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[Droit Geek] Et si Facebook pouvait réellement devenir un pays ?

lundi 19 novembre 2012 à 09:43

Cet article accueille un tout nouveau concept sur ce blog : une série de billets rédigés par un juriste souhaitant rester anonyme, prenant le parti de vulgariser les textes de loi et le Droit d’un point de vue technophile.

Un angle de vue intéressant et que l’on retrouve malheureusement bien peu dans les blogs et journaux. Il faut dire que le Droit n’est pas une discipline facile, et les avocats spécialistes de la chose n’ont pas forcément le temps de décoder tout ça pour nos pauvres esprits de geek ^^

Pour ce premier article, notre ami va se demander si une communauté Internet pourrait réellement devenir un pays reconnu par les Nations Unies :

 

À chaque fois que Facebook dévoile son nombre d’utilisateurs actifs, les journalistes ne peuvent s’empêcher de titrer ou sous-titrer leur article avec un « Si Facebook était un pays… ». Pour info, après être passé au milliard de membres il serait le 3e pays après la Chine et l’Inde.

Chaque fois que je lis un titre pareil, déformation professionnelle oblige, cela me replonge dans mes souvenirs de cours en amphithéâtre, et notamment dans la définition de l’État du point de vue du Droit international.

Cela me mène à une question plus large : Pourrait-on créer un État immatériel sur le net ?

Il existe déjà certaines initiatives dans ce sens, en plus de l’imaginatif collectif. Un site Internet suisse VirtualGlobalNation  entend devenir la première nation virtuelle à être représentée aux Nations Unies. Cette nation virtuelle fait écho aux nombreuses « micro-nations » qui pullulent déjà sur Internet. Dans le domaine de la création artistique, le film « The 8th Wonderland » pose le problème d’un réseau social qui devient un véritable pays Online n’ayant pas de territoire physique. L’idée est bien présente dans les esprits, et peut-être y avez-vous déjà pensé mais, est-elle réalisable d’un point de vue juridique ? C’est ce que nous allons voir ensemble dans ce qui suit.

 

Qu’est-ce qu’un État ?

Il est communément admis en droit international qu’un État est composé d’une population vivant sur un territoire, sous l’autorité d’un gouvernement effectif. La population, le territoire et le gouvernement effectif sont les trois critères cumulatifs de la définition de l’État.

Un site Internet peut-il cumuler ces trois critères et devenir ainsi un État au sens du droit ?

Une population

À ce stade, il n’y a pas vraiment de problème, la population se compose des utilisateurs du site Internet, ceux qui participent à sa vie. Le premier critère est rempli sans aucune difficulté.

Un territoire

Là comme vous vous en doutez, ça se complique ! La particularité d’Internet est de ne pas être attaché à un quelconque territoire physique. Donc pas d’assise matérielle, si ce n’est pour les serveurs et les câbles qui connectent le tout. De toute façon les serveurs ont beau être situés aux États-Unis, on pourra toujours y accéder depuis la France.
Comment résoudre ce problème de territoire ? Est-ce véritablement un territoire délimité par des frontières ? Creusons du côté des noms de domaines. Un nom de domaine représente en quelque sorte le territoire immatériel dans laquelle vit la population des utilisateurs. Pour entrer sur ce nom de domaine, il convient de traverser une frontière. Les modalités pour traverser cette frontière divergent selon les sites : libre d’accès, inscription avec mot de passe nécessaire, payant, etc. On retrouve là ce qui se fait dans le monde physique. Les frontières en Europe sont libres. Certains pays demandent juste une inscription (passage à la frontière), et d’autres demandent une contrepartie financière (le visa).

Le gouvernement effectif

Ce dernier critère est le plus difficile, car même en Droit international, les auteurs ne sont pas tout à fait d’accord sur la notion de gouvernement effectif… Il est reconnu, d’une façon générale, qu’un gouvernement doit posséder la capacité effective à imposer son autorité sur une partie représentative de son territoire. Par ailleurs, ce gouvernement doit être en capacité d’exercer ses missions d’État, c’est-à-dire ses missions de service public. Peu importe qu’il s’agisse  d’une dictature ou d’une démocratie, d’un royaume ou d’une république, d’un gouvernement laïc ou religieux.
Jusqu’où pouvons-nous transposer ce dernier critère à un site Internet de type réseau social ?
Le gouvernement doit asseoir son autorité sur une partie significative du territoire. On a vu que le territoire était, sur Internet, attaché au nom de domaine. Dans le cas de Facebook, cette première condition est respectée. En effet, c’est l’entreprise qui applique sa politique sur tout le réseau. Par exemple, si vous ne respectez pas les conditions générales d’utilisation du service, vous devrez rendre des comptes à l’autorité. Celle-ci pourrait même vous rayer de la liste de sa population !

Est-ce que Facebook exerce des missions de service public ? Au sens strict du terme, pas vraiment, bien que le réseau favorise l’accès à l’information, mais cela reste encore sujet à débat. Après si l’on se place du point de vue Facebook, l’entreprise exerce les missions qui lui sont propres. J’entends par là qu’elle maintient son service, le fait évoluer, le finance… Cela pourrait s’appliquer à une mission de service public dans l’hypothèse où Facebook serait un État. Donc on se rapproche de la réunion des trois critères !

Cependant une autre question se pose : Facebook pourrait-il vraiment devenir un gouvernement ? Si on reprend le fait que le droit international ne tient pas compte de cette forme de gouvernement, pourrait-on dire qu’il est possible d’avoir un gouvernement privé ? C’est bien Facebook qui rédige les conditions d’utilisation qui s’appliquent à tous ses utilisateurs. Le réseau social décide unilatéralement leurs modifications. De plus, Facebook a quelque fois demandé l’avis de ses utilisateurs sur les nouvelles conditions d’utilisation : cela ne ressemble-t-il pas à un référendum populaire ?

 

D’un point de vue juridique, il reste de nombreuses subtilités à régler. Je suis cependant persuadé que nous nous dirigeons vers ce modèle, avec en premier lieu des États ou Nations virtuelles qui ne s’occuperaient que d’affaires « virtuelles », mais qui pourraient à terme avoir de réelles implications dans la vie réelle et un impact bien plus important…

Qu’est-ce que vous inspire tout cela ? Seriez-vous prêt à vous dire ressortissant d’un site Internet et de participer à la création de sa politique, intérieure et extérieure ?

La page Google+ d’Informapolis

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