PROJET AUTOBLOG


Tcit

Archivé

source: Tcit

⇐ retour index

Macklemore, la preuve du succès possible des musiciens indépendants ?

vendredi 31 janvier 2014 à 00:35

Aujourd’hui, je parle musique, avec un artiste dont la révélation n’est certainement pas passée inaperçue l’année dernière : Macklemore. Il est resté longtemps est toujours à l’heure actuelle en tête des TOP 50 de nombreux pays et a reçu de nombreuses distinctions, notamment le disque d’or en France, et plus récemment, 4 Grammy’s Award aux États-Unis, dont celui du meilleur album de rap de l’année.

« Boouh, quoi ? Tu nous parles de rap du top 50, tu n’as aucun goût ! Ce ne sont que des imbécillité produites par des producteurs qui ne voient que leur argent, et d’ailleurs tout ce milieu n’est qu’argent. Pourquoi tu nous parles de cela ? »

La réponse à cette question très justifiée pourrait tenir dans cette chanson, Jimmy Iovine, et en particulier dans ses paroles :

Dans cette chanson, Macklemore raconte le jour où il aurait pu signer avec un gros label. Bien que l’histoire soit fictive, Jimmy Iovine est réellement le directeur du label Interscope Records, filiale d’Universal. Sans faire l’analyse de la vidéo entière (il parle notamment de l’ambiance de l’endroit, glauque) je retiendrai quelques passages bien sympathiques à étudier :

He said: we’ve been watching you, so glad you could make it
Your music gets so impressive in this whole brand you created
You’re one hell of a band, we here think you’re destined for greatness
And with that right song we all know that you’re next to be famous

Now I’m sorry, I’ve had a long day remind me, now what your name is?
That’s right, Macklemore, of course, today has been crazy

Ici, on voit bien que le producteur ne sait absolument rien sur le groupe, et signe des contrats à longueur de journée.

Anyway, you ready? We’ll give you a hundred thousand dollars
After your album comes out we’ll need back that money that you borrowed.

So it’s really like a loan ?

Alone?! Come on, no.
We’re a team, 360 degrees, we will reach your goals!
You’ll get a third of the merch that you sell out on the road
Along with a third of the money you make when you’re out doing your shows

Le producteur propose à Macklemore 100 000$ et lui dit qu’il doit le rembourser une fois son album sorti. Macklemore trouve que cela ressemble beaucoup à un prêt classique. Le producteur dément (vous aurez remarqué le jeu de mots) en proposant un « contrat 360 », qui consiste à ce que la maison de production, en échange de l’argent avancé, prenne un pourcentage sur tous les revenus de l’artiste.

Ainsi, il laisse à l’artiste un tiers sur les produits dérivés et les concerts. De cette proposition, il en conclut que lui et Macklemore sont dans la même équipe, car ils ont le même but, faire le maximum de tournées pour gagner le maximum d’argent.

Sauf que non. Le but d’un producteur uniquement de faire de l’argent, alors que le but d’un artiste, s’il doit aussi évidemment vivre, devrait-être tout autre. Ainsi, par ces contrats « 360 », les producteurs peuvent forcer les artistes à faire des centaines de concerts, car c’est dans le contrat, même si la créativité, l’énergie ou l’envie n’est plus au rendez-vous. On imagine les conséquences que cela peut avoir (un indice : drogue). Les maisons de production peuvent aussi avoir des droits sur vos apparitions publiques, votre accoutrement, voire votre humeur. En bref, votre image au grand complet.

Or, malgré le fait que ces contrats pourraient être largement refusés vus leurs conditions, on assiste à une augmentation flagrante de ce type de contrats dus à l’explosion de la distribution digitale et du « piratage », qui font que les grosses boites ont besoin de signer des contrats encore plus abusifs avec les artistes pour continuer à gagner encore plus.

piracyManager gets 20, booking agent gets 10
So shit, after taxes you and Ryan have 7% to split
That’s not bad, I’ve seen a lot worse, No one will give you a better offer than us (mm-hm)

Bon, voilà, il explique qu’au final, il lui resterait que 7% des revenus à partager avec son comparse Ryan Lewis. Et que c’est déjà bien, regardez donc ces statistiques :money share labels

Et ne parlons pas des chiffres horribles avec un service comme Spotify. Si la technologie est très intéressante, le service ne fait que rajouter un intermédiaire de plus, ce qui fait encore de l’argent en moins pour l’artiste.

I replied I appreciate the offer, thought that this is what I wanted
Rather be a starving artist than succeed at getting fucked

Cette dernière phrase résume tout le problème. Les artistes préfèrent signer de tels contrats et se faire enfler, plutôt que de rester sans le sou, et ils ont raison, car c’est la seule solution, n’est-ce pas ? Non ?

Non ?

Regardons Macklemore. Pour arriver en haut de l’échelle, avec tous ses hits et ses distinctions, pour que la presse entière et tout le monde l’acclame, il a dû signer avec une sacrée grosse boîte, non ?

Non.

Le label de Macklemore est actuellement Macklemore LLC, son propre label. Cet artiste s’est fait tout seul, jusqu’à un certain point toutefois. En effet, pour avoir une réputation dans ce milieu, il ne suffit pas d’être bon (j’espère que c’est une évidence pour tous les lycéens rebelles en quête de gloire), mais il faut aussi se faire connaître.

Si on peut avoir une carrière très réussie sans passer à la radio, le fait d’être entendu via ce média (parfois trop) donne à l’artiste un coup d’accélérateur phénoménal dans les ventes d’album ou de singles. Et, avouons-le, c’est agréable.

Pourtant, il ne semble pas y avoir d’autre moyen que de signer avec un label pour passer à la radio. Alors, je réponds à votre question, oui, Macklemore est resté indépendant tout en passant à la radio. Mais il a utilisé une branche de la Warner, l’Alternative Distribution Alliance (ADA) dont le but est de faire diffuser le contenu des artistes indépendants. Évidemment, le fait qu’il était déjà n°1 sur iTunes à bien aidé.

Apparemment, c’est tout. Il a eu de la chance. Mais je ne pense pas que cela soit uniquement cela. Macklemore utilise massivement YouTube pour interagir avec sa communauté, et ses vidéos avaient des millions de vues avant qu’il commence à être dans le top des ventes.

Personnellement, mes découvertes musicales ne se font plus à ce que j’entends à la radio (je ne l’écoute pas volontairement, mais il suffit par exemple de prendre le bus pour l’entendre). Les nouveaux artistes naissent et explosent sur internet (celui qui a pensé à Justin Bieber a tout mon mépris). La bibliothèque musicale immense à laquelle nous avons accès sur internet nous permet de choisir nous même les artistes que nous aimons et non ceux que l’on nous laisse choisir.

Des artistes choisissent d’être produits directement par internet, par exemple Grégoire et Joyce Jonathan ont réussi en France, même si MyMajorCompagny a abandonné le concept, mais Amanda Palmer a réussi un kickstarter tout simplement extraordinaire pour la promotion de son nouvel album Theatre Is Evil.

Alors, à ce futur là, je dis oui. J’ai téléchargé légalement puis payé cet album, car j’ai aimé. Et tout le monde est content.

Allez, un petit mot pour finir sur Macklemore. Non seulement il est bien conscient du système et a choisi à juste titre de rester indépendant, mais il écrit des super chansons, dont ma préférée est Same Love (et le clip est super aussi). Et pourtant, je ne suis vraiment pas porté sur le rap.

Et sinon Macklemore est aussi un good guy. J’ajouterai que c’est un des seuls artistes dont je vois le générique entier pour un clip. Lisez aussi ce billet de blog de sa part, célébrant l’anniversaire de son album The Heist.

flattr this!