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Le CNAM essaie de censurer la critique d’un de ses clients, puis se retire

jeudi 31 juillet 2014 à 13:36

J’ai été contacté la semaine dernière par Julien qui a écrit un article critique sur sa recherche de formation avec le CNAM en octobre 2013. Cet organisme se réveille 10 mois plus tard et somme l’auteur de retirer son article et d’avoir un entretien avec lui une fois ceci fait (comme de par hasard après qu’une blogueuse ait été condamnée pour la position de sa critique dans les résultats de Google).

Julien refuse, mais offre la possibilité au CNAM de faire jouer son droit de réponse légitime. Le CNAM contacte alors la direction professionnelle de notre blogueur critique, et envisage des poursuites judiciaires contre le site hébergeant l’article et/ou l’auteur sous prétexte que  l’auteur dénigre via cet article « l’ensemble des diplômés du CNAM » et fait risquer au CNAM « une perte de la valeur de ses diplômes ».

Analysons maintenant plus en détails les propos de Julien et la réaction du CNAM :

Si on regarde du côté de Wikipédia, on y apprend que le Conservatoire national des arts et métiers est un établissement public de l’État à caractère scientifique, culturel et professionnel, doté du statut de « grand établissement ». Placé sous la tutelle du ministère chargé de l’Enseignement supérieur, il remplit trois missions :

La devise du CNAM est « omnes docet ubique » qui signifie « il enseigne à tous et partout » en latin. Il est implanté dans plus de 150 villes en France et à l’étranger. Vu comme ça, ça fait rêver n’est-ce pas ?

Les étudiants suivant des cours au CNAM le font en partie à distance. Mais il semble que, selon l’avis de Julien qui a cherché à suivre une formation au CNAM sur le développement de sites Internet, le prix à payer pour cette formation est un peu trop élevé pour proposer certains cours qui ne sont pas forcément adaptés au télé-enseignement. Il cite par exemple le cours d’infographie, qui n’est pas selon lui des plus adaptés à un enseignement à distance.

Julien critique ensuite le prix de sa formation au CNAM :

Il estime que la différence de prix est difficilement pardonnable entre le prix « personnel » et « entreprise » pour le même service, mais ce qui le dérange le plus est que le prix de la formation à distance hors région est majorée (de 20 ; 30 ; 40 € en fonction du temps ECTS). En effet, certaines unités d’enseignement via Internet ne sont pas assurées par certains centres CNAM. Du coup, le formé doit payer un supplément afin de suivre les cours à distance qui sont dispensés par un autre centre CNAM hors de sa région. A l’époque d’Internet, il est difficilement concevable de devoir payer un supplément pour un service en ligne selon la région dans laquelle on se trouve. Imagineriez-vous payer plus pour envoyer un mail à un contact présent dans une région ou un pays distant ?

Passons maintenant à la plateforme informatique utilisée par le CNAM pour ses cours à distance. Une plateforme annoncée par le CNAM comme permettant « de visualiser des diaporamas, des vidéos, du tchat, le tout sans plug-in. » Julien utilisant le système d’exploitation libre Sabayon, basé sur un noyau Linux, il a alors voulu savoir avec certitude s’il allait pouvoir accéder à cette plateforme sur sa distribution Linux. Le responsable informatique qu’a contacté Julien n’a pas pu lui affirmer avec 100% de certitude que son système d’exploitation pourrait lui permettre d’utiliser pleinement la plateforme en ligne du CNAM. Il lui a tout de même affirmé : “Sinon vous mettez Wine et c’est bon”.

Sauf que dans la formation que propose le CNAM sur le développement de sites Internet, des cours obligatoires passent par l’utilisation obligatoires des logiciels propriétaires payants Photoshop et Dreamweaver. Deux logiciels propriétaires ne tournant que sur Windows et Mac OS, deux systèmes d’exploitation propriétaires. J’ajoute que Photoshop et Dreamweaver sont maintenant des logiciels disponibles uniquement à la location, et dont le coût s’élève à 239 € / an si vous êtes étudiant, et 442 € / an si vous êtes un particulier. Ils nécessitent de plus d’être activés tous les 30 jours en ligne.

Le libre est donc laissé pour compte dans les cours de cet organisme dont la devise est « il enseigne à tous et partout » et dont l’une des missions est « la diffusion de la culture scientifique et technique ». Deux notions difficilement compatibles avec l’utilisation obligatoire de logiciels propriétaires payants et de leurs contraintes techniques et financières. Quand Julien a fait remarqué que l’usage de ces logiciels n’était pas gratuit, le CNAM lui a rétorqué d’utiliser des versions d’évaluation. Des versions limitées à 30 jours d’usage gratuit, et qu’Adobe limite strictement à des fins d’évaluation uniquement (la formation rentre-t-elle dans ce cadre ? Difficile d’avoir une réponse certaine sur ce sujet).

Bref on est tout de même loin de la diffamation ou de l’injure, mais plus proche de la critique légitime, accompagnée d’arguments non ? Alors pourquoi avoir tenté de supprimer cet article et de ne pas utiliser son droit de réponse ?

Il apparaît par la suite que le CNAM sur Twitter s’est complètement désolidarisé de toute action qui aurait été entreprise pour censurer cet article :

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On peut dès lors subodorer que la tentative de censure de cet article critique envers le CNAM n’a en fait été émise que par Monsieur Bertrand T. (cité dans l’article originel), dont on peut vite retrouver sur Internet qu’il est un des responsables du CNAM Rhône-Alpes, cité dans l’article.

Sachant que la communication publique du CNAM ne rejoint pas celle de son représentant Rhônalpin, il y a fort à parier que l’organisme souhaite s’épargner une mauvaise publicité sur Internet via un article qui n’est pourtant que critique, et non pas diffamant ou insultant, à mon sens. Je ne saurais trop conseiller à Monsieur Bertrand T. de suivre de plus près l’actualité récente et de s’informer sur les conséquences d’un potentiel bad buzz plutôt que de menacer un blog sans même utiliser son droit de parole.

Cette affaire nous rappelle que certains organismes ou entreprises ont encore du mal à accepter que l’utilisation d’Internet ne rende pas obsolète le droit à la critique en France. Le droit à la critique fait partie de la liberté d’expression et il est important que nous restions vigilant pour le préserver. Je vous laisse imaginer ce que deviendrait notre société dans quelques années si nous n’avions plus le droit de critiquer publiquement une personne physique ou morale : plus de mauvaise critique de films, de livres ou de jeux vidéo ? Plus le droit de donner un avis négatif sur des personnalités politiques ? Quid des agissements parfois peu éthiques de certaines entreprise ?

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