Bien qu’il ait réalisé dernièrement une splendide sortie de piste laissant la France interloquée par ses déclarations ubuesques, Arnaud Montebourg, notre bien aimé Ministre du redressement productif, n’a pas fini de sortir des conneries monumentales en ce qui concerne le numérique en France !

Alors que son ministère est chargé de préparer et mettre en œuvre la politique du Gouvernement en matière d’industrie, de petites et moyennes entreprises, de postes et communications électroniques, de services et surtout d’innovation, le ministre a prononcé une phrase d’anthologie devant un parterre de professionnels du Web venant des 4 coins du monde :

« We need to slow the innovation to protect the old businesses » soit, en bon françois : « Nous avons besoin de ralentir l’innovation pour protéger les anciens business ».

Je vous avais prévenu que l’on tenait là le genre de citations capable de vous retourner le ciboulot en moins de 5 secondes… Concrètement, quand on est le ministre chargé de promouvoir l’innovation en France et que l’on prononce une telle sentence, qu’est-ce que cela signifie ?

Pour Montebourg, une bonne innovation est une innovation qui ne va perturber aucune entreprise déjà en place, aucun modèle acquis depuis plusieurs années (les fameux old businesses). Peut-il seulement exister une innovation de ce genre ? Impossible si l’on regarde la définition de ce qu’est une innovation :

L’innovation est le processus consistant à innover, c’est-à-dire à chercher à améliorer constamment l’existant de façon radicale. C’est un changement dans le processus de pensée visant à exécuter une action nouvelle.
Une innovation est une amélioration radicale d’un produit, d’un service, d’un procédé ou d’une de leur composantes et qui remporte un succès commercial rapide. Elle se distingue d’une invention ou d’une découverte dans la mesure où elle s’inscrit dans une perspective applicative.

La position du gouvernement français est donc très claire : tout changement susceptible de perturber un ancien modèle économique ne sera pas soutenu. Il faut protéger les acquis à tout prix.

Hadopi est là pour que les ayants droit ne changent rien, Free Mobile est critiquée car l’entreprise ose s’attaquer au cartel des opérateurs télécoms français (non le mot n’est pas trop fort, ils se sont déjà fait condamné pour ça), les entreprises qui veulent proposer des chauffeurs plus rapides et moins chers sont aussi pénalisées, les notaires protestent contre une concurrence moins chère venue d’Internet…

La plupart des décideurs de ces secteurs se voilent tout simplement la face : il est impossible d’arrêter complètement l’innovation, elle finira inexorablement par vous rattraper. Si au moins vous utilisez ce temps gagné pour tenter de combler le fossé et rattraper le retard… mais non ! Vous préférez ne surtout rien changer, et vous plaindre auprès du gouvernement une fois que votre stratégie morte-née sera acculée.

Au final, qui est-ce qui va payer ? Les décideurs arriérés des entreprises, des cartels et des corporations de métiers ? Non, non, non, c’est nous qui allons directement payer, avec nos impôts, car il faut porter secours aux vieux business qui ne fonctionnent plus à cause de l’innovation, les maintenir sous perfusion avec notre argent car ils refusent de modifier leur manière de vendre leurs produits, de proposer leurs services…

Mais on va fatalement arriver à une situation intenable : avec de plus en plus de corporations qui vont se sentir flouer par l’apparition d’innovations venues d’Internet toujours plus nombreuses… Il ne sera pas possible de prélever assez d’impôts pour maintenir en vie des entreprises qui gagnent de moins en moins d’argent !

Bref, il serait temps de se sortir les doigts du cul (je sais, c’est une image fort poétique ^^) et de favoriser véritablement l’innovation sans la noyer de lois ridicules pour protéger à tout prix les anciens modèles. Je ne dis pas qu’il faille favoriser toute forme d’innovation peu importe leur pouvoir destructif, mais que de ne prendre parti seulement pour les anciens modèles économiques obsolètes n’est pas une solution viable. Cela nous conduit tout droit dans le mur Monsieur Montebourg…

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