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La France dont rêve le MEDEF

lundi 1 mai 2017 à 10:18
Texte de Pierre Gattaz publié sur LinkedIn (https://www.linkedin.com/pulse/ma-france-en-2022-pierre-gattaz) :

"À quoi ressemblerait la France en 2022, si les réformes pertinentes avaient été menées sans faiblir ? Forcément subjective, voici la vision à laquelle je crois profondément.

Ce matin, j’ai pris le train pour aller visiter la nouvelle usine de mon groupe à Château Renault. C’est une grande fierté. Un bâtiment ultra-moderne et flambant neuf qui vient compléter celui existant depuis plus de 30 ans. C’est la sixième usine du groupe : 200 emplois en plus, inaugurée voilà 1 an tout juste.

Les simplifications administratives, fiscales et sociales, combinées aux baisses de prélèvements obligatoires nous avaient redonné des marges dès 2017. Cela nous a permis de continuer à investir, d’accélérer la formation des salariés, d’être plus agiles, de monter en gamme et, au final, de gagner des parts de marché partout dans le monde. Les réformes du code du travail ont simplifié le droit social existant, retiré des contraintes et facilité le dialogue avec les salariés. En plus, le gouvernement a tenu un cap cohérent, lisible, ramenant petit à petit la confiance dans le pays. Tout cela nous a convaincu de lancer l’investissement nécessaire pour une nouvelle usine en France. Même nos partenaires étrangers ont trouvé ce choix logique – plus personne n’est venu nous faire du « french bashing » : des salariés formés et motivés, des compétences nombreuses et de haut niveau, une administration exigeante mais aidante, une cohérence d’action dans la durée de la part de notre gouvernement, un environnement réglementaire et législatif drastiquement simplifié, des relations continues avec les élus locaux qui se traduisent par des baisses de la pression fiscale locale et une meilleure gestion… Au final, la confiance des forces vives est revenue, notre image internationale a profondément changé, notre croissance est repartie. La France est devenue depuis quelques années l’eldorado de l’esprit d’entreprise, et ça se sent.

En arrivant sur place, j’ai rendez-vous avec les représentants des salariés pour définir un plan de formation et une réforme de la participation. Je veux introduire de nouveaux robots pilotés par intelligence artificielle. Ils devraient nous permettre d'améliorer encore notre productivité et notre qualité. Les salariés sont un peu inquiets – ils ne veulent pas se faire dépasser par la technologie. Je sais que la discussion sera comme à chaque fois tonique et de très bon niveau car, depuis la réforme des instances représentatives des salariés, on a moins d’interlocuteurs mais ils sont très bien formés, plus pertinents et donc plus pugnaces. Je m’accroche régulièrement avec le représentant syndical. Il est coriace et travaille ses dossiers. Je me suis dit que, quand il finirait son mandat syndical, je lui proposerais bien d'encadrer certaines équipes commerciales. Il en a la capacité. Il s’est véritablement révélé dans son mandat. L’autre sujet va être la participation. Partager mieux la valeur créée, entre actionnaires, salariés, dirigeants, voilà un sujet de débats sans fin. Depuis la réforme fiscale sur les plus-values et le renforcement des outils d’intéressements, les discussions se passent mieux car personne ne se sent lésé. Transparence, éthique et exemplarité, voilà comment la grande majorité des chefs d’entreprise gèrent désormais ces sujets, y compris leurs propres revenus.

À la voiture-bar du train, un commerçant de Nevers m’interpelle. Il tient à m’expliquer comment il a participé à la revitalisation de son centre-ville. Initialement il était dans la vente de vêtements et d’articles sportifs. Un commerce voué à la fermeture comme beaucoup de ses collègues s’il n’avait pas pu évoluer et s’adapter rapidement. En changeant ses horaires, en étant actif sur internet et surtout en proposant de nouveaux services. Il s’est également associé avec de nouveaux entrepreneurs qui ont des idées de commerces complémentaires, et ils veulent travailler en symbiose. Vins bios, spécialités de la région, librairie et jeux… Il parle avec passion de son projet, de sa ville, des atouts qu’il y voit. Il veut travailler avec la mairie pour développer le tourisme, attirer de nouvelles compétences. Il a aussi rencontré ses amis entrepreneurs du bâtiment pour relancer l’urbanisme, me parle de bâtir au milieu de la maison de retraite un CFA pour les métiers de la restauration pour recréer du lien social. Une super idée qui a déjà fait ses preuves. Il fourmille de projets et d’envies.

Juste à côté de nous, une boulangère se joint à notre conversation. Elle a une boulangerie industrielle bio et propose ses pains partout dans la région Auvergne Rhône-Alpes. Elle est heureuse et surtout fière de ses 5 salariés, dont 2 compagnons, et de ses 3 apprentis. Les jeunes ont retrouvé le goût des métiers techniques me dit-elle. Ils adorent de ce qu’ils font. Parfois, les plus vieux ressortent leurs vieux clichés : voies de garage, métiers pénibles… Et elle les entend leur répondre : épanouissement, plaisir du travail bien fait, contacts avec les clients ! Ils savent parfaitement que leurs métiers vont évoluer et cela leur va très bien. Ils devront se former tout au long de leur vie et ils y sont prêts. « Il n’y a pas de fatalité à la désertification de nos campagnes » me dit-elle. Sur ses trois apprentis, un est un jeune migrant isolé. Notre boulangère était sceptique au départ, mais la greffe prend. « Il sait pourquoi il est là » me dit-elle. Elle poursuit en me disant qu’elle souhaite maintenant se développer à l’international, car selon elle le pain français a une superbe cote dans le monde. Elle me demande conseil. Je lui réponds : « Commencez par la zone euro : c’est la même monnaie, vous n’avez pas de réglementation trop différente, on peut le faire assez simplement ».

On échange librement. Notre ami commerçant me parle de ses trois salariés, dont l’un n’était pas fait pour le métier, mais n’avait trouvé que ce travail de vendeur. Il est fier de l’avoir poussé à se reconvertir en se formant. Je demande ce qu’il fait maintenant. « Webmaster, il en avait toujours rêvé et il travaille désormais à distance de chez lui ». Je demande s’il a créé son entreprise. « Non, non, il est toujours salarié, son entreprise est basée à Lyon, mais ils acceptent qu’il travaille de chez lui 4 jours par semaine. Maintenant, il s’épanouit ». Il m’explique que, grâce au compte personnel de formation, les salariés sont responsables de leur stratégie de formation. Il faut les accompagner et les inciter à changer, mais ça permet à des gens de quitter des métiers qui leur déplaisent. « Bon, c’est quand même pas facile, et il faut faire des efforts. » conclut-il.

On entre en gare. Je reçois un SMS de mon « chauffeur privé ». Les taxis étaient tous pris. C'est une femme d’une cinquantaine d’années. J’engage la conversation. Elle me dit qu’elle était en « transition professionnelle » comme on dit. Mais qu’elle n’a pas retrouvé un emploi salarié qui l’intéresse. Alors, elle s’est mise à son compte. Et finalement, à sa grande surprise, elle aime bien ce métier. Elle parle avec les passagers, elle peut choisir ses horaires. C’est flexible. Elle qui pensait ne pas savoir faire quelque chose en dehors du salariat, avoir besoin d’instructions précises, elle découvre l’intérêt d’être à son compte. Elle découvre aussi le stress qui va avec quand le chiffre d’affaires ne rentre pas, et ça, c’est plus dur à vivre. Mais au final, ça lui plait. Elle regrette de n’avoir pas pu passer les concours administratifs pour devenir infirmière. Le métier l’intéressait, mais sa belle-sœur, qui est infirmière, l’avait découragée : pas de reconnaissance, pas de management, pas d’intérêt aux missions. Depuis la réforme, l’introduction d’outils de management, d’excellence opérationnelle, de décloisonnement de la fonction publique, les choses ont heureusement changées. Le travail a retrouvé de son intérêt et sa belle-sœur « s’éclate ». C’est toujours dur, mais elle est redevenue fière de son métier et a le sentiment d’être enfin écoutée et prise en compte. « C’est mieux pour nos discussions familiales. » conclut ma conductrice en arrivant.

Cette vision de la France en 2022 est possible. Elle peut même être réelle si nous acceptons de faire les efforts nécessaires et de dépasser nos postures. C’est ce dont je suis intimement persuadé comme chef d’entreprise. Mais pour cela, il ne faut pas se tromper sur les réformes à mener, ne pas tourner le dos à l’euro et à l’Europe, faire de l’entreprise et de l’envie d’entreprendre le moteur de nos politiques économiques, simplifier et baisser les prélèvements, mettre en œuvre un management moderne tant dans les entreprises que dans la sphère publique, pour la motivation et l'épanouissement de tous au travail. Et surtout remettre l'entreprise et l'esprit l'entreprise au centre du village, de chaque village.

Nous pouvons le faire. J’en suis persuadé."

C'est dingue, on dirait du ploum :/
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