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Le quotidien mousseux de Boris Vian à Michel Gondry

vendredi 3 mai 2013 à 16:15
Bonjour les cumes! (Aujourd'hui c'est mon anniversaire by the way)

Wala, dans mon maillon de la chaîne de la pomme de terre à haute température je vous ai promis de vous parler de l'adaptation au cinéma par Michel Gondry du premier chef-d'œuvre de Boris Vian (voir question quatre, paragraphe un: films, première (et seule) parenthèse; de l'article d'avant-hier) que je suis allé voir, justement, avant-hier, après avoir fini l'article, et profitant des derniers jours durant lesquels j'avais encore les réductions pour les moins de dix-huit ans pour y aller. Je l'avais lu en vitesse juste avant afin de pouvoir comparer, enfin avoir un œil critique plus ou moins.

L'histoire, rapidement (bref résumé pour ceux qui ne l'ont pas encore lu et qui devraient s'y mettre): Colin (Romain Duris) aime Chloé (Audrey Tautou), Chloé aime Colin. Ils se marient, ils partent en voyage, elle attrape un nénuphar. Non, ceci n'est pas une expression, elle a littéralement un nénuphar dans le poumon (ça rime!), le droit précisément. Pendant ce temps, Chick (Gad Elmaleh) est le meilleur ami de Colin et Alise (Aïssa Maïga) la nièce du cuisinier de Colin, Nicolas (Omar Sy). Alise aime Chick, Chick aime Jean-Sol Partre (Boris ici s'amuse avec le nom de son ami, Sartre que vous aurez reconnu). Dans un univers fantasmagorique et déjanté, des personnages sans psychologie vivent des avant urges extravagantes, extraordinaires et extrapolées, emplies de musique jazz et de couleurs nacrées tant que les mots emplissent les pages du livre.

Maintenant, pour la mise en scène (je sais que c'est du cinéma, mais je ne peux pas dire autrement, déformation professionnelle):
Plutôt que de faire recours au numérique, Gondry veut donner au film un aspect organique et les mêmes couleurs que celles continues dans le livre. Rien n'est oublié: ni le piano-cocktail, ni "Chlo-e" arrangé par Duke Ellington, le film baigne autant dans le jazz que dans le livre; les objets semblent s'animer d'eux-mêmes, les aliments dansent dans les assiettes, les voitures de police ont des pattes et les rayons du soleil sont des cordes tendues sur lesquelles on peut jouer…

C'est plein de poésie et surprenemment fidèle à l'œuvre littéraire: je suis sorti du film avec exactement les mêmes sensations que celles qu j'avais en sortant du livre.
Il est vrai, les critiques ne sont pas toutes positives ni unanimes: certains disent que les personnages ont une place secondaire, tant l'environnement est envahissant, et tant on a insisté sur des détails de mise en scène. Ce n'est pas entièrement faux; cependant, on aurait tort de dire pour cela qu'il ne respecte pas le livre: en effet, Boris Vian est en cela un précurseur du nouveau roman, offrant au lecteur des personnages stéréotypés, à l'opposé du roman classique, et par conséquent impossibles à jouer de manière réaliste. Ces personnages ne pourraient pas exister dans la réalité, et aussi fantasiste qu'il soit, un film est toujours plus réaliste, emprisonné par la logique de l'image.
Alors c'est un parti prix que le réalisateur a choisi, afin de mettre en avant cet aspect étrange des personnages, et personnellement, je trouve qu'il ne nuit nullement à l'intrigue et qu'au contraire il correspond parfaitement à ce qu'écrivait Boris Vian.
En effet, favoriser la dépiction d'un débarrassage de table abracadabrant à un dialogue entre les personnages rend parfois dans le cas présent mieux compte du contenu de l'œuvre que l'inverse, d'autant qu'il n'est en vérité pas si négligé que ça!

Musique! (déjà un peu évoquée…) On entend le jazz s'écouler dans toutes les pages du roman, jusque dans le marécage en lequel l'appartement finit par se transformer, rappelant le Bayou et la Nouvelle Orléans, berceau de cette musique si chère à Boris Vian. Dans le film, elle est en alternance avec des musiques plus modernes. En fait, tout le film est, encore une fois pour rester fidèle au roman, dans son intemporalité cette fois, le film donc est on ne sais où sur la courbe temporelle, la ville apparaîssant tantôt comme dans les années 50, tantard comme futuriste, et entre les deux de nos jours parfois, entre autres.

Le même humour flotte dans les deux œuvres, dans lesquelles l'eau est très importante, car elle encourage la maladie de Chloé, son nénuphar. La caméra perd petit à petit sa couleur au fur et à mesure que l'état de Chloé s'aggrave, et l'appartement rétrécit.
J'ai parlé de poésie. La même douceur se glisse entre les mots de l'auteur et les prises du filmeur, amour, ambiguïté amoureuse, les signes les plus explicites d'amour n'en étant pas toujours les preuves les plus grandes.

Je vous laisse avec ça, vous comprendrez si vous l'avez lu, vu ou les deux. N'hésitez pas à commenter!

Au fait, il y a aussi un film fait en 1968 adaptés de L'écume des jours de Vian, mais je ne l'ai pas encore vu.
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