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J-24

dimanche 9 juin 2013 à 18:22

La journée d’hier m’est restée en travers de la gorge. En plus de mes enfants, ma fratrie était également présente. Au fond, je pense que je n’aime pas les repas de famille. J’ai trop mangé. Je suis resté trop assis. Nous n’avons pas eu de conversation intéressante. J’ai perdu une journée.
 
Je suis monté me coucher le soir en me sentant bouffi, énervé, ankylosé. Mes poumons étaient comme repliés, vidés, ne respirant que faiblement un air vicié par les relents gastriques.
 
Peut-on refuser cette sociabilité obligatoire sans passer pour un rustre misanthrope ? Ce n’est pas que je ne vous aime pas mais l’idée de passer une après-midi à bâfrer sans lever un instant ses fesses de sa chaise me répugne, quelle que soit la qualité de la compagnie.
 
Alors, aujourd’hui, j’ai décidé d’organiser une ballade en famille. Nous sommes partis vers la campagne. Nous avons marché plusieurs kilomètres avec une pause pique-nique près de ruines relativement touristiques.
 
Le temps grisaillait légèrement. Nous avons même eu un soupçon de pluie mais j’ai trouvé cela agréable. Chaque goutte qui tombait, chaque bouffée d’oxygène était un pur moment de bonheur.
 
Je me souviens d’un instant, peu de temps après la naissance de mon aîné. Je tenais la petite chose rose dans mes bras pendant que la maman se reposait. Il avait les yeux fermés et sa bouche produisait un petit bruit de succion. J’ai posé ma main sur ses cheveux encore rares. Il a sourit et poussé ce qui m’a semblé être un bref soupir. Une ébauche, un souffle, un atome de soupir de contentement. Je me suis senti heureux. Rien ne comptait d’autre que le moment présent. L’univers était à sa place.
 
Difficile d’imaginer que, quinze ans plus tard, j’irais chercher au poste de police cette même petite chose rose pour avoir jeté des bouteilles d’alcool vides depuis un pont surplombant l’autoroute. Mais même cela me fait sourire à présent. Je n’avais jamais réalisé à quel point les moments pénibles sont le ferment de nos bons souvenirs.
 
Au fond, à quoi servent nos vies si elles ne nous mènent pas à ces trop rares instants ?
 
À demain…