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La twittclasse vire au clash

vendredi 19 octobre 2012 à 15:03

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En Haute-Savoie, la première twittclasse du département a dû fermer sa timeline fin septembre, peu de temps après son ouverture, un rétropédalage qui semble inédit.

Il existe actuellement plus de 200 twittclasses en France qui fonctionnent sans problème, en accord avec leur hiérarchie. Il est fini le temps des expérimentations audacieuses de la pugnace Laurence Juin, la première à avoir utilisé le site de micro-blogging Twitter dans un cadre pédagogique en France. Le Centre national de documentation pédagogique donne même la marche à suivre.

Un lien vers YouPorn ou des insultes auraient-ils atterri dessus ? Rien de tout cela. Dès le début, tout a été fait dans les règles, nous a expliqué Aurélie, la jeune institutrice de La Roche-sur-Foron à l’origine de l’initiative :

Pour préparer le terrain, j’ai pris contact avec ma conseillère pédagogique en juin, pour savoir à qui m’adresser et quel projet fournir. Je me suis aussi renseignée auprès de collègues ayant des twittclasses pour savoir la procédure qu’ils avaient suivie. Puis, nous avons attendu les recommandations du chargé TICE du recteur de mon académie. Après ce feu vert hiérarchique, la réponse de mon inspectrice de l’Éducation nationale (IEN) a vite été positive.

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La procédure peut sembler lourde, mais la maison Éducation nationale fonctionne ainsi, a fortiori quand il s’agit d’Internet, souffre-douleur d’une partie du corps enseignant, lassé des copié-collé Wikipedia et fermé aux charmes des liens faibles de Facebook, ce pourvoyeur de cyber-harcèlement.  Les premiers pas sur le réseau social se font sans souci, en respectant bien des règles pour éviter des dérapages : les élèves ne possèdent pas le mot de passe – qui n’est pas la date de naissance d’Aurélie… -, ils ont pour l’instant accès au compte via un projecteur, et plus encore,“ils ne tweetaient quasiment jamais en temps réel par manque de matériel en classe, nous enregistrions tous les messages dans des documents OpenOffice, puis ils étaient copiés-collés dans Twitter”, souligne Aurélie. Difficile de contrôler davantage. Certains parents s’y mettent même puisque cinq élèves créent un compte dans la foulée, précise-t-elle.

Bug Facebook cache-crasse technique

Et puis patatras, l’expérience est suspendue :

J’ai reçu l’ordre de cesser temporairement de tweeter avec la classe, au prétexte initial du pseudo-bug Facebook, et en attendant un avis des services juridiques… du Rectorat.

Le même rectorat qui avait donné son accord peu avant. La suspension sera transformée en arrêt total, pour des questions de sécurité. Contactée, l’inspectrice de l’Éducation Marie-Françoise Casanova nous a expliqué :

Les serveurs de Twitter sont à l’extérieur et l’entreprise n’a pas de convention avec l’Éducation nationale. Le projet n’a pas été autorisé, il l’était au début. D’autres logiciels qui ne respectent pas les conventions de sécurité sont interdits, ça n’a rien à voir avec Twitter. J’avais juste donné un avis pédagogique, le projet était, est toujours intéressant. La sécurité est la seule raison.

Jusqu’à nouvel ordre, les twittclasses sont désormais interdites dans le département. Et le nouvel ordre, c’est donc des conditions de sécurité satisfaisantes. On en conclut que l’Éducation nationale devra héberger des serveurs de Twitter.

Internet, c’est le mal

Dans le petit milieu des professeurs qui <3 les Internets, la décision parait absurde. Stéphanie de Vanssay, contributrice d’Elab (laboratoire-éducation-numérique), s’emporte : “Je suis outrée de cette fermeture sous de faux prétextes, c’est emblématique de la défiance généralisée de la hiérarchie envers les enseignants et d’une grave méconnaissance de tout ce que peut apporter le web à notre enseignement et à nos élèves.”

François Meroth, le président de l’association des Amis et défenseurs de l’école publique (ADEP), basée en Haute-Savoie, y voit un “décalage entre le discours affiché, avec la volonté affirmée d’ouvrir l’école et les politiques locales fermées.” Le ministre de l’Éducation nationale Vincent Peillon vient en effet de remettre sa feuille de route quinquennale pour refonder l’école en 10 points. Et “L’école et les nouvelles technologies” occupent le 8erang :

Les nouvelles technologies devront être utilisées comme “un levier de changement, d’ouverture“. Pour réussir le déploiement de l’e-éducation, le président de la République a demandé que les établissements soient équipés des matériels, ressources et réseaux nécessaires.

Bisbilles microcosmiques

On comprend d’autant plus l’agacement de François Meroth en se penchant sur la presse locale. La sécurité n’a peut-être rien à voir là-dedans, mais plus des enjeux de pouvoir microcosmiques. Le Dauphiné libéré relate dans un article surtitré “la seule classe Twitter du département, qu’il devait visiter, a été suspendue” :

Pierre Frackowiak, pédagogue et toute une carrière passée au sein de l’Éducation nationale, était invité par l’association des Amis et défenseurs de l’école publique (ADEP) pour s’exprimer devant le public, vendredi à La Roche-sur-Foron. Avant cela, il devait rendre visite à la seule classe Twitter du département située dans la même ville. Il n’en a pas reçu l’autorisation.

Quoi qu’il en soit, Aurélie et ses petits élèves peuvent se consoler en lisant les messages de soutien sur Twitter, qui eux circulent librement :


Photo de Mallix [CC-byncnd]