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Re: Mitsu'liens Macron va taper les gens du voyage « là où ça fait mal : au porte-monnaie » | StreetPress

mardi 19 octobre 2021 à 13:09

La lecture de cet article me fait découvrir qu'il existe maintenant des amendes forfaitaires délictuelles. On parle bien ici d'un délit et pas d'une contravention.
Ce doit être récent puisque wikipédia n'est pas au courant de leur existence et ooreka non plus qui pourtant mentionne les nouvelles amendes forfaitaires de catégorie 5 mise en place par Macron en 2020 lors du premier confinement.

Pour rappel, en france on a 3 catérgories d'infractions pénales: les contraventions classées en 5 catégories qui sont les moins graves et ne peuvent entrainer de peine d'emprisonnement ou d'amende de + de 3000€ et sont traitées par le juge de proximité sauf la catégorie 5 qui est gérée par le tribunal de police; les délits qui sont les infractions sérieuses entrainant des amendes supérieures à 3750€ jusqu'à 7 500 000€ et pouvant entrainer des peines de prisons de 2 mois jusqu'à 10 ans et sont gérés par le tribunal correctionnel; les crimes qui sont les plus graves avec des amendes d'au moins 3750€ et de la prison de 15 ans à la perpétuité qui sont jugés en cour d'assises. [1]

Que des amendes forfaitaires puisse s'appliquer à des délits est un changement significatif du droit pénal, j'ai donc fait une petite recherche et voila ce que j'ai trouvé:

L'origine remonte à la mise en place des radars automatiques par Sarkozy qui a créé l'agence nationale de traitement automatisé des infractions (ANTAI), et j'en profite pour rappeler que les radars automatiques font l'objet de nombreuses "irrégularités" (prise illégale d'intérêts, triche dans l'attribution des marchés, …) [2]. En effet c'est l'existence de ce traitement automatisé qui va rendre possible la création d'amendes forfaitaires délictuelles sous Hollande dans la loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle[3][4]. Il s'agit d'une procédure d'exception s'appliquant exclusivement à deux infractions relevant du régime spécial des infractions routières: la conduite sans permis et la conduite sans assurance, qui se font par procès-verbal électronique et traitement automatisé par l'ANTAI.

La conduite sans assurance ou sans permis sera dorénavant sanctionnée par des "amendes forfaitaires" d'au moins 400 euros pour la première et 640 euros pour la seconde. Jusqu'ici, ces délits étaient en théorie passibles de peines plus lourdes, mais en pratique les tribunaux prononçaient des amendes plus faibles et au bout d'un délai plus long. En cas de récidive ou si d'autres infractions se cumulent, le dossier se réglera en revanche au tribunal. Par ailleurs, à compter du 1er janvier 2017, l'employeur, privé ou public, devra désigner les salariés auteurs d'infractions routières avec un véhicule lui appartenant, dans un délai de 45 jours.5

il s'agit donc d'alourdir les peines appliquées et d'accélérer leur traitement. Mais prendra un sérieux retard pour "raisons techniques" et ne sera déployé progressivement qu'à partir de novembre 2018.
Toutefois ce retard et bien que le dispositif ne soit pas appliqué, dès 2017 Macron veut l'élargir à l'usage de stupéfiants, annoncé dans la foulée par le ministre de l'intérieur de l'époque, et publié dans un rapport parlementaire d'un ancien député de Hollande devenu Macroniste en janvier 2018[6]. Cette proposition est alors intégrée au projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice[7] qui a été promulguée en mars 2019 malgré une forte opposition des avocats contre ce proje de loi.

Dans cette loi on trouve donc l'extension de l'amende forfaitaire délictuelle (AFD) à l'usage de stupéfiants mais aussi à d'autres cas:

  • à la vente ou l’offre d’alcool à des mineurs
  • au transport routier en violation des règles relatives au chronotachygraphe
  • aux débits de boissons ouverts à l’occasion de foires, de ventes ou de fêtes publiques autorisées par l’autorité municipale
  • à la vente à la sauvette
  • aux occupations des halls et toits d’immeubles

Les avocats se sont opposés à cet extension en critiquant le dispositif8, créant un droit d'exception, inégalitaire, confus, à la constitutionnalité douteuse.

Malgré l'aveu du rapporteur que la répression ne fonctionne pas, l'opposition des associations (syndicat de la magistrature, la Ligue des droits de l’homme, association de lutte contre le VIH,…) et de représentants du corps médical9, ou même de la police10 L'AFD pour usage de stupéfiants a été déployée progressivement à partir de juin 2020 avant d'être généralisée à tout le pays au 1er septembre11.
3 jours plus l'extension des AFD se poursuit cette fois pour " l'occupation illicite d'une partie commune d'immeuble collectif et vise des personnes qui occupent les espaces communs à plusieurs et empêchent délibérément l'accès ou la libre circulation des personnes ou le bon fonctionnement des dispositifs de sécurité" et pour " l'installation illicite sur le terrain d'autrui, en vue d'y établir une habitation, même temporaire, sur un terrain appartenant à une commune ou à tout autre propriétaire sans être en mesure de justifier de son autorisation."12

Et après ce cheminement, nous voila arrivé au cas soulevé dans l'article de street press.
C'est édifiant de voir comment se construit une dérive vers une justice expéditive appliquée par les policiers par les gouvernements successifs et comment Macron a accéléré le processus. Ça fait peur de voir la direction dans laquelle on est engagé, où les gouvernements organisent les dysfonctionnements de l'appareil judiciaire pour ensuite le déposséder de ses attributions et les donner à la police. La République en Marche forcée vers l'état policier ?

Mais l'histoire des AFD ne s'arrête pas au problème soulevé par street press, car il a déjà été question d'étendre cette amende expéditive à tous les délits punis d’une peine d’amende, outrages, tags, achat de tabac en dehors des lieux de monopole, les mauvais traitements envers les animaux, non-respect de la réglementation relative à l’équarrissage pour n'en citer que quelques uns. Si pour l'instant cela n'a pas été retenu, l'histoire nous laisse penser que ce n'est qu'une question de temps.

Ce n'est pas seulement Macron qui tape les gens du voyages là où ça fait mal, mais ce gouvernement qui prépare un pays où les gouvernements suivants vont taper sur ses habitants.

[1]: https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F1157 et https://www.laculturegenerale.com/difference-crime-delit-contravention/ et https://fr.wikipedia.org/wiki/Infraction_en_droit_p%C3%A9nal_fran%C3%A7ais#Les_classes_d'infractions
[2]: https://www.franceinter.fr/emissions/l-interview/l-interview-11-janvier-2020 et https://reflets.info/articles/radar-la-machine-a-cash et https://www.anticor.org/2018/09/25/affaire-des-radars-automatiques-les-procedures-baillon-contre-une-journaliste-echouent/
[3]: https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000033418805/ et https://www.justice.gouv.fr/modernisation-de-la-justice-du-21e-siecle-12563/
[4]: code pénal, section 9 : de la procédure de l'amende forfaitaire applicable à certains délits (Articles 495-17 à 495-25) https://www.legifrance.gouv.fr/codes/id/LEGISCTA000033443401/2016-11-20

[6]: https://www2.assemblee-nationale.fr/15/commissions-permanentes/commission-des-lois/missions-d-information/application-d-une-procedure-d-amende-forfaitaire-au-delit-d-usage-illicite-de-stupefiants/(block)/44087 et « Usage de stupéfiants : de la dépénalisation de fait à l'amende forfaitaire » : http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/old/15/pdf/rap-info/i0595.pdf
[7]: https://fr.wikipedia.org/wiki/Loi_de_programmation_2018-2022_et_de_r%C3%A9forme_pour_la_justice et https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000038261631/

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