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FredericBezies

source: FredericBezies

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Le consommateur passif, conséquence de la massification de l’informatique personnelle ?

mercredi 29 août 2018 à 20:06

Dans son excellent billet – traduit sur le framablog – Carl Chenet taille les oreilles en pointe des personnes qui se résument à consommer de manière passive du logiciel.

Même s’il y a quelques caricatures dans l’article, il faut dire que ça tape juste et franchement sur les personnes que l’on pourrait comparer à des orifices excréteurs solides mal torchés.

Mais pour moi, Carl n’a pas pris un facteur un compte : la massification de l’utilisation de l’informatique depuis le début des années 2000.

Jusqu’en 2003-2004, les prix de l’informatique et de la connexion internet étaient une barrière d’entrée qui permettait de conserver un minimum de réflexe de recherche personnelles et une volonté de se sortir les mains des poches en cas d’ennuis.

Cependant, cette massification a mal été prise en compte par le milieu du logiciel libre. Jusqu’à l’arrivée des premières distributions GNU/Linux gentilles envers l’utilisateur basique et vraiment fonctionnelles – en gros le début de l’aventure Ubuntu – le monde du libre est resté un milieu de passionné(e)s, où la démerde et la volonté de lire de la documentation était présente.

Jusqu’en 2003-2004, le RTFM était une réponse acceptable et acceptée par tout le monde. Il n’y avait pas de honte à faire soi-même quelques recherches et publier des documents synthétisants les solutions trouvées.

Mais ce qui était vrai en 2003-2004 ne l’est plus de nos jours. Bien ou mal, à vous de voir. Un nombre croissant de libristes sont des personnes qui veulent juste avoir des OS fonctionnels, ce qui est déjà un bon point de départ.

Mais ce sont des personnes qui se contrefoutent – à tort ou à raison ? – des subtilités techniques, du fait que nombres de projets sont sous-dimensionnés en terme de ressources humaines – une conséquence de la sacralisation du fork et de son utilisation abusive ? – et qu’une personne qui se casse le cul à stabiliser son logiciel n’a pas envie de répondre pour la 150ième fois à une question dont la réponse se trouve dans le fichier README du projet.

J’ai appris récemment que l’enrobeur pour Pacman, Aurman, mettait la clé sous la porte. Il suffit de lire le commentaire du développeur du logiciel pour comprendre qu’il en a eu sa claque.

Je cite le morceau de choix :

[…]
Without exaggeration, about 80% of the GitHub issues have been complete nonsense. About 90% of the comments on the aur.archlinux.org aurman page have been complete nonsense. Do not bother looking for them, the GitHub issues are closed and the comments on the aur.archlinux.org page have been deleted. People who followed my work will know what I am talking about.

There have been so few people, who actually requested features with sensible argumentations behind it, so few people who actually reported bugs and not only showed their incompetence…

I honestly do not want to waste my time for unpaid work, and get nothing besides insults. I need an AUR helper, and I wrote it. I thought it would be nice to let other people use my software, because that does not hurt me, and that is true. But I also thought it would be nice to let other people give feedback, because that does not hurt me, and that is not true.
[…]

Une traduction ?

[…]
Sans exagération, environ 80% des problèmes de GitHub ont été complètement absurdes. Environ 90% des commentaires sur la page aurman de aurlinux.archlinux.org ont été complètement absurdes. Ne vous donnez pas la peine de les chercher, les bugs de GitHub sont fermés et les commentaires sur la page aur.archlinux.org ont été supprimés. Les gens qui ont suivi mon travail sauront de quoi je parle.

Il y a eu si peu de personnes qui ont demandé des fonctionnalités avec des arguments raisonnables, si peu de personnes qui ont rapporté des bogues et qui n’ont pas seulement montré leur incompétence…..

Honnêtement, je ne veux pas perdre mon temps pour du travail non rémunéré, et je ne reçois rien d’autre que des insultes. J’ai besoin d’un assistant AUR, et je l’ai écrit. J’ai pensé que ce serait bien de laisser d’autres personnes utiliser mon logiciel, parce que cela ne me fait pas mal, et c’est vrai. Mais j’ai aussi pensé qu’il serait bien de laisser d’autres personnes donner leur avis, parce que cela ne me fait pas mal, et ce n’est pas vrai.
[…]

C’est suffisamment clair pour éviter de broder des heures dessus. Archlinux avait été critiqué quand, courant 2012, il avait décidé de virer son installateur et de le remplacer par des scripts dédiés. Avec le recul du temps, c’est compréhensible. Nombre de personnes arrivaient sur Archlinux sans avoir le niveau minimum nécessaire.

Était-ce de l’élitisme ? Était-ce une volonté de se préserver de personnes plus toxiques que des amanites phalloïdes ? Je pense que les mésaventures qui ont mené à l’abandon de Pacaur et maintenant d’Aurman laisse peu de doutes quant aux motivations profondes.

La massification de l’informatique a amené un public dont la toxicité n’est plus à prouver et colle avec la toxicité d’une partie des développeurs que l’on peut croiser parfois.

Il est illusoire de croire que l’on pourra éduquer toute personne qui arrivent dans le monde du libre et qui sont restés dans une optique consumériste entretenue par le monde non-libre.

Au fil des années, j’ai reçu des courriers avec des questions tellement basiques que je me suis aperçu que le niveau moyen baissait. Mais je réponds à chaque fois, en me disant que j’apporte ma pierre, même si parfois j’ai envie de balancer un RTFM dans les dents. Mais ce serait aussi stupide que le comportement des personnes toxiques dénoncées par l’article de Carl Chenet.

Les logiciels libres meurent par manque de contributions ? Sûrement. Mais aussi de la non-prise en compte – ou la prise en compte partielle – du phénomène de massification de l’informatique personnelle.