remettez-vous en question (souvent)

J’aurais peut-être dû mettre ce point en règle n°1 car, pour moi, si vous n’avez pas la capacité de réellement remettre en question votre discours, vos méthodes et vos pratiques, ce n’est même pas la peine de continuer. C’est un peu brutal mais, à mes yeux, c’est exactement ça. Vous allez certes transmettre des savoirs, mais vous allez aussi apprendre. Une formation, c’est une expérience humaine différente à chaque déploiement. Votre public est différent, vous devez prendre ça en considération et toujours vous demander si vous faites bien, pour le groupe que vous avez en face de vous.

Il est tentant de se dire « je suis le formateur, donc le « sachant », donc le chef, donc j’ai raison », mais autant vous dire tout de suite que c’est une énorme connerie. Si vous tentez d’asseoir votre pouvoir de formateur de façon autoritaire, alors vous avez perdu. Lorsque vous apprenants vous reconnaissent comme guide parce que vous travaillez avec eux, parce que vos connaissances vous donnent toute la légitimité nécessaire pour vous exprimer, alors là, c’est gagné.

En 10 années de formation, ce qui est très peu en comparaison à d’autres, j’ai dû faire plus de 1000 formations environ, j’ai vu passer plus de 3000 personnes en salle, sans doute bien plus en réalité… Je suis confiant dans mes capacités à transmettre mais, pourtant, il n’y a pas un instant de ma vie professionnelle (ou personnelle d’ailleurs) où je ne me remets pas en question : « est-ce que la méthode que j’utilise est adaptée aux apprenants et à l’activité ? », « est-ce que le lexique que j’utilise est adapté au niveau de mes apprenants ? », « est-ce que je pourrais faire mieux, et si oui, comment ? ».

Apprenez de vos apprenants.

Ne vous fermez pas à la découverte de nouvelles choses, de nouveaux principes, vous apprendrez toujours quelque chose de nouveau avec vos apprenants, vous aurez de la matière première : des expériences de vie, des anecdotes, qui pourront vous servir pour vos futures formations.

De la même façon, n’hésitez surtout pas à leur demander un ressenti sur la formation déployée. Dans mon activité, c’est obligatoire. Je travaille dans un organisme de formation (on dit OF dans le milieu) et nous avons des obligations, dont celle de récupérer les ressentis des apprenants à chaud, c’est-à-dire directement en fin de formation, puis à froid, c’est-à-dire après quelques semaines voire un mois après la formation.

Les retours de vos apprenants sont extrêmement précieux car ils vous permettent de savoir ce qui était bon et ce qui ne l’était pas, ou pas totalement. Cela vous permet aussi d’avoir les critiques, positives ou négatives, de vos apprenants. Donc d’évoluer, de parfaire vos pratiques. Cela vous permet aussi de voir vos lacunes et, ne vous vexez pas de ça, bien au contraire, profitez d’avoir des retours concrets pour avancer.

Le cadre de référence

Pour compléter ce que j’ai pu dire sur le fait de comprendre vos apprenants et sur le fait de ne pas les juger, je vais rapidement parler de ce que l’on appelle le « cadre de référence ».

Qu’est-ce que le cadre de référence ? C’est l’ensemble d’idées, des opinions ou des valeurs propres à un individu ou à un groupe d’individus et en fonction duquel cet individu ou ce groupe d’individus donnera un sens à ce qu’il dit ou reçoit.

Ce n’est pas clair ? On va faire plus parlant : si je vous dis « Pensez à un tableau, maintenant. », certains vont penser à une peinture, une œuvre d’art… et d’autres à un tableau pour écrire.

Tiens, un exemple très concret, que j’utilise en salle parfois : si je vous dis « Allez sur Internet », qu’est-ce que vous faîtes ?

Une partie des gens interrogés vont ouvrir un navigateur et attendre. Une autre partie va faire pareil mais ira sur un moteur de recherche et, enfin, une dernière partie du groupe va me regarder avec des yeux ronds en me disant « non mais tu veux que je fasse quoi en particulier, ça ne veut rien dire « aller sur Internet ».

Cet exemple-là me permet de faire la distinction entre Internet et WEB, qui n’est qu’une des très nombreuses possibilités offertes par Internet. Pour autant, nous avons bien utilisé le même mot, à savoir « Internet ». Le même mot ne signifie donc pas pour autant la même chose, pour vos apprenants.

C’est « ça », le cadre de référence. On utilise des mots mais entre vous et vos apprenants, ils ne signifient peut-être pas la même chose et c’est à vous de faire l’effort de comprendre vos apprenants, de vous adapter à eux, et pas l’inverse. Donc vous devez vous assurer que tout le monde comprenne bien ce que vous êtes en train de dire, quitte à reprendre votre explication et à la refaire entièrement, avec d’autres mots ou d’autres exemples.

Le plus simple n’est pas forcément le plus adapté.

Un travers que je vois souvent, lorsque l’on tente d’expliquer quelque chose d’un peu complexe à des apprenants, c’est la simplification à l’extrême. Si l’idée n’est pas mauvaise en soi, ce n’est pas forcément la bonne pour autant. Il ne faut pas se dire que simplification = adaptation.

Prendre l’exemple le plus simple sera même contreproductif parfois. Vos apprenants ne comprendront pas parce que ce ne sera pas « pour eux », pas adapté à leur cadre de référence, à leurs capacités de compréhension.

Lorsque je forme des médecins, par exemple, j’utilise des exemples et un lexique qui va leur parler, je parle de bilan, d’analyse, d’établir des diagnostics et j’utilise des exemples pas forcément simples, mais clairement adaptés afin que ça parle le plus possible.

Ces exemples-là, très clairs pour cette population, n’auraient pas été clairs pour une session composée quasi exclusivement d’avocats, tout simplement parce que ce n’était pas dans leur cadre de référence.

Vous avez compris le principe de l’adaptation, je pense. Et vous l’aurez compris, pour adapter votre discours, il faut savoir écouter vos apprenants, donc les connaitre, faire attention à eux, ne pas les juger, bref tout ce que nous avons pu voir précédemment.

Ne soyez pas pédagogues

L’assertion précédente peut choquer mais je vais m’expliquer. Étymologiquement, pédagogie, c’est le fait de transmettre des compétences à des enfants. Or, si vous formez des adultes, vous ne pouvez pas utiliser toutes les méthodes qui fonctionnent avec les enfants. Les adultes n’apprennent pas ou plus par cœur, par exemple. Ils n’aiment pas non plus les idées déjà conçues, il est moins « malléable », il a beaucoup plus d’idées reçues et de préjugés que les enfants… bref, un adulte, ce n’est pas un enfant et si vous considérez vos apprenants comme des enfants, je n’ai pas besoin de vous expliquer que ça va poser problème.

Je ne serais que très bref sur le sujet car le billet est déjà fort long mais, la formation d’adultes, c’est faire en sorte de faciliter l’apprentissage de l’apprenant, de modifier son comportement sur un aspect x, y ou z et dans ce cas, on ne parle pas de pédagogie, mais d’andragogie (l’éducation des adultes). J’en parlerai dans un autre billet, si ça vous intéresse et que vous m’en faites la demande 🙂

Enfin, même si je l’ai déjà plus ou moins dit : restez humble.

Détenir une connaissance spécifique et savoir la transmettre, c’est un privilège, tout le monde n’est pas nécessairement en capacité de le faire. Mais c’est un privilège dans le sens « un honneur », et il convient d’être respectueux de tout ceci.

Soyez humble. Ce n’est pas parce que vous êtes formateur que vous êtes meilleur que les autres, que vous êtes supérieur aux autres ou que sais-je. Vous dire ce genre de choses, c’est prendre de nombreux risques, c’est prendre la grosse tête et vous servir de la formation comme d’une mise en avant de votre personne… et si un jour vous commencez à faire ça, entre nous, c’est qu’il sera temps de laisser la place à d’autres.

Même si c’est vous qui gérez votre formation, cette dernière est faite pour vos apprenants. Ce n’est pas vous, la star de la formation, ce sont vos apprenants. Ce n’est pas vous, le client de votre formation, mais ce sont vos apprenants. Et le principe est de les servir de la meilleure des façons possible.

Trop souvent, à mes yeux du moins, je suis confronté à ce genre de problèmes : la personne en charge de la formation se met en lumière, vante ses capacités, joue le rôle d’expert en roulant les mécaniques, en montrant bien que « moi je sais, vous, vous n’êtes rien, écoutez-moi religieusement et vous montrerai le chemin ».

Si vous voulez faire ça, faites du spectacle, un one-man show sinon, mais de grâce, pas une formation, ce n’est ni le lieu, ni le moment ni l’endroit.

Ce billet commençant à être déjà bien long, La suite arrivera dans un prochain billet. Cette fois, plus axé sur des concepts et des notions liées directement à la formation.

N’hésitez pas à me faire un retour sur ce que vous avez pensé de ce billet, c’est la première fois que je fais cet exercice sous ce format, je suis donc preneur de vos retours afin d’améliorer le contenu, si besoin est.

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