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YouTube répond officiellement aux youtubers agacés : il va falloir changer

mercredi 18 décembre 2013 à 12:03

youtube

Après la déferlante de critiques et de haine qu’ont provoqué de récents changements dans la politique de gestion des copyrights des vidéos YouTube, la plateforme de partage de vidéos en ligne répond officiellement aux « youtubers » agacés.

Ne vous attendez pas à des excuses, mais juste à une explication :

Comme je l’avais perçu au premier abord, aucun changement dans les conditions d’utilisation de YouTube n’est intervenu. La plateforme a seulement appliqué son système de contrôle d’infraction au Copyright, imposé par l’industrie de la culture, au système des MCN (Multi-Channel Networks). Une sorte d’équivalent des grosses chaînes de TV traditionnelles sur YouTube.

Des organisations qui s’en mettaient plein les poches en monétisant des contenus ne leur appartenant pas (en employant des musiques de fond principalement) se sont alors rendus compte que faire du business avec des contenus sur lesquels elles n’ont aucun droit n’était tout simplement plus possible, et que les milliers d’heures de vidéos déjà intégrées à YouTube allaient être monétisées aux ayants-droit originaux des musiques et/ou vidéos.

Le système de contrôle sur YouTube était déjà en place, les conditions d’utilisation n’ont pas bougé, ce sont juste les vidéos faisant partie d’un MCN qui se sont vues sanctionnées.

Étrange tout de même que la plateforme de Google n’ait pas appliqué plus tôt la même politique concernant les MCN au Copyright non ? Et c’est là qu’ils ont été quelque peu hypocrite : cette manne de contenus légèrement borderline en ce qui concerne les droits d’auteur ont permis au site de se forger une place de leader incontestable et une audience confortable.

Quant aux youtubers, désolé les gars, mais vous flirtiez beaucoup trop dangereusement avec les limites en ce qui concerne les copyrights. Ok, vous sanctionner pour un extrait d’une quinzaine de secondes est excessif, mais la loi n’impose pas que vous ayez le droit d’utiliser des extraits de films ou de musique pour illustrer vos vidéos ou vos critiques. La notion de Fair-Use est terriblement floue, mais elle précise néanmoins qu’« il y a une différence entre quelques images reprises d’un film pour une critique non commerciale et ces mêmes images figurant dans une compilation commercialisée de critiques (encore que la critique commerciale puisse être qualifiée d’information journalistique). » Vous aviez une épée de Damoclès au-dessus de votre tête, et elle est définitivement tombée par le bon vouloir de YouTube.

Ce dernier vous conseille alors de vous arranger avec les ayants-droit en faisant une réclamation directement dans le mail que vous enverra la plateforme en cas « d’infraction » si vous pensez vraiment que la situation est excessive, d’utiliser vos propres musiques ou des musiques libres de droits, dont une collection est fournie par Google. Youtube recommande même de couper la musique des jeux dans les options afin d’être tranquille en ce qui concerne d’éventuelles demandes de la part des détenteurs des droits sur la bande-son d’un jeu. Il va falloir s’adapter si vous voulez continuer à utiliser YouTube : la politique du site ne changera pas.

Je persiste à penser que les problèmes de fond dans cette affaire viennent des ayants-droit qui réclament des contrôles et des droits excessifs sur leur propriété intellectuelle, de l’absence d’un Fair-Use clairement défini pour empêcher toute dérive, d’un inconscience globale des youtubers qui ont mis tous leurs œufs dans le même panier sans parfois se poser de questions basiques (combien j’ai vu de vidéos avec un générique utilisant directement une musique connue sans même la citer dans les crédits !), d’une certaine hypocrisie de Youtube qui a laissé tout ce petit monde se développer avant de faire tomber le couperet…

En bref, le problème est complexe, multiple, il n’y a pas qu’un seul coupable : quasiment tous les acteurs de ce petit jeu sont plus ou moins impliqués et responsables de cette situation.

Pourtant, il existe des solutions, effectivement plus complexes à mettre en place, mais plus sûres. Construire l’intégralité de ses revenus sur une plateforme propriétaire est très souvent suicidaire. Des youtubers connus aux USA ont commencé il y a quelques mois à refuser les offres de YouTube et à utiliser d’autres partenaires pour diffuser leur contenu et le monétiser.

Les plus gros poids lourds de YouTube comme Machinima ne comptent plus sur cette seule plateforme pour assurer leurs revenus : ils comptent créer leur propre plateforme, en ne diffusant que quelques épisodes d’une Websérie sur YouTube pour vous appâter, et en vous proposant de voir la suite sur leur propre site, sur lequel ils gardent un contrôle total.

La monétisation des vidéos en ligne vient de changer à tout jamais, et il est d’autant plus urgent de trouver de nouveaux modèles économiques pour les youtubers qui vivaient de leurs vidéos, de nouvelles manière de créer, d’être diffusés.

Bizarrement, ça me rappelle pas mal le discours moralisateur que l’on sort aux artistes piratés : « vous n’avez qu’à vous adapter ». Et effectivement, dans un monde où ces derniers ne peuvent pas lutter contre le piratage, il faut essayer de vivre autrement de ses oeuvres. Ici les youtubers vont devoir eux aussi apprendre à changer de manière de diffuser leurs contenus, de se promouvoir et de monétiser leurs oeuvres. Certains ont la chance d’avoir un public extrêmement fourni de fans : le potentiel est bien là. Migrer seulement sur une autre plateforme propriétaire d’hébergement vidéo ne changera rien à long terme : il va falloir trouver un nouveau modèle économique.

C’est aussi la même chose pour la presse en ligne, qui doit « subir » les bloqueurs de publicités qui réduisent petit à petit leurs revenus, et qui doit aussi théoriquement garder une indépendance vis-à-vis des annonceurs.

Conclusion : les ayants droit et les artistes (ici les youtubers) découvrent la réalité du monde dans lequel ils sont. La plupart donnait des leçons durant ces dernières années aux artistes piratés et aux majors en leur rétorquant qu’ils étaient incapables de s’adapter au piratage. Sauf que ce sont maintenant eux les artistes qui voient leur revenus fondre. Ce sont eux qui vont devoir trouver de nouveaux modèles économiques.