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FredericBezies

source: FredericBezies

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L’affaire de l’EME, symptome d’une crise de croissance de la communauté du logiciel libre ?

mercredi 4 juin 2014 à 10:03

L’EME, technologie introduite par les dinosaures de l’édition vidéo et audio dans les protocoles ouverts du W3C et qui est encore à l’état de brouillon en ce mois de juin 2014. Aucun code n’a été fusionné au 4 juin 2014, date d’écriture de ce billet, dans Mozilla Firefox. Si vous êtes intéressé par le degré d’ajout du code de cette technologie dans Mozilla Firefox, voici le bug en question, le 1015800.

Après que pas mal d’encre électronique ait coulée, j’ai eu envie de prendre un peu de hauteur et j’ai fini par comprendre que cette histoire est un symptome d’une crise de croissance de la communauté du logiciel libre.

Crise liée à sa lente démocratisation. Depuis une grosse dizaine d’années, on se moque des 1% de la part d’utilisateurs d’OS libres, que ce soit des distributions GNU/Linux ou encore les divers BSD libres.

Cependant, c’est oublier que ce pourcent est celui d’une population en croissance constante. Pour mémoire, entre 2001 et 2012, la population d’internautes en France est passée de 11,9 à 40 millions de personnes.

Donc, en gros, un doublement des utilisateurs. On peut penser – sans commettre trop d’erreurs – que ce doublement de la population d’internautes a du être la même au niveau mondial. Et comme on mesure le nombre d’utilisateurs de logiciels libres grace à l’internet…

Donc, même si certains commentateurs ont eu tendance à se moquer du libre – au niveau de ses utilisateurs finaux – leur nombre a explosé.

Ce qui pose la question : comment conserver et faire fructifier ce nombre d’utilisateurs dans le temps. Cyrille Borne a déclaré dans un article qu’un utilisateur de logiciel libre devait faire preuve d’un minimum de masochisme.

C’est vrai que si l’on veut respecter au pied de la lettre, et c’est tout à l’honneur des personnes qui veulent le faire, les règles édictées par la Free Software Foundation, on se retrouve avec une informatique libre, mais à quel prix ?

Celui de devoir fouiller pour trouver le moindre matériel, quelqu’il soit, pour ne pas avoir à utiliser de code non-libre. Devoir faire un tri sur les services qu’on peut utiliser sur la toile, à cause du grand méchant Flash. D’ailleurs, le lancement du Mozilla Firefox à la sauce FSF montre à quel point on peut pousser la chasse au logiciel non libre. Et se retrouver avec quelque chose de limite inutilisable.

Bon d’accord, avoir laissé la compilation d’une version de Mozilla Firefox en tache de fond n’était pas une très bonne idée :)

Dans un deuxième billet, Cyrille Borne met encore les pieds dans le plat. Il n’a pas tort sur une partie.

Quand il dit qu’il faut que l’utilisateur vienne au logiciel libre pour les bonnes raisons, comme la possibilité de retrouver le contrôle de sa machine, de ses données, etc… Mais le problème, c’est que ce sera toujours une minorité des utilisateurs qui viendra ainsi au logiciel libre.

Cependant, je suis en désaccord quand il dit qu’il ne faut pas essayer de séduire la masse des utilisateurs. Sans une masse critique qui ne pourra être atteinte qu’avec une proportion croissante des utilisateurs séduite par d’autres avantages du logiciel libre, comme la possibilité de l’utiliser sans délier sa bourse outre mesure, la possibilité de donner une seconde vie à son matériel (avec des projets comme Handy Linux ou encore Emmabuntüs), le logiciel libre restera un petit monde qui se masturbera intellectuellement sur la puissance des fondements de sa philosophie.

Bien beau, mais complètement inutile.

Quand je suis arrivé dans le monde du libre, en 1997, en installant ma première distribution sur un Cyrix 486DX2 66Mhz, c’était pour satisfaire ma curiosité de technophile. Oui, j’ai employé volontairement.

Car nous sommes en train de passer d’un cercle d’utilisateurs technophiles quand la Free Software Foundation est née en 1984, à un cercle plus large, celui des utilisateurs qui emploient du libre non pas pour sa philosophie mais pour sa qualité.

Cependant, il ne faut pas être tel un député de la majorité de la Chambre Introuvable de 1815. Comme l’a souligné Philippe Scoffoni dans un billet récent, un utilisateur qui emploie une distribution GNU/Linux, c’est déjà une victoire. S’il utilise des logiciels non-libre pour faire fonctionner son matériel, où est le mal ?

Sur ma machine, les seuls logiciels non libres ? Adobe Flash, Gnash n’étant pas encore suffisamment puissant pour remplacer le greffon officiel, google music manager (pour avoir une copie supplémentaire de ma musique au format numérique), le pilote de mon imprimante (qui ne semble pas être 100% libre au niveau de la licence employée), et le noyau linux dans sa version officielle. Ce qui n’est pas grand chose.

Mais je me souviens qu’il y a encore un an et demi à deux ans, j’avais rajouté à cette liste le pilote de ma carte Nvidia. Pour tout dire, depuis que je suis en mono-boot avec une distribution GNu/Linux sur mes ordinateurs, le nombre de logiciels non libres a été réduit comme peau de chagrin.

On pourra me critiquer sur l’utilisation de Flash, mais je vous répondrais : trouvez-moi une alternative à Bandcamp, mine d’or pour l’amoureux de musique non-mainstream que je suis pour trouver des artistes tous domaines confondus.

L’idéal serait qu’il fonctionne avec Gnash ou qu’il passe à des technologies html5. Je suis d’accord, mais en attendant, je refuse – par confort ? par volonté de conserver un accès à la culture ? – de me passer de ce site.

Il faut arrêter de se masquer les yeux. Même si on peut critiquer la volonté de Canonical de faire son propre écosystème (même si Ubuntu One s’est révelé être un fiasco) pour aider à populariser un peu le logiciel libre dans son ensemble auprès de l’utilisateur final. D’ailleurs, il faut le dire, nombre de personnes ont migré pour de bon sur des distributions GNU/Linux en se faisant la main avec Ubuntu.

Tant que la communauté du logiciel libre ne prendra pas conscience que tous les utilisateurs, qu’ils soient technophiles ou technophobes, sont bons à prendre pour faire avancer la cause du libre dans son entièreté, le surplace sera la règle.

Un utilisateur qui n’est pas branché technique pourra toujours parler de son expérience, surtout si elle est bonne pour arriver à faire mieux connaitre le libre. S’il a des connaissances en anglais, il pourra toujours aider à traduire des logiciels.

Pour finir, une simple question de la part d’une personne qui n’a pas le permis de conduire, bien qu’ayant atteint la quarantaine. Sur 100 personnes qui conduisent, combien seraient capables d’expliquer le fonctionnement d’un moteur diesel ? Et est-ce que cela les empêche d’utiliser une voiture ?