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FredericBezies

source: FredericBezies

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La survie du logiciel libre passe-t-elle par l’abandon du « Stallmannisme » ?

samedi 13 octobre 2018 à 11:28

Je suis utilisateur de distributions GNU/Linux (soyons Stallmannien ici) en mono-démarrage depuis la mi 2006, soit près de 10 ans après mon premier contact avec le monde du logiciel libre.

Si j’ai franchis l’étape du mono-démarrage, c’est grace à la distribution produite par Canonical, Ubuntu. Même si je considère qu’Ubuntu a fait pas mal de boulettes au fil des années avec upstart, Unity, Mir ou encore Snap, c’est grâce à elle que j’ai pu réaliser un rêve ancien : utiliser au quotidien un OS libre. Pas 100% libre car comme j’ai pu le montrer dans un article du 12 octobre 2018, les distributions 100% libres sont en réalité pas franchement utilisables au quotidien…

Pour le quotidien d’une personne qui a besoin d’aller sur la toile, ouvrir des documents non libres comme des fichiers MS-Word, MS-Excel, c’est la plaie. Sans oublier les circuits wifi qui sont souvent des galères sans fin à configurer. Ou le support complet des cartes et / ou circuits graphiques sans passer par des pilotes adaptés mais au code source non disponible. C’est plus une gestion des restrictions qu’une possibilité d’utiliser librement son équipement informatique.

Ce qui m’a donné envie d’écrire cet article, c’est celui proposé par Iceman au titre parlant « Autodestruction » et auquel je vous renvoie.

Car le monde du libre est en train de se faire seppuku en public avec une tronçonneuse et tout le monde applaudit. « Panem et circenses » comme disait le poète Juvénal… Rien de nouveau une vingtaine de siècles plus tard. Je vous renvoie à ma série de billets sur « Le monde du libre part en… »

Mais commençons par définir le Stallmannisme.

C’est simple. C’est l’application mécaniquement absurde des quatre libertés du logiciel libre comme décrites sur le site de la FSF.

Pour résumer ?

  1. Liberté 0 : celle d’exécuter le programme
  2. Liberté 1 : celle d’analyser et modifier le programme si nécessaire
  3. Liberté 2 : celle de proposer des copies
  4. Liberté 3 : celle de proposer des copies modifiées en suivant le principe de la liberté 1

Vous comprenez alors que si on est un peu trop zélote au niveau des 3 dernières libertés, on en arrive à des publications de forks qui n’ont pas pour but de faire survivre un projet, mais juste de se faire mousser l’ego.

Des forks compulsifs qui n’ont presque aucune justification et qui donne au niveau le plus visible à la naissance de dizaines de distributions GNU/Linux identiques à 95% modulo une charte graphique ou une logithèque ne différant que pour un ou deux produits.

C’est ce que j’appelle les DGLFI : distributions GNU/Linux Franchement Inutiles. Cela entraine mécaniquement de la dispersion de ressources. Dispersion que l’on justifiera au nom de la liberté des développeurs de faire ce qu’ils veulent faire.

Il y a la célèbre phrase apocryphe attribuée à Manon Roland (1754-1793) : « Ô Liberté, que de crimes l’on commet en ton nom ». Ici, on est dans le même cas de figure, sauf que l’on ne risque pas de se retrouver découpé en deux au niveau de la nuque.

Si une personne me demande à quoi ressemble le monde du logiciel libre, je lui répondrai ceci : un monde typiquement Brejnevien où remettre en cause les fondements est presque puni du goulag idéologique.

Un monde qui est incapable d’unir ses forces sur des projets qui auraient une chance de tenir la dragée haute au monde non-libre, tout cela au nom de la liberté des développeurs d’agir à leur guise… Et donc de s’ôter toute responsabilité si ça tourne mal.

Les idées de Richard Stallman ont été nécessaires au début, vers 1984, pour lancer le mouvement. Mais il faut rester réaliste. Le logiciel libre ne serait pas grand chose sans le noyau lancé en 1991 par un étudiant Finlandais dans sa chambre. En 2018, le noyau 100% libre se fait attendre, et s’il sort un jour, ce sera sûrement au moment où le Soleil sera officiellement une géante rouge.

Les libertés énoncées par la FSF sont indispensables, mais il faut que tout le monde se responsabilise et accepte de travailler ensemble. Je sais qu’on me répliquera : « et la liberté alors ? »

C’est simplement la justification idéale pour produire des forks dont l’inutilité est flagrante… Autant dire que les géants du logiciel que sont Microsoft, Apple ou encore Google sont en plein overdose de chips et de boissons gazeuses.

Mais continuons, car tout va très bien, Madame la Marquise… Continuons de nous étriper pour les environnements de bureaux, les navigateurs, les noyaux, la pureté du logiciel ou encore le système d’initialisation à utiliser. Pendant ce temps là, les logiciels vraiment utiles qui ont besoin de main d’oeuvre continueront de souffrir en silence…